Persistance du canal artériel et occlusion endovasculaire avec un Amplatz - Le Point Vétérinaire n° 285 du 01/05/2008
Le Point Vétérinaire n° 285 du 01/05/2008

CHIRURGIE VASCULAIRE DU CHIEN

Infos

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Auteur(s) : N. Borenstein*, L. Behr**, J. Retortillo***, F. Serres****, V. Gouni*****, C. Carlos Sampedrano******, J.-L. Pouchelon*******, V. Chetboul********, D. Bembaron*********

Fonctions :
*IMM Recherche
Institut mutualiste Montsouris
42, boulevard Jourdan, 75014 Paris
**Unité de cardiologie d’Alfort
ENV d’Alfort
7, avenue du général-de-Gaulle
94700, Maisons-Alfort
***Unité de cardiologie d’Alfort
ENV d’Alfort
7, avenue du général-de-Gaulle
94700, Maisons-Alfort
****UMR Inserm-ENVA U841
*****Clinique vétérinaire
42, route de Chartres
78190 Trappes

La persistance du canal artériel se traite souvent de façon sanglante après thoracotomie. Une solution alternative par voie percutanée a été réalisée pour la première fois en France.

La persistance du canal artériel (PCA) est une des cardiopathies congénitales les plus courantes du chien.

Physiopathologie de la persistance du canal artériel

La PCA correspond à l’absence de fermeture du canal artériel dans les jours qui suivent la naissance. Pendant la période fœtale, cette courte communication vasculaire entre le tronc pulmonaire et l’aorte descendante assure l’essentiel de la perfusion de l’aorte et “shunte” les poumons, dont la pression intravasculaire est élevée. C’est donc le ventricule droit qui assure l’essentiel de la perfusion systémique pendant cette phase du développement. De quelques heures à quelques jours après la naissance, le rapport de force entre les éléments favorisant la perméabilité du canal et ceux stimulant sa constriction s’inverse : le canal se ferme progressivement sous l’effet d’une constriction des fibres musculaires de la média, puis par obstruction de la lumière. Il évolue jusqu’à devenir un ligament fibreux, encore visible chez l’adulte.

La PCA réalise une communication gauche-droite. Ce shunt est à l’origine d’une augmentation des débits pulmonaire puis atrial et ventriculaire gauche. La sévérité de ce shunt est déterminée par le calibre du canal artériel et le rapport des résistances vasculaires pulmonaires et systémiques.

La pression atriale gauche et la pression veineuse pulmonaire augmentent, ce qui entraîne parfois, dans les formes sévères, un œdème pulmonaire et une insuffisance cardiaque congestive gauche.

L’apparition de lésions irréversibles des artérioles pulmonaires peut aboutir à la constitution d’une hypertension artérielle pulmonaire dite “fixée”, c’est-à-dire irréversible. Si la pression dans l’arbre pulmonaire dépasse la pression systémique, le shunt s’inverse (droite-gauche) et l’anomalie devient ainsi cyanosante, c’est-à-dire que du sang non hématosé est déversé dans l’aorte descendante. Il s’agit du syndrome d’Eisenmenger qui est une contre-indication chirurgicale puisque le poumon ne peut déjà plus assumer le débit ventriculaire droit normal.

La survie à un an sans traitement est estimée à moins de 40 % [5].

Épidémiologie

La PCA est plus couramment rencontrée chez les femelles de races pures. Une prédisposition est décrite chez les caniches toy et nain, le colley, le yorkshire-terrier, le shetland, le springer spaniel, le setter irlandais, le spitz-loup, le cocker et, enfin, en France notamment, chez le berger des Pyrénées et le berger allemand [1, 16].

Signes cliniques

La PCA se caractérise dans un premier temps par des symptômes uniquement physiques, incluant l’auscultation d’un souffle continu systolo-diastolique basal gauche, isolé ou associé à un souffle systolique apexien gauche (lors d’insuffisance mitrale fonctionnelle ou de dysplasie mitrale). S’y ajoute parfois la présence d’un pouls bondissant lors de PCA de gros débit. Lors de l’évolution de la cardiopathie apparaissent des symptômes fonctionnels comme une dyspnée, une toux ou une intolérance à l’effort témoignant d’une insuffisance cardiaque gauche. Les signes cliniques accompagnant l’inversion de shunt sont une cyanose des muqueuses génitales (les muqueuses buccales restant normales ou subnormales), un dédoublement du deuxième bruit cardiaque et, enfin, la disparition de la composante diastolique du souffle, voire l’absence complète de ce dernier [16].

Diagnostic

Le diagnostic de PCA repose sur les signes cliniques précédemment décrits et l’examen écho-Doppler.

• La radiographie du thorax reste indispensable pour confirmer ou infirmer la présence d’un œdème pulmonaire. Les autres signes radiographiques associés à la présence d’une PCA, isolés ou associés à des degrés divers, incluent une dilatation de l’aorte, celle du tronc pulmonaire et de l’atrium gauche, une augmentation de taille du ventricule gauche et une hypervascularisation pulmonaire.

• L’examen échographique permet parfois, au mode bidimensionnel (2D), de directement visualiser le canal sur les coupes “petit axe” transaortiques. Cependant, l’étude précise de la morphologie de ce dernier et la détermination de ses dimensions passent le plus souvent par l’examen Doppler couleur. Enfin, l’examen échographique permet de confirmer les conséquences cavitaires gauches de la cardiopathie : dilatations atriale gauche, ventriculaire gauche en diastole puis en systole, puis cavitaire globale (avec généralement une hypertension pulmonaire associée).

Outre la confirmation (par la mise en évidence de turbulences systolo-diastoliques dans le tronc pulmonaire) et la visualisation précise du canal artériel, l’examen Doppler permet de vérifier si le gradient de pression aorte-tronc pulmonaire est encore conservé. Par ce même examen, une hypertension artérielle pulmonaire peut aussi être diagnostiquée grâce à l’analyse des reflux pulmonaire et tricuspidien et la quantification de la pression artérielle pulmonaire respectivement diastolique et systolique.

Traitement

La fermeture du canal est classiquement réalisée par thoracotomie intercostale gauche et double ligature du canal. Cette technique est largement détaillée et donne d’excellents résultats pour une équipe bien rodée [4, 5, 8]. Les complications sont rares, mais souvent très graves [2, 9]. Elles sont associées à la déchirure du plan médial du canal lors de sa dissection. Pour simplifier cette dissection et se passer de cette phase délicate, une technique alternative consiste en la fermeture du canal par un ou plusieurs gros clips vasculaires en titane [4]. Cette méthode présente notamment l’avantage de ne pas nécessiter une large thoracotomie. En outre, les pinces à clips sont disponibles dans des versions endochirurgicales et permettent donc la réalisation de la totalité de l’intervention en vidéo-chirurgie (chirurgie “mini-invasive” ou thoracoscopie) [3].

Une autre approche, bien connue en cardiologie humaine, est pratiquée dans de nombreux centres vétérinaires spécialisés européens, mais surtout nord-américains. Il s’agit de l’occlusion endovasculaire, dite “percutanée” : le praticien introduit, au travers d’un cathéter et sous amplificateur de brillance, un élément prothétique qui entraîne l’occlusion de la lumière du canal. C’est le domaine de la radiologie (cardiologie) interventionnelle. Il s’agit soit de coils, petits filaments enroulables de longueurs variables dont la surface peut être couverte de matériaux agrégants, soit de dispositifs de forme complexe, auto-expansifs, et dont l’aspect grillagé, une fois largués, favorise l’obstruction du canal. Les coils présentent l’avantage d’être peu coûteux, mais plusieurs sont souvent nécessaires pour obtenir une occlusion [6]. Celle-ci est souvent tardive et parfois incomplète [13, 15]. Le retentissement clinique d’une occlusion incomplète dépend de l’intensité de la fuite. Cependant, beaucoup de ces shunts restent “silencieux”. L’autre inconvénient de ces dispositifs est leur petite taille, donc le risque de les voir s’emboliser dans l’artère pulmonaire pendant ou après la procédure. Le risque est d’autant plus grand que le canal est large et tubulaire. Néanmoins, cette occurrence met rarement en jeu la vie de l’animal. L’approche chirurgicale stricte bénéficie de résultats excellents par rapport à la procédure percutanée, mais comporte un risque de complications beaucoup plus graves [8, 9, 16].

Les autres dispositifs endovasculaires disponibles sont les bouchons de type Amplatz. Ces derniers résultent du tissage de filaments très fins en nitinol (pour nickel-titanium alloy, alliage de nickel et de titane), et adoptent une forme cylindrique ou plus complexe (double champignon, par exemple) une fois libérés de leur gaine de largage. Le dispositif utilisé pour la première fois en France est l’Amplatz Canine Duct Occluder (ACDO)(1) (figure “Techniques de mise en place de l’ACDO en six étapes”, tableau “Avantages et limites” et vidéo complémentaires sur www.WK-Vet.fr).

L’ACDO s’adresse spécifiquement aux canaux artériels des chiens, qui sont assez gros et ont une forme différente de ceux présents chez l’homme. Ce dispositif a la particularité d’être largué par la voie aorto-pulmonaire et requiert donc un abord vasculaire artériel [11, 12]. Chez l’homme, il est plutôt acheminé sur site par un abord veineux et par voie pulmonaire. Des dispositifs de même type mais originellement destinés à l’homme ont également été utilisés chez des chiens par voie pulmonaire [7, 14].

Lors de la première angiographie, il convient de bien identifier la taille de l’ostium pulmonaire du canal, c’est-à-dire l’extrémité la plus petite, pour déterminer les meilleures dimensions du dispositif retenu. C’est sur ce site anatomique qu’est disposé l’ACDO. Il est schématiquement composé de deux disques et d’un collet, ou waist (figure complémentaire “Représentation schématique de l’ACDO” sur www.WK-Vet.fr et ). Les deux disques emprisonnent l’ostium pulmonaire du canal, de part et d’autre du collet. Il est primordial d’implanter un dispositif dont le collet est de 1,5 à 2 fois plus grand que le diamètre ductal au niveau de l’abouchement pulmonaire [11, 12]. La forme primitive de diabolo se transforme en deux disques concaves rentrés l’un dans l’autre.

Il convient donc de sélectionner les bonnes indications et de choisir l’ACDO correspondant à l’anatomie de l’animal. Les centres les plus expérimentés recommandent de pratiquer l’implantation seulement chez des animaux d’un poids supérieur à 5 kg (même s’il est techniquement faisable de traiter les petits chiens) et dont le canal est de type I, IIa ou IIb (figure complémentaire “Classification anatomique et angiographique des canaux artériels” sur www.WK-Vet.fr). Les types III, canaux tubulaires plutôt qu’ampoulaires, sont des contre-indications, car la stabilité du dispositif ne peut être garantie.

Le traitement percutané d’une persistance du canal artériel est un acte qui mérite de se développer en France. Il reste à déterminer quels sont les meilleurs candidats à cette procédure. Un point important est le coût du dispositif (350 €). Le surcoût, répercuté sur le prix de l’intervention, peut être accepté par le propriétaire de l’animal si les avantages de la technique lui sont explicités : très peu invasive, elle engendre peu de douleur et peu de complications, les risques encourus sont faibles et la cicatrice fémorale est minime. Ce mode de prise en charge requiert la mise à disposition d’un plateau technique de cardiologie interventionnelle, avec un amplificateur de brillance de bonne qualité, et est donc, pour l’instant, réservé à quelques centres spécialisés.

  • (1) L’ACDO a été développé par AGA® en collaboration avec l’école vétérinaire de l’université du Minnesota et est commercialisé par l’entreprise Infinity Medical.

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