Sténose œsophagienne traitée par bougienage - Le Point Vétérinaire n° 266 du 01/06/2006
Le Point Vétérinaire n° 266 du 01/06/2006

ENDOSCOPIE CHEZ LE CHIEN

Pratiquer

CAS CLINIQUE

Auteur(s) : Jérôme Couturier*, Laurent Guilbaud**

Fonctions :
*CHV Frégis
43, avenue Aristide-Briand
94110 Arcueil
**Clinique des Arcades
544, boulevard Louis-Blanc
69400 Villefranche-sur-Saône

Une sténose œsophagienne secondaire à un reflux gastro-œsophagien peropératoire est suspectée chez une chienne. L’endoscopie confirme le diagnostic et permet le traitement de la sténose.

Une chienne caniche âgée de neuf ans qui manifeste de la dysphagie et des régurgitations depuis trois semaines est référée pour œsophagoscopie.

Cas clinique

1. Commémoratifs et anamnèse

La chienne a subi une ovario-hystérectomie un mois auparavant en raison d’un pyomètre (J 1). Les signes cliniques ont débuté environ sept jours après l’intervention chirurgicale, puis leur fréquence a augmenté. La chienne ne présentait aucun signe avant l’opération. L’ingestion d’un produit caustique ou toxique est jugée peu probable par les propriétaires.

Les propriétaires rapportent une dysphagie œsophagienne : la durée des repas de la chienne augmente et ils s’accompagnent d’un ptyalisme et d’un inconfort après chaque déglutition (tentatives de déglutitions répétées). Les régurgitations deviennent systématiques et ne concernent que les aliments solides. La chienne manifeste de l’intérêt pour la nourriture, mais ne finit pas ses repas et régurgite systématiquement la totalité ou une partie de sa ration. Des clichés radiographiques du thorax réalisés par le vétérinaire traitant n’ont pas mis en évidence d’anomalie.

2. Examen clinique

L’état général de l’animal est satisfaisant malgré un amaigrissement notable (900 g perdus pour un poids de 3,1 kg à l’admission) (J 30). La chienne ne présente pas d’hyperthermie ; la palpation abdominale n’est pas douloureuse. L’examen de la cavité buccale met en évidence un dépôt de tartre modéré sans gingivite associée. Aucune érosion de la muqueuse buccale n’est notée. La palpation du larynx et de la région de l’encolure est normale.

3. Hypothèses diagnostiques

Le tableau clinique est dominé par des régurgitations, une dysphagie œsophagienne, une odynophagie (douleur lors de la déglutition) et des déglutitions répétées, les hypothèses sont donc en faveur d’un dysfonctionnement œsophagien.

La régurgitation sélective des aliments solides oriente vers une cause obstructive. Les causes d’obstruction de l’œsophage (sténose, corps étranger, tumeur) et en second lieu les causes d’hypomotilité (œsophagite, neuropathie – hypothyroïdie, hypocorticisme, etc. –, myasthenia gravis) sont évoquées.

Compte tenu de l’apparition des symptômes après une chirurgie abdominale, l’hypothèse d’une œsophagite peptique peropératoire à l’origine d’une sténose cicatricielle semble la plus probable. Une sténose secondaire à une œsophagite spontanée (reflux gastro-œsophagien ou vomissements chroniques) ou accidentelle (ingestion d’un produit caustique) est une cause possible, mais jugée moins probable car elle serait indépendante de l’intervention chirurgicale et parce que l’anamnèse est peu en faveur dans ce cas. Une tumeur ne peut être exclue, ni une obstruction par un corps étranger (même si cette affection est plus fréquente chez les chiens plus jeunes). Les causes d’hypomotilité de l’œsophage (neuropathie, hypocorticisme, etc.) sont de fréquence moindre et s’accompagnent le plus souvent d’autres signes cliniques.

4. Examens complémentaires

L’examen endoscopique révèle une sténose œsophagienne située à 15 cm du sphincter œsophagien crânial (PHOTO 1). L’endoscope ne peut être introduit au-delà de la sténose, ce qui empêche l’exploration du reste de l’œsophage.

5. Diagnostic et pronostic

La chienne présente une sténose de l’œsophage. L’anamnèse et les commémoratifs sont en faveur d’une œsophagite survenue pendant l’ovario-hystérectomie effectuée un mois auparavant.

Le pronostic est réservé à ce stade puisqu’il dépend de l’étendue de la lésion (non objectivable à l’endoscopie). Le traitement consiste en une dilatation de la sténose. Il présente toutefois un risque de perforation œsophagienne.

6. Traitement : dilatation sous endoscopie

Après une prémédication par voie intramusculaire à l’aide de l’association médétomidine (10 µg/kg), kétamine (3 mg/kg), morphine((1)) (0,1 mg/kg), puis une induction intraveineuse au propofol (4 mg/kg) suivie d’une intubation trachéale (oxygénothérapie seule), une première dilatation est effectuée sous endoscopie (J 40) par bougienage (PHOTO 2). Une bougie de type Savary-Gillard (bougie plastique semi-rigide de diamètre 3/12 mm) est introduite très progressivement le long de l’endoscope puis maintenue en place cinq minutes environ sous contrôle endoscopique (PHOTO 3). L’absence de déchirure au-delà de la sous-muqueuse est ensuite contrôlée (PHOTO 4). L’analgésie est poursuivie par une nouvelle injection de morphine(1) au réveil (0,1 mg/kg).

Des corticoïdes (dexaméthasone – Cortaméthasone®, 0,2 mg/kg par voie intramusculaire puis prednisolone 1 mg/kg/j pendant sept jours, puis 0,5 mg/kg/j pendant sept jours par voie orale) sont prescrits pour réduire les strictions postdilatation. Un anti-acide gastrique (phosphate d’aluminium, Phosphaluvet®, 3 ml/8 h pendant sept jours par voie orale) est ajouté. Une alimentation liquide à base de Fortol® est distribuée quotidiennement en hauteur.

La dilatation doit être progressive et deux autres séances sont effectuées à cinq jours d’intervalle (J 45 et J 50).

7. Suivi

•Le lendemain de la troisième séance (J 51), la chienne est abattue et présente une polypnée, une hyperthermie modérée (39,3° C), une anorexie et déglutit à nouveau de façon répétée. Les hypothèses face à cette baisse de l’état général sont une œsophagite et une perforation œsophagienne, secondaires à la dilatation effectuée la veille et une bronchopneumonie par fausse déglutition. Une radiographie du thorax est effectuée dans le but d’objectiver ces deux hypothèses (PHOTO 5). La présence d’air dans l’œsophage cervical et thoracique ainsi que la visualisation des muscles longs du cou sont en faveur d’un mégaœsophage secondaire à l’intervention. De l’air semble également souligner les contours de la trachée cervicale (emphysème cervical profond probable). Ce signe, associé à l’aspect hétérogène du médiastin crânio-dorsal, semble suggérer un pneumomédiastin de gravité modérée (et éventuellement une hémorragie médiastinale ou une médiastinite). Le mégaœsophage est classiquement présent douze heures après la dilatation et les lésions du médiastin semblant minimes, un traitement symptomatique est mis en place. Un antalgique (morphine(1) 0,2 mg/kg par voie sous-cutanée) et de la dexaméthasone (Cortaméthasone®, 0,1 mg/kg par voie intramusculaire) sont administrés. L’amélioration rapide en douze heures de l’état général permet de rendre l’animal à ses propriétaires le lendemain. Le traitement instauré (prednisolone, 0,5 mg/kg/j/7 j par voie orale et pansement gastrique) est poursuivi et complété par un anti-acide (rabéprazole(1), Pariet® 0,7 mg/kg/j pendant trois mois par voie orale).

•Deux dernières séances de dilatation sont effectuées ensuite à dix jours d’intervalle (J 70 et J 80). Elles permettent une dilatation pratiquement complète de la sténose, puisque seule une bride persiste en amont du cardia. L’estomac examiné par gastroscopie est normal à ce stade. L’alimentation à base de Fortol® est remplacée progressivement par une alimentation humide énergétique de Hill’s a/d® (distribution toujours en hauteur).

8. Évolution

La chienne ne présente plus de signe depuis la dernière séance de dilatation. Le traitement anti-sécrétoire est maintenu un mois après la dernière intervention et une alimentation semi-liquide est distribuée en hauteur pendant encore un mois. Aucun signe digestif n’est rapporté depuis (deux ans après l’intervention).

Discussion

1. Étiologie

•Les sténoses œsophagiennes sont consécutives à une œsophagite sévère ou répétée secondaire à différentes affections [15] :

- un reflux gastro-œsophagien (RGO) lors d’anesthésie ou plus rarement favorisé par une hernie hiatale ;

- des vomissements chroniques ;

- l’ingestion de caustiques ou de médicaments (tétracyclines chez le chat) ;

- l’ingestion de corps étrangers.

•Compte tenu de l’anamnèse, la sténose chez cette chienne semble due à une œsophagite sévère provoquée par un RGO pendant l’anesthésie pratiquée un mois auparavant. Il s’agit du cas le plus fréquemment rapporté de sténoses œsophagiennes [9], [15, [18] (65 % [1], [9]). Une œsophagite crée une sténose si la lésion s’étend à travers la sous-muqueuse et atteint la musculeuse de l’œsophage à l’origine du développement de tissu fibreux (formes sévères d’œsophagite) [15]. Un cercle vicieux peut ensuite se mettre en place dans la mesure où l’œsophagite diminue le tonus du sphincter œsophagien caudal, ce qui aggrave les risques de RGO [15].

•Plusieurs facteurs favorisant le déclenchement du RGO lors d’anesthésie ont été identifiés.

De nombreux agents de prémédication diminuent le tonus du sphincter œsophagien caudal (SOC). L’atropine, la xylazine, l’acépromazine sont les plus concernés. La kétamine et le diazépam(1) diminuent moins ce tonus et sont donc indiqués chez les individus à risque [4]. Ainsi, une prémédication à base de morphine(1), de kétamine et de médétomidine (effet analgésique supplémentaire) a été employée pour chaque séance de dilatation dans le cas décrit. Parmi les agents d’induction, le thiopental diminue moins le tonus du SOC que le propofol [12], [16]. Le propofol a été néanmoins préféré dans ce cas en raison de la répétition des anesthésies à quelques jours d’intervalle et de l’âge de l’animal. Parmi les anesthésiques volatils, l’halothane semble moins à risque que l’isoflurane [7] (anesthésie fixe et oxygénothérapie uniquement dans ce cas). Il convient cependant de noter que tous les agents anesthésiques de prémédication, d’induction et d’entretien diminuent (mais à des degrés variables) le tonus du SOC.

Une augmentation de la durée du jeûne (supérieure à vingt-quatre heures) s’accompagne également d’une incidence plus élevée du reflux gastro-œsophagien ainsi que d’une augmentation de l’acidité gastrique [4]. Il convient donc de limiter le jeûne préopératoire au minimum nécessaire (pas plus de douze heures en pratique). Inversement, il convient de ne pas anesthésier un animal qui ne serait pas à jeun en raison du caractère émétisant de certains agents anesthésiques (morphine, alpha 2-agonistes, etc.), ce qui augmente le risque de vomissement de particules alimentaires et de suc gastrique acide (donc d’œsophagite) et secondairement de fausse déglutition (notamment pour les procédures anesthésiques courtes sans intubation endotrachéale).

Les interventions chirurgicales intra-abdominales s’accompagnent également d’une augmentation de fréquence de RGO [5]. Parmi celles-ci, l’ovariectomie (ou l’ovario-hystérectomie comme dans le cas présent) est la chirurgie la plus fréquemment à l’origine de reflux car il s’agit de l’opération de convenance la plus pratiquée. Néanmoins, l’imprégnation hormonale (progestérone et œstrogène) est reconnue comme diminuant le tonus du cardia chez la femme [1]. Cela pourrait intervenir également chez la chienne et chez la chatte et expliquer que ces actes chirurgicaux soient souvent liés à l’apparition de RGO. En revanche, la position du corps ou de la tête de l’animal ainsi que la durée de l’anesthésie n’influencent pas la survenue de RGO [5].

Chez le chat, des descriptions récentes de sténoses œsophagiennes secondaires à l’administration de tétracyclines par voie orale (dont la doxycycline) et de clindamycine sont rapportées [10, 11]. Une précaution pourrait être d’administrer un bolus d’eau par voie orale après ce type de traitement [17].

2. Tableau clinique

La forte suspicion à l’issue du recueil de l’anamnèse est renforcée dans ce cas par le tableau clinique évocateur de sténose œsophagienne : régurgitation sélective (aliments solides), dysphagie, odynophagie et tentatives répétées de déglutition. Les autres signes éventuellement présents sont de l’anorexie (avec parfois une attirance pour la nourriture), un ptyalisme et des vomissements [1].

Si les régurgitations, qui se distinguent des vomissements par l’absence de prodromes (agitation, ptyalisme, léchage de la truffe puis efforts de vomissements avec contractions abdominales), sont caractéristiques d’une affection œsophagienne (retrouvées dans 100 % des cas de la série de Leib [9]), régurgitations et vomissements peuvent être associés dans certaines affections (hernie hiatale notamment) [8], [15] et même confondus par les propriétaires. Il convient donc d’être particulièrement vigilant lors du recueil de l’anamnèse.

Il faut également surveiller la présence de signes d’appel de bronchopneumonie par fausse déglutition (qui aggrave le pronostic) : toux, tachypnée, dyspnée, hyperthermie. Les régurgitations, contrairement aux vomissements, sont initiées sans intégration neurologique, donc sans fermeture réflexe de l’épiglotte. Elles favoriseraient alors plus souvent ce type de complication [15].

L’évolution des signes cliniques est également caractéristique dans ce cas, puisque la sténose se forme en une semaine environ (moyennes de 3 à 7,5 jours [9, 21]) [18]. Les signes cliniques sont parfois différés de quatre à six semaines [1]. Ils peuvent toutefois survenir dans les vingt-quatre heures qui suivent l’intervention et sont alors la manifestation d’une œsophagite [9, 21] (non retrouvé dans ce cas).

3. Diagnostic

L’endoscopie est la méthode la plus sensible et la plus spécifique pour détecter les sténoses œsophagiennes [18]. Seules des sténoses modérées chez des races de grand format ou proches du cardia peuvent être difficiles à identifier.

L’œsophagographie peut être indiquée en complément pour évaluer le diamètre et l’étendue de la sténose lorsque l’endoscope ne peut franchir la première striction [15, 18]. Cet examen aurait pu être effectué dans ce cas pour préciser le pronostic. Il est cependant nécessaire d’être attentif au risque de fausse déglutition lors d’hypomotilité œsophagienne associée.

Les sténoses sont le plus souvent localisées à la moitié et au tiers distal de l’œsophage comme ici, mais sont, dans la plupart des cas, uniques ou moins longues que dans le cas décrit [1, 6, 9].

4. Traitement

•La dilatation sous endoscopie offre un taux de réussite identique quelle que soit la technique adoptée, bougienage ou ballonnet [13]. Dans les deux cas, une anesthésie générale est requise pour chaque séance, de même qu’un matériel spécifique. Chaque technique bénéficie d’avantages et d’inconvénients et le choix tient compte de ces paramètres (coût du matériel versus moindre risque de complications notamment) (voir L’ENCADRÉ “Techniques de dilatation sous endoscopie”) ; la dilatation par ballonnet semble la technique la plus utilisée (plus d’études rétrospectives disponibles). Ce traitement nécessite une et jusqu’à parfois plus de cinq interventions (deux à quatre séances en moyenne suivant les séries) [1, 6, 9, 11] avec un intervalle variable entre les séances (de cinq à quinze jours en moyenne) [9]. À chaque intervention, une dilatation supérieure à celle de la séance précédente est appliquée (pression supérieure du ballonnet ou bougie de diamètre croissant) jusqu’à obtenir une dilatation optimale.

•Les complications les plus fréquentes sont une œsophagite et des déchirures de la muqueuse qui vont rarement jusqu’à la perforation de l’œsophage [3, 20, 22]. Le risque de perforation œsophagienne est légèrement supérieur par bougienage [15, 18, 19] et l’emploi de ballonnets est donc préférable s’ils sont disponibles. Dans le cas décrit, une telle perforation a pu être suspectée d’après les signes cliniques observés (dysphagie, atteinte de l’état général) après la troisième séance et la radiographie thoracique qui suggère un pneumomédiastin plus ou moins une médiastinite (emphysème cervical profond, aspect hétérogène du médiastin crâniodorsal et augmentation du contraste médiastinal). Les autres signes radiographiques de pneumomédiastin à rechercher (et non visibles dans ce cas) sont une diminution de l’opacité thoracique, un emphysème sous-cutané, un pneumorétropéritoine et/ou un pneumothorax secondaires, une élévation de la silhouette cardiaque [15]. Le traitement dans les formes plus graves que ce cas consiste à alimenter l’animal via un tube de gastrotomie et à prescrire une antibiothérapie large spectre.

•Le traitement médical vise à prévenir les récidives de sténose et de RGO et à traiter l’œsophagite associée. Tant que la sténose n’est pas corrigée, il peut être conseillé de faire suivre chaque administration orale d’un bolus d’eau afin d’éviter la régurgitation.

Les anti-sécrétoires inhibiteurs de la pompe à protons (rabéprazole(1) pour ce cas, oméprazole(1)) sont plus efficaces que les anti-histaminiques anti-H2 (cimétidine(1), ranitidine(1)) dans le traitement des œsophagites sévères [18] ; ils inhibent l’acidité gastrique de façon plus durable et plus efficace [18]. Certains anti-histaminiques anti-H2 (ranitidine et nizatidine(1)) possèdent également des effets prokinétiques gastriques (stimulation de la vidange gastrique), mais n’augmentent pas le tonus du cardia et ne sont donc pas indiqués pour le RGO.

Un prokinétique aurait pu être administré. L’augmentation du tonus du cardia et de la motilité gastrique diminue en effet la fréquence de RGO [18]. Le cisapride(2) (0,2 à 0,5 mg/8 h) a prouvé son efficacité dans le traitement de l’œsophagite de reflux chez l’homme [15] (aussi efficace que les anti-histaminiques anti-H2 ). Le métoclopramide (0,1 à 0,5 mg/kg/8 h) en revanche ne s’est pas montré aussi efficace dans cette indication que le cisapride(2) car il bénéficie d’une efficacité prokinétique moindre et d’un effet moins important sur le tonus du cardia (mais d’un effet anti-vomitif équivalent). Ces deux molécules ne stimulent pas la motricité œsophagienne chez le chien en raison de l’absence de fibres musculaires lisses dans cet organe (muscle strié seulement) [18].

Les corticoïdes ont été utilisés dans le cas présent (afin de diminuer la formation de tissu fibreux), même si aucune étude ne prouve leur efficacité dans cette indication. L’efficacité des corticoïdes à action locale reste à évaluer en médecine vétérinaire [15].

Le sucralfate est également fréquemment employé de façon empirique sans qu’il n’ait prouvé son efficacité dans cette indication (résultats contradictoires chez l’homme) car il requiert un environnement acide pour être activé et adhérer aux lésions [15] ce qui ne se produit qu’au moment même de survenue de RGO. Il pourrait être indiqué en complément des autres anti-sécrétoires (inhibiteurs de la pompe à protons ou anti-H2 ).

Une alimentation liquide en hauteur est prescrite tant que la sténose n’est pas complètement résolue.

En résumé, compte tenu que le RGO est la principale cause de sténose œsophagienne et que la dilatation induit souvent une œsophagite après chaque séance, l’association d’un anti-sécrétoire (inhibiteur de la pompe à protons de préférence) avec un prokinétique (cisapride si disponible, métoclopramide à défaut) semble le traitement médical le plus indiqué à ce jour. L’utilisation des corticoïdes et des cytoprotecteurs (sucralfate) est encore controversée pour l’instant.

5. Pronostic

Le pronostic est bon à réservé si la sténose ne peut être franchie pour évaluer les structures plus distales au moment du diagnostic. Les taux de réussite varient entre 70 et 88 % lors de dilatation par ballonnet ou bougienage [1, 6, 9, 11, 21].

Lors de sténose œsophagienne postanesthésique chez le chien et chez le chat, l’anamnèse est très évocatrice. L’examen clinique reste cependant assez peu spécifique même si certains symptômes, qui peuvent passer inaperçus, doivent attirer l’attention du praticien. Si les résultats après dilatation de la sténose sont encourageants, ils ne doivent occulter ni le risque grave de complication ni l’investissement moral et financier du propriétaire que suppose la prise en charge des soins et des nombreuses interventions nécessaires à l’animal.

  • (1) Médicament à usage humain.

  • (2) Ce médicament à usage humain n'est plus disponible en France en raison d'effets secondaires d'arythmies cardiaques chez l'homme.

Points forts

Les principales causes de sténose œsophagienne sont le reflux gastro-œsophagien (65 % des cas), les vomissements chroniques, l’ingestion de substance caustique ou de corps étranger.

Le jeûne prolongé, des agents anesthésiques (atropine, xylazine, acépromazine, propofol, isoflurane) et les chirurgies abdominales favorisent la survenue de reflux gastro-œsophagien peranesthésique ; la durée de l’anesthésie et la position du corps de l’animal n’en augmentent pas la fréquence.

Les symptômes d’œsophagite peuvent se manifester dès le lendemain d’un reflux gastro-œsophagien, tandis que la sténose œsophagienne s’installe en plusieurs jours.

La dilatation de la striction œsophagienne par ballonnet ou par bougienage présente des taux de réussite équivalents, mais le risque de perforation œsophagienne serait supérieur avec une bougie.

Plusieurs séances de dilatation sont nécessaires et le traitement médical repose sur l’administration d’anti-sécrétoires, de prokinétiques et d’une alimentation liquide proposée en hauteur.

Techniques de dilatation sous endoscopie

La dilatation par bougienage fait appel à deux types de bougies principalement : les rigides, à tête en forme d’olive, ou les semi-rigides (plastiques) coniques ; il existe différents jeux avec plusieurs tailles disponibles. La dilatation est effectuée sous contrôle endoscopique (bougie introduite le long de l’endoscope, un fil guide pouvant être utile pour éviter une perforation) ou fluoroscopique. Les forces exercées lors de dilatation sont axiales et radiaires.

La dilatation par ballonnet requiert un jeu de cathéters avec un ballonnet dilatable à l’extrémité ; un jeu complet de différentes tailles est également nécessaire. Le ballonnet est placé au niveau du site de sténose sous contrôle endoscopique (via le canal opérateur ou le long de l’endoscope) puis rempli d’air. Les forces exercées sont radiaires uniquement, ce qui expliquerait le risque légèrement inférieur de déchirure de l’œsophage lors de cette technique.

L’efficacité des deux méthodes semble équivalente. Les complications sont identiques (par ordre décroissant de fréquence et croissant de gravité) : œsophagite localisée au site de dilatation, déchirure ou hémorragie de la muqueuse, perforation œsophagienne (avec risque secondaire de pneumothorax, pneumomédiastin, médiastinite). Dans les deux cas, l’évaluation de la pression à exercer ainsi que le temps de maintien de cette pression reste subjective (pas de critère reproductible décrit en médecine vétérinaire).

La dilatation par ballonnet présenterait donc un risque de déchirure moindre, mais le matériel est plus fragile et présente un coût supérieur.

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