Conduite à tenir devant une suspicion de tuberculose - Le Point Vétérinaire n° 268 du 01/09/2006
Le Point Vétérinaire n° 268 du 01/09/2006

MALADIES INFECTUEUSES DU CHIEN ET DU CHAT

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CONDUITE À TENIR

Auteur(s) : Anne Thébault

Fonctions : Brécihan
35290 Saint-Onen-la-Chapelle

Lors de suspicion de tuberculose chez le chien et le chat, une démarche rigoureuse est nécessaire, afin de limiter l’extension de la maladie en cas de tuberculose avérée et d’éviter l’euthanasie d’un animal en réalité sain.

Maladie infectieuse d’évolution chronique, la tuberculose représente un danger important pour l’homme et les carnivores domestiques en raison de la promiscuité qui existe entre eux. C’est une affection rare et de diagnostic difficile.

Les chiens et les chats peuvent être les révélateurs d’une tuberculose humaine ou jouer un rôle potentiel de relais épidémiologique secondaire dans un foyer de tuberculose humaine ou animale.

Première étape : suspicion clinique

1. Données épidémiologiques

La fréquence de la tuberculose des carnivores domestiques a nettement diminué au cours des dernières décennies et est faible à l’heure actuelle. Aucune statistique n’est disponible dans la mesure où la tuberculose des carnivores n’est soumise à déclaration obligatoire que depuis peu de temps (2002) [16].

Le praticien doit tenir compte [14] :

- du mode d’alimentation de l’animal suspect ;

- de la profession, du mode de vie du propriétaire et de l’état de santé des personnes de son entourage (possibilité de tuberculose humaine).

En théorie, les animaux très jeunes ou âgés devraient être plus réceptifs en raison, soit de leur immunité encore peu développée, soit d’une baisse de celle-ci au-delà d’un certain âge. En pratique, les cas de tuberculose sont rarement décrits chez les jeunes, et la tuberculose atteint, dans la majorité des cas, des adultes entre quatre à six ans, bien que les études statistiques soient difficiles à interpréter en raison de la petite taille de l’échantillon [17].

A priori, par analogie avec l’homme infecté par le virus HIV, les chats infectés par le virus FIV et/ou FeLV et en phase d’immunodéficience devraient être des animaux à risque, mais en France, les cas de tuberculose féline ne semblent pas liés aux infections par ces rétrovirus [5].

2. Données cliniques

Les symptômes de la tuberculose chez les carnivores domestiques sont variés en raison de la diversité des organes atteints, des possibilités de localisations multiples et du degré d’évolution (association de symptômes locaux et/ou régionaux). Aucun symptôme, aucune image radiologique n’est pathognomonique de la tuberculose chez les carnivores [3, 14].

Les signes locaux

• La tuberculose thoracique, due à une contamination par des microgouttelettes d’origine respiratoire, est la plus fréquente.

La localisation bronchopulmonaire se traduit par des symptômes qui évoquent une atteinte bronchique ou bronchopulmonaire et qui évoluent sur un mode subaigu ou chronique : toux initialement rauque et sèche puis grasse, jetage mucopurulent, parfois sanguinolent (secondaire à une hémoptysie) ou fétide, dyspnée et tirage costal dans les cas avancés, zones de matité à la percussion et crépitations à l’auscultation. Les lésions radiographiques peuvent être discrètes ou prendre la forme de nodules multiples de quelques millimètres à plusieurs centimètres de diamètre.

La localisation pleurale accompagne souvent la localisation bronchopulmonaire. La pleurésie est généralement exsudative (rarement sèche). Elle se traduit par une discordance, une matité à la percussion et un souffle (tubaire ou caverneux). La ponction permet d’obtenir un liquide séreux, ambré, non hémorragique et non purulent.

La localisation péricardique est souvent associée à la pleurésie qui en masque les symptômes. Elle peut être la seule localisation, entraînant rapidement les symptômes d’une insuffisance cardiaque globale.

• La tuberculose abdominale ou digestive atteint les ganglions mésentériques, le foie, la rate, le péritoine et les intestins. Liée à la consommation d’aliments qui proviennent d’animaux contaminés, cette forme a presque disparu [5]. Chez le chien, elle est rarement isolée, mais représente plutôt une phase évolutive vers la généralisation. En revanche, chez le chat, elle existe de façon isolée dans environ 10 % des cas. Les manifestations sont peu spécifiques : vomissements, inappétence, diarrhée. La palpation abdominale permet de mettre en évidence une hypertrophie des ganglions mésentériques et, éventuellement, du foie et de la rate. La péritonite tuberculeuse est généralement exsudative (épanchements de liquide séreux et ambré). L’apparition de bacilles dans les urines est fréquente dans les cas de tuberculose rénale ou de généralisation (PHOTO 1).

• La tuberculose cutanée est rare [8]. Elle se traduit par des abcès froids à évolution lente, localisés à la tête chez le chat et à la région dorsolombaire chez le chien (PHOTO 2). Ces abcès ont tendance à s’ouvrir. Ils donnent des ulcérations ou des fistules à cicatrisation lente d’où s’écoule un pus de couleur grisâtre, riche en bacilles. La récidive est fréquente : après cicatrisation, un nouvel abcès se forme à côté du précédent. Quelquefois, des nœuds lymphatiques voisins (mandibulaires et/ou préscapulaires) peuvent s’hypertrophier.

• La tuberculose oculaire est plus souvent rencontrée chez le chat. Elle doit être envisagée en cas de conjonctivite granulomateuse, d’ulcère cornéen ou d’irido-cyclo-choroïdite.

• Les tuberculoses osseuse et articulaire sont rares. La première apparaît sous forme d’ostéomyélite ou d’ostéopériostite diffuse (“ostéopathie hypertrophiante”) secondaire à une tuberculose pulmonaire. La seconde se traduit par une arthrite subaiguë ou chronique localisée au jarret ou au grasset, à l’origine d’une boiterie.

• La tuberculose peut également atteindre le système nerveux ou l’appareil génital. Ces formes dues à Mycobacterium tuberculosis sont rares et n’ont pas été décrites depuis des décennies [17]. En revanche, quelques cas de mycobactériose à M. avium, qui provoque des troubles nerveux, ont fait l’objet de publication [11].

Les signes généraux

Les symptômes généraux n’apparaissent souvent qu’en phase terminale (bien que, quelquefois, ils soient les premiers à apparaître) : asthénie et faiblesse croissante, diminution de l’appétit, voire anorexie, hypertrophie modérée des ganglions périphériques, oscillations thermiques irrégulières, anémie, amaigrissement, voire cachexie.

L’évolution de la maladie est variable. Le plus souvent, l’aggravation progressive de l’état cachectique aboutit à la mort en trois à six mois. Parfois, chez le chat, l’évolution est plus lente et un état général satisfaisant est conservé pendant un à deux ans [14]. Dans quelques cas (animaux jeunes notamment, avec une tuberculose miliaire aiguë et un syndrome fébrile important), l’évolution est plus rapide, un à deux mois au maximum.

Le diagnostic différentiel

Le diagnostic différentiel doit être fait avec les autres affections chroniques cachectisantes, les maladies pulmonaires chroniques, les pleurésies et les épanchements (voir le TABLEAU “Éléments de diagnostic différentiel de la tuberculose chez les carnivores domestiques”).

Le diagnostic clinique de la tuberculose est pratiquement impossible. Il est toujours nécessaire de recourir au diagnostic expérimental.

Deuxième étape : confirmation

Les méthodes d’investigation sont variées (cliniques, radiologiques, biologiques, bactériologiques, histologiques). Chaque technique est souvent insuffisante en elle-même ou n’a pas été validée chez les carnivores, mais apporte des informations pour le diagnostic [5].

1. Diagnostic nécropsique

Contrairement aux autres espèces animales, la tuberculose présente peu de lésions spécifiques chez les carnivores [15]. Elle doit être évoquée devant un tableau nécropsique associant :

- la présence d’infiltrations ou d’épanchements (mode d’évolution aigu qui fait intervenir des phénomènes vasculaires non spécifiques de type exsudatif) ;

- des lésions parenchymateuses nodulaires ou “tubercules” (mode d’évolution subaigu, qui fait intervenir des phénomènes cellulaires spécifiques de type productif) (PHOTO 3) ;

- des réactions ganglionnaires, particulièrement lors d’une localisation pulmonaire ou, chez le chat, d’une localisation abdominale.

Le diagnostic nécropsique est difficile à établir, la tuberculose devant être différenciée d’autres affections qui présentent le même type de lésions (pseudotubercules parasitaires, métastases tumorales, actinomycose, pseudotuberculose…). Une confirmation histopathologique ou bactériologique est nécessaire.

2. Diagnostic expérimental

À chaque fois que cela est possible, des méthodes objectives directes, bactériologique (coloration de Ziehl) ou histopathologique, sont utilisées (PHOTO 4). Les techniques sérologiques et celles fondées sur la mise en évidence de l’hypersensibilité sont peu fiables et peuvent être sources d’erreurs : par défaut, avec des conséquences importantes sur le plan sanitaire, et par excès, entraînant le sacrifice inutile de nombreux animaux (voir le TABLEAU “Avantages et inconvénients des différentes méthodes de diagnostic expérimental”).

Le diagnostic bactériologique

• Le diagnostic bactériologique a pour objectif de mettre en évidence la mycobactérie en cause à l’examen microscopique, de l’isoler par culture ou inoculation à un animal de laboratoire sensible, puis de l’identifier par ses caractères de culture et biochimiques. Seule cette méthode permet un diagnostic de certitude quand le résultat est positif. Les prélèvements de choix pour effectuer cette recherche chez un animal vivant sont :

- les liquides de ponction obtenus par thoracocentèse, abdominocentèse, cytoponction à l’aiguille fine ou prélèvements de liquide de suppuration ;

- les biopsies de ganglions, de masses superficielles ou d’organes internes par laparotomie exploratrice ou échoguidage ;

- le culot urinaire ;

- les expectorations ou liquides de lavage broncho-alvéolaire (le port de masque est impératif pour effectuer de tels prélèvements).

En post-mortem, le praticien peut aisément réaliser autant de prélèvements que de lésions visibles.

• Les prélèvements sont effectués de la façon la plus aseptique possible, afin d’éviter les contaminations par la flore bactérienne commensale. Ils sont acheminés vers un laboratoire compétent pour les recherches bactériologiques (laboratoire départemental par exemple), par la voie la plus rapide, en respectant les précautions exigées pour le transport de tout produit biologique : les prélèvements réalisés post-mortem sont conservés dans le formol, ceux effectués du vivant de l’animal sont transportés sous le régime du froid dans un emballage à trois couches. Il convient de se renseigner auprès du laboratoire concerné avant l’envoi des prélèvements. À leur arrivée au laboratoire, ils sont centrifugés, puis mis en culture. À l’obtention d’une culture, un frottis est réalisé afin de vérifier la présence de bacilles AAR (acido-alcoolo-résistants), par la coloration de Ziehl. Les mycobactéries sont colorées en rouge et les contaminations éventuelles apparaissent en bleu [17].

Des techniques de biologie moléculaire (hybridation directe avec une sonde d’ADN ou amplification génique par PCR [“polymerase chain reaction”], puis hybridation secondaire avec des sondes) sont maintenant utilisées pour identifier les mycobactéries, mais pas en pratique courante en médecine vétérinaire. Ces tests sont très sensibles, mais présentent des défauts de spécificité ; les sondes nucléiques commercialisées ne permettent pas de différencier les différents types de mycobactéries tuberculeuses [3, 4, 6]. Les recherches s’orientent actuellement sur la mise au point de sondes à ADN qui distinguent directement M. tuberculosis de M. bovis.

Le diagnostic histopathologique

Le diagnostic histopathologique est relativement rapide et a une bonne spécificité. Il peut être réalisé à partir de prélèvements chez l’animal vivant (cytoponction ou biopsie d’un ganglion superficiel, du parenchyme pulmonaire, du foie, de la rate, des reins, d’une masse cutanée, des ganglions mésentériques, etc.). Mais, en pratique, il est effectué presque exclusivement sur des tissus prélevés post-mortem. Chez les carnivores, la réaction inflammatoire est de type épithélioïde et lymphocytaire. Les cellules géantes de Langerhans sont généralement absentes.

Il est possible de réaliser un examen cytologique à partir d’un épanchement pleural ou péritonéal. La tuberculose est définie par la présence d’un grand nombre de lymphocytes. Il ne s’agit pas d’un diagnostic de certitude, mais d’un élément de présomption.

Le diagnostic sérologique

• Le diagnostic sérologique a pour objectif de rechercher les anticorps présents dans le sérum de l’animal supposé tuberculeux. Plusieurs méthodes peuvent être utilisées : la réaction de fixation du complément qui met en œuvre un antigène préparé à partir de M. tuberculosis (réaction de Hole), la réaction d’hémagglutination passive (réaction de Middlebrook-Dubos), la réaction d’agglutination de particules de kaolin (réaction de Takahashi) ou le test Elisa. Aucun laboratoire vétérinaire ne pratique ces réactions sérologiques en routine en France [14].

• L’interprétation des tests sérologiques doit être faite avec circonspection, compte tenu du risque d’erreur :

- par excès : chez les chiens atteints de leishmaniose ou chez les carnivores qui ont fait l’objet d’un test BCG préalable ;

- par défaut : les bactéries pathogènes responsables de l’infection tuberculeuse ont un pouvoir immunogène qui se traduit par la production d’anticorps sériques en très faible quantité (l’élaboration de ces anticorps dépend de la composition chimique et antigénique du bacille tuberculeux). Chez le chat, la recherche des anticorps qui fixent le complément avec l’antigène paratuberculeux ne présente aucun intérêt [2].

Le diagnostic allergique

Le diagnostic allergique est fondé sur la recherche de l’hypersensibilité retardée spécifique qui se développe chez l’animal infecté à l’égard du bacille tuberculeux. Deux méthodes peuvent être utilisées directement par le praticien :

- l’administration de mycobactéries chez le chien (“BCG-test”). Ce test consiste en l’injection par voie intradermique à la face interne de la cuisse, après désinfection à l’éther de la zone concernée, de 0,1 à 0,2 ml de BCG(1) périmé ou tué par chauffage (30 min à 60 °C). La lecture a lieu entre 48 et 72 heures plus tard. Le test est positif en présence d’une plaque érythémateuse, surélevée, circonscrite par un bourrelet congestif. La partie centrale a tendance à se nécroser dans les jours qui suivent [14] ;

- l’administration d’allergo-haptènes extraits de culture de bacilles tuberculeux (tuberculines). En pratique, seule la tuberculination par voie sous-cutanée est utilisable. Le principe est simple : injection de 0,2 à 0,6 ml de tuberculine synthétique titrant 25 000 UI/ml, puis prise de la température de l’animal toutes les deux heures. Le résultat est positif si la température atteint 40 °C au cours de deux contrôles successifs (avec une variation thermique au moins égale à 1,5 °C) [14].

Troisième étape : origine de la contamination

• En présence d’un animal apparemment en bonne santé dans un contexte épidémiologique défavorable (cas de tuberculose humaine dans son entourage), une question se pose de plus en plus fréquemment : le carnivore est-il la victime ou la source de l’infection humaine (voir l’ENCADRÉ “Les sources de contamination des carnivores domestiques”) ?

• Une étude épidémiologique permet de vérifier la réalité des risques.

Un homme atteint de tuberculose peut-il contaminé son animal ? Il est facile de vérifier la réalité du risque de contamination (promiscuité avec un sujet reconnu tuberculeux), mais plus difficile de confirmer cette hypothèse. Les méthodes diagnostiques appliquées au dépistage (recherche d’une éventuelle séroconversion) donnent des résultats peu satisfaisants. De plus, un résultat positif permet d’affirmer que l’animal a produit des anticorps antimycobactériens, mais ne traduit pas forcément une infection au sens strict ; il est probable que l’animal, comme c’est le cas chez l’homme, puisse être porteur sain, au niveau de l’intestin, de mycobactéries du complexe Mycobacterium avium - M. intracellulare présentes dans l’environnement [7, 10]. Seule l’observation clinique périodique de l’animal, accompagnée des précautions sanitaires indispensables, permet d’apporter, à long terme, une confirmation ou une infirmation.

Un carnivore domestique apparemment sain peut-il être à l’origine de la contamination de l’homme ? La réponse est facile à apporter. En effet, compte tenu des délais nécessaires au diagnostic de la maladie chez l’homme (la contamination par l’animal, l’incubation, l’apparition de symptômes, l’hospitalisation et l’établissement du diagnostic prennent au moins six mois), il suffit d’observer l’animal : s’il ne présente aucun signe de maladie, il est peu probable qu’il soit à l’origine de la contamination humaine.

Quatrième étape : prophylaxie

1. Déclaration obligatoire

Depuis 2002, la tuberculose des carnivores est une maladie soumise à déclaration obligatoire. La constatation d’un cas doit donc faire l’objet d’une déclaration auprès de la DDSV (direction départementale des services vétérinaires) du département où vit l’animal [16].

2. Prophylaxie sanitaire

• La tuberculose étant une zoonose, tout animal tuberculeux constitue un risque pour son entourage. Il est indispensable de demander au propriétaire de prendre contact avec son médecin afin de l’informer du diagnostic. Il adoptera les mesures nécessaires pour le propriétaire et son entourage. Inversement, il est conseillé de surveiller les animaux qui vivent au sein d’une famille où un cas de tuberculose (humaine ou animale) a été diagnostiqué.

• La tuberculose des carnivores, et en particulier l’euthanasie d’un animal tuberculeux, n’est soumise à aucune mesure obligatoire. Toutefois, l’euthanasie de l’animal est fortement recommandée (circulaire du ministère de l’Agriculture du 17 mars 1970). Cet acte doit être justifié auprès du propriétaire par des arguments principalement épidémiologiques (risque de sélectionner des souches résistantes pour l’homme) et économiques (lourdeur et coût du traitement). Si celui-ci refuse l’euthanasie de son animal, il doit lire et signer une décharge (voir l’ENCADRÉ “Déclaration à faire remplir par le propriétaire d’un animal tuberculeux refusant son euthanasie”). Le directeur des services vétérinaires peut prendre le relais pour tenter de convaincre le propriétaire [16].

• La destruction ou la désinfection à l’eau de Javel, désinfectant de choix pour les mycobactéries, de tous les objets, matériel et locaux en contact avec l’animal tuberculeux est indispensable (solution de Javel titrant 1° chlorométrique, en contact pendant dix minutes).

• Par mesure d’hygiène, il convient d’éviter de faire consommer aux carnivores domestiques du lait cru et certains abats (poumons).

3. Prophylaxie médicale par la vaccination

La vaccination des animaux contre la tuberculose n’est pas autorisée en France en raison du faible risque de contamination et de la positivation de la réaction tuberculinique [5]. Elle ne serait de toute façon intéressante que chez les animaux soumis à un risque important [14].

4. Traitement

Malgré les progrès récents, le traitement de la tuberculose est long et contraignant. Des essais de traitement ont été réalisés chez le chat aux États-Unis, fondés sur l’administration quotidienne de trois antibiotiques pendant deux mois, puis de deux antibiotiques pendant trois mois [9]. Ces traitements impliquent une identification précise du bacille tuberculeux et la détermination de sa sensibilité aux antibiotiques antituberculeux. Ils sont longs, onéreux et souvent mal tolérés par les animaux traités (hépatotoxicité). Un suivi radiologique et bactériologique de l’évolution de la maladie est indispensable. La rémission clinique n’est pas systématique.

Sans diagnostic certain, le traitement antibiotique (pénicilline ou streptomycine) est fortement déconseillé : en cas de tuberculose avérée, l’emploi de la streptomycine, antituberculeux majeur, sans autre antibiotique associé (contrairement aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé) serait responsable de la sélection de souches résistantes [5].

En présence d’un cas de tuberculose, le vétérinaire a un rôle essentiel à jouer dans le maintien de la santé publique, en responsabilisant, à l’aide d’un cadre légal, le propriétaire de l’animal. Ce dernier doit être conscient du fait que les carnivores domestiques peuvent servir de relais dans la transmission de la tuberculose humaine.

Néanmoins, la tuberculose est une affection difficile à diagnostiquer et à soigner, même si l’évolution des techniques de laboratoire (hybridation directe in situ, directement sur les prélèvements pathologiques, avec une sonde d’ADN ou par PCR) et des moyens thérapeutiques, au moins pour l’homme, est encourageante.

  • (1) Disponible en pharmacie : vaccin BCG SSI®.

Les sources de contamination des carnivores domestiques

Jusque dans les années 1970, la contamination des carnivores par l’homme était admise pour les chiens, mais elle était plus limitée pour les chats [1] :

- chez le chien, on estimait généralement que deux cas sur trois relevaient d’une contamination humaine par M. tuberculosis (porte d’entrée digestive à partir des expectorations flairées sur le sol ou de gouttelettes d’origine respiratoire virulentes). Les chiens ainsi contaminés développaient souvent une tuberculose respiratoire. Un cas sur trois relevait d’une contamination bovine par M. bovis, les chiens étaient contaminés soit par ingestion de lait ou de déchets d’abattoir virulents (porte d’entrée digestive), soit par inhalation de gouttelettes infectées pour ceux qui avaient accès à des étables (porte d’entrée respiratoire) ;

- chez le chat, la contamination d’origine humaine par M. tuberculosis était considérée comme exceptionnelle (moins d’un cas sur dix). En revanche, la contamination d’origine bovine par M. bovis était fréquente, le chat de ferme étant fréquemment nourri à base de lait ou de mou, ce qui expliquait l’importance de l’atteinte abdominale initiale.

Le développement de l’alimentation industrielle pour les animaux familiers, la pasteurisation quasi systématique du lait et surtout l’éradication presque totale de la tuberculose du bétail dans les pays industrialisés ont entraîné une diminution importante des tuberculoses canine et féline [1]. Actuellement, la principale source de contamination des chiens et des chats est l’homme, essentiellement par Mycobacterium tuberculosis (et ponctuellement par M. bovis), à l’exception de quelques cas de transmission par des élevages bovins ou caprins tuberculeux (voir la FIGURE “Les principales interrelations entre les tuberculoses humaines et animales”).

Deux points sont à prendre en considération :

- la résurgence de la tuberculose humaine, liée à deux phénomènes : l’existence de l’immunodéficience provoquée par le virus HIV et la précarité (accroissement de la pauvreté et du nombre de personnes sans domicile fixe), entraînant des perturbations hygiéniques ;

- l’accroissement considérable de souches de Mycobacterium résistantes, en particulier aux États-Unis ;

Le contrôle de la tuberculose bovine, même correctement effectué, ne peut assurer l’éradication de M. bovis, en raison du nombre d’animaux de la faune sauvage (par exemple les blaireaux en Grande-Bretagne) qui jouent le rôle de réservoir et permettent la recontamination des cheptels assainis [12, 13].

Déclaration à faire remplir par le propriétaire d’un animal tuberculeux refusant son euthanasie

Je soussigné(e), M. ou Mme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . , déclare :

1 - avoir été informé(e) par le docteur vétérinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

- que l’animal (espèce, race, âge, n° de tatouage ou de puce) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . est atteint de tuberculose confirmée par un examen de laboratoire ;

- qu’il constitue un danger pour les personnes et les animaux qu’il approche ;

- que le traitement est long, qu’il ne supprime en aucun cas le danger évoqué, et qu’il représente, s’il est mal conduit, un risque pour la santé publique dû à la sélection de bacilles tuberculeux résistants aux traitements actuels ;

2 - désirer néanmoins conserver cet animal.

Faire précéder la signature de la date et des mots “Lu et approuvé”.

D’après la circulaire du ministère de l’Agriculture du 17 mars 1970.

  • 1 - André-Fontaine G. Tuberculose des carnivores : données actuelles et perspectives. Point Vét. 1994;26(159):45-48.
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  • 13 - Monies B, De la Rua R, Jahans K. Bovine tuberculosis in cats. Vet. Rec. 2006;158(14):490-491.
  • 14 - Moraillon R, Legeay Y. Dictionnaire pratique de thérapeutique canine et féline. 5e éd. Ed. Masson, Paris. 2004:628 pages.
  • 15 - Parodi L. Diagnostic anatomo-pathologique de la tuberculose des carnivores domestiques. Animal de compagnie. Crépin-Leblond Ed., Paris. 1971:201-212.
  • 16 - Toma B. Questions-réponses sur la tuberculose du chien et du chat. Le nouveau praticien vétérinaire. 2004;18:8.
  • 17 - Vincent C. La tuberculose canine à Mycobacterium tuberculosis. Revue bibliographique et observation personnelle. Thèse de doctorat vétérinaire, Université Claude Bernard, Lyon. 2002:178 pages.
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