Tumeurs des annexes oculaires - Le Point Vétérinaire n° 271 du 01/12/2006
Le Point Vétérinaire n° 271 du 01/12/2006

OPHTALMOLOGIE DU CHIEN ET DU CHAT

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COURS

Auteur(s) : Laurent Bouhanna

Fonctions : 17, boulevard
des Filles-du-Calvaire
75003 Paris

Les tumeurs des annexes oculaires sont fréquentes et de natures diverses. Leur traitement et leur pronostic doivent prendre en compte la fragilité de l’organe qu’elles encadrent.

Les tumeurs oculaires représentent environ 2 % de l’ensemble des tumeurs chez le chien et le chat [10]. Leur clinique est très différente selon leur localisation, en particulier selon que la tumeur est située dans l’œil proprement dit (tumeur intrabulbaire) ou dans les tissus qui l’entourent.

Ce premier article est consacré à l’étude des tumeurs qui siègent au niveau des annexes oculaires de l’œil (orbite, paupières, appareil naso-lacrymal, membrane nictitante et sa glande). Un second article dans un prochain numéro s’intéressera aux tumeurs du globe oculaire.

Tumeurs de l’orbite (rétrobulbaires)

1. Épidémiologie

Les tumeurs sont les affections les plus fréquentes de l’orbite [23] (PHOTO 1).

Chez le chien

Chez le chien, les tumeurs de l’orbite sont dans leur grande majorité primitives et malignes (environ 75 %) [1, 26] et peuvent concerner tous les tissus. Les types histologiques les plus fréquemment rapportés sont l’ostéosarcome, l’ostéochondrosarcome, le fibrome, le méningiome, le lymphosarcome et le mastocytome [15, 20, 23].

Les tumeurs secondaires, plus rares, peuvent être des extensions depuis des structures voisines ou des métastases provenant de sites éloignés.

Ces tumeurs affectent surtout des animaux âgés (en moyenne de 8,7 ans chez le chien, contrairement aux abcès orbitaires (moyenne d’âge de quatre ans) [1, 23, 24]. Elles sont toutefois rapportées aussi chez des animaux jeunes.

Chez le chat

Chez le chat, près de 90 % de ces tumeurs sont malignes, avec généralement une origine épithéliale [18]. La néoplasie la plus souvent observée est le carcinome épidermoïde [10]. Une quinzaine de types différents sont rapportés, dont l’ostéome de l’arcade zygomatique, le fibrosarcome et le lymphosarcome orbitaire qui peut être uni- ou bilatéral [10].

Les tumeurs secondaires sont les plus fréquentes. Elles affectent des animaux plus âgés que pour le chien (12,5 ans en moyenne).

2. Clinique

Le principal signe clinique est une exophtalmie unilatérale, d’apparition progressive [1, 26]. Les lésions bilatérales sont en effet exceptionnelles [23]. Son degré dépend plus de la position de la tumeur que de sa taille. Le sens de déplacement du globe varie selon la position de la masse dans l’orbite. Ainsi, une masse située en dehors du cône orbitaire provoque un strabisme.

Une énophtalmie peut toutefois être observée lors de tumeur de la région rostrale de l’orbite, de fibrose musculaire ou de fonte de la graisse orbitaire (PHOTO 2) [1, 26]. Une protrusion de la membrane nictitante est fréquente ; une hyperémie conjonctivale, une kératite d’exposition (due à une lagophtalmie) et des anomalies du fond d’œil, en raison de la pression exercée par la masse, peuvent aussi survenir [1, 26].

Au contraire des affections inflammatoires de l’orbite, la douleur est initialement absente. Elle n’apparaît qu’à la suite de l’inflammation engendrée par la tumeur.

Même en présence d’une déformation marquée du globe, la pression intra-oculaire (PIO) reste généralement dans des valeurs usuelles [1, 26]. Chez des chiens dont la fente palpébrale est étroite, le globe peut toutefois être comprimé contre les paupières, entraînant alors une augmentation de la PIO [26].

Si le nerf optique n’est pas impliqué dans la tumeur, la vision est en général conservée, même si le degré d’évolution de la lésion est avancé et qu’elle est volumineuse [26, 27].

3. Diagnostic

• L’anamnèse (animaux âgés, évolution progressive) et les symptômes sont évocateurs :

- une exophtalmie, mise en évidence par un examen de dessus, éventuellement accompagnée d’un strabisme (PHOTO 3) ;

- une difficulté lors de rétropulsion du globe qui devient limitée, voire impossible, et souvent douloureuse [1, 26].

Toutefois, le diagnostic différentiel, en particulier avec les infections rétrobulbaires (abcès et cellulite), n’est pas toujours facile à faire. L’aspiration à l’aveugle avec une aiguille fine (par les voies sous-conjonctivale ou intrabuccale) est simple, mais les résultats sont inconstants [1].

L’examen de la cavité buccale peut être très intéressant. L’ouverture de la bouche de l’animal est éventuellement douloureuse. La tumeur est parfois visualisée directement dans la gueule (PHOTO 4 et PHOTO 5).

• L’échographie oculaire sous anesthésie locale confirme la présence d’une masse et permet de la localiser et d’évaluer sa vascularisation [1, 26]. Une cytoponction échoguidée peut être pratiquée et révéler la nature de la tumeur [26].

• L’examen tomodensitométrique reste dans tous les cas la technique la plus précise pour établir le diagnostic de tumeur orbitaire (PHOTO 6).

• Lorsqu’une tumeur maligne est diagnostiquée, il convient de réaliser en routine un bilan d’extension avant d’envisager un traitement. Ce bilan comporte un examen général et la recherche de métastases par une radiographie du thorax et, si possible, un examen tomodensitométrique loco-régional [1, 26].

4. Traitement et pronostic

• Pour une tumeur localisée, sans métastases détectées, un traitement chirurgical par orbitotomie latérale peut être tenté afin de préserver le globe et la vision [1, 8, 20] (PHOTO 7). Si la conservation du globe se révèle impossible, l’exentération ou une orbitectomie totale est envisageable [1, 15, 20, 26]. Une radiothérapie et/ou une chimiothérapie adjuvante peuvent être utiles.

• Le pronostic est, au mieux, réservé : plus d’un tiers des animaux sont euthanasiés peu après le diagnostic qui est souvent tardif, en raison d’une évolution subclinique [1, 15].

Une étude chez vingt et un chats indique une durée moyenne de survie de 1,9 mois après le diagnostic [9]. D’après un autre essai qui comporte 25 animaux, l’espérance de vie est d’un mois chez les chats et de dix mois chez les chiens [1]. Pour les animaux chez lesquels un traitement peut raisonnablement être envisagé, une intervention chirurgicale précoce augmente l’espérance de survie de quelques mois à quelques années [26].

Tumeurs des paupières

1. Épidémiologie

Chez le chien

Chez le chien, les tumeurs des paupières sont les plus fréquentes des tumeurs des annexes oculaires. Outre leur gravité, elles ont souvent des conséquences esthétiques. Elles concernent surtout des chiens âgés de neuf à dix ans [2].

Les adénomes et les adénocarcinomes de la glande de Meibomius et les mélanomes bénins et malins sont les plus communs (PHOTO 8). Environ 20 à 25 % de ces tumeurs sont malignes [2]. Elles peuvent être localement invasives, mais le taux de métastases est faible.

Les papillomes d’origine virale, dont l’incidence est aussi élevée, peuvent être concomitants d’une papillomatose orale. Ils affectent surtout les jeunes chiens.

Les épithéliomas sont rares.

Les pseudo-tumeurs (lésions sous-cutanées non néoplasiques, mais qui, cliniquement, évoquent une tumeur) de la paupière sont également peu fréquentes dans cette espèce, mais ne doivent pas être oubliées dans le diagnostic différentiel.

Des prédispositions ont été suspectées chez le beagle, le siberian husky, le setter anglais, le labrador, le golden retriever et le caniche [2, 22]. Peut-être sont-elles simplement liées à une surreprésentation de ces races dans la population de référence ?

Les paupières peuvent être le siège d’un mastocytome chez le chien (PHOTO 9).

Chez le chat

Chez le chat, les tumeurs des paupières sont moins fréquentes que chez le chien, mais plus souvent malignes [10].

La plus commune est le carcinome épidermoïde : sa prévalence est de 36 et 65 % des tumeurs palpébrales dans deux séries de 85 et 36 chats (PHOTO 10) [17]. Son incidence augmente avec l’âge, et aucune prédisposition de race ou de sexe n’est mise en évidence. Les chats blancs semblent plus souvent affectés. Il s’agit souvent d’une tumeur maligne et les métastases sont généralement tardives.

L’épithélioma basocellulaire et le mastocytome, tumeurs fréquentes dans cette espèce, aux localisations variées, peuvent aussi affecter la paupière. Ils sont souvent bénins. L’examen histologique des épithéliomas basocellulaires permet de prévoir leur comportement biologique. Pour les mastocytomes, il convient de recourir à un cytomarquage.

Le fibrosarcome est une tumeur commune chez le chat qui touche parfois les paupières.

Les papillomes cutanés et les tumeurs des glandes sébacées (adénome, adénocarcinome, épithélioma) sont rares chez le chat.

2. Signes cliniques

Quel que soit le type histologique, les tumeurs palpébrales dont la face interne frotte sur la cornée se comportent le plus souvent comme une simple extension de la paupière : l’irritation de la cornée est donc rare [2].

Chez le chien

Chez le chien, les tumeurs de la glande de Meibomius sont, au moins en début d’évolution, situées sur le bord externe et/ou interne de la paupière.

L’aspect des mélanomes est variable, avec une pigmentation plus ou moins nette, et ils n’impliquent souvent que le rebord de la paupière.

Les papillomes ne sont pas pigmentés et présentent une surface irrégulière [3].

Chez le chat

Chez le chat, le carcinome épidermoïde affecte plus souvent la paupière inférieure [10]. La lésion croûteuse, située sur le bord palpébral ou à proximité, est parfois légèrement surélevée, mais le plus souvent ulcéreuse et en creux. Cet aspect n’évoque pas toujours un processus tumoral.

Il s’agit d’une tumeur localement agressive et une implication des nœuds lymphatiques régionaux est en outre possible.

L’épithélioma basocellulaire est souvent circulaire et bien circonscrit, avec une tendance à présenter une ulcération.

Les mastocytomes peuvent être isolés ou multiples, et leur aspect est variable : en relief, ulcéré, plus ou moins délimité, à localisation dermique, épidermique ou sous-cutanée.

Les papillomes cutanés sont des masses circonscrites, pédiculées et alopéciques.

Chez le chat âgé, les fibrosarcomes sont généralement isolés et nodulaires, souvent ulcérés en surface, à localisations dermique et sous-cutanée. Chez le chat jeune, ils peuvent être liés à une infection par le virus leucémogène félin (FeLV).

3. Diagnostic

L’anamnèse et le tableau clinique peuvent donner des indications sur la nature tumorale des lésions et leur type histologique, mais la différenciation clinique avec les “pseudo-tumeurs” (granulome éosinophilique félin, chalazion, granulome leishmanien, etc.) est parfois difficile [2].

Chez le chat, le diagnostic clinique différentiel du carcinome épidermoïde et de l’épithélioma basocellulaire est délicat : seule l’analyse histologique après exérèse permet un diagnostic de certitude.

Il convient de réaliser un test de détection du FeLV lorsque les tumeurs sont évocatrices d’un fibrosarcome [10].

Les calques par impression sont rarement utiles pour le diagnostic, et l’examen histologique après exérèse est la méthode de choix. La biopsie est surtout indiquée lorsque les lésions sont étendues et/ou ulcérées. Il convient alors de pratiquer une biopsie à cheval sur les zones saine et lésée [2].

4. Traitement et pronostic

Chez le chien

Chez le chien, le traitement dépend du type de tumeur [2]. Les papillomes régressent en général spontanément et rapidement : leur résection n’est utile que lorsqu’une irritation cornéenne est associée. L’histiocytome tend également à régresser de façon spontanée chez le jeune chien, mais il présente un potentiel invasif élevé, qui justifie un traitement chirurgical d’exérèse.

De manière habituelle, une exérèse précoce est souvent préférable. Un examen histologique de routine permet d’évaluer le risque de récidives, en particulier si la résection n’a pas pu être totale.

L’électrochirurgie est à éviter car elle provoque des destructions tissulaires accompagnées d’œdèmes et de cicatrices plus importantes. Le choix peut être fait entre une intervention chirurgicale au bistouri et la cryothérapie. Avec cette dernière, il convient de réaliser les prélèvements pour l’examen histologique avant l’opération.

Plus la tumeur est petite, est la reconstruction palpébrale est facile. Le nœud du dernier point de suture doit être situé à 2 à 3 mm du bord palpébral. Pour cela, un point “en lacet de bottine” est utilisé car il éloigne le nœud du bord libre de la paupière et évite ainsi tout frottement sur la cornée.

La taille de la masse n’est toutefois pas un obstacle majeur, la quantité de peau palpébrale et faciale permettant une exérèse totale. L’intervention est en revanche délicate à réaliser lors d’atteinte du point lacrymal ou des canaux lacrymaux.

Les dimensions de la tumeur orientent le choix de la technique chirurgicale :

- si un tiers ou moins du bord palpébral est impliqué, une incision en “V” de pleine épaisseur ou une incision en “V” se prolongeant par deux incisions parallèles peuvent être envisagées. Une canthotomie latérale réduit les tensions sur les sutures. Pour une tumeur latérale, une plastie en “Z” de la paupière peut être préférée ;

- si plus d’un tiers du bord palpébral est concerné, une blépharoplastie reconstructrice est nécessaire : greffe locale de peau par glissement, éventuellement associée à une greffe tarso-conjonctivale ou à une greffe d’un pédicule de pleine épaisseur de la paupière opposée, de muqueuse buccale, d’un volet de peau de la lèvre supérieure ou de la face latérale. Une tarsorraphie complète est ensuite réalisée (PHOTO 11 ET PHOTO 12).

Chez le chat

Chez le chat, plusieurs traitements du carcinome épidermoïde sont possibles. L’exérèse chirurgicale peut être curative, mais les limites de la tumeur ne sont pas toujours nettes [10]. Une radiothérapie doit être associée [3]. Les greffes sont souvent nécessaires pour compenser la perte cutanée. La cryochirurgie est efficace et l’hyperthermie peut également être employée pour les lésions superficielles. Le pronostic dépend du degré de différenciation cellulaire observé à l’examen histologique.

L’exérèse chirurgicale ou la cryothérapie sont également des traitements efficaces de l’épithélioma basocellulaire.

Le traitement des tumeurs à cellules mastocytaires consiste en une exérèse ou en une corticothérapie par voie générale.

Lors de fibrosarcome isolé, une exérèse large est requise et le pronostic dépend de l’indice mitotique. Lors de fibrosarcome lié à une infection leucémogène, le pronostic est mauvais quels que soient les traitements mis en œuvre [10].

Tumeurs du système naso-lacrymal

Les tumeurs primitives du canal naso-lacrymal sont rares dans toutes les espèces [11]. Des tumeurs des cornets nasaux ou des sinus maxillaires peuvent comprimer ou envahir ce canal, et s’étendre à l’orbite par le foramen naso-lacrymal.

1. Signes cliniques

Les principaux signes cliniques sont un épiphora, et des jetages oculaire et nasal mucopurulents ou sérosanguinolants. Une masse ventrale au canthus médial est parfois observée, qui s’accompagne d’un prolapsus de la membrane nictitante, d’une énophtalmie et d’une hyperhémie conjonctivale [11].

2. Diagnostic

Le diagnostic de tumeur nasale avec atteinte du canal naso-lacrymal est fondé sur les examens clinique, radiographique (avec ou sans produit de contraste) et tomodensitométrique. Les biopsies permettent de confirmer le diagnostic et de préciser la nature de la tumeur [11].

3. Traitement

Des essais de traitements chirurgicaux, médicaux et/ou de radiothérapie sont rapportés, mais ils constituent un défi par la difficulté technique et le risque de léser des structures adjacentes [13, 16, 28].

Tumeurs des glandes lacrymales

1. Épidémiologie

Les néoplasies des glandes lacrymales sont rares chez le chien [19]. Des adénocarcinomes et des adénomes des glandes lacrymales orbitaire et nictitante sont décrits. Ils sont surtout diagnostiqués chez le chien âgé. Ces tumeurs sont localement extensives (PHOTO 13).

2. Diagnostic et traitement

Lors du diagnostic différentiel, les kystes, qui peuvent impliquer la glande orbitaire ou nictitante, sont à prendre en compte. La luxation de la glande nictitante ne doit pas être confondue avec une tumeur.

L’adénocarcinome de la glande nictitante se manifeste d’abord par un épaississement rouge foncé d’une des faces de la membrane, qui évolue en une masse ferme, lisse, rose et suintante [3]. Si la biopsie confirme le diagnostic clinique, cette tumeur est une des rares indications pour une exérèse totale de la membrane nictitante [29]. Une greffe de muqueuse est possible après cette intervention (PHOTO 14). Le pronostic est réservé. En effet, les récidives sont fréquentes, même lorsqu’une marge saine est confirmée à l’examen histologique de la pièce d’exérèse, et des métastases loco-régionales (orbite et ganglions lymphatiques) sont possibles [3].

L’exentération, complétée par une radiothérapie ou une chimiothérapie, est envisagée lors de tumeur de la glande lacrymale orbitaire.

Tumeurs de la membrane nictitante

1. Épidémiologie

Chez le chien

Chez le chien, les tumeurs de la membrane nictitante sont rares, mais de nature histologique variée : des mélanomes, des adénocarcinomes, des épithéliomas spinocellulaires, des mastocytomes, des papillomes, des hémangiosarcomes et des lymphosarcomes ont été décrits (PHOTO 15) [29].

Une étude réalisée chez 47 chiens révèle que les tumeurs primitives les plus fréquentes sont le papillome et le mélanome [25].

Les mélanomes de la membrane nictitante (et de la conjonctive en général) sont souvent malins.

Les papillomatoses qui impliquent la membrane nictitante sont surtout diagnostiquées chez le chien âgé [3].

Chez le chat

Les tumeurs de la membrane nictitante sont exceptionnelles chez le chat. La plus fréquente serait le carcinome épidermoïde, mais des cas de fibrosarcome et d’adénocarcinome sont également décrits [10]. Une infiltration de la membrane nictitante par un lymphosarcome primitif ou qui s’étend depuis l’orbite est relativement fréquente.

2. Signes cliniques

Chez le chien

Le papillome du chien âgé se présente comme une lésion pigmentée et molle. Il convient de ne pas le confondre avec une luxation de la glande nictitante.

L’hémangiosarcome apparaît comme une masse proliférative.

Les carcinomes épidermoïdes peuvent se développer sur les deux faces, palpébrale ou bulbaire, de la membrane nictitante. Ils sont de couleur noire.

L’angiokératome est une tumeur bénigne, rouge, en relief, formée de nodules vasculaires de 2 à 4 mm.

Le mastocytome est une masse de consistance très ferme.

Un lymphosarcome bilatéral est décrit chez le berger allemand. La membrane nictitante infiltrée est épaissie, hyperhémiée, avec des dépigmentations focales [12].

Chez le chat

Lors de carcinome épidermoïde chez le chat, une membrane nictitante, dont l’aspect est épaissi et rugueux, et des ulcérations par plaques sont observées.

Dans cette espèce, le lymphosarcome provoque une procidence de la membrane nictitante, dont le bord est épaissi et la face postérieure présente un aspect induré et granuleux [3].

3. Traitement

L’association d’une exérèse chirurgicale et d’une cryothérapie est le traitement le plus efficace contre les mélanomes des conjonctives [5]. Après exérèse, les récidives et les métastases sont fréquentes. La corrélation entre le risque de récidive locale ou de dissémination et l’index mitotique n’est pas bonne. Pour les papillomes, l’exérèse avec une marge de tissu sain, éventuellement associée à une cryothérapie, est simple et efficace [4]. L’exérèse chirurgicale d’un carcinome épidermoïde (avec la membrane nictitante), d’un angiokératome ou d’un mastocytome est souvent efficace [29].

Tumeurs de la conjonctive

1. Épidémiologie

Chez le chien

Chez le chien, les cas de tumeur de la conjonctive et les études sur de grands effectifs sont peu nombreux, cette localisation semble donc relativement rare.

De nombreux types histologiques ont été observés [14] :

- le mélanome de la conjonctive concerne le plus souvent la membrane nictitante, mais des cas localisés à la paupière supérieure ont également été décrits [5] ;

- le carcinome épidermoïde, rare, est situé en région périlimbique ;

- le mastocytome est cliniquement et histologiquement bénin, et peut passer inaperçu pendant plusieurs années ;

- l’hémangiome est souvent localisé au limbe latéral, mais n’adhère pas aux tissus profonds ;

- l’hémangiosarcome, en revanche, grossit rapidement et peut infiltrer la cornée (PHOTO 16) ;

- l’angiokératome est rare. Cette tumeur vasculaire bénigne se développe sur la conjonctive bulbaire ou la membrane nictitante [7] ;

- le papillome intéresse les conjonctives palpébrale, bulbaire et de la membrane nictitante. Il est surtout observé chez le jeune chien ;

- le lymphosarcome peut infiltrer le pourtour de l’œil ;

- l’histiocytome, etc.

Chez le chat

Chez le chat, les tumeurs de la conjonctive sont rares, excepté le carcinome épidermoïde qui s’étend à partir des paupières [8]. Quelques cas de mélanome malin ont été rapportés [21]. Des lymphosarcomes, primitifs ou multicentriques, sont également décrits.

2. Signes cliniques et diagnostic

• Le tableau clinique varie en fonction du type tumoral [14]. Les symptômes peuvent être modérés et se limiter à la conjonctive, ou concerner les structures avoisinantes, en particulier la cornée, lors de tumeurs extensives.

Les épithéliomas spinocellulaires sont des tumeurs roses ou blanchâtres, surélevées et papillomateuses.

Le lymphosarcome se présente comme un épaississement diffus de la conjonctive.

L’angiokératome apparaît comme une masse isolée, petite, généralement rouge, mais parfois noire [7].

Chez les chiens vus en consultation pour un mastocytome, un historique de conjonctivites récidivantes (œdème et rougeur), datant parfois de plusieurs années, est souvent rapporté par les propriétaires.

Lors d’extension à la cornée, les hémangiosarcomes entraînent un œdème et une néovascularisation de celle-ci.

Le mélanome malin du chat se distingue de la mélanose, bénigne, par son aspect en relief [10].

• Lors de tumeur de la conjonctive, le tableau clinique peut être évocateur, mais les symptômes sont parfois frustes. Ainsi, les lymphosarcomes peuvent mimer une conjonctivite, et d’autres tumeurs telles que l’hémangiosarcome ou le mastocytome sont parfois cliniquement peu évocatrices.

Il convient en outre de faire un diagnostic différentiel incluant les kystes, mais aussi d’autres lésions non tumorales (granulomes inflammatoires, dermoïdes conjonctivaux, épisclérokératite nodulaire, etc.) qui peuvent présenter un aspect clinique similaire (PHOTO 17) [6, 14].

La réalisation de biopsies est simple et efficace pour établir le diagnostic de masses conjonctivales. La cicatrisation s’effectue par seconde intention [14].

3. Traitement

Le traitement des tumeurs de la conjonctive dépend de leur nature [10, 14].

Après exérèse, les récidives d’hémangiosarcome sont possibles, mais la présence de métastases n’a pas été confirmée.

Les mastocytomes sont facilement éliminés chirurgicalement et aucune récidive n’a été rapportée pour les quelques cas décrits.

Pour les papillomes et les hémangiomes, l’exérèse semble curative.

En revanche, si la résection chirurgicale d’un mélanome malin chez le chat est possible, la récidive est la règle [21].

L’exérèse est toutefois le traitement de choix de nombreuses tumeurs de la conjonctive. Lorsque la masse est de petite taille, l’intervention peut parfois être réalisée sous une simple anesthésie locale.

La dissection et la résection des tumeurs de la conjonctive bulbaire sont généralement aisées en raison de la faible adhérence de cette muqueuse et de la rareté des extensions à la sclère.

Idéalement, il convient de chercher à obtenir une marge saine de 2 mm. Si le diamètre est inférieur à 1 cm, la cicatrisation peut se faire par seconde intention ; au-delà, un surjet continu résorbable est réalisé.

Le développement et la généralisation récente des techniques d’imagerie (scanner, IRM) apportent beaucoup dans le diagnostic des tumeurs orbitaires, ainsi que dans les possibilités de traitement. En effet, une meilleure localisation de la tumeur et une meilleure visualisation de son extension facilitent l’intervention chirurgicale.

Lors d’exérèse large des tumeurs palpébrales, les différentes méthodes de reconstruction des paupières permettent de conserver leur fonctionnalité, et de préserver le globe oculaire.

Points forts

Les tumeurs sont les affections les plus fréquentes de l’orbite. Leur principal signe clinique est une exophtalmie unilatérale d’apparition progressive.

Près de 90 % des tumeurs orbitaires sont malignes chez le chat.

Lors de suspicion de tumeur orbitaire, un examen de la cavité buccale peut mettre en évidence une extension dans la bouche.

L’irritation de la cornée est rare lors de tumeur de la paupière.

Lors d’exérèse d’une tumeur palpébrale, les points doivent être placés afin que les nœuds ne frottent pas sur la cornée.

Les tumeurs des glandes lacrymales et de la membrane nictitante doivent être différenciées d’une luxation de la glande nictitante.

En savoir plus

- Bouhanna L, Liscoët L. Reconstruction cutanée lors de tumeur palpébrale. Point Vét. 2006;37(268):70-73.

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