Dermatite atopique canine - Le Point Vétérinaire n° 280 du 01/11/2007
Le Point Vétérinaire n° 280 du 01/11/2007

Dermatologie canine

Mise à jour

AVIS D'EXPERT

Auteur(s) : Pascal Prélaud

Fonctions : Ceri
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75003 Paris
Clinique vétérinaire
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75012 Paris

Plusieurs idées reçues et contradictoires existent en ce qui concerne la dermatite atopique canine. Un consensus a néanmoins été établi pour le diagnostic et le traitement de cette affection.

La dermatite atopique est une maladie aux contours parfois flous et qui fait l’objet de nombreuses controverses.

En 2001, un groupe de travail international, l’International Task Force on Canine Atopic Dermatitis (ITFCAD), a été créé pour proposer une définition et des démarches diagnostiques et thérapeutiques consensuelles.

Qu’est-ce que l’atopie ?

Il convient de distinguer deux entités : l’atopie et la dermatite atopique. L’atopie est une prédisposition héréditaire à développer des réactions d’allergie vis-à-vis d’antigènes environnementaux. Cet état atopique peut être asymptomatique ou à l’origine de divers signes cliniques, dont le principal chez le chien est la dermatite atopique.

La dermatite atopique canine (DAC) est une dermatite prurigineuse, et caractérisée par une prédisposition génétique, le développement fréquent d’une allergie à des allergènes environnementaux et une localisation spécifique des lésions : face interne des plis (ars, région inguinale, espaces interdigités) et des conques auriculaires, lèvres, paupières. Très proche de la dermatite atopique de l’homme (DAH), c’est une maladie d’étiologie complexe et multifactorielle.

Quelles en sont les causes primaires et secondaires ?

La dermatite atopique est typiquement une maladie dont le développement dépend d’interactions entre le patrimoine génétique et l’environnement. Les causes qui peuvent être qualifiées de primaires sont, les allergies (alimentaires ou vis-à-vis d’aéro-allergènes) et les défauts de barrière cutanée. Ces anomalies sont à l’origine de lésions localisées notamment dans les zones de friction, et d’une facilitation de l’infection de la surface de la peau par des bactéries ou des levures (Malassezia pachydermatis). Ces infections, qui peuvent être qualifiées de causes secondaires, pérennisent et aggravent l’inflammation, donc les lésions cutanées.

Récemment (éditorial de la revue Veterinary Dermatology, à paraître), l’ITFCAD a considéré les hypersensibilités alimentaires comme une origine possible de la dermatite atopique. Ainsi, comme cela est admis depuis longtemps chez l’homme, celles-ci représentent une entité étiologique et non clinique, et la dermatite atopique une entité clinique et non étiologique. Un chien peut présenter une dermatite atopique dont la cause principale est une hypersensibilité alimentaire. A contrario, l’expression clinique d’une hypersensibilité alimentaire peut être une dermatite atopique ou bien un prurit localisé, une urticaire ou une infection cutanée récidivante.

Les principales conséquences de la fin de la dichotomie entre dermatite atopique et allergie alimentaire sont la reconnaissance du diagnostic clinique de la DAC indépendamment des résultats de tests allergologiques ou des épreuves d’éviction, et la nécessité de mettre en place un régime d’éviction face à un chien qui présente des signes cliniques de dermatite atopique, qu’il s’agisse d’une simple otite récidivante, d’une pododermatite ou d’une forme étendue ou grave de DAC.

Comment établir un diagnostic de certitude ? Quels examens complémentaires peuvent être réalisés ?

Un diagnostic de certitude peut être établi grâce à des éléments anamestiques et cliniques très simples. Contrairement à une idée répandue et largement relayée par les publicités de laboratoires peu scrupuleux, le diagnostic de dermatite atopique ne fait pas appel seulement aux résultats des tests allergologiques (intradermoréactions, IgE spécifiques).

Il repose tout d’abord sur l’élimination de causes parasitaires de prurit (démodécie et gale sarcoptique essentiellement), puis sur l’observation de trois des cinq critères suivants :

- apparition des lésions ou du prurit entre six mois et trois ans ;

- prurit corticosensible ;

- otite externe ou érythème en face interne des pavillons auriculaires (photos 1, 2a et 2b) ;

- chéilite (photos 3 et 4);

- pododermatite interdigitée antérieure (photo 5).

Dans les formes graves, les complications infectieuses peuvent rendre ce diagnostic plus délicat.

Sur le plan pratique, les examens à réaliser sont des raclages cutanés pour éliminer une ectoparasitose. Les autres éléments du diagnostic différentiel sont plus rares (tableau 1).

Il suffit ensuite de poser quelques questions au propriétaire et d’examiner les zones de prédilection de la maladie.

D’autres examens sont requis lors de la consultation, notamment des recherches cytologiques (cutanées et auriculaires) pour identifier l’infection cutanée associée (bactéries ou levures) (photos 6, 7 et 8). Même si une telle démarche diagnostique peut paraître simple, voire simpliste, elle nécessite la maîtrise des examens complémentaires dermatologiques fondamentaux que sont les raclages et les analyses cytologiques.

Les tests allergologiques (intradermo-réactions, dosages d’IgE spécifiques) ne sont indiqués que lors du choix d’allergènes pour une immunothérapie spécifique (désensibilisation). Ils n’ont aucune valeur pour l’instauration d’un régime hypoallergénique ou la mise en évidence d’une allergie à des allergènes autres que des aéro-allergènes (acariens de la poussière, pollens, etc.). Ils peuvent aussi être utilisés pour conforter un diagnostic clinique de DAC (80 % des chiens atteints de DAC présentent des intradermo-réactions positives) ou informer le propriétaire sur le type d’allergie développé par son animal.

La pratique des intradermo-réactions est simple, efficace et très informative. Le praticien ne doit pas hésiter à investir dans de petits kits avec un panel de 10 à 15allergènes (Allerbio, Destaing, Stallergènes).

Le recours aux tests in vitro en lieu et place des intradermo-réactions est possible, mais il est nécessaire de connaître le mode d’interprétation des dosages d’IgE spécifiques propre à chaque laboratoire. Certains laboratoires proposent de grands panels, avec de nombreux allergènes, mais il n’existe aucun procédé d’étalonnage de telles analyses et leur interprétation relève plus de l’art divinatoire que de la biologie. D’autres laboratoires proposent des tests dits de screening vis-à-vis de mélanges d’allergènes. Ce type d’examen n’est d’aucun intérêt parce que son indication est le choix des allergènes en vue d’une désensibilisation. Il est donc impératif d’obtenir des résultats vis-à-vis d’allergènes individuels. Enfin, l’absence de législation, qui permet à un même laboratoire de proposer le diagnostic et le traitement (désensibilisation), pratique interdite en médecine humaine, soulève quelques difficultés.

Comment traiter une dermatite atopique ? Quels moyens sont disponibles ?

• Il n’existe pas un seul traitement de la dermatite atopique. Un arsenal thérapeutique extrêmement varié permet une adaptation au cas par cas. Les options varient en fonction de la gravité de l’atteinte (tableau 2).

Des grandes lignes se dégagent toujours en consultation : les traitements antiparasitaires externes (APE), les traitements anti-infectieux, les traitements symptomatiques et les traitements de fond.

• Une thérapeutique antipuces rigoureuse est indispensable, en traitant tous les animaux qui vivent sous le même toit et en s’assurant d’une bonne application des produits. Le traitement des complications infectieuses doit toujours passer avant celui du prurit. Il convient de prescrire des antibiotiques et des antifongiques sans associer de corticoïdes, même topiques.

• Les corticoïdes peuvent être utilisés lorsque les infections sont contrôlées, comme antiprurigineux sur une courte période par voie générale (prednisolone à la dose de 0,5 mg/kg/j) ou à plus long terme sous la forme de topiques.

• Divers traitements symptomatiques alternatifs sont proposés seuls ou comme agents d’épargne corticoïde : anti-histaminiques, acides gras essentiels, copolymères d’acides gras, herbes chinoises, etc. S’ils n’apportent aucune amélioration, leur administration est arrêtée, car ils ne font alors qu’alourdir la prescription, avec le risque de freiner l’observance de traitements plus efficaces.

• L’immunothérapie spécifique, ou désensibilisation, même si elle n’a jamais fait la preuve de son efficacité dans des études randomisées, est reconnue comme un traitement de fond très intéressant, qui apporte une amélioration clinique notable dans plus de 50 % des cas. Il convient de la proposer systématiquement aux propriétaires de chiens atopiques dès lors qu’une allergie à des acariens ou des pollens est identifiée. C’est une thérapeutique simple (une injection sous-cutanée par mois) et peu onéreuse. Elle permet avant tout de diminuer la gravité des poussées ou de les espacer, une guérison complète à un an n’étant observée que dans 20 % des cas. C’est un traitement à vie, les injections étant espacées tous les deux à trois mois après un à deux ans de prise en charge.

La ciclosporine A est le médicament qui a suscité le plus d’essais cliniques randomisés de grande envergure dans la prise en charge de la DAC. À la dose de 5 mg/kg/j, son efficacité après un mois est, pour toutes les formes de la maladie confondues, de 70 %. C’est un traitement de fond très efficace pour lequel il convient de diminuer progressivement la posologie afin d’obtenir des prises tous les deux à trois jours en entretien, en raison du coût et de l’absence de données toxicologiques sur une administration quotidienne à très long terme (plusieurs années).

Face à un tel arsenal thérapeutique, il est important, lors de la consultation, de définir une priorité, et de ne pas essayer de tout traiter et de tout expliquer en une fois au propriétaire. À chaque visite, une étape est franchie, par exemple :

- lors de la visite 1, la maladie est identifiée et les infections sont traitées ;

- à la visite 2, les allergies possibles sont expliquées au propriétaire et le traitement antiparasitaire externe est affiné ou un régime d’éviction est mis en place ;

- à la visite 3, les tests d’hypersensibilité sont réalisés et le traitement de fond (ciclosporine ou désensibilisation) est mis en place.

Comment prévenir la dermatite atopique ?

La prévention de la DAC est peu étudiée, mais de nombreuses méthodes peuvent être utilisées très précocement. Il suffit de respecter une hygiène rigoureuse chez les chiens de race à risque ou présentant précocement des lésions de DAC : alimentation hyperdigestible, traitements rigoureux APE et antiparasitaires internes, nettoyages auriculaires et shampooings émollients hebdomadaires et administration d’acides gras essentiels lors de xérose (sècheresse) cutanée.

Ainsi, la majorité des chiens atopiques ne nécessite aucune prise en charge lourde.

Aucune étude n’a encore démontré que l’administration à la chienne gestante ou au chiot de probiotiques (lactobacilles) ou d’acides gras essentiels limite le risque de développement de DAC chez les animaux à risque.

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