La spirocercose canine à Spirocerca lupi - Le Point Vétérinaire n° 269 du 01/10/2006
Le Point Vétérinaire n° 269 du 01/10/2006

PARASITOLOGIE DU CHIEN

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COURS

Auteur(s) : Anthony Bartolo

Fonctions : 4, rue Saint-Benoît
63000 Clermont-Ferrand

La spirocercose provoque l’apparition de kystes dans la paroi de l’œsophage thoracique et de l’estomac. Souvent asymptomatiques, ceux-ci sont parfois spectaculaires et peuvent entraîner la mort de l’animal.

La spirocercose est une helminthose due à la migration et au développement d’un spirure, Spirocerca lupi, dans la paroi de l’œsophage thoracique, de l’estomac et parfois de l’aorte. Elle revêt une importance clinique majeure dans les zones d’enzootie comme les DOM-TOM où elle entraîne chaque année la mort de nombreux animaux. Peu connue des vétérinaires métropolitains, elle doit cependant faire partie du diagnostic différentiel des masses œsophagiennes et des régurgitations.

Le parasite : Spirocerca lupi

1. Morphologie

Ce parasite mesure de 30 à 50 mm pour les mâles et jusqu’à 80 mm pour les femelles à l’état adulte, et 1 à 2 mm de diamètre (PHOTO 1). Tous les spirures sont des vers ronds de couleur brunâtre à rouge à l’état frais (parasite hématophage), avec un vestibule buccal bien développé et une paroi épaisse dans cette espèce. Ce vestibule possède un bord libre enroulé vers l’intérieur. Ce parasite n’a pas de véritables lèvres, mais une bouche entourée de six protubérances qui portent des papilles. L’extrémité du mâle porte des spicules inégaux droit et gauche, des ailes latérales, des papilles précloacales médianes paires et une impaire, ainsi que deux paires de papilles postcloacales. Un groupe de papilles minuscules est situé près du bout de la queue.

L’œuf embryonné enveloppé dans une paroi épaisse mesure 40 (m de longueur sur 12 (m de largeur. Il a une forme caractéristique dite “en trombone” : elliptique, à bords droits et parallèles. Il renferme une larve L1 repliée sur elle-même (PHOTO 2).

2. Habitat

Les adultes sont des parasites du tube digestif antérieur, à l’origine de nodules intrapariétaux granulomateux parfois volumineux au contenu sérosanguinolant (PHOTOS 3 ET 4). Ces nodules se situent principalement dans la paroi de l’œsophage (sous-muqueuse) et moins fréquemment dans les parois gastrique et de l’aorte. Parfois, le parasite est libre ou se retrouve dans les viscères thoraciques et abdominaux (localisations erratiques du parasite).

Les formes larvaires ont des localisations variées en fonction du cycle évolutif.

3. Alimentation

Spirocerca lupi est un ver hématophage qui possède un matériel enzymatique particulier, anticoagulant et hémolytique, qui permet l’absorption du sang et sa digestion. Ce mode de nutrition est à l’origine d’anémie par spoliation parfois sévère.

4. Cycle évolutif

Les nématodes sont dioïques et se reproduisent à la faveur d’un accouplement (voir la FIGURE “Cycle parasitaire de ). L’extrémité caudale du mâle s’enroule autour de la femelle, les spicules écartent les parois du vagin et les spermatozoïdes sont instillés à l’intérieur. La prolificité du ver est élevée. Les femelles pondent environ un million d’œufs par jour. Ceux-ci sont déversés dans la lumière digestive lors de la ponte par des trous percés par les femelles à travers les granulomes (visibles lors d’une fibroscopie digestive sous la forme d’opercules). Éliminés avec les fèces, ils doivent être ingérés par un hôte intermédiaire (HI : arthropode coprophage) pour évoluer jusqu’au stade de larve infestante L3 dans les tubes trachéaux ou la cavité générale.

De petits vertébrés, appelés hôtes paraténiques (HP), peuvent ingérer ces hôtes intermédiaires : lézards, crapauds, serpents, oiseaux, hérissons, rongeurs, lapins. Ils accumulent les L3 qui restent quiescentes dans des kystes formés dans divers organes de ces hôtes. Les larves sont également transmises d’HP en HP par prédation. L’hôte définitif se contamine par ingestion d’un HI ou d’un HP.

Au cours de la digestion, les larves L3 sont libérées dans l’estomac et traversent immédiatement la paroi gastrique. Elles gagnent par tropisme tissulaire la média des artères gastriques puis gastro-épiploïques dès le premier jour de l’infestation. Elles les remontent ensuite pour gagner le tronc cœliaque et l’aorte abdominale. Elles persistent dans la paroi de l’aorte thoracique environ à mi-chemin entre le diaphragme et l’arc aortique pendant dix à douze semaines. Deux semaines peuvent suffire pour parcourir toute l’aorte thoracique. Les larves de stade 4 sont formées vers la dixième semaine. Par la suite, la majorité d’entre elles migrent par contiguïté tissulaire jusqu’à l’œsophage entre 102 et 124 jours après l’infestation. À la quinzième semaine, la plupart des parasites ont gagné l’œsophage. La période prépatente dure de quatre à cinq mois et demi, voire jusqu’à neuf mois si l’hôte définitif s’infeste à partir d’un HP.

Épidémiologie

La spirocercose affecte principalement les canidés dont le chien, et différents canidés sauvages comme le loup, le renard, le chacal et le coyote. Le chat et divers félidés sauvages (lynx, léopard des neiges, jaguars) peuvent également être atteints, mais plus rarement.

L’homme est un hôte définitif qui se contamine majoritairement par ingestion d’abats et de viande de poulet contenant des L3.

La spirocercose se rencontre principalement en zones tropicale et subtropicale des continents asiatique, américain et africain. D’autres régions, comme le bassin méditerranéen ou l’Europe méridionale, sont fréquemment concernées. La France est également touchée ; de rares cas sont décrits dans la région de Béziers et du bassin d’Arcachon [7]. Le parasite est surtout rencontré dans les DOM-TOM et plus particulièrement en Guyane et sur l’île de la Réunion. L’étude la plus récente sur des animaux médicalisés montre une incidence de 4,8 % d’animaux qui expriment la maladie et 27,5 % de porteurs asymptomatiques [13]. Une enquête réalisée à partir de l’autopsie de chiens errants, euthanasiés en fourrière, a révélé une prévalence de 71 % [11]. Les chiens errants représentent un réservoir important du parasite qu’il convient de prendre en compte pour la prophylaxie.

Les chiens de grande race comme le labrador, le malinois, le berger allemand, le beauceron et le boxer sont prédisposés à la maladie [8, 9, 11, 13]. La prédisposition à cette affection dépend plus du mode de vie que de la race. Les animaux de grande race sont plutôt des chiens d’extérieur, les chiens de petite race vivent en majorité en intérieur. Ils sont donc moins exposés aux divers hôtes. Aucune prédisposition sexuelle n’existe. Bien que des chiens de tous âges puissent être affectés, les animaux atteints ont le plus souvent entre un et trois ans et demi [8, 13].

Pathogénie

Les larves exercent un effet pathogène direct mécanique et indirect par sécrétion de protéases lors de leur progression dans les parois vasculaires. Elles provoquent des hémorragies, des réactions inflammatoires et des nécroses des organes qu’elles traversent, ainsi que des anévrismes (aorte surtout). Il existe également un pouvoir antigénique qui provoque, d’une part, une réaction inflammatoire autour de ces nématodes avec un afflux de cellules poly- et mononucléées, et, d’autre part, le développement d’une coque fibreuse épaisse autour des vers adultes. Des granulomes aortiques centrés sur les jeunes adultes et les L4 peuvent se retrouver entre T7 et T10 [1].

Une anémie peut être consécutive à l’action directe spoliatrice des vers, à l’inflammation chronique et aux hémorragies engendrées par les migrations larvaires.

Les granulomes sont à l’origine de signes cliniques variés par compression des organes adjacents (trachée, poumons, nerf vague) et obstruction partielle de la lumière œsophagienne. Des signes nerveux et respiratoires sont dus à l’irritation et à l’inflammation des filets et terminaisons nerveux par ces granulomes.

Ceux-ci subissent fréquemment (mais pas systématiquement) une différenciation sarcomateuse sans que les causes de la transformation tumorale soient clairement identifiées. Les chiens qui présentent ces tumeurs sont infestés depuis une longue période : l’âge moyen d’apparition des tumeurs œsophagiennes est de sept ans alors que les cas de rupture aortique s’observent principalement chez des animaux de neuf mois en moyenne [13]. Ces tumeurs sont principalement des fibrosarcomes, mais aussi des ostéosarcomes, des fibroléiomyosarcomes et des sarcomes indifférenciés. Des vers adultes sont parfois retrouvés en leur centre. Les métastases sont fréquentes au niveau pulmonaire et ganglionnaire et le sont moins au niveau hépatique, rénal, pleural, cardiaque, diaphragmatique ou splénique.

La transformation tumorale ne dépend pas du taux d’infestation parasitaire [1, 12].

Un syndrome d’ostéopathie hypertrophiante, ou syndrome de Cadiot-Ball, est parfois observé lors de l’évolution d’une spirocercose et tout particulièrement en cas de processus tumoral secondaire à l’infestation. De manière générale, il est induit par une affection intrathoracique (tumeur et syndrome paranéoplasique) et plus rarement par une affection intra-abdominale. Les mécanismes pathogéniques à l’origine de ce syndrome ne sont pas encore élucidés. Le plus probable serait un mécanisme neurovasculaire avec une stimulation neurologique afférente exagérée qui entraînerait une augmentation du flux sanguin dans les extrémités des membres.

Les localisations erratiques seraient la conséquence de migrations larvaires dans le torrent veineux. Les larves qui atteignent parfois le stade adulte s’enkystent dans des localisations ectopiques comme le cœur, les poumons, les yeux, le tissu sous-cutané, le rectum ou les glandes salivaires, et provoquent une inflammation, un abcès, voire une nécrose des organes [3].

Signes cliniques

La spirocercose est fréquemment asymptomatique. Lorsqu’ils sont présents, les signes cliniques sont nombreux et donnent un tableau clinique protéiforme.

1. Signes généraux

Un amaigrissement (PHOTO 5), une baisse d’appétit et un abattement constituent les motifs de consultation les plus fréquents, avec les troubles digestifs. L’examen clinique peut révéler une hyperthermie et une pâleur des muqueuses en relation avec une anémie. Ces signes cliniques sont particulièrement marqués lors de néoplasme œsophagien (voir le TABLEAU “Signes cliniques lors de spirocercose”).

2. Signes digestifs

Régurgitations, vomissements, gêne à la déglutition et dysphagie sont les principales manifestations digestives (voir le TABLEAU complémentaire “Étiologie des régurgitations chez le chien” sur planete-vet.com). Leur fréquence augmente avec l’évolution de la maladie et ils sont plus ou moins marqués en fonction de la consistance des repas. Les vomissements deviennent de plus en plus rapprochés des repas. Certains chiens ne peuvent avaler que les liquides. Un méléna, une hématémèse et une diarrhée sont parfois notés ainsi qu’un ptyalisme et une halitose. Un auteur rapporte également des signes d’œsophagite (raclements de gorge) et un cas d’œdème de la gorge [13].

3. Signes respiratoires

Une dyspnée et une toux forte sont consécutives à la compression du nerf vague, voire de la trachée, et à l’inflammation des terminaisons nerveuses. Des syncopes à l’effort sont parfois observées.

Une détresse respiratoire avec discordance, hyperthermie et abattement est notée lors de pyothorax lié à la rupture d’un granulome dans la cavité thoracique.

En cas de rupture aortique à la suite d’une fragilisation par les migrations larvaires, une dyspnée majeure précède un état de choc hypovolémique qui entraîne la mort de l’animal.

4. Signes nerveux

La spirocercose peut provoquer des convulsions, une parésie et une paralysie lors de localisation larvaire erratique au niveau de la moelle épinière ainsi que des crises d’agressivité qui évoquent la rage en association avec un ptyalisme et des troubles de la déglutition.

5. Autres signes

Des boiteries intermittentes avec un œdème, une inflammation et une douleur de l’extrémité des os longs sont possibles lors de syndrome de Cadiot-Ball.

Les signes cliniques sont aussi variés que les possibilités de localisation erratique des larves : insuffisance cardiaque, abcès sous-cutané, nécrose des glandes salivaires [3], prolapsus rectal, etc.

Méthodes diagnostiques

1. Suspicion clinique

Un chien de plus de six mois qui présente des signes digestifs, respiratoires et généraux et qui vit en zone d’enzootie ou y a séjourné doit inciter le clinicien à rechercher la présence du parasite (voir le TABLEAU “Examens complémentaires réalisables lors de spirocercose”). Le diagnostic différentiel avec d’autres maladies parasitaires comme la dirofilariose cardiaque ou l’angiostrongylose doit être réalisé.

2. Hématologie et biochimie

La numération-formule sanguine est intéressante et devrait être systématiquement effectuée chez des chiens suspects de spirocercose pour évaluer une éventuelle anémie. Celle-ci est régénérative si les pertes sanguines dues à la spoliation par les parasites et aux saignements des masses œsophagiennes sont faibles et récentes. Elle est arégénérative en cas d’affection chronique. Dans une première étude, une hyperéosinophilie marquée est présente dans 32,1 % des cas, ainsi qu’une neutrophilie dans les mêmes proportions [13].

Une autre analyse décrit une leucocytose dans 82 % des cas et une anémie arégénérative dans 30 % des cas de sarcomes œsophagiens secondaires à une spirocercose [12].

Un auteur rapporte que l’activité des phosphatases alcalines et le taux de protéines plasmatiques sont significativement plus élevés chez les chiens atteints de spirocercose que chez les animaux indemnes [9].

3. Imagerie médicale

Radiographie

Des radiographies de face et de profil du thorax peuvent s’avérer utiles au diagnostic de granulomes œsophagiens, sans pour autant aboutir à un diagnostic de certitude.

La localisation la plus fréquente des granulomes est caudale à la huitième côte, en arrière de la base du cœur, principalement entre T8 et T10 (PHOTO6 6 ET 7) [1, 2, 8, 13]. Une dilatation œsophagienne mineure et des lésions osseuses de spondylose des vertèbres thoraciques caudales avec éventuellement un pont vertébral sont fréquemment observées (12 cas sur 15 chiens atteints de sarcome œsophagien dans une étude) [1, 2, 8, 9, 12].

Seuls des granulomes de taille supérieure à 2 cm peuvent être identifiés dans cette localisation typique [2]. Les nodules gastriques ne sont pas visibles sur des radiographies sans produit de contraste.

Lors d’infiltration pariétale diffuse avec des masses de faible diamètre, la radiographie présente des plages de densification interstitielle en regard de la zone de projection de l’œsophage sans masse clairement identifiable entre le cœur et le diaphragme (PHOTO 9).

En cas de tumorisation des granulomes, les masses ont une densité radiographique supérieure aux granulomes non tumoraux.

La radiographie thoracique permet parfois de mettre en évidence des lésions d’anévrisme aortique, mais le recours à l’artériographie à simple contraste s’avère plus utile.

L’utilisation de produits de contraste (barytés ou iodés selon la suspicion de perforation digestive) pour la réalisation d’un marquage œsophagien ou gastrique améliore grandement la qualité du diagnostic (PHOTO 8).

En cas de suspicion de syndrome de Cadiot-Ball, des radiographies des membres atteints sont indiquées (PHOTOS 10A ET 10B). Elles sont caractéristiques et révèlent un épaississement des corticales osseuses de la diaphyse des os longs et des phalanges, et une réaction périostée lisse et régulière ou bien discontinue d’aspect palissadique. Souvent, un épaississement des capsules articulaires et un gonflement des tissus mous en regard des lésions osseuses sont observés.

La radiographie ne permet pas de compter avec précision le nombre de masses ni d’en préciser la nature avec certitude. Le pronostic n’est pas le même en présence d’un ostéosarcome œsophagien ou d’un granulome.

Endoscopie digestive

L’endoscopie digestive par voie haute sous anesthésie générale est la méthode diagnostique de choix. Dans tous les cas, elle permet de mettre en évidence les granulomes dus aux parasites dans la paroi de l’œsophage ou de l’estomac (toujours près du cardia). Les nodules sont en nombre (isolé à plus d’une dizaine) et de taille variables (de quelques millimètres à plusieurs centimètres). Il peut s’agir de simples soulèvements de la muqueuse œsophagienne, de véritables kystes operculés (orifices par lesquels les femelles pondent leurs œufs) ou de volumineuses masses arrondies qui obstruent la lumière œsophagienne et engendrent un méga-œsophage. Alors que les granulomes sont généralement recouverts d’une muqueuse œsophagienne d’aspect lisse et régulier (PHOTO 11), les tumeurs secondaires à l’infestation ont le plus souvent un aspect irrégulier, inflammatoire et sont ulcérées à leur surface.

L’endoscopie permet de réaliser des prélèvements pour une étude histologique lors de suspicion de tumorisation des granulomes (aspect visuel défavorable ou syndrome paranéoplasique associé). La biopsie guidée par l’endoscope ne reflète pas toujours la nature histologique de la tumeur sous-jacente lorsque le processus tumoral n’envahit pas la muqueuse œsophagienne ou que le prélèvement est trop superficiel. Une ponction peut être effectuée au cours de cet examen pour une étude cytologique [7]. L’endoscopie permet aussi un suivi de l’efficacité du traitement. L’anesthésie générale est une contre-indication relative chez certains chiens qui ne sont pas cliniquement stables ou qui souffrent d’affections concomitantes comme une insuffisance cardiaque.

Le coût de l’examen peut être un frein à sa réalisation.

4. Coproscopie

La coproscopie est un examen simple qui peut être réalisé durant la consultation, mais qui est d’interprétation difficile.

La présence d’œufs dans le prélèvement de selles est aléatoire. Elle dépend de la présence de femelles adultes, de leur nombre, de la communication des kystes avec la lumière digestive et de la fréquence de ponte. L’expérience du manipulateur en matière de diagnose coproscopique est un paramètre important à prendre en compte.

Le prélèvement peut être observé soit directement au microscope entre la lame et la lamelle après dilution à 50 % dans de l’eau distillée, soit après une technique d’enrichissement (flottation en solution sucrée ou en sulfate de magnésium). Cette dernière nécessite plus de temps et la lecture est différée par rapport à la consultation.

L’observation des œufs de Spirocerca lupi se fait à l’objectif 20. L’examen doit être rigoureux et intéresser la totalité du prélèvement. Comme les œufs sont de petite taille et se confondent souvent avec les débris, les faux négatifs sont nombreux.

Une étude donne une sensibilité de 82 % avec la technique directe [8]. Des coproscopies réalisées après enrichissement se sont révélées négatives à 20 % alors que l’examen direct était positif. Une autre étude donne la technique de flottation en solution sucrée comme la plus sensible [13].

Cette méthode ne permet pas un diagnostic précoce puisqu’il faut attendre la fin de la période prépatente (jusqu’à neuf mois) pour que les femelles commencent à pondre. L’animal peut déjà présenter des signes cliniques de la maladie avant que des œufs soient observables.

La majorité des chiens atteints de sarcomes œsophagiens secondaires aux granulomes ont un examen coproscopique négatif au moment du diagnostic [12].

Il n’existe aucun test sérologique de la spirocercose. Cette maladie, souvent asymptomatique, peut ne se découvrir qu’à l’autopsie.

Traitement

1. Traitement antiparasitaire

Il n’existe, à l’heure actuelle en France, aucun médicament avec une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le traitement de la spirocercose canine à Spirocerca lupi. L’utilisation dans d’autres circonstances que celles spécifiées par l’AMM se fait uniquement sous la responsabilité du vétérinaire prescripteur. En outre, la toxicité de certaines molécules chez le chien doit amener le praticien à s’entretenir avec le propriétaire des traitements possibles et de leurs éventuels effets secondaires.

Les avermectines comme l’ivermectine et la doramectine sont les principales molécules antiparasitaires utilisées dans la lutte contre la spirocercose.

Ces avermectines antiparasitaires provoquent une paralysie des helminthes et des arthropodes sensibles. Fortement lipophiles, elles diffusent facilement dans de nombreux tissus, même les plus profonds, ce qui est intéressant dans le cas de la spirocercose.

L’ivermectine est active dans ce contexte à 200 (g/kg par injection sous-cutanée. Elle possède une rémanence d’au moins deux semaines à cette posologie et par cette voie d’administration, et de huit jours seulement par voie orale [1].

En France, l’ivermectine ne possède d’AMM que dans le cadre de la prévention de la dirofilariose cardiaque du chien (Cardomec®). Elle est contre-indiquée chez le colley, le berger des Shetland, le bobtail, le berger australien, les lévriers et leurs croisements en raison d’un risque toxique mortel accru par rapport aux autres races.

La toxicité se manifeste par une faiblesse et des modifications comportementales et nerveuses (ataxie, paralysie, amaurose, mydriase, ptyalisme) et évoluent vers le coma et la mort qui est le plus souvent inévitable. Les manifestations toxiques sont moins fortes et plus rares pour les races non prédisposées, et sont le plus souvent observées à des doses élevées (supérieures à 2 mg/kg) [1]. Injectée par voie sous-cutanée, cette substance peut provoquer une douleur au point d’injection, une réaction inflammatoire, voire un abcès.

Il convient de rechercher Dirofilaria immitis avant toute administration : sa présence peut provoquer un syndrome de choc par mort subite de nombreuses microfilaires. Dirofilariose et spirocercose co-existent fréquemment en zone d’enzootie (PHOTO 12).

Un protocole a utilisé la doramectine à 400 (g/kg, par voie sous-cutanée, six fois à deux semaines d’intervalle, puis une fois par mois jusqu’à disparition des masses œsophagiennes, chez sept chiens infectés expérimentalement (contrôle endoscopique de la présence de granulomes). Il a permis la réduction graduelle et significative de la taille des granulomes et des signes cliniques dans 100 % des cas [5]. La guérison complète est effective pour quatre chiens après sept traitements et pour deux autres en moins d’un an et demi. Un seul chien a conservé des petits granulomes après un an et demi. Pour 100 % des chiens, les œufs n’étaient plus détectés trois à dix jours après le premier ou le second traitement.

Des protocoles avec de l’ivermectine seule sont décrits selon les mêmes principes généraux, à la posologie de 200 à 400 (g/kg [13].

Un autre protocole, qui utilise l’ivermectine à dose élevée (1 000 (g/kg) et le nitroxinil à 10 mg/kg (AMM chez le chien pour l’ankylostomose et l’uncinariose, mais pas pour la spirocercose) injectés par voie sous-cutanée quatre fois à une semaine d’intervalle, a permis une amélioration clinique par réduction des nodules dans 81,6 % des cas [8].

D’autres anthelminthiques, comme le lévamisole, le fenbendazole ou le nitroscanate, sont cités comme étant actifs contre le parasite mais sont beaucoup moins utilisés que les avermectines [1]. Ils peuvent être administrés, soit en première intention, soit pour des animaux chez lesquels l’utilisation des avermectines est contre-indiquée.

2. Traitement chirurgical

La seule indication chirurgicale lors de spirocercose concerne les tumeurs œsophagiennes. Une technique d’œsophagectomie partielle avec exérèse large des tumeurs est suivie par une reprise de l’alimentation par sonde de gastrostomie pendant la durée de la cicatrisation. Comme le diagnostic de tumeur œsophagienne est le plus souvent tardif, la présence de métastases est possible au moment de la présentation de l’animal. Il convient dans ce cas d’enlever les nœuds lymphatiques adjacents et de reconsidérer l’intérêt de la chirurgie lors de métastases pulmonaires [7, 12].

3. Traitements complémentaires

Il est parfois nécessaire de prescrire des protecteurs de la muqueuse œsophagienne, des antiémétiques ou des antibiotiques lors de surinfection bactérienne.

L’emploi de corticoïdes à la dose de 0,5 mg/kg, deux fois par jour, durant trois semaines, en association avec un traitement à base d’ivermectine (600 (g/kg par voie sous-cutanée, deux fois à deux semaines d’intervalle) augmenterait la vitesse de guérison clinique [10].

La gestion du méga-œsophage consiste à distribuer l’alimentation en hauteur et à laisser le chien dans une position qui facilite le transit passif des aliments plusieurs minutes après la fin du repas. La consistance de l’aliment est adaptée à chaque animal : elle peut être liquide, semi-humide, voire solide pour certains. La pose d’un tube de gastrostomie est envisageable. L’anémie peut nécessiter une prise en charge spécifique, voire une transfusion sanguine.

Une chimiothérapie à base de doxorubicine est indiquée après exérèse large des tumeurs. La survie moyenne est de 267 jours [12]. La proximité du cœur et des poumons contre-indique l’usage de la radiothérapie en cas de tumeurs distales [7].

Lors de pyothorax, un drain est mis en place pour permettre l’évacuation du liquide accumulé et la réalisation de lavages thoraciques [4]. Le choc est également traité.

Prophylaxie

La prévention est difficile à mettre en place en raison du nombre important d’HI et d’HP qui peuvent transmettre les larves du parasite. Il est illusoire de vouloir se débarrasser de toutes ces espèces dans le milieu de vie des hôtes définitifs. Il convient donc de se limiter aux animaux domestiques sous la surveillance de leur propriétaire. L’alimentation doit proscrire tout ou partie de ces hôtes, particulièrement du poulet cru (la cuisson détruit les larves).

La meilleure prophylaxie serait donc de limiter le nombre d’œufs libérés dans la nature.

Le dépistage et le traitement des chiens infestés qui constituent un réservoir de la maladie sont des moyens d’en limiter l’expansion. La prophylaxie passe par la maîtrise des populations de chiens errants, nombreux dans les régions touchées par le parasite.

Les déjections devraient être ramassées et détruites régulièrement.

Les chiens infestés asymptomatiques posent problème car ils entretiennent la parasitose à bas bruit.

Une chimioprophylaxie à base de doramectine à 400 (g/kg injectée par voie sous-cutanée tous les mois avant une infection expérimentale n’a pas entièrement protégé les animaux contre le parasite, mais a réduit les signes cliniques associés, retardé la ponte et diminué le nombre d’œufs émis par rapport à un groupe de chiens non traités [6].

Un protocole à base de doramectine ou d’ivermectine administrées tous les mois ou tous les deux mois à la dose de 200 ou 400 (g/kg par voie sous-cutanée est utilisé dans certaines régions endémiques afin de tuer les larves en cours de migration à un stade précoce du cycle. L’efficacité de tels protocoles n’est pas avérée [13].

Pronostic

Le pronostic dépend du nombre, de la taille et de la localisation des nodules, ainsi que de la précocité du diagnostic et de la mise en œuvre d’une thérapeutique adaptée.

Il est toujours réservé compte tenu de la tumorisation possible des nodules œsophagiens et de complications fatales comme la rupture aortique aiguë lors des migrations larvaires. Les sarcomes œsophagiens secondaires à l’infestation parasitaire par Spirocerca lupi sont de mauvais pronostic ; un traitement chirurgical, lorsqu’il est indiqué, peut prolonger la durée de vie des chiens de plusieurs mois et améliorer nettement leur qualité de vie.

Même si les antiparasitaires détruisent les vers, la plupart des lésions sont irréversibles et les animaux peuvent conserver des séquelles à vie.

La spirocercose est une maladie parasitaire potentiellement mortelle à l’origine de manifestations cliniques variées. Le recours à des examens complémentaires, comme l’imagerie médicale, est nécessaire au diagnostic définitif qui doit être le plus précoce possible en raison du caractère rapidement évolutif des lésions.

Le traitement repose principalement sur l’emploi d’avermectines, non dénuées de risques toxiques pour l’animal. Cette maladie est d’une importance clinique majeure dans les DOM-TOM et en constante augmentation dans de nombreuses régions comme Israël, le sud des États-Unis et l’Afrique du Sud. Des recherches sont en cours pour le développement d’un diagnostic sérologique spécifique et l’amélioration des protocoles thérapeutiques.

Étude taxinomique

Embranchement des Némathelmintes

Classe des Nématodes

Sous-classe des Secernentea

Ordre des Spirurida

Sous-ordre des Spiruroidea

Famille des Spiruridés

Sous-famille des Spirurinés

Genre Spirocerca

6 espèces dont Spirocerca lupi

Points forts

La spirocercose est une helminthose due à la migration de Spirocerca lupi dans les parois de l’œsophage et de l’estomac.

Les zones d’enzootie sont les régions tropicales et subtropicales, en particulier les DOM-TOM.

Les granulomes sont à l’origine de signes cliniques variés, en particulier respiratoires (toux, dyspnée) et digestifs (vomissements et régurgitations).

L’endoscopie digestive par voie haute est la méthode diagnostique de choix.

Le traitement est à base d’avermectines utilisées hors AMM.

Remerciements au Pr Gad Baneth, aux Drs M. Gosset, M.-A. Blaiset et R. Green.

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