L’effet du robot de traite sur la santé des vaches est temporaire - Le Point Vétérinaire n° 263 du 01/03/2006
Le Point Vétérinaire n° 263 du 01/03/2006

SYSTÈME DE TRAITE AUTOMATISÉE

Éclairer

NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Béatrice Bouquet

Fonctions : 42, place du Grand-Marché
80100 Abbeville

L’effet néfaste de l’automatisation de la traite sur la santé mammaire des vaches et sur la fertilité serait temporaire, et lié à un manque d’attention des éleveurs.

Une étude européenne a permis d’évaluer en conditions de terrain l’impact sur la santé des vaches du passage d’une traite en salle classique, à une traite automatisée [3]. Dans chacun des trois pays concernés (Royaume-Uni, Pays-Bas et Danemark), une quinzaine d’élevages ont été recrutés sur la base du volontariat (44 cheptels au total). Les observations compilées confirment à large échelle des tendances déjà observées ponctuellement et incitent à la vigilance sanitaire [2, 4, 5]. Cinq systèmes de traite robotisée différents ont été inclus dans l’étude : DeLaval®, Fullwood®, Insentec ®, Lely® et Prolion®. Une détérioration de l’état sanitaire est observée, mais l’impact du robot aurait pu, selon les auteurs de l’étude, être plus marqué en raison du peu de recul qu’il existe sur ces techniques, et du manque d’informations disponibles. Ces installations tendent pourtant à se démocratiser. Quelque 450 robots sont déjà installés en France.

Élévation des comptages cellulaires

Pour la santé mammaire, en théorie, une amélioration pourrait être attendue avec le robot puisque la surtraite diminue. L’augmentation de la fréquence de traite peut en revanche aggraver certaines lésions, car les trayons n’ont pas le temps de “cicatriser”. Les comptages de cellules somatiques du lait s’élèvent globalement avec le changement. La hausse débute avant même l’installation du robot, selon les observations réalisées aux Pays-Bas (voir la FIGURE “Pourcentage de vaches dont les comptages cellulaires sont supérieurs aux seuils critiques”). Le surcroît de travail lié à la mise en place des nouvelles installations (locaux, etc.) pourrait expliquer ce phénomène. En outre, les éleveurs motivés pour investir dans de nouvelles installations le sont souvent parce que leur machine à traire était auparavant inadaptée, avec les conséquences que cela peut avoir sur la santé mammaire… D’après les résultats néerlandais et danois de cette étude, la détérioration des taux impliquerait principalement l e s vaches en début de lactation, en deuxième et troisième années de production, et surtout celles déjà présentes avant le robot. Ces observations ne sont toutefois pas valables pour tous les élevages. Une détérioration des comptages cellulaires lors du changement des installations de traite a déjà été observée dans des élevages commerciaux [4, 5], mais elle n’est pas systématique et elle est rare en conditions expérimentales [1]. Les facteurs qui permettent à certaines fermes d’éviter l’impact du changement d’installation sur la santé mammaire ne sont pas encore clairement établis. Dans une étude italienne sur deux élevages (un élevage commercial, l’autre expérimental, comprenant respectivement 120 et 50 vaches), le nombre d’infections mammaires n’augmente que lorsqu’une infection par Staphylococcus aureus existe avant l’automatisation [3]. Le robot n’aurait donc pas d’impact sur l’incidence des infections mammaires, ni sur les numérations cellulaires, ni sur l’état des trayons si ces paramètres sont bons avant le changement.

Bonnes fréquences, beaux trayons

Aux Pays-Bas, l’état des trayons autour du changement d’installation a été particulièrement étudié [3]. Les callosités, la présence d’anneaux de compression, etc. semblent diminuer en gravité et en fréquence, comme cela a déjà été montré [1]. Le temps de traite diminue et, avec lui, la surtraite. Les verrues sont moins fréquentes, peut-être en raison d’une hygiène de traite systématisée, donc meilleure. L’impact de l’intervalle de traite automatisée sur l’état des trayons a été étudié chez 12 vaches [3]. L’examen échographique des trayons a permis d’établir qu’un intervalle minimal de six à sept heures assure un état optimal des trayons. Le désinfectant utilisé après la traite semble en outre avoir un impact : il doit contenir suffisamment d’agent émollient (étude comparant des solutions d’iode à 0,15 % avec 2 ou 8 % d’émollient) [3]. La fréquence de nettoyage idéale des installations serait de trois fois par jour. Cependant, la différence avec un nettoyage biquotidien serait minime [3]. Il apparaît aussi que la propreté des trayons varie moins en fonction de la marque du robot et de ses caractéristiques de nettoyage qu’avec les particularités de l’élevage (état initial des trayons, choix du désinfectant) (voir l’ENCADRÉ “Facteurs qui influencent l’état des trayons lors de traite robotisée”). Toutefois, pour la santé mammaire, deux systèmes (non identifiés) sur les six qui ont été testés dans l’étude européenne mériteraient des améliorations en termes de nettoyage [3]. Le robot présente une autre particularité : davantage de vaches avec des trayons taris continuent d’être traites (12 % contre 8 % en salle de traite classique, selon une étude sur 30 élevages équipés d’un robot AMS, contre 120 élevages en traite traditionnelle). Cela pourrait refléter, soit un risque sanitaire plus élevé à l’origine de tarissements de trayons plus fréquents, soit une moindre réforme des vaches qui ont un trayon non fonctionnel, car les trayons sont appréhendés séparément avec les robots (les griffes à quatre manchons trayeurs des machines à traire traditionnelles sont remplacées par des bras qui traient indépendamment chaque trayon) (PHOTO 1) [2]. Une étude préliminaire italienne sur 50 vaches souligne encore l’importance d’une bonne conformation des trayons lors d’utilisation d’un robot (bien symétriques) [3].

Relâche sur les chaleurs

Les auteurs estiment que l’impact négatif du robot sur la santé mammaire serait temporaire. L’augmentation de la fréquence de traite serait une composante majeure des modifications observées, mais le manque de temps des éleveurs en période de transition est aussi incriminé. Ce dernier facteur pourrait également influer sur la reproduction, en raison d’une détection des chaleurs moins attentive.

Comme dans des travaux antérieurs [4], une légère détérioration de la fertilité est observée autour du changement de système [3]. La différence n’est pas significative, mais seul un faible nombre d’élevages ont pu être inclus (voir le TABLEAU complémentaire sur Planete-vet “Performances moyennes de reproduction dans six fermes passées à la traite robotisée”). La détérioration pourrait, en théorie, être plus marquée si la production augmente, comme cela est normalement attendu avec le robot. Les effets néfastes sur la reproduction d’un bilan énergétique négatif seraient en effet à redouter. Or, dans cette étude sur 44 élevages, la production n’a pas augmenté avec le robot. Elle a même diminué dans les élevages néerlandais ! Les éleveurs n’exploiteraient donc pas tout le potentiel du robot… En fait, selon une étude antérieure sur l’impact du robot sur la fertilité aux Pays-Bas, la détérioration des paramètres de la reproduction avec le robot, lorsqu’elle se manifeste, n’est pas liée à une production accrue, donc à un bilan énergétique négatif, mais à l’éleveur [4]. Les différents auteurs s’accordent pour conseiller la vigilance à long terme sur la fertilité lors de traite robotisée.

Soigner la ration et les onglons

• Des facteurs de risque indirects pour la santé ont aussi été étudiés [3].

• Reflet de la qualité énergétique de la ration, la note d’état corporel s’améliore temporairement, certainement en raison de la distribution accrue de concentrés au robot pour “habituer les vaches”, puis revient à son niveau antérieur. Il existe toutefois des disparités entre élevages selon les options choisies (passage au zéro pâturage, passage en ration complète, etc.). En outre, selon une étude allemande, le risque de cétose n’augmente pas avec le robot (60 cas/60 témoins élevés ensemble, résultats préliminaires sur six mois) [3].

• L’usage du robot de traite ne semble pas augmenter l’incidence ou la gravité des boiteries (sur 15 élevages britanniques), ce qui confirme une étude autrichienne qui fait référence sur le sujet, mais qui est critiquée en raison d’un taux de réformes élevé (60 vaches réparties en deux groupes de traite : normale/ au robot, suivies pendant 18 mois). Lors de traite au robot, les boiteries sont fortement dommageables car elles réduisent la fréquence de t r a i t e (confirmé au Danemark sur huit élevages [3]), donc la production globale. Or la rentabilisation du robot nécessite d’augmenter la production.

Avec l’évolution des performances des robots, en particulier en matière de détection des mammites et d’analyse toujours plus fine de la position de la vache dans le poste trayeur, les résultats en termes de santé mammaire pourraient s’améliorer [2]. À l’avenir, les robots pourraient donc “tenir leurs promesses commerciales” d’une production accrue dans le respect de la santé et du bien-être animal. Toutefois, dans les semaines, voire dans les mois de “transition”, le meilleur conseil à donner à l’éleveur est de ne pas se focaliser sur le robot et de continuer à observer ses vaches…

Facteurs qui influencent l’état des trayons lors de traite automatisée

Facteurs directs à forte influence

• Éléments de nettoyage à changer remplacés moins de deux fois par an.

• Propreté moyenne ou faible des installations de nettoyage.

• Fréquence de traite quotidienne moyenne < 2,5

• Absence de sélection des vaches à traire.

Facteurs indirects

• Espace insuffisant dans la stabulation à logettes.

• Apport de litière insuffisant.

• Propreté générale : présence d’une brosse à vache, fréquence de nettoyage des installations, etc.

D'après [3].

  • 1 - Berglund I, Petterson G, Svennersten-Sjaunja K. Automatic milking : effects on somatic cell count and teat-end quality. Livest. Prod. Sci. 2002;78:115-124.
  • 2 - Bony J, Pomiès D. Le robot de traite, aspects techniques et économiques. Inra ed., Paris. 2002:117p.
  • 3 - Collectif. Farm and system hygiene ; Animal health. In : Meijering A, Hogeveen H, de Koning CJAM. Automatic milking, a better understanding. Wageningen Academic Publishers eds., Pays-Bas. 2004:83-185.
  • 4 - Kruip TAM, Morice H, Robert M et coll. Robotic milking and its effect on fertility and cell counts. J. Dairy Sci. 2002;85(10):2576-2581.
  • 5 - Veysser P, Wallet P, Prugnard E. Le robot de traite : pour qui ? Pourquoi ? Caractérisation des exploitations équipées, simulations économiques et éléments de réflexion avant investissement. Inra Prod. Anim. 2001;14:51-61.
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