L’utilisation des psychotropes n’est pas sans risques chez le chat - Le Point Vétérinaire n° 269 du 01/10/2006
Le Point Vétérinaire n° 269 du 01/10/2006

CYSTITE IDIOPATHIQUE DU CHAT

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SUR ORDONNANCE

Auteur(s) : Marc Gogny

Fonctions : Unité de pharmacologie et toxicologie, ENV de Nantes, Atlanpôle La Chantrerie, 44307 Nantes Cedex 03

Le recours aux psychotropes chez le chat est encore insuffisamment documenté. Pour certaines molécules, la balance bénéfices/risques ne semble pas favorable.

Une chatte maine coon de deux ans est présentée à la consultation pour “incontinence urinaire”. Un diagnostic de cystite idiopathique en relation avec des troubles comportementaux est établi après les examens clinique et complémentaires usuels. Les spécialités présentées dans cette ordonnance sont prescrites. Elles sont associées à un aliment adapté et à un diffuseur de Féliway®. Après deux semaines de traitement, l’état général de l’animal se dégrade rapidement. Le confrère revoit la chatte et constate une apathie, une légère ataxie et un globe vésical. L’examen électrocardiographique révèle quelques anomalies, en particulier un allongement des intervalles PR, malgré une fréquence cardiaque augmentée.

Laroxyl® : Un antidépresseur efficace mais à risque

L’amitryptiline est un antidé­presseur tricyclique commercialisé sous le nom de Laroxyl®(1) (gouttes buvables) ou d’Elavil®(1) (comprimés). Il a été proposé chez le chien et le chat dans le traitement de plusieurs troubles du comportement, comme l’anxiété de séparation. Plus récemment, quelques auteurs américains l’ont proposé dans le traitement de la cystite idiopathique du chat, à la dose quotidienne efficace de 2,5 à 12,5 mg par animal (soit 1 mg/kg), seul ou en alternance avec le diazépam (Valium®(1)). En solution buvable à 40 mg/ml (soit 1 mg par goutte), l’administration est facile. Cependant aucun essai clinique contrôlé à grande échelle n’a été réalisé, et il n’existe pas de données pharmacocinétiques précises dans l’espèce féline. Chez l’homme, l’amitryptiline présente une biodisponibilité orale variable et plusieurs de ses métabolites sont actifs, dont le principal est la nortryptiline. Des différences notables sont suspectées chez le chat.

Les antidépresseurs tricycliques sont des inhibiteurs de la recapture des catécholamines et de la sérotonine. Au-delà de l’action recherchée, ils peuvent provoquer divers effets indésirables, notamment périphériques. En outre, l’amitryptiline est parasympatholytique et légèrement antihistaminique. Toute accumulation ou surdosage se traduit par des troubles variés. Les signes nerveux les plus communs sont une apathie, une ataxie et une désorientation. La rétention urinaire est liée au renforcement du sphincter vésical par les catécholamines et au blocage des récepteurs cholinergiques du muscle vésical.

Le tableau clinique décrit chez cette chatte peut donc être imputé à l’amitryptiline avec une bonne probabilité. Les symptômes vont disparaître après l’arrêt du traitement.

Spasmoglucinol® : Un antispasmodique génito-urinaire

Le phloroglucinol est bien connu des vétérinaires et des médecins. Il provoque une relaxation des fibres musculaires lisses, notamment génitales et urinaires, mais aussi digestives, par inhibition des phosphodiestérases. Son emploi chez cette chatte n’est cependant pas indiqué, sauf si le confrère n’est pas sûr de son diagnostic et qu’il envisage la présence éventuelle de sable ou de calculs. Mais, dans ce cas, l’amitryptiline deviendrait nettement contre-indiquée.

Tolfédine® : Une action anti-inflammatoire et analgésique

Comme pour le phloroglucinol, l’effet anti-inflammatoire et analgésique de l’acide tolfénamique n’a pas de réel intérêt s’il s’agit d’un trouble comportemental. Si, au contraire, l’animal est atteint de lithiase, cette action est bénéfique car l’inflammation et la douleur font partie du tableau clinique.

Valium® : Fallait-il en prescrire ?

Le diazépam(1) est employé pour lutter contre le marquage urinaire, à la dose de 0,2 mg/kg. Deux administrations quotidiennes semblent nécessaires, ce qui en limite l’intérêt. Un effet désinhibiteur chez un chat potentiellement agressifn’est pasexclu. Aucune étude n’a montré l’intérêt de l’utiliser en alternance avec l’amitryptiline.

  • Médicament à usage humain.

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