Lutte contre la fièvre catarrhale ovine : vaccins et insecticides - Le Point Vétérinaire n° 284 du 01/04/2008
Le Point Vétérinaire n° 284 du 01/04/2008

MALADIES INFECTIEUSES DES RUMINANTS

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Auteur(s) : Éric Vandaele

Fonctions : 4, square de Tourville
44470 Carquefou

L’administration mensuelle des pyréthrinoïdes sous forme pour-on n’empêche pas la progression de l’infection mais protège les animaux, en attendant la vaccination.

À ce jour, le plan de vaccination 2008 contre la fièvre catarrhale ovine (FCO) sérotype 8, validé le 11 mars 2008 par le ministère de l’Agriculture, fait craindre une extension et une explosion de l’épizootie dans les zones périphériques actuellement indemnes ou peu touchées par l’infection.

Vaccination obligatoire et en anneau selon l’Afssa

Pour espérer limiter l’avancée du front de la maladie en 2008 et son incidence, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) propose deux recommandations (figure complémentaire “Carte de la fièvre catarrhale ovine au 17 mars 2008”, sur planete-vet.com). La vaccination est obligatoire et systématique chez tous les ruminants réceptifs (bovins, ovins, caprins). Elle doit débuter « immédiatement » le long de la ligne de front au sud et à l’ouest, dans la partie périphérique des zones, notamment au sud-ouest pour empêcher la rencontre entre les virus des deux sérotypes 1 et 8. Puis elle doit être poursuivie de manière centripète vers le cœur de la zone atteinte en 2007 par le sérotype 8.

Vaccination facultative et centrifuge selon le ministère

Une semaine après cet avis, le ministère, sous la pression des organisations agricoles, a arrêté un plan à l’opposé de ces recommandations. La vaccination contre le sérotype 8 est facultative. Celle contre le sérotype 1 est obligatoire. La vaccination s’adresse en priorité aux 16 départements « historiques » du nord-est de la France qui étaient déjà touchés par la FCO en 2006. Les premières livraisons de vaccins (en mars et avril pour les petits ruminants et en mai pour les bovins) « leur sont donc réservées jusqu’à ce que les besoins soient couverts ». Puis, chez les bovins, la vaccination sera centrifuge, du « cœur de l’infection » vers la Bourgogne et le Centre, très touchés aussi en 2007, puis vers les zones qui le sont moins, jusqu’aux zones indemnes en août.

Cette stratégie vaccinale, « validée » selon la Direction générale de l’alimentation (DGAL), est contraire au principe de la vaccination en anneau pour empêcher l’extension d’une maladie. Seule exception “heureuse”, les ruminants de cinq départements du Sud-Ouest (Gironde, Lot-et-Garonne, Tarn-et-Garonne, Aveyron et Lot), constituant une zone tampon entre les virus des sérotypes 1 et 8, ne devraient pas attendre le mois d’août pour être vaccinés, mais pourraient l’être immédiatement après le nord-est de la France : en avril pour les petits ruminants et en mai pour les bovins.

Deux vaccins contre le sérotype 8 et un contre le sérotype 1

En 2008, en dehors des vaccins destinés de longue date à la Corse, trois vaccins inactivés et adjuvés disposent d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU), dont deux contre le sérotype 8 : Bovilis® BTV8 (Intervet) et BTVPur® AlSap8 (Merial). Le troisième vaccin est inactivé, développé par Fort Dodge contre le sérotype 1 : Zulvac® ().

Les notices d’emploi des vaccins contre le sérotype 8 sont assez proches. Ces derniers sont destinés aux bovins avec une primovaccination en deux injections, espacées de trois ou quatre semaines, ainsi qu’aux ovins (primovaccination en une injection). Aucun n’est indiqué chez les caprins ; leur vaccination est néanmoins possible dans le cadre de la cascade avec, théoriquement, des délais d’attente forfaitaires minimaux de 28 jours pour la viande et de sept jours pour le lait qui ne seront probablement ni respectés ni même recommandés par le ministère de l’Agriculture.

Le coût du vaccin est supporté en intégralité par la Commission européenne et l’État français. Les centrales livreront donc gratuitement les vétérinaires à la demande des directions des services vétérinaires. Le coût de l’acte de vaccination est remboursé pour moitié sur la base de 2 € par bovin vacciné (deux injections) ou de 0,75 € par ovin ou caprin vacciné (une injection).

Les insecticides n’empêchent pas l’infection de s’étendre

En attendant de pouvoir les vacciner, les insecticides, les pyréthrinoïdes surtout, sont extrêmement utiles pour protéger les animaux des attaques vectorielles. En revanche, il est illusoire d’imaginer lutter contre la FCO et sa progression à partir des foyers avec des traitements insecticides. Les recommandations de désinsectisation des locaux d’élevage et des bétaillères (par des insecticides biocides) et de traitement des animaux n’ont d’ailleurs eu aucune efficacité contre la progression du virus en 2007 (5 à 10 km/j). Les insecticides ne peuvent être efficaces que pour protéger ponctuellement les animaux sensibles d’une exploitation menacée ou pour permettre leur transport en zone indemne (ou en statut inférieur). En pratique, les pyréthrinoïdes sont à préférer (délai d’attente nul pour le lait) (tableau complémentaire “Les médicaments à base de pyréthrinoïdes chez les ruminants en France”, sur planete-vet.com).

Des traitements à la dose maximale recommandée

La question de l’efficacité et de la rémanence vis-à-vis des culicoïdes n’a pas été explorée dans le cadre des dossiers d’autorisation de mise sur le marché de ces insecticides assez anciens. En l’absence de données précises, l’Autorité européenne de la sécurité alimentaire (EFSA) recommandait, en avril 2007, de traiter à la dose maximale recommandée avec les pour-on en répétant les traitements toutes les deux semaines. Sur le terrain, dans les zones les plus infectées, des applications mensuelles semblaient être suffisantes.

Une rémanence de quatre semaines pour la deltaméthrine

Deux publications allemandes viennent étayer l’efficacité et la rémanence de deux pour-on : Butox® à base de deltaméthrine et Bayofly® à base de cyfluthrine [1, 2]. Les culicoïdes viennent se nourrir sur les membres et le bas de la panse des ruminants. Pour évaluer l’effet insecticide à ces endroits, les poils des membres des animaux traités à la dose maximale préconisée sont coupés toutes les semaines pendant quatre à cinq semaines. Des culicoïdes “frais”, issus de piégeage de la dernière nuit, sont exposés à ces poils pendant une durée assez courte variant de 15 secondes à deux minutes. Puis la mort ou la survie de ces moucherons est observée jusque dans les 48 heures postexposition. Les résultats montrent d’abord que les culicoïdes sont sensibles aux deux pyréthrinoïdes, et même davantage que les mouches, les moustiques et les coléoptères (). Ils indiquent une rémanence de quatre semaines pour Butox® et de l’ordre de trois à quatre semaines pour Bayofly®. De plus, un effet knock-down paralysant est observé après un bref contact avec le poil. Selon les auteurs de cette étude, la rapidité de cet effet paralysant, qui persiste 28 jours post-traitement, ne laisserait pas suffisamment de temps aux culicoïdes pour piquer les animaux traités, même si les moucherons mettent ensuite plusieurs heures pour mourir.

Ces résultats confirment aussi que les poils des membres, sites de piqûres des culicoïdes, sont suffisamment imprégnés de pyréthrinoïdes après traitement. Toutefois, la mamelle des laitières, lavée deux fois par jour, reste sans doute plus exposée aux piqûres de moucherons même avec ces traitements.

Néanmoins, dans une situation où les vaccins manqueraient, les pyréthrinoïdes permettront de patienter.

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