Choc post-opératoire chez un chien - La Semaine Vétérinaire n° 265 du 01/05/2006
La Semaine Vétérinaire n° 265 du 01/05/2006

Se Former

CARDIOLOGIE

Auteur(s) : François Serres*, Vassiliki Gouni**, Valérie Chetboul***, Jean-Louis Pouchelon****

Fonctions :
*Unité de cardiologie d’Alfort, ENVA
**Unité de cardiologie d’Alfort, ENVA
***Unité de cardiologie d’Alfort, ENVA
****UMR INSERM-ENVA U66o
*****Unité de cardiologie d’Alfort, ENVA
******UMR INSERM-ENVA U66o

Une chienne stérilisée de race rottweiler, âgée de huit ans, présentée au service des urgences en raison de vomissements incoercibles associés à une battement apparus brutalement 48 heurs auparavant.

Aucun antécédent pathologique n’est rapporté par les propriétaires. L’animal est en bon état général. L’examen de l’appareil cardiovasculaire ne révèle aucune anomalie.

Une vive douleur abdominale est mise en évidence à la palpation. L’hypothèse d’une occlusion digestive est émise car l’ingestion d’objets avait été suspectée peu avant l’apparition des troubles digestifs. Elle est confirmée par la réalisation d’un examen échographique abdominal. Une laparotomie est réalisée. Une nécrose pariétale secondaire à une obstruction par un corps étranger (chaussette) est constatée au niveau du jéjunum. Une entérectomie large est alors réalisée.

Le lendemain de l’intervention, l’animal présente un abattement de plus en plus marqué. La palpation abdominale est toujours très sensible. Les muqueuses sont pâles et le temps de recoloration capillaire est augmenté (3 à 4 secondes).

L’examen cardiovasculaire révèle une fréquence cardiaque élevée (160 à 190 battements par minute) associée à un rythme irrégulier. Lors de certains battements prématurés, un déficit pulsatile associé est décelé. Aucun bruit anormal n’est mis en évidence à l’auscultation.

Examens complémentaires

Un examen électrocardiographique (ECG) est décidé dans un premier temps afin d’explorer la tachycardie (TRACÉ 1). Le tracé évolue après quelques complexes sinusaux vers une tachycardie ventriculaire de fréquence élevée (210 bpm). Un bilan biochimique incluant un ionogramme est réalisé. Il ne révèle pas d’anomalie. L’animal présente un hématocrite normal. La pâleur des muqueuses est donc attribuée à l’hypotension secondaire aux troubles du rythme ventriculaire, probablement secondaires à la douleur abdominale.

Traitement et suivi

• Ces arythmies sont associées à des signes d’insuffisance cardiaque circulatoire, un traitement anti-arythmique est donc immédiatement mis en œuvre. L’administration d’un bolus de lidocaïne par voie intraveineuse (2 mg/kg en 10 minutes) suivi d’un relais en perfusion continue (50 µg/kg/minute) permettent un retour rapide à un rythme majoritairement sinusal. Simultanément, un traitement causal est instauré, qui associe l’administration répétée de morphine(1) par voie intraveineuse et sous-cutanée à la pose d’un diffuseur transdermique de fentanyl(1) (Durogesic® ; 5 µg/kg/72h).

• Quelques heures après la mise en place du traitement, un second tracé ECG est enregistré (TRACÉ 2). Le rythme est majoritairement sinusal avec une arythmie sinusale respiratoire nette. Une dépolarisation ventriculaire d’origine gauche (flèche rouge), survenant après un espace R-R plus long, est observée. Un complexe de fusion est également noté (flèche bleue). Il correspond à une capture sinusale d’un complexe ventriculaire, et se traduit par un complexe d’aspect sinusal et de morphologie « intermédiaire » avec une faible amplitude. La fréquence de dépolarisation du foyer ectopique a diminué. Celui-ci ne « s’exprime » plus que lorsque la fréquence de l’automatisme sinusale diminue, ce qui correspond à un mécanisme d’échappement. L’arythmie sinusale observée est probablement accentuée par une hypervagotonie consécutive à l’atteinte des viscères abdominaux. L’état de l’animal s’améliore rapidement, aucun complexe ventriculaire n’est observé après 12 heures de traitement. Le traitement anti-arythmique est alors interrompu sans réapparition des extrasystoles.

Discussion

L’observation d’extrasystoles ventriculaires (ESV) est fréquente chez les animaux qui présentent des affections digestives ou du tractus génito-urinaire [1]. Ces arythmies peuvent survenir indépendamment de toute cardiopathie primitive. Elles sont liées aux perturbations des tonus ortho- et parasympathique, et sont notamment favorisées par les sécrétions de catécholamines endogènes lors de douleur marquée. Ces arythmies n’entraînent le plus souvent aucun symptôme, sauf lors d’évolution vers une tachycardie ventriculaire. Le risque de mort subite associé aux ESV est mal évalué chez le chien. Il serait faible, notamment chez les animaux qui ne présentent pas de cardiopathie sous-jacente [1]. La décision de mettre en place un traitement dépend à la fois de la clinique, de la fréquence et de l’aspect des ESV. Ici, la détection d’une tachycardie ventriculaire correspond à un grade 4B/5 dans la classification de Lown (voir le TABLEAU “Classification des ESV et intérêt du traitement”).

Lors d’arythmies ventriculaires marquée entraînant un déficit de la fonction circulatoire, le traitement de choix en première intention est l’administration intraveineuse de lidocaïne. Lorsqu’il est réalisable, un traitement causal doit être instauré le plus précocement possible, sous réserve d’une stabilisation médicale s’il est invasif (splénectomie lors d’hémangiosarcome, surrénalectomie sur phéochromocytome, etc.). La réalisation d’un ionogramme est nécessaire car des déséquilibres acido-basiques ou électrolytiques pouvent favoriser les arythmies.

  • (1) Médicament à usage humain.

  • 1 - Kittleson M.D., Kienle RD. Diagnosis and treatment of arrhytmias (dysrythmias). In : Small animal cardiovascular medicine. Mosby ed., St Louis. 1998 : 449-494.
Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr