Les affections respiratoires des bovins d’origine virale - Le Point Vétérinaire n° 272 du 01/01/2007
Le Point Vétérinaire n° 272 du 01/01/2007

MALADIES INFECTIEUSES DES BOVINS

Se former

COURS

Auteur(s) : Renaud Maillard

Fonctions : Unité de pathologie du bétail
et des animaux de basse-cour
ENV d’Alfort
7, av. du Général-de-Gaulle
94704 Maisons-Alfort Cedex

Les affections respiratoires des bovins sont le plus souvent initiées par un virus. Face à un tableau clinique très peu différencié, la cause des troubles doit être déterminée afin d’optimiser et de justifier les moyens de lutte.

Les grippes ont, dans l’imaginaire collectif, une cause virale. Si les virus grippaux au sens strict ne sont pas une cause de grippe chez les bovins, les affections virales sont probablement en primo-infection les composantes principales de la pathologie respiratoire des jeunes bovins, conduits en lots ou non, et plus rarement des bovins adultes [2, 20, 38]. De nombreux virus trouvent dans le poumon des bovins une niche écologique à leur convenance, mais seul le virus respiratoire syncytial bovin (VRSB) et l’herpès virus bovin de type1 (BHV-1), agent de la rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR), sont associés à des signes cliniques médicalement importants [10, 37]. À un moindre degré, les virus para-influenza 3(PI-3), les adénovirus (BoADV) et les coronavirus (BoCOV) bovins sont parfois associés à des manifestations cliniques [32, 38].

Le virus de la diarrhée virale bovine (BVD) est communément admis comme un cofacteur de divers agents pneumopathogènes viraux ou bactériens, mais certaines souches auraient un tropisme respiratoire [2, 9]. D’autres virus (BHV-4, réovirus, bredavirus, influenzavirus, etc.) ont été occasionnellement associés au complexe respiratoire bovin, mais leur pouvoir pathogène reste indéfini, notamment par défaut de reproduction de la maladie lors de protocoles expérimentaux [35, 38].

Enfin, des virus responsables de signes généraux chez les bovins peuvent aussi provoquer des signes respiratoires de gravité variable, tels certains types de virus de la fièvre catarrhale ovine ou l’herpèsvirus ovin de type 2, responsable en Europe du coryza gangreneux des bovins [17, 29].

Ces virus n’agissent pas seuls, ils sont souvent accompagnés ou suivis d’infections bactériennes, en particulier Pasteurella multocida, Mannheimia haemolitica (plus rarement Mycoplasma), d’infestation parasitaire (Dictyocaulus viviparus, agent de la bronchite vermineuse) ou de la pneumotoxicose au 3-méthyl-indole (emphysème des regains). Ces autres agents rendent souvent plus confuse la symptomatologie et compliquent le diagnostic étiologique [7]. L’imputation des troubles observés à un agent précis est pourtant essentielle pour proposer des mesures (plan de prophylaxie, etc.) et les justifier auprès de l’éleveur [7, 8, 23].

Des signes cliniques peu évocateurs

• Les affections respiratoires sont traditionnellement divisées en maladies du tractus respiratoire supérieur : naseaux, cavités nasales, sinus, larynx, trachée, bronches, et en atteintes du tractus respiratoire profond : alvéoles, parenchyme pulmonaire et plèvres. L’examen de l’appareil respiratoire, après inspection à distance, puis rapprochée, est réalisé de l’avant vers l’arrière de l’animal, des zones superficielles aux zones profondes. L’auscultation et à un moindre degré la percussion de certains segments anatomiques en constituent les temps forts.

Les résultats obtenus ont une faible valeur prédictive de l’agent responsable, notamment pour les affections virales, mais ils peuvent orienter vers une affection de l’appareil respiratoire profond ou supérieur (présence ou non de dyspnée). La plupart des signes observés sont communs à de nombreuses causes de troubles respiratoires, et l’infection virale n’a souvent pas d’autres conséquences cliniques que l’hyperthermie et la polypnée [4, 7].

• Le plus souvent, l’infection se développe à la suite d’une contamination oro-nasale (directe ou après contact avec des gouttelettes d’expectoration infectieuses). Les premiers sites de réplication concernent les muqueuses nasales, buccales et oculaires. Dans la plupart des cas, les signes cliniques d’une virose respiratoire incluent donc l’appareil respiratoire haut, avec un jetage, une salivation et une conjonctivite. Anorexie, dysorexie et hyperthermie sont les signes généraux qui complètent ce tableau initial. C’est seulement après cette phase (éventuellement suivie de guérison) que des signes plus caractéristiques peuvent apparaître chez un ou plusieurs animaux du lot (voir l’encadré “Signes cliniques des différentes infections virales”).

• En dehors de l’examen spécifique de l’appareil respiratoire, l’examen clinique complet peut fournir des pistes diagnostiques si le praticien s’intéresse aux signes extrarespiratoires chez les mêmes animaux ou d’autres du même élevage (voir le TABLEAU “Virus retrouvés lors d’affections respiratoires bovines et signes cliniques associés”). Par exemple, les coronavirus, les adénovirus et le BVD peuvent entraîner une entérite, le BHV-1 et le BVD provoquer des avortements, une hypertrophie des nœuds lymphatiques et des signes oculaires (iridocyclite sévère), et parfois nerveux peuvent être mis en évidence lors de coryza gangreneux [29]. Des stomatites accompagnent la maladie des muqueuses ou le coryza gangreneux. Des signes buccaux et cutanés peuvent être observés lors de fièvre catarrhale ovine [17]. Les jeunes bovins sont la principale cible des viroses respiratoires. Les signes cliniques, respiratoires ou extrarespiratoires sont peu différenciés.

Une autopsie nécessaire et souvent évocatrice

L’intérêt de l’autopsie en cas d’affection respiratoire est double [28]. Elle permet :

- la recherche de lésions caractéristiques d’un agent étiologique ;

- la réalisation de prélèvements pertinents destinés au laboratoire de microbiologie ou, plus rarement, d’histologie.

Lors de viroses respiratoires, il convient de travailler sur des cadavres d’animaux morts en phase aiguë de la maladie ou atteints depuis moins de huit jours. Dans les autres cas, la flore virale initiatrice du trouble respiratoire peut faire place à une flore pasteurellique ou mycoplasmique ou à des germes pyogènes (Arcanobacterium pyogenes).

Seules les lésions provoquées par le VRSB sont fortement évocatrices, voire caractéristiques :

- aspect général propre des poumons (pas de lésions vasculaires, de dépôt de fibrine ni de pleurésie), le plus souvent chez un animal jeune (moins de deux ans) ;

- induration modérée des lobes atteints ;

- mucopus à la section et à la pression des lobes atteints ;

- souvent emphysème interlobulaire ou sous-pleural, donnant un aspect rebondi aux lobes diaphragmatiques qui ne s’affaissent pas. Cet emphysème visible macroscopiquement (bulles) n’est pas pathognomonique, mais son absence ne permet pas d’exclure la présence du VRSB ;

- coloration rouge à bordeaux des lobes apicaux et cardiaques, voire des parties déclives des lobes diaphragmatiques (PHOTO 1) [22, 41].

Les lésions caractéristiques d’IBR concernent les cavités nasales et la trachée (PHOTO 2). La muqueuse, ulcérée ou hémorragique, est recouverte d’un enduit de fibrine, de pus et de produits de nécrose (fausses membranes) [35, 37].

Aucune autre lésion de l’appareil respiratoire n’est observée. En revanche, ce tableau lésionnel peut être confondu avec celui du coryza gangreneux [29].

Étiopathogénie : similitudes et différences

Les virus à tropisme respiratoire colonisent en premier lieu l’épithélium des muqueuses de l’appareil respiratoire supérieur, puis parfois profond (VRSVB). Après une phase d’adhésion, puis d’entrée dans les cellules, les virus ont une action cytolytique et induisent une réaction inflammatoire.

À ce canevas général, diverses particularités sont à ajouter.

1. Infection par le BHV-1

• Lors de primo-infection par le BHV-1, le virus se multiplie pour atteindre rapidement des titres très élevés ; le jetage contient 1010virions/g de mucus [34, 35, 37]. Cette période d’excrétion primaire peut durer plus de deux semaines. À partir de sa porte d’entrée, respiratoire et/ou génitale, le virus se dissémine dans l’organisme :

- par passage direct entre les cellules, qui lui permet d’échapper au système immunitaire ;

- par le sang, lié préférentiellement aux cellules mononucléées ;

- par les cellules nerveuses.

La virémie transitoire est d’environ dix jours et provoque la dissémination du virus dans tous les organes, y compris le fœtus, les organes génitaux, le tube digestif et la mamelle, d’où la présence de virus dans le colostrum et le lait.

• Après multiplication dans les muqueuses, le virus gagne les ganglions nerveux par voie axonale rétrograde. Les ganglions atteints sont ainsi le trijumeau (ou trigéminal) en cas d’infection respiratoire et le sacral en cas d’infection génitale. Dans les noyaux des ganglions, le virus n’intègre pas le génome de son hôte, mais reste à l’état non infectieux. C’est le phénomène de latence, caractéristique des virus du groupe herpès. Tout animal infecté par le BHV-1 doit être considéré comme porteur latent à vie [34, 35].

• Cet état de latence peut être rompu à la suite de divers stimuli et aboutit à une réactivation virale. La réactivation peut être suivie d’une réexcrétion virale. L’alternative réactivation, avec ou sans réexcrétion, est modulée par le statut immunitaire du bovin. Lors de réexcrétion, les titres obtenus dans le mucus (et les sécrétions vaginales ou prépuciales) sont aussi élevés que lors de primo-infection. Cela contribue largement à disséminer le virus puisque trois particules virales suffisent à infecter un bovin. Cette phase de réexcrétion est d’autant plus dangereuse qu’elle est asymptomatique [34, 35, 37].

2. Infection par le VRSB

• Le VRSB semble infecter et détruire les seules cellules ciliées de l’arbre respiratoire [35, 40, 41]. Aucune virémie ne peut être détectée en routine, mais l’antigène viral a été mis en évidence sur les lymphocytes [39]. Les destructions cellulaires entraînent la libération de médiateurs de l’inflammation, un déficit fonctionnel, et facilitent la colonisation de l’arbre respiratoire par des bactéries. Dans les bronches et les bronchioles et dans l’espace alvéolaire, de l’exsudat, des débris nécrotiques, des cellules géantes syncytiales, ainsi que des neutrophiles, des leucocytes et des éosinophiles s’accumulent. Ils provoquent un encombrement, une obstruction, une atélectasie des alvéoles, puis la distension lobulaire (emphysème) et lymphatique. La collection de ces lésions d’emphysème lobulaire et interlobulaire aboutit à des lésions emphysémateuses sous-pleurales d’intensité variable (bulles). L’obstruction est renforcée par le bronchospasme induit par les médiateurs libérés. L’animal présente une dyspnée inspiratoire et surtout expiratoire très importante qui épuise ses réserves en oxygène et en énergie (fatigue musculaire). La pneumonie est dite obstructive et restrictive.

• Ces phénomènes ne suffisent pas à expliquer l’œdème et l’emphysème des parties supérieures et postérieures des poumons où le virus est peu présent [33].

Des phénomènes immunopathologiques s’y ajoutent. L’activation d’une sous-population spécifique de lymphocytes, les T auxiliaires de type 2 (Th2), semble entraîner une réponse prédominante à anticorps, une différenciation des éosinophiles et des conséquences cliniques sévères, plutôt qu’un effet protecteur comme lors de crise d’asthme. La protection serait conférée par la stimulation des Th de type1, puis par une réaction immunitaire à dominante cytotoxique mais de nombreuses inconnues demeurent. Il convient aussi de différencier les phénomènes immunopathologiques induits par la vaccination de ceux liés à l’infection naturelle [3, 15].

Pour le virus PI-3 comme pour le VRSB, l’effet cytolytique sur l’épithélium s’accompagne d’un effet immunosuppresseur des macrophages alvéolaires et de la prolifération lymphocytaire, qui renforce ainsi le rôle prédisposant de ces virus à d’autres agents infectieux [1, 6, 38]. Enfin, le VRSB est capable de provoquer la perte de fonction des cellules, ainsi que leur fusion, pour aboutir à des syncytia [33, 40].

3. Autres viroses

Peu de données spécifiques sont disponibles pour les autres virus. Le coronavirus bovin associe la colonisation de l’appareil respiratoire à celle de l’intestin grêle distal et du côlon [24, 38]. Le virus du coryza gangreneux est responsable de lésions de tous les organes lymphoïdes, d’infiltration vasculaire mononucléée aboutissant à une vascularite puis à une nécrose épithéliale dans de nombreux organes (rein, encéphale, etc.), ainsi que sur différentes muqueuses [29].

Conduite à tenir

1. Diagnostic épidémio-clinique

La plupart des viroses respiratoires surviennent chez de jeunes bovins éventuellement achetés, transportés et mis en lots en automne-hiver et le tableau clinique est de faible valeur prédictive [2, 4, 5, 10, 28]. Des signes cliniques associés peuvent orienter le diagnostic. Le coryza gangreneux est une affection sporadique des animaux plus âgés (plus de deux ans le plus souvent) dans une exploitation comportant (jusque dans les mois qui précèdent les troubles) des ovins [29].

Le tableau épidémio-clinique de la fièvre catarrhale ovine (virus de type 8) chez les bovins est proche de celui du coryza gangreneux ou d’accidents de photosensibilisation [17].

Enfin, la plupart des viroses respiratoires ne sont pas des affections du pâturage (au contraire de la bronchite vermineuse et de l’ehrlichiose). Dans des cheptels naïfs, pour les classes d’âge, des signes cliniques peuvent être observés lors de primo-infection par le VRSB [20, 43].

2. Diagnostic de laboratoire : prélèvements

Le diagnostic étiologique des viroses respiratoires repose sur l’identification des virus en cause au laboratoire ou à l’aide de kits de paillasse utilisables par le praticien.

La valeur de ces examens repose sur des prélèvements pertinents. Il peut s’agir de prélèvements sur des animaux vivants ou morts, pour une recherche directe de l’agent infectieux, de certains de ses antigènes (kit Speed® ReSpiVB, BioVéto test pour le VRSB) ou d’une séquence de son génome. La recherche peut être indirecte par examens sérologiques [23, 25, 41]. La demande formulée au laboratoire doit être réaliste : si les virus BHV-1, et à un moindre degré BVD, se cultivent bien, ce n’est pas le cas du VRSB [35].

Prélèvements pour recherche directe du virus

• Les prélèvements pour une recherche directe chez des animaux vivants ont pour objectif de recueillir des sécrétions respiratoires. Ces dernières contiennent du mucus, des sécrétions bronchiques ou nasales, des cellules et d’éventuels agents infectieux, ainsi que des molécules (protéines inflammatoires, immunoglobulines, etc.). Les prélèvements sont réalisés selon trois méthodes : l’écouvillonnage nasal profond (ENP), l’aspiration transtrachéale (ATT) et le lavage broncho-alvéolaire (LBA) [12].

• Le choix de la technique est primordial en virologie, puisque la recherche porte sur des virus qui sont des parasites cellulaires stricts. Le prélèvement a pour objectif de récolter un maximum de cellules. Il est acheminé dans des conditions optimales qui permettent de réaliser l’analyse demandée ultérieurement. Ainsi, la recherche d’antigènes viraux par immunochromatographie ou immunofluorescence, ainsi que celle d’une portion de génome par PCR sont moins exigeantes que la culture virale traditionnelle.

L’ENP permet de recueillir des cellules et des sécrétions du nasopharynx. L’ATT concerne les sécrétions et secondairement les cellules du segment trachéobronchique et le LBA les sécrétions et les cellules des parties aériennes les plus profondes (voir les encadrés “Réalisation d’un écouvillonnage nasal profond”, “Réalisation d’un lavage broncho-alvéolaire” et “Réalisation d’une aspiration transtrachéale”).

• Pour toutes ces techniques, le choix des animaux est capital : dans tous les cas, au sein d’un lot ou d’une case d’animaux élevés ensemble, les individus en phase d’hyperthermie seule sont à préférer (>40 °C). Les animaux malades avec un tableau clinique complet (hyperthermie, baisse de l’état général, toux, fréquence respiratoire élevée, nombreux bruits audibles à l’auscultation) qui évolue depuis quelques jours ne doivent pas être choisis. Ils sont le siège de probables complications bactériennes qui peuvent masquer le virus en cause. Si le praticien désire recueillir aussi les bactéries, il doit sélectionner des animaux qui n’ont pas reçu de thérapeutique antibactérienne. Il est alors possible de demander un antibiogramme.

Le nombre d’animaux à retenir est de trois (ou, mieux, cinq), d’autant que les prélèvements biologiques obtenus peuvent être groupés sans perte de sensibilité, limitant ainsi les coûts d’analyse.

• Le délai d’acheminement doit être le plus réduit possible, toujours inférieur à 24 heures, sous couvert d’un froid positif (cela est valable pour les trois techniques).

Diagnostic de laboratoire : sérologie

L’examen sérologique présente peu d’intérêt et beaucoup d’inconvénients pour le diagnostic des viroses respiratoires.

Si le praticien tient à pratiquer cette technique, quelques points clés sont à respecter :

- les prises de sang uniques sont d’une pertinence nulle, excepté dans le cadre (qui n’est pas celui d’un épisode de maladie respiratoire) d’un protocole de recherche des animaux infectés persistants immunotolérants (IPI) au virus BVD, ou d’une recherche (enquête épidémiologique ou à l’achat) de BVD ou d’IBR ;

- les prises de sang doivent être réalisées sur un même groupe d’animaux (en pratique cinq à dix animaux ou 10 % du cheptel) à trois semaines d’intervalle (prises de sang couplées) ;

- le laboratoire doit traiter l’ensemble des prises de sang le même jour.

En définitive, les examens sérologiques ne peuvent donc aboutir qu’à un diagnostic tardif et rétrospectif. Leur faible coût n’est qu’apparent car le diagnostic de certitude nécessite d’autres examens [22, 23].

3. Traitement

• Il n’existe pas de traitement spécifique des viroses respiratoires bovines. Une antibiothérapie de précaution (en traitement ou en métaphylaxie) est utilisée pour l’espèce bovine lors d’affections respiratoires, en raison de l’importance du risque de surinfection bactérienne [13].

• Pour le VRSB, le traitement symptomatique proposé chez l’enfant (désobstruction bronchique par kinésithérapie respiratoire, oxygénation sous enceinte de Hood, voire ventilation artificielle) ne peut pas être appliquée au veau, a fortiori, aux bovins plus âgés. La thérapeutique antivirale (ribavirine) ou les immunoglobulines spécifiques ne sont pas disponibles [14].

• Les anti-inflammatoires non stéroïdiens doivent être utilisés systématiquement. Les anti-inflammatoires stéroïdiens sont à réserver au soulagement des animaux les plus atteints (syndrome de détresse respiratoire aigu : SDRA). Dans ce cas, il s’agit le plus souvent de corticoïdes en solution, de courte durée d’action, administrés par voie intraveineuse ou en aérosol (au masque) [30]. Cette dernière voie d’administration est aussi utilisée pour l’administration de molécules contre les désordres mécaniques (broncho-dilatateurs comme le bromure d’ipratropium).

• L’aérosolthérapie en médecine vétérinaire se heurte à des contraintes réglementaires (interdiction du clenbutérol pour cette indication et cette voie), économiques (coût du masque et du nébuliseur), pratiques (nombre de masques disponibles par troupeau et par clientèle lors d’épizooties hivernales), enfin sanitaires (désinfection entre chaque animal).

4. Prophylaxie sanitaire

La prophylaxie sanitaire vise à réduire les risques d’infection, la circulation virale et ses conséquences cliniques.

Elle se compose de mesures hygiéniques classiques : séparer les veaux des animaux plus âgés, respecter les normes d’ambiance des bâtiments (aération sans courants d’air) et de densité animale. Les transitions alimentaires doivent être progressives, les transports de courte durée et la conduite de l’élevage doit s’effectuer en lots. Enfin, les introductions sont à surveiller [2, 4, 8, 9, 10].

5. Prophylaxie médicale

• Le cas de l’IBR doit être considéré séparément. Dans le cadre d’une certification évoluant sur le plan national, avec définition des statuts A et B et d’un contrôle de la séropositivité systématique à l’achat, la prophylaxie doit s’orienter vers un angle sanitaire [18, 19]. Afin de limiter la réactivation et la réexcrétion virale (protection épidémiologique), l’usage de la vaccination doit se limiter aux foyers cliniques ou au contrôle dans les troupeaux infectés des animaux déjà séropositifs. Dans le premier cas, un protocole classique suffit (avec rappels annuels), dans le second, des rappels tous les six mois doivent être privilégiés. Dans de nombreuses régions à forte prévalence, la vaccination est “officiellement” obligatoire pour les animaux séropositifs.

Le praticien doit se référer à l’arrêté du 27 novembre 2006 fixant des mesures de prophylaxie collective de l’IBR.

Il existe des vaccins IBR inactivés conventionnels (par exemple Iffavax® IBR) ou marqués (délétés, comme Rispoval® IBR Marker inactivatum), ou, depuis 2004 en France, vivants, marqués et destinés à une administration locale (intranasale) ou par voie intramusculaire (Bovilis® IBR Marker). Il convient de rechercher les objectifs de l’éleveur avant de proposer un plan de vaccination. Il est préférable d’établir un plan de lutte n’utilisant pas l’outil vaccinal chez les animaux séronégatifs afin de ne pas compromettre leur statut sérologique [19, 37].

• La prophylaxie du VRSB utilise surtout l’outil vaccinal [5, 31, 36, 41]. En France, les laboratoires proposent cinq vaccins : Rispoval® RS, Rispoval® RSBVD, Rispoval® 3, Rispoval® RS-PI 3 Intranasal et Bovilis® Bovigrip.

Le vaccin est administré principalement avant la période à risque (automne, hiver), lors de l’allotement, ou au fur et à mesure des naissances. Dans ce dernier cas, les perturbations de l’efficacité vaccinale dues aux anticorps colostraux impliquent une répétition des doses vaccinales. Dans le cas de jeunes bovins allotis, la primo-vaccination, si elle débute le jour de l’arrivée des animaux, ne peut être efficace immédiatement, c’est une sorte de course de vitesse. La vaccination des mères (afin d’enrichir le colostrum en anticorps spécifiques) n’a pas été suffisamment documentée pour être recommandée. Elle est considérée comme inefficace [11]. La vaccination à l’aide d’un vaccin vivant atténué par voie intranasale en une seule dose chez le jeune veau (plus de trois semaines) semble prometteuse [21, 27]. Elle permet de s’affranchir de l’effet négatif des anticorps d’origine maternelle et de lutter contre l’infection naturelle par des virus transmis par les congénères plus âgés ou les mères qui infectent le veau immédiatement après sa naissance. Elle peut diminuer les éventuels phénomènes immunopathologiques liés à une vaccination parentérale [3, 15, 33]. Sa durée de protection étant limitée dans le temps (neuf semaines), elle nécessite toutefois un rappel. La vaccination chez les animaux encore plus jeunes (suspects d’immaturité immunitaire) mérite d’être documentée.

La dérive antigénique du VRSB a été récemment mise en évidence, et perturbe la vaccination [41]. L’importance des six sous-groupes définis est à l’étude chez les bovins (répartition géographique, virulence, protection croisée). En Belgique, aux Pays-Bas et en France, les souches de VRSB ont évolué, à la différence des souches existant dans les pays nordiques. Ce phénomène pourrait s’expliquer par des méthodes d’élevage différentes et des pratiques vaccinales plus massives dans les pays du sud de l’Europe (pression de sélection accrue). Cette dérive génétique dans le temps est importante dans l’évaluation de la protection vaccinale (réalisée uniquement avec des souches anciennes). La protection hétérologue est probablement de plus courte durée que la protection homologue.

L’effet attendu de la vaccination contre le VRSB est la réduction de la morbidité et de la mortalité, avec un rapport coût/bénéfices favorable (réduction des pertes, diminution des thérapeutiques antibiotiques), comme cela a été démontré pour les structures d’élevage rationnel.

La vaccination contre le coronavirus respiratoire à l’aide de vaccins employés contre l’entérite du veau n’a pas été évaluée avec des vaccins disponibles en France. Des essais montrent un effet positif d’une telle immunisation [24].

L’usage de la vaccination BVD est fréquent en prévention des affections respiratoires des jeunes bovins. Dans certains cas, la vaccination est davantage utilisée dans le cadre de la prévention des troubles de la reproduction et peut s’inscrire dans un protocole plus global de contrôle de l’infection [42].

Aucun vaccin n’est disponible pour les autres viroses respiratoires.

Les viroses respiratoires des bovins sont des maladies dont la palette symptomatologique est réduite, d’où la faible valeur prédictive de l’examen clinique. Le recours au laboratoire est indispensable pour établir une thérapeutique prophylactique ou curative précise. Le laboratoire est d’autant plus efficace que le praticien lui fournit des prélèvements de qualité, réalisés chez les animaux au pic d’excrétion virale.

Les affections respiratoires des bovins, toutes origines confondues, sont dominées par le VRSB. Ainsi, dans certains types d’élevage, la vaccination contre ce virus est une obligation médicale, dont l’efficacité dépend du moment de réalisation par rapport à la période de risque et de circulation virale.

  • (1) Pour le principe de la technique, voir l’article « Aspiration transtrachéale chez les bovins » de R. Guatteo et coll. dans le Point Vétérinaire n° 257 de juillet 2005, pages 50-51.

Signes cliniques des différentes infections virales

Pour le virus BHV-1, contrairement à ce qui était observé au cours des années 1970, l’infection est rarement suivie de signes cliniques caractéristiques [26, 35, 38]. Un jetage séreux abondant et filant, un ptyalisme, une conjonctivite avec un épiphora intense, accompagné parfois d’une très forte hyperthermie et d’une atteinte de l’état général marquée avec une nette chute de production laitière peuvent être notés. Puis l’animal présente de très nombreuses quintes de toux et sa respiration devient bruyante : obstruction partielle de la trachée, placards de fibrine et de produits de nécrose à la surface des ulcères buccaux, laryngés et trachéaux. Il s’agit d’une rhinotrachéite. Les signes de pneumonie (dyspnée) sont fréquents lors de surinfection bactérienne.

Lors d’infection par le VRSB, la maladie peut évoluer vers deux types cliniques :

- une forme létale spectaculaire (pneumonie emphysémateuse) qui a beaucoup contribué à la “notoriété” du VRSB, soit d’emblée, soit après une période de guérison apparente des premiers signes (évolution diphasique) ;

- une forme “grippale” plus indifférenciée (jetage, toux, dyspnée) difficile à attribuer au VRSB à l’issue du seul examen clinique.

La forme létale des affections dues à VRSB et à BHV-1 correspond à l’installation d’une pneumonie broncho-interstitielle, accompagnée d’un emphysème et d’un œdème pulmonaire aigus [22, 33]. Le nombre d’animaux qui développent cette forme est variable : en général, elle ne concerne qu’un à trois animaux dans le troupeau, mais elle peut atteindre 20 % de l’effectif. L’hyperthermie se prolonge, une toux quinteuse et douloureuse est audible même au repos, la fréquence respiratoire dépasse fréquemment les 100 mouvements par minute. L’animal respire en “soufflet de forge” ; la dyspnée est intense, il ne se couche plus, reste en position d’orthopnée (tête allongée, bras et avant-bras écartés) et se plaint. Une anorexie et une constipation complètent le tableau clinique. Parfois, un emphysème sous-cutané (non pathognomonique) s’installe sur l’encolure et le thorax. L’auscultation révèle une respiration bronchique forte (râles sifflants inspiratoires et expiratoires), avec des crépitements, des craquements, disséminés surtout dans les lobes diaphragmatiques et des râles sibilants (sifflements) surajoutés. Cette symptomatologie aiguë est celle d’une crise d’asthme avec hyperthermie. Cette forme létale dure de quelques heures (pseudo-mort subite) à trois jours.

Pour les autres virus (PI-3, BoADV et BoCOV), il est difficile d’observer d’autres signes respiratoires qu’un jetage ou qu’une toux (rarement une dyspnée) [1, 6, 24, 38]. Ils n’affectent que l’appareil respiratoire supérieur. Le virus BVD accompagne et aggrave en général un co-infectant, sans être lui-même responsable de signes respiratoires spécifiques (à l’exception des lésions du mufle lors de maladie des muqueuses stricto sensu) [9, 35].

Points forts

Le virus respiratoire syncytial représente un risque majeur dans tous les types d’élevage. Son contrôle reste une priorité.

Toute action destinée au contrôle de la rhinotrachéite infectieuse bovine ne doit pas pénaliser l’évolution de l’élevage vers la certification.

L’autopsie sur les animaux morts en phase aiguë de la maladie peut être un précieux indicateur d’une affection virale.

Les techniques de prélèvement en vue d’une recherche directe de l’agent pathogène sont à privilégier.

Fièvre catarrhale ovine (sérotype 8) et coryza gangreneux sont deux viroses de l’adulte à impact respiratoire partiel.

Le virus de la diarrhée virale bovine, le virus para-influenza3, le coronavirus et l’adénovirus bovins ont un effet sur l’épithélium de la muqueuse respiratoire et les cellules de l’immunité qui la défendent.

Réalisation d ’un écouvillonnage nasal profond

L’écouvillonnage nasal profond (ENP) se réalise avec une longue tige, de type écouvillon pour métrite équine (EquiVet® par exemple), protégée parune gaine. L’écouvillon doit être enfoncé dans les voies nasales d’au moins 20 cm, puis frotté vigoureusement sur la muqueuse. Afin d’éviter la dessiccation du prélèvement, de nombreux laboratoires demandent que le coton ou la brosse soient ensuite introduits dans un milieu de transport qu’ils fournissent, soit dans une solution saline de Hanks, soit dans un milieu de transport d’écouvillons du commerce (par exemple, Culture Swab Transport System®, Virocult).

L’ENP présente une bonne corrélation avec les résultats individuels observés sur des poumons autopsiés pour la recherche du virus respiratoire syncytial bovin (VRSB) et les meilleures performances pour la recherche du virus BHV-1 [41]. Sur des lots d’animaux, l’ENP, par ses aspects pratiques (contention minimale par rapport aux autres techniques), permet aussi de mettre en évidence une infection pasteurellique ou mycoplasmique collective. Elle peut servir de technique de référence pour la recherche de virus et de bactéries.

Réalisation d’un lavage broncho-alvéolaire

Le lavage broncho-alvéolaire (LBA) nécessite l’emploi d’un fibroscope souple (flexible) (par exemple le GF1 de type 2 d’Olympus). Selon la taille des animaux, le fibroscope est introduit par voie buccale après la pose d’un pas-d’âne chez des veaux de plus de 200 kg ou par voie nasale pour les veaux de moins de 200 kg. Par voie nasale, une anesthésie locale suffit (lidocaïne dans les naseaux). Par voie buccale, une anesthésie générale (kétamine : 5 mg/kg) peut servir de technique de référence pour la recherche de virus et de bactéries. Idéalement, le fibroscope doit être recouvert d’une gaine plastique souple, interdisant les contaminations nasopharyngées, retirée après l’arrivée dans la trachée. Une fois l’endoscope bloqué dans une bronche, 50 à 200 ml de liquide de lavage stérile (sérum physiologique tiédi) est introduit par le canal de l’endoscope. Après quelques secondes, le liquide est réaspiré doucement (pour ne pas léser la muqueuse), à l’aide d’une seringue, par les mêmes voies. Les pertes de fluide étant minimales (comprises entre 30 et 50 %), il n’est pas nécessaire d’injecter un plus gros volume. Les inconvénients liés à cette technique, outre le coût et la fragilité du matériel, sont les risques opératoires, la longueur des temps de prélèvement (par rapport aux deux autres techniques) et la stérilisation du fibroscope entre deux prélèvements. Le danger vital pour l’animal est limité par un temps opératoire court et par le choix d’un bovin ne présentant pas d’insuffisance respiratoire marquée. La stérilisation du matériel s’effectue à l’aide de glutaraldéhyde, entre une phase de lavage et de détersion et une phase de rinçage.

Seul le LBA reflète correctement les milieux bronchique et alvéolaire. Il permet la recherche de tous les agents infectieux (viraux, bactériens, mycoplasmiques et fongiques). Les examens cytologiques, biochimiques et immunologiques ne sont pas réalisés en pratique courante chez les bovins.

Réalisation d’une aspiration transtrachéale

L’aspiration transtrachéale (ATT) permet le prélèvement de sécrétions et de cellules en quantité nettement inférieure au lavage broncho-alvéolaire, chez des animaux de tous âges avec un matériel peu coûteux (seringues de 50 ml et matériel d’injection courant). L’essentiel du coût repose sur l’achat d’un cathéter veineux (par exemple, le cathéter veineux Orx-Centracath®, laboratoire Vigon, référence 137/20)(1) [25, 44, 45, 46].

Une variante a été développée par voie nasotrachéale, s’affranchissant ainsi du passage de la peau et de la trachée par effraction. Néanmoins, la vigilance est nécessaire afin d’éviter une fausse route : le retour par la bouche. Son caractère atraumatique et sa vitesse d’exécution lui promettent sans doute un avenir meilleur que celui de l’ATT classique. Néanmoins, il convient de se méfier des contaminations bactériennes par les cornets nasaux [16].

Le rendement de cette technique étant de 5 à 20 % (pertes de fluide entre 80 et 95 %), la quantité de liquide recueilli est donc de 2 à 10 ml. Technique de choix pour le diagnostic des pasteurelloses, l’ATT est d’un intérêt moindre, mais souvent suffisant, pour les virus (VRSB, BHV-1, BoCOV et BVD). Il s’agit d’un bon compromis entre les performances attendues de l’écouvillonnage nasal profond et du lavage broncho-alvéolaire.

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  • 30 - Schelcher F, Foucras G, Meyer G. Le traitement de l’infection par le virus respiratoire syncytial bovin. Bull. GTV. 2000 ; 5 : 341-342.
  • 35 - Thiry E. Maladies virales des ruminants, collection virologie clinique. Maisons-Alfort, éd. Point Vétérinaire. 2000 : 244 p.
  • 37 - Thiry E, Lemaire M, Schynts F, Meyer G, Dispas M, Gogev S. Les conséquences de l’infection des bovins par le virus de la rhinotrachéite infectieuse bovine. Point Vét. 1999 ; 30(199) : 279-286.
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  • 40 - Valarcher JF, Foucras G, Meyer G, Schelcher F. Pathogénie de l’infection par le virus respiratoire syncytial bovin (VRSB). Bull. GTV. 2000 ; 5 : 329-333.
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