Une décision prud’homale favorable à l’employeur - Le Point Vétérinaire n° 268 du 01/09/2006
Le Point Vétérinaire n° 268 du 01/09/2006

DROIT DU TRAVAIL

Pratiquer

LÉGISLATION

Auteur(s) : Philippe Tartera

Fonctions : 6, impasse Salinié, 31100 Toulouse

Après avoir quitté son poste, une employée attaque son employeur vétérinaire pour licenciement abusif.

1. Les faits : Scène de ménage à la clinique

Depuis quelques mois, Mme Ménage travaille à la clinique du Dr Véto en qualité d’agent d’entretien, en vertu d’un contrat à durée indéterminée et à temps partiel. Le 18 octobre 2001, lors d’un entretien informel, Mme Ménage fait part au Dr Véto de son souhait de quitter cet emploi. Elle lui remet le lendemain une longue lettre dans laquelle elle confirme sa décision de « laisser la place » et décrit, entre autres, des difficultés relationnelles avec l’assistante vétérinaire. À partir de ce moment, Mme Ménage ne se représente plus à la clinique. Le 28 octobre 2001, le Dr Véto lui adresse une lettre recommandée dans les termes suivants : « Depuis notre entretien du 18 octobre, au cours duquel vous avez donné verbalement votre démission, confirmée par votre lettre du lendemain, vous ne vous êtes pas présentée à votre poste de travail. Afin de régulariser votre situation, veuillez nous confirmer votre démission par lettre recommandée, nous pourrons ainsi établir votre solde de tout compte. Sans réponse de votre part, nous considérerons votre abandon de poste comme une démission de fait. » À la suite de cette mise en demeure, Mme Ménage ne justifie pas son absence et ne se présente pas à son poste.

Le 14 novembre, le Dr Véto convoque régulièrement Mme Ménage à un entretien préalable à un éventuel licenciement, auquel elle ne se présente pas. Le 28 novembre, le Dr Véto notifie à Mme Ménage son licenciement pour cause réelle et sérieuse, soit l’abandon de son poste de travail.

Le 4 avril 2002, Mme Ménage saisit la juridiction prud’homale afin de faire reconnaître son licenciement comme abusif et de requalifier son contrat de travail en contrat à temps complet (et d’obtenir les indemnités et les rappels de salaire afférents).

Mme Ménage fait valoir qu’aucun contrat de travail écrit ne lui a été remis et qu’elle devait se tenir en permanence à la disposition de son employeur tant les variations d’horaires étaient importantes. Elle conteste avoir abandonné son poste de travail, ne disposant plus des clés de la clinique depuis le 18 octobre. Elle expose que l’employeur l’a congédiée oralement le 18 octobre 2001 et que la lettre qu’elle lui a remise le lendemain ne contenait aucune volonté claire et non équivoque de démissionner.

Le Dr Véto indique que Mme Ménage a bien en sa possession son contrat de travail écrit, mais qu’elle ne le lui a jamais renvoyé signé. Il précise que Mme Ménage ne se tenait pas en permanence à sa disposition : au contraire, elle lui imposait ses horaires de travail en fonction de ses autres emplois. Il ajoute que Mme Ménage avait manifesté clairement et sans équivoque le désir de quitter son emploi, tant oralement que par écrit, et que, la mise en demeure qu’il lui a adressée étant restée sans suite, Mme Ménage s’est bien trouvée en situation d’abandon de poste confirmé.

2. Le jugement : Les prud’hommes ne suivent pas l’employée

Le conseil de prud’hommes juge que le contrat de travail de Mme Ménage était bien un contrat à temps partiel et que la cause du licenciement est réelle et sérieuse, sans aucun caractère abusif.

En conséquence, il déboute Mme Ménage de l’intégralité de ses demandes et la condamne aux entiers dépens de l’instance.

3. Pédagogie du jugement : Présomption n’est pas preuve

Les prud’hommes ont constaté qu’il existait bien un contrat de travail à temps partiel et à durée indéterminée dûment rédigé, mais que ce contrat n’était pas signé de Mme Ménage. Or l’absence de signature de l’une des deux parties équivaut à une absence de contrat. Le Dr Véto ne peut pas arguer de la carence de Mme Ménage car c’est à lui de tirer les conséquences de la défaillance de la salariée. Ainsi, en l’absence d’écrit valide, le contrat de travail doit être présumé à temps complet. Mais il ne s’agit que d’une présomption, qui peut être combattue par les preuves contraires.

Tous les éléments versés aux débats, y compris des courriers de Mme Ménage elle-même, montrent que celle-ci travaillait simultanément pour plusieurs employeurs, qu’elle connaissait parfaitement la répartition de ses horaires de travail chez le Dr Veto et que ces horaires étaient réguliers.

De surcroît, Mme Ménage n’hésitait pas à fixer elle-même unilatéralement ses horaires et les imposait à son employeur. En conséquence, le conseil a jugé que Mme Ménage travaillait bien à temps partiel et qu’elle devait être déboutée de sa demande de requalification.

En ce qui concerne la validité du licenciement, le conseil a constaté que, même si la lettre de Mme Ménage ne traduisait pas une volonté claire et non équivoque de démissionner, celle-ci avait bien exprimé son souhait de quitter son emploi et ne s’était pas représentée à la clinique depuis ce jour, en dépit de la mise en demeure du Dr Véto. L’abandon du poste de travail était bien constitué, l’engagement d’une procédure de licenciement était légitime et Mme Ménage n’avait aucun motif sérieux pour ne pas se rendre à l’entretien préalable. Selon les prud’hommes, la décision cohérente du Dr Véto de licencier Mme Ménage pour abandon de poste est parfaitement justifiée. Le licenciement, régulièrement notifié, repose bien sur une cause réelle dont le caractère sérieux est incontestable et non abusif.

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