Comment diagnostiquer la leishmaniose canine - Le Point Vétérinaire n° 270 du 01/11/2006
Le Point Vétérinaire n° 270 du 01/11/2006

PARASITOLOGIE CANINE

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EN QUESTIONS-RÉPONSES

Auteur(s) : Blaise Hubert

Fonctions : Clinique vétérinaire
38, avenue du Maréchal-Foch
34500 Béziers

Les manifestations cliniques de la leishmaniose canine sont variées et les examens complémentaires sont obligatoires. L’immunofluorescence indirecte et la PCR (polymerase chain reaction) sont les méthodes de choix.

La leishmaniose est une maladie infectieuse transmise par un arthropode, le phlébotome, dont l’agent causal est un parasite du genre Leishmania. Elle touche de nombreuses espèces animales, mais elle est surtout décrite chez l’homme et chez le chien [h].

Depuis son identification par Nicolle au début du XXe siècle, de nombreux examens ont été développés pour affiner le diagnostic de cette affection. Une meilleure connaissance de la biologie du parasite et des réactions de l’hôte ont permis de mettre au point des examens complémentaires adaptés et rapides. La complexité et le polymorphisme de l’infection leishmanienne rendent toutefois le développement et l’interprétation des tests difficiles et les techniques de diagnostic, direct ou indirect, proposées présentent toutes des limites [21]. Les remarquables facultés d’adaptation du parasite assurent son développement et son extension géographique.

La leishmaniose est une zoonose cosmopolite favorisée chez l’homme par l’urbanisation actuelle en habitat pavillonnaire à la périphérie des grandes agglomérations. Ce développement de type urbain, défini par une rapide extension citadine vers la campagne, facilite la prolifération des niches à phlébotomes et la rencontre du vecteur et de l’hôte [b]. Chez l’homme, cette maladie évolue sous forme épidémique dans les pays en voie de développement (Soudan). Des cas sporadiques, liés par exemple à des conduites à risque comme la toxicomanie, peuvent apparaître en foyer dans les pays occidentaux.

Cette maladie est susceptible de survenir :

- chez l’homme, par l’inoculation d’autres espèces de leishmanies dont la répartition géographique s’est modifiée, en raison notamment des changements climatiques (comme Leishmania tropica en Espagne) ;

- chez le chien, en raison de la présence, puis de l’extension de Leishmania infantum MON-1 aux États-Unis, zymodème (ensemble de souches présentant un profil enzymatique commun) fréquent en région méditerranéenne [32].

La leishmaniose est au centre de la recherche d’un protocole vaccinal chez l’homme comme chez le chien [22].

Les examens complémentaires, même s’ils sont parfois insuffisants, sont indispensables pour le diagnostic.

Les manifestations cliniques de la leishmaniose résultent d’un processus pathologique complexe qui fait intervenir à la fois le système immunitaire de l’hôte et le parasite.

Quelles sont les réponses de l’organisme à l’infection ?

Les mécanismes de réponse de l’hôte mammifère à l’infection par L. infantum sont complexes.

• Une résistance génétique, démontrée chez des lignées sélectionnées (C57BL/L. major) de souris, existe vraisemblablement dans l’espèce canine car l’exposition d’une large population de chiens au parasite dans des conditions identiques n’entraîne pas la même évolution sur l’ensemble de l’échantillon [24, 37]. Les chiens autochtones des îles Baléares paraissent naturellement résistants aux leishmanies [34]. Cette résistance semble liée à la présence d’un gène codant pour le contrôle de la réplication intraphagosomiale des parasites et l’activation des macrophages [1].

• L’action pathogène du parasite dépend de la réponse de l’organisme à l’infection et correspond à un mécanisme de dysimmunité dont l’origine n’est pas connue chez le chien [14].

Le basculement d’un état asymptomatique vers un état pathologique résulte de la rupture d’un équilibre établi entre le parasite et le système immunitaire de l’hôte. Les lésions observées sont liées à l’action directe du parasite, mais probablement surtout à la réponse de l’hôte. Celui-ci sécrète une catégorie d’anticorps qui aggravent l’évolution de l’infection plus qu’ils ne l’améliorent :

- l’augmentation des titres en anticorps de l’isotype IgG1 est étroitement corrélée à l’aggravation des symptômes [4, 25] ;

- les auto-anticorps (anticorps antinucléaires, anticorps antimuscles squelettiques, etc.) présents peuvent donner à l’affection l’aspect d’une maladie auto-immune.

La formation puis le dépôt d’immuns-complexes (dans l’uvée, la synovie et la membrane basale des néphrons) proviennent d’une réponse inappropriée et inefficace d’une sous-population de lymphocytes de type T helper de classe2 (Th2), responsable de la persistance du parasite dans les macrophages et d’une stimulation polyclonale des lymphocytes B (synthèse massive d’anti­corps témoins). À l’opposé, l’action d’une sous-population de lymphocytes T helper de classe 1 (Th1) conduit à une réaction immunitaire responsable d’une activation cellulaire et d’une destruction du parasite ou, du moins, à un état d’équilibre entre le parasite et son hôte (balance Th1/Th2) [28, 29]. Les lymphocytes Th1 et Th2 sont identifiés chez la souris, mais pas chez le chien. De nombreux arguments sont toutefois en faveur de leur existence chez ce dernier.

• La leishmaniose induit-elle une immunodépression chez l’hôte ou se révèle-t-elle chez un animal déjà immunodéprimé ? L’immunodépression telle qu’elle existe chez l’homme sidéen n’est pas identifiée comme un facteur d’apparition de la leishmaniose chez le chien [3]. Chez le chien, une incompétence génétique existe qui ne permet pas de lutter efficacement contre le développement de la maladie [1]. Les leishmanies sont alors capables de désactiver les macrophages qui deviennent le site idéal de leur multiplication. Récemment, il a été démontré que le macrophage peut retrouver son activité en détruisant les amastigotes internes par l’intermédaire de l’interféron (, synthétisé par les lymphocytes homologues [17]. En effet, les autres affections ou maladies décrites chez le chien leishmanien sont des co-infections ou des maladies associées, mais dont l’expression et l’évolution ne sont pas une conséquence directe ou indirecte scientifiquement démontrée de la leishmaniose [8].

• Les chiens pour lesquels l’infection leishmanienne ne provoque pas de symptômes sont dits “réfractaires”. Ceux chez qui l’infection provoque la maladie sont dits “susceptibles”. Un animal réfractaire ne permet pas la multiplication parasitaire, soit d’une manière définitive, soit plus vraisemblablement pour une période transitoire [c]. Le statut “réfractaire” ou “susceptible” d’un chien donné peut ainsi varier au cours du temps. L’injection intradermique expérimentale de leishmanine permet de distinguer les chiens “réfractaires”, qui présentent une forte réaction de type retardée, des chiens “susceptibles”, qui manifestent une faible réaction [7].

Quelles sont les stratégies d'adaptation du parasite ?

• Chez l’hôte mammifère, les leishmanies échappent à la réponse immunitaire grâce aux propriétés de certaines glycoprotéines membranaires. Ainsi, la protéine gp63 permet d’échapper à l’action des macrophages et la protéine gp46 favorise la résistance à cette action [23, 35].

• Les leishmanies développent également des mécanismes de déviation de l’immunité de l’hôte et concourent directement à la rupture de la balance Th1/Th2 :

- le peptide LACK (Leishmania homologue of receptors for activated C kinase) sécrété par le parasite conduit les lymphocytes T CD 4+ à produire de l’interleukine 4 qui entraîne la synthèse en grande quantité d’anticorps inefficaces, tout en freinant l’activation des macrophages [12] ;

- les autres cytokines (interleukine 10) élaborées par l’hôte infecté facilitent la multiplication du parasite et/ou concourent à l’immunodépression (TGF() [c].

Quand suspecter une leishmaniose clinique ?

• Les manifestations cliniques sont variées, avec une sous-évaluation des cas en dehors des zones d’enzootie et une surévaluation dans ces zones. Les signes habituels sont un amaigrissement et une adynamie, accompagnés d’un squamosis important, d’ulcères cutanés ou muqueux, d’une onychogryphose. Une adénomégalie symétrique des nœuds lymphatiques superficiels est fréquente. Des lésions oculaires d’uvéite sont parfois présentes. Les complications d’insuffisance rénale sont quelquefois le seul élément pathologique de la maladie dont la gravité peut être mesurée par des modifications des enzymes urinaires [27].

• Une étude menée sur 150 chiens leishmaniens montre que l’infection est fréquemment associée à d’autres affections [8] :

- des dermatoses prurigineuses comme la gale sarcoptique (dans 7 % des cas) (PHOTO 1) ;

- des dermatoses sans prurit comme la démodécie (11 %) ;

- des infections transmises par les tiques comme l’ehrlichiose (14 %) (PHOTOS 2 ET 3) ou l’hépatozoonose (2 %).

Récemment, une co-infection avec Neospora caninum a été décrite en Italie [16]. Ces associations rendent le diagnostic difficile [8]. Néanmoins, ces chiffres de prévalence ne semblent pas fondamentalement différents chez les chiens non leishmaniens.

La maladie semble plus fréquente chez les chiens de race pure et l’expression clinique paraît varier en fonction de la race : par exemple, la formation de nodules est plus fréquente chez le carlin ou le dobermann (PHOTO 4), et une furonculose prédomine chez le jagd terrier et le jack russell terrier (PHOTO 5) [37].

Quels sont les examens complémentaires immédiats ?

Les examens complémentaires immédiats sont ceux dont les résultats peuvent être obtenus pendant la consultation : l’observation directe, la biologie clinique et les tests sérologiques indirects rapides (voir la FIGURE “Stratégie diagnostique applicable en clientèle” et l'ENCADRÉ “Comment confirmer le statut leishmanien”).

1. Observation directe

La mise en évidence du parasite doit être réalisée en première intention pour obtenir un diagnostic de certitude. Sa sensibilité est toutefois faible (60 %) [e].

L’observation directe du parasite est effectuée au cabinet à partir de divers types de prélèvements qui sont classés selon leur sensibilité décroissante :

- une ponction de moelle osseuse ou de nœud lymphatique ;

- une ponction à l’aiguille fine d’un nodule ;

- un raclage conjonctival ;

- un calque de lymphe dermique à partir d’un copeau cutané.

L’identification des leishmanies dépend de la nature du prélèvement. Statistiquement, la richesse en parasites est deux fois plus élevée dans la moelle osseuse que dans les nœuds lymphatiques.

Les résultats de l’examen des prélèvements cutanés sont variables car il n’est pas certain que la répartition du parasite soit uniforme dans l’ensemble du revêtement cutané. La nature et l’ancienneté des lésions influent sur la richesse du prélèvement. Le parasite est très abondant dans les nodules, plus faiblement présent dans les ulcères, et de concentration variable dans les autres formes.

L’observation directe de parasites intramacrophagiques ou libres dans des frottis fixés à l’alcool et colorés, de préférence au May-Grünwald-Giemsa, est un moyen simple et rapide, plus sensible en début d’évolution que dans les formes anciennes [e]. En début d’évolution, la charge parasitaire est plus élevée car la multiplication est intense. Elle est limitée par la suite en raison des mécanismes de défense de l’hôte.

Il convient donc de privilégier la ponction d’un nœud lymphatique lors d’adénomégalie car le prélèvement est facile à réaliser et sensible. En l’absence d’adénomégalie, un myélogramme est réalisé.

2. Biologie clinique

• Des bilans hématologique, biochimique et urinaire permettent de rechercher d’éventuelles lésions hépatiques et/ou rénales. Leurs résultats aident à formuler un pronostic et à instaurer un traitement. Les traitements antileishmaniens ont tous une toxicité qui limite leur emploi. L’insuffisance rénale contre-indique par exemple l’utilisation de l’amphotéricine B(1). Dans ce cas, des formes encapsulées ou véhiculées dans une solution lipidique pour atténuer la toxicité rénale sont préférées [9, 30].

• Les résultats de ces analyses sont peu spécifiques car d’autres affections peuvent entraîner des résultats similaires et des profils électrophorétiques voisins (ehrlichiose, hépatozoonose, dirofilariose, voire myélome, etc.). Un taux de protéines totales augmenté, une hyperglobulinémie, un rapport albumine/globuline modifié sont toutefois évocateurs de la leishmaniose.

Lors d’épistaxis provoquée par un ulcère pituitaire hémorragique associé à la leishmaniose, le bilan de l’hémostase est peu modifié car les saignements sont plutôt liés à des désordres immunologiques responsables de lésions inflammatoires vasculaires (auto-anticorps antiphospholipides membranaires). Si le bilan est modifié, il convient d’envisager une ehrlichiose évolutive concomitante.

Par ailleurs, une urémie légèrement supérieure à la normale (0,60 à 0,80 g/l) peut être de mauvais pronostic. Un taux peu élevé signe en effet souvent une atteinte hépatique sévère ou une fuite urinaire d’albumine.

3. Test sérologiques indirectes rapides

L’immunodiffusion rapide sur membrane est un test qui repose sur le principe de l’immunochromatographie et met en évidence la présence d’anticorps antileishmaniens (voir l'ENCADRÉ “Quel kit de diagnostic choisir ?”).

Un prélèvement de sang, de sérum ou de plasma est déposé sur une membrane qui permet aux anticorps présents de se lier à des anticorps antichiens conjugués à un indicateur coloré pour former des complexes “anticorps chien - anticorps anti-chien” marqués. Ces complexes migrent sur la membrane dans laquelle des antigènes leishmaniens sont fixés et se lient aux anticorps spécifiques s’ils sont présents dans le sérum. Les anticorps non spécifiques continuent à migrer. Une bande témoin qui traduit la formation effective du complexe “anticorps chien - anticorps anti-chien” doit être présente pour que le test soit validé.

Ces tests indirects sont rapides, très utiles en urgence (lors d’insuffisance rénale grave) et réalisables par le praticien, mais semblent moins sensibles lors d’infection mixte, avec une ehrlichiose par exemple.

Quels sont les examens complémentaires différés ?

1. Dépistage individuel

• L’observation directe est rarement réalisée par les praticiens en zone d’endémie. Ainsi, 87 % d’entre eux préfèrent un résultat extérieur chiffré et peu discutable [11]. Confié au laboratoire, l’examen cytologique d’un étalement sur lame (calque de lymphe dermique de copeau cutané, étalement d’une cytoponction de nodule cutané, de nœud lymphatique ou de ponction de moelle osseuse) permet de conclure si le résultat est positif.

S’il est négatif dans un contexte épidémiologique et clinique évocateur, un autre examen doit être envisagé.

• L’immunofluorescence indirecte (IFI), méthode de référence agréée par l’Office international des épizooties, permet la recherche des anticorps leishmaniens dans le sérum, mais aussi dans le liquide céphalorachidien ou dans l’humeur aqueuse (voir le TABLEAU “Différentes techniques immunologiques de dépistage de la leishmaniose canine”). La séroconversion est généralement rapide chez le chien (en moyenne trois semaines). Les anticorps sériques sont fixés par les antigènes des formes promastigotes de leishmanies en culture. Le seuil est fixé par chaque laboratoire, mais il est habituellement de 1/80. L’IFI est sensible et spécifique. Associée à des signes cliniques évocateurs de leishmaniose, elle constitue un critère important du statut leishmanien.

L’IFIa détecte les anticorps sériques fixés par les antigènes différents issus des formes amastigotes de leishmanie. Cette méthode présente une meilleure sensibilité et une spécificité équivalente à l’IFI. Elle détecte plus précocement une séroconversion, avant même l’apparition des premiers symptômes. Dans une étude sur 924 sérums de chiens leishmaniens, 10 % se sont révélés positifs à deux dilutions supérieures en IFIa par rapport à l’IFI [13].

• L’agglutination peut être réalisée avec du sérum ou du plasma. Ce test indirect est fondé sur l’agglutination de particules de latex recouvertes de l’antigène leishmanien qui crée un réseau visible à l’œil nu en présence d’anticorps antileishmaniens. Les anticorps détectés sont surtout des IgM qui apparaissent en début d’évolution et plus particulièrement chez les chiens primo-infectés (chiens originaires d’une région indemne et infectés lors d’un séjour en zone d’enzootie). Le seuil de positivité retenu est de 1/20. La sensibilité de l’agglutination est de 95 % et sa spécificité de 94 % [15]. Sa simplicité et son faible coût en font un outil de dépistage initial adapté aux conditions de terrain. La sensibilité diminue ensuite car les IgM tendent à disparaître au cours de l’évolution ou en raison du traitement.

Bien que la détection des IgM sériques ne soit pas le paramètre le plus recherché chez le chien, l’agglutination présente cependant l’avantage d’être utilisée pour tester d’autres espèces. Elle peut donc être mise en œuvre lors de suspicion de leishmaniose féline.

Les examens sérologiques permettent de mettre en évidence et/ou de quantifier les anticorps dirigés contre L. infantum. Ils n’autorisent toutefois pas un diagnostic de certitude car les anticorps ne sont que des marqueurs indirects d’exposition [e].

• La PCR permet de détecter et éventuellement de quantifier un fragment spécifique d’ADN leishmanien (par exemple de l’ADN du kinétoplaste (PHOTO 6) [18]) et autorise un suivi des animaux traités (voir la FIGURE “Évolution de la PCR courante en zone d’endémie lors d’une suspicion clinique de leishmaniose”). La PCR est nettement plus sensible (97 %) que les autres techniques (IFI), surtout en début d’évolution [21]. Elle met en évidence d’infimes quantités d’ADN de Leishmania, dans des prélèvements de moelle osseuse et/ou de nœud lymphatique et de peau. Le test PCR peut également être réalisé sur le liquide céphalorachidien, le liquide synovial, l’humeur aqueuse, etc. Son pouvoir de détection est moins bon dans le sang [19].

Les prélèvements à privilégier sont les nœuds lymphatiques et la moelle osseuse, la peau lésée, le sang (prélevé sur EDTA). Après traitement, le parasite disparaît en effet d’abord du sang, puis de la peau, de la moelle osseuse et enfin des nœuds lymphatiques [31].

Très sensible et spécifique, cette technique ne fait toutefois pas la distinction entre des leishmanies vivantes et de l’ADN leishmanien résiduel.

La détection PCR est une technique directe, indépendante du statut immunitaire, et représente une alternative intéressante à la sérologie [2].

• L’examen histologique est, dans certains cas, l’unique ou l’ultime moyen de visualiser la présence de parasites. Les méthodes utilisées sont :

- la coloration à l’hématoxyline-éosine (HE) qui constitue la méthode de référence ;

- la technique immuno-histochimique à l’aide de l’immunoperoxydase indirecte (I-PO) qui utilise comme anticorps primaire un sérum de chien leishmanien et pour anticorps secondaire un anti-IgG de chien obtenu chez le lapin. La sensibilité est meilleure qu’avec la coloration HE classique (18 biopsies positives contre 11sur 34 testées) [6]. Lors de pyogranulome stérile canin, 21 prélèvements de biopsie cutanée sur 46 se sont révélés positifs par cette technique [10].

Cette méthode est valable quel que soit le titre de positivité en IFI. Elle est simple, intéressante dans les formes où les parasites sont rares, et utilise des réactifs faciles à obtenir. Les parasites sont aisément distingués des débris intramacrophagiques.

2. Dépistage collectif par Elisa

Bien que préconisée aussi en dépistage individuel, la sérologie Elisa est plutôt utilisée lors d’enquêtes épidémiologiques sur un grand nombre de sérums. Les résultats sont obtenus rapidement et leur lecture est automatisée. Elle permet une appréciation semi-quantitative et ses résultats concordent avec ceux de l’IFI. Chez le chien, la technique Elisa permet une moins bonne détection des porteurs asymptomatiques que chez l’homme [33].

L’utilisation d’un test Elisa rapide de diagnostic qui détecte les anticorps dirigés contre un antigène recombinant du parasite (rK39) serait plus spécifique des formes cliniques chez l’homme et pourrait avoir une application intéressante chez le chien [g].

Les tests Elisa sont souvent mis au point dans des laboratoires confrontés à de nombreuses demandes (zone d’endémie) car ils sont facilement automatisables. Les antigènes sont préparés par le laboratoire et ne sont pas standardisés. La comparaison des résultats entre les laboratoires est donc difficile.

Quel est le pronostic ?

La guérison ne peut être obtenue chez les chiens susceptibles car, même si, après traitement, tous les examens sont négatifs, quelques leishmanies persistent dans les nœuds lymphatiques. Ainsi, les parasites sont souvent absents de la moelle osseuse, mais persistent dans les nœuds lymphatiques qui jouent le rôle d’un “tissu refuge” [31]. La baisse de la charge parasitaire, sous l’effet du traitement, diminue parallèlement la sensibilité de la technique PCR qui reste toutefois sensible à des quantités infimes [19].

L’immunité du chien leishmanien n’est pas protectrice. L’immunité stérilisante, de type antiviral ou antibactérien par exemple, est remplacée par une immunité antiparasitaire. Les anticorps sériques produits sont peu efficaces [14]. Le test intradermique à la leishmanine permet d’évaluer la réaction immunitaire favorable de l’hôte en cas de forte réaction, après le traitement, donc de préciser le pronostic [26].

Il existe une corrélation entre le titre en anticorps sériques et la mise en œuvre des traitements. La cinétique de la production des anticorps montre des variations des titres selon le traitement utilisé, sans corrélation avec l’évolution de la maladie elle-même. Chez le chien, elle décroît assez rapidement avec l’utilisation des dérivés stibiés (méglumine), mais reste stationnaire ou diminue beaucoup plus lentement avec l’allopurinol ou avec l’amphotéricine B(1) [20, 31, 36].

Les valeurs de la protidémie totale et du rapport albumine/globulines sont faciles à interpréter, mais manquent de spécificité [f].

Un faible taux d’urémie n’est pas toujours d’un pronostic favorable. Celui-ci peut être dû à une albuminémie basse, en raison d’un défaut de synthèse liée à l’insuffisance hépatique sévère ou d’une fuite urinaire engendrée par une glomérulopathie. L’instauration d’un traitement stibié ou à base d’amphotéricine B(1) doit être prudente ou différée, sous peine d’aggraver subitement et de manière irréversible une fonction rénale potentiellement défaillante.

Le tableau clinique oriente fortement la suspicion de leishmaniose. En consultation, les résultats immédiats de l’examen direct d’un étalement de moelle osseuse, d’un test rapide immunochromatographique et de la biologie clinique (hémogramme, mesure du taux des protéines totales, rapport albumine/globulines, urémie et créatininémie) permettent d’orienter le diagnostic et de formuler un pronostic. Les examens différés, la PCR et/ou l’IFI, peuvent aider au diagnostic.

  • (1) Gale non prurigineuse malgré d'innombrables sarcoptes.

  • (2) Médicament à usage humain.

Comment confirmer le statut leishmanien ?

Lors de suspicion clinique de leishmaniose, l’interprétation des résultats des examens complémentaires de laboratoire est délicate car le “statut leishmanien” reste difficile à définir [3].

Le statut leishmanien peut être établi à partir d’une définition restrictive, objective, et reproductible qui convient davantage au contexte de la médecine humaine qu’à la clientèle vétérinaire. Ce statut est confirmé si les critères A et B sont réunis :

- critère A : culture parasitaire positive d’un prélèvement de moelle osseuse (ou de nœud lymphatique) sur un milieu de référence NNN (Novy-MacNeal-Nicolle) avec mise en évidence de leishmanies vivantes ;

- critère B : immunofluorescence indirecte (IFI) avec un titre seuil défini par le laboratoire (le plus souvent 1/80 ou 1/100) ou une recherche positive par la méthode PCR de préférence sur la moelle osseuse associée à des signes cliniques évocateurs (furfur, ulcères, adénomégalie symétrique des nœuds lymphatiques superficiels, uvéite chronique bilatérale, etc.).

En clientèle vétérinaire, la leishmaniose est souvent établie d’après le seul critère B. Le diagnostic est éventuellement complété par l’identification du parasite à partir de l’examen sur lame d’un calque coloré provenant, soit d’un étalement de lymphe de copeaux cutanés, soit d’une cytoponction de nœuds lymphatiques ou d’un prélèvement de moelle osseuse.

Quel kit de diagnostic choisir ?

En zone d’enzootie, il con­vient d’éviter les faux négatifs en privilégiant une bonne sensibilité : utilisation d’une métho­de immuno-chromatographique (Speed-Leish®).

En zone non enzootique, les faux positifs sont évités en privilégiant une bonne spécificité : Snap-Leishmania®, méthode immuno-enzymatique, ou Witness-Leishmania®, méthode immuno-chromatographique.

D'après [15]

Points forts

La mise en évidence directe du parasite doit être tentée en première intention car elle est la seule à fournir un diagnostic de certitude. Sa sensibilité est toutefois faible (60 %).

D’autres moyens d’investigation, directs ou indirects, permettent de pallier les limites de l’examen direct. Le choix de l’examen complémentaire le plus adéquat varie selon le stade de l’évolution de la maladie.

La détection moléculaire de l’ADN leishmanien par PCR est actuellement préférée à la recherche d’anticorps antileishmaniens.

Des moyens de diagnostic plus performants sont à l’étude chez l’homme pour dépister les malades, évaluer l’efficacité des traitements et tenter de différencier une primo-infection d’une récidive. Ils pourraient avoir d’éventuelles applications chez le chien.

Congrès et Internet

a - Alvar J, Cruz I, Morales MA. Molecular biology tools in leishmaniasis diagnosis and epidemiology. Proceedings 2nd International Canine Leishmaniasis Forum. Sevilla, Spain. 2002:25-30.

b - Desjeux P. Urbanisation of the leishmaniasis. Proceedings 2nd International Canine Leishmaniasis Forum. Sevilla, Spain. 2002:49-55.

c - Ferrer L. The pathology of canine leishmaniasis. Proceedings 2nd International Canine Leishmaniasis Forum. Sevilla, Spain. 2002:21-24.

d - Ferroglio E, Romano A, Trisciuoglio A. A novel PCR-RFLP for the characterization of Leismania infantum strains. Proceedings 3rd World Congress on Leishmaniasis. Palermo-Terrasini, Italy. 2005:300.

e - Gradoni L. The diagnostic of canine leishmaniasis. Proceedings 2nd International Canine Leishmaniasis Forum. Sevilla, Spain. 2002:7-14.

f -  Laumonier M. Diagnostic biologique de la leishmaniose canine. Proceedings Congrès CNVSPA. Paris, France. 1993:178

g - Marty P. Use of a rapid diagnostic test for the diagnosis of mediterranean leishmaniasis. Congrès de la Société Française de Parasitologie. Marseille. 2003

h - Strauss-Ayali D, Baneth G. Canine Visceral Leishmaniasis. International Veterinary Information Service, Ithaca NY. (www.ivis.org), A0107.0300. 2001.

Remerciements : au Pr Gilles Bourdoiseau, aux Drs Jacques Dereure, Jacques Lamothe et Gérard Papiérok.

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