Intussusception iléo-colique chez un chiot - Le Point Vétérinaire n° 263 du 01/03/2006
Le Point Vétérinaire n° 263 du 01/03/2006

CHIRURGIE ABDOMINALE CHEZ LE CHIEN

Pratiquer

CAS CLINIQUE

Auteur(s) : Jérôme Couturier*, Laurent Guilbaud**

Fonctions :
*CHV Frégis
43, avenue Aristide Briand
94110 Arcueil
**Clinique des Arcades,
544, boulevard Louis-Blanc,
69400 Villefranche-sur-Saône

Une échographie abdominale met en évidence une intussusception iléo-colique chez une chienne âgée de cinq mois. Le traitement requiert une entérectomie avec entéro-anastomose iléo-colique.

Le tableau clinique peu spécifique d’une gastro-entérite chez un chiot ne doit pas occulter le risque de complications graves, telle l’intussusception. Le diagnostic échographique et le traitement chirurgical systématique permettent d’obtenir des résultats satisfaisants. Cependant, le risque de récidives ou de complications n’est pas négligeable.

Cas clinique

1. Commémoratifs

Une chienne rottweiller âgée de cinq mois est référée pour une diarrhée hémorragique, des vomissements et un abattement, observés depuis un mois. Elle est correctement vaccinée et vermifugée, et reçoit une alimentation industrielle à base de croquettes.

2. Anamnèse

La chienne est présentée une première fois chez son vétérinaire traitant pour une gastro-entérite aiguë (J3). Un traitement à base de métoclopramide (Primpérid®) et de kaolin/néomycine (Kaomycin®) est instauré et permet une amélioration clinique partielle.

Les symptômes s’aggravent (anorexie, amaigrissement, hémochésie) et la chienne est présentée en urgence dix jours plus tard (J13).

Le bilan biochimique effectué (concentrations sériques d’urée, de créatinine, de phosphatases alcalines, d’alanine-amino-transférases et de protéines totales) est normal. Une radiographie de l’abdomen montre de multiples corps étran­gers, de densité métallique, à localisation gastrique et intestinale ; de l’air est présent dans l’intestin grêle sans signe d’iléus ; une masse abdominale semble visible caudalement au côlon transverse (PHOTO 1). Une fluidothérapie (NaCl 0,9 %®), une association d’antibiotiques (marbofloxacine, Marbocyl® ; amoxicilline/acide clavulanique, Synulox®), un antivomitif (métoclopramide) et un topique (smectite, Smectivet®) sont administrés.

Un second cliché radiographique est effectué dix jours plus tard devant la persistance des symptômes (J25). La plupart des corps étrangers métalliques ont été évacués ; des signes d’iléus modéré sont visibles sur quelques anses et des particules non digérées persistent (signe du “gravier”), ce qui est en faveur d’une subocclusion (PHOTO 2). Un nouveau traitement à base d’antibiotique (amoxicilline/ acide clavulanique), d’antispasmodique (bromure de prifinium, Prifinial®) et de topique (smectite) est prescrit.

3. Examen clinique

Le jour de la consultation (J30), la chienne est abattue et amaigrie (perte de 3 kg en trois semaines). Elle présente une hyperthermie (39,3 °C) et est déshydratée à 6 %. Une masse abcédative dans la région de l’encolure (probablement secondaire à une injection) est notée. Les muqueuses sont roses et le temps de recoloration capillaire est inférieur à deux secondes. Les vomissements, indépendants des repas, sont devenus plus rares et la diarrhée associe des signes d’atteinte de l’intestin grêle (amaigrissement, méléna, consistance liquide des selles) et du côlon (hémochésie, fréquence augmentée des défécations).

La palpation abdominale met en évidence de nombreux borborygmes et une dilatation marquée des anses intestinales. Le signe du flot est négatif.

Une bandelette urinaire ne montre aucune anomalie.

Les résultats de l’examen des autres appareils sont normaux.

4. Hypothèses diagnostiques

Compte tenu du tableau clinique (gastro-entérite hémorragique chronique) et des examens complémentaires, plusieurs causes sont envisagées :

- mécanique : occlusion, intussusception intestinale ;

- inflammatoire : ulcères gastro-duodénaux ;

- extradigestive : pancréatite chronique, insuffisance hépatique, insuffisance rénale, hypocorticisme ;

- parasitaire : giardiose, coccidiose notam­- ment ;

- idiopathique : gastro-entérite hémorragique.

Ces origines peuvent être primitives ou secondaires (complications de la gastro-entérite initiale). De la même façon, l’ingestion de corps étrangers métalliques peut constituer l’élément déclenchant comme n’être qu’une manifestation (pica) d’une autre affection. L’iléus mécanique identifié sur les radiographies est en faveur d’une obstruction mécanique. Une gastro-entérite virale (parvovirose, coronavirose) ou bactérienne (salmonellose, campylobactériose, clostridiose, etc.) est possiblement une cause primitive, mais elle n’a pu, à elle seule, entretenir les signes cliniques observés.

5. Examens complémentaires

Examens sanguins

• Une numération-formule sanguine est effectuée pour évaluer les hypothèses infectieuses et inflammatoires (voir le TABLEAU “Hémogramme”). Elle montre une leucocytose neutrophilique inflammatoire modérée (dont l’interprétation est délicate, compte tenu de l’abcès jugulaire concomitant).

• Le bilan biochimique (voir le TABLEAU “Résultats des analyses biochimiques sanguines”) met en évidence des variations non significatives des phosphatases alcalines et de la chlorémie. Les autres paramètres étant conformes aux valeurs usuelles, les hypothèses métaboliques et endocriniennes sont écartées.

• L’électrophorèse des protéines, demandée pour explorer une affection intestinale chronique, montre une hypoprotéinémie modérée par hypo-albuminémie et hypoglobulinémie ã, associée à un pic en globulines á2. L’hypo-albuminémie et l’hypoglobulinémie ã témoignent d’une fuite digestive de protéines (entéropathie exsudative non sélective), tandis que le pic en globulines á2 reflète la réaction inflammatoire chronique.

Radiographie abdominale

Les radiographies abdominales montrent une aggravation de l’iléus mécanique (en faveur d’une occlusion) et une perte du contraste abdominal compatible avec une masse, un épanchement ou une péritonite (PHOTO 3).

Échographie abdominale

Des images qui correspondent à la superposition d’une anse intestinale et de la graisse mésentérique hyperéchogènes au centre d’une anse à la paroi hypo-échogène, caractérisent une intussusception digestive localisée à la jonction iléo-colique (PHOTO 4). Un discret épanchement abdominal est identifié (PHOTO 5).

6. Diagnostic et pronostic

Les examens entrepris permettent d’établir le diagnostic d’une intussusception intestinale iléo-colique, compliquée d’un épanchement abdominal (entéropathie exsudative), secondaire à une gastro-entérite d’origine indéterminée.

En l’absence de traitement, le pronostic est réservé compte tenu de la durée d’évolution, de l’épanchement secondaire et des risques de récidive, même après un traitement chirurgical.

7. Traitement

• Une réanimation liquidienne préopératoire (Ringer Lactate®, 20 ml/kg/h pendant deux heures) permet de corriger l’état de déshydratation de l’animal et est associée à une antibioprophylaxie (céfalexine, Rilexine®, 30 mg/kg par voie intraveineuse à l’induction anesthésique).

• Une laparotomie médiane permet d’isoler une invagination iléo-colique longue de 60 cm qui intéresse l’iléon, le côlon ascendant, le côlon transverse et le début du côlon descendant (PHOTO 6). L’intussusception étant irréductible (réduction manuelle possible sur 20 cm de côlon seulement) et les anses invaginées étant ischémiées (couleur plus sombre, déficit pulsatile artériel), une entérectomie est pratiquée. Après un isolement manuel de part et d’autre de la zone à réséquer, une entérectomie sur 40 cm (20 cm de côlon et 20 cm d’intestin grêle) est réalisée. Une entéro-anastomose (points simples séparés perforants Biosyn®, déc. 2) est effectuée, complétée par une suture en raquette (suture de la paroi de l’extrémité colique en excès sur elle-même) (PHOTO 7). Le mésentère est suturé, puis des rinçages abdominaux (Versol® tiédi) sont réalisés. La fluidothérapie est maintenue avec un débit de 10 ml/kg/h pendant l’acte chirurgical et est ensuite fondée sur les besoins d’entretien (60 ml/kg/j) jusqu’à la reprise d’une alimentation spontanée.

• Les soins postopératoires consistent en une antibioprophylaxie à large spectre (refus par les propriétaires d’un examen bactériologique sur le liquide d’épanchement) (céfalexine, Rilexine®, 15 mg/kg/12 h pendant cinq jours par voie orale, et métronidazole, Flagyl®(1), 15 mg/kg/12 h pendant cinq jours par voie orale). Un analgésique (morphine(1), 0,2 mg/kg/12 h pendant deux jours par voie sous-cutanée), un spasmogène (lopéramide, Arestal®(1), 0,1 mg/kg/j pendant cinq jours par voie orale) et un topique intestinal (kaolin/ néomycine, Kaomycin®, 15 ml/12 h pendant quatre jours par voie orale) sont associés. Une alimentation est progressivement rétablie, liquide (Fortol® le premier jour) puis solide hyperdigestible (Specific Digest®). La chienne retrouve un appétit correct, mais continue à présenter une diarrhée (non hémorragique) sans vomissements les jours suivants.

• La chienne est donc rendue à ses propriétaires avec un traitement antibiotique (spiramycine/métronidazole, Rodogyl®(1), 1 comprimé/ 10 kg/j pendant dix jours par voie orale) et une alimentation hyperdigestible. La paroi intestinale et la flore bactérienne étant altérées, un extrait pancréatique (Créon 12 000UI®(1), 12 000 UI/12 h pendant 15 jours par voie orale) est donné en complément, ainsi que du yaourt pendant dix jours.

8. Évolution

• La chienne continue de présenter une diarrhée non hémorragique pendant les semaines qui suivent l’intervention chirurgicale. Un rendez-vous de contrôle (J60) met en évidence une reprise de poids (4 kg en trois semaines). L’animal manifeste encore des épisodes de diarrhée intermittente. L’hypothèse d’un déséquilibre de la flore digestive étant retenue, un nouveau traitement à base de lopéramide (Arestal®(1), 0,1 mg/kg/j pendant 3 jours par voie orale), de nifuroxazide(1) (Ercéfuryl®, 20 mg/kg/j pendant dix jours par voie orale) et de yaourt est mis en place. Le complément enzymatique pancréatique est arrêté.

• Un second contrôle (J90) montre une persistance de la diarrhée. Celle-ci associe des caractères d’une diarrhée du grêle (selles parfois liquides, décolorées) et surtout du côlon (fréquence des selles augmentée, urgence à la défécation, épreintes). Les hypothèses envisagées sont une prolifération bactérienne chronique, une séquelle fonctionnelle postchirurgicale (en raison de l’exérèse de la jonction iléo-colique) et une maladie inflammatoire chronique intestinale. Pour des raisons financières, aucun examen complémentaire n’est effectué. Un traitement symptomatique est donc instauré à l’aveugle. Il associe un anti-inflammatoire (sulfasalazine(1), Salazopyrine®, 30 mg/kg/12 h pendant 21 jours par voie orale, et prednisolone, 0,5 mg/kg/j pendant 21 jours, puis diminution des doses sur 15 jours par voie orale), un antibiotique (spiramycine-métronidazole, Stomorgyl®, 1 comprimé/10 kg/j pendant 28 jours par voie orale), un topique intestinal (smectite) et un régime enrichi en fibres (Specific Fibril®) additionné d’extrait pancréatique (Tryplase®, une gélule/j pendant 28 jours par voie orale).

• La chienne retrouve une fonction digestive normale à l’issue du traitement. Des épisodes de diarrhée colique ponctuels sont rapportés, qui traduisent la persistance probable d’un dysfonctionnement moteur.

Discussion

1. Épidémiologie et étiologie

Ce cas illustre la gravité de certaines complications de gastro-entérite chez le chiot. L’intussusception décrite ici présente les caractéristiques les plus fréquemment rencontrées : intussusception antérograde (sens du péristaltisme), unique et iléo-colique (50 à 90 % des cas) [1, 14]. Toutefois, des invaginations multiples, rétrogrades, voire intermittentes (glissantes), sont décrites [1]. L’âge de l’animal concorde également avec cette affection qui est diagnostiquée le plus souvent chez des individus âgés de moins d’un an (71 à 80 % des cas) [1, 14].

Plusieurs facteurs peuvent être incriminés dans ce cas. L’évolution d’une gastro-entérite ou d’une entérite semble être la cause principale de l’invagination, comme pour la chienne présentée dans cet article. Les vingt-neuf cas de la série publiée par Rallis et coll. [14] sont également associés à une telle inflammation du tube digestif. Dans cette série, le parvovirus est incriminé dans 34 % des cas. Les autres responsables identifiés de gastro-entérite sont des agents viraux (coronavirus, etc.), bactériens, parasitaires, inflammatoires, fonctionnels (hypermotilité) et métaboliques (insuffisance rénale aiguë). Une intussusception peut résulter d’une cause autre qu’une gastro-entérite : corps étranger (linéaire, os), granulome ou tumeur digestive, intervention chirurgicale abdominale [1, 3]. La cause de la gastro-entérite reste cependant souvent indéterminée (idiopathique) [7, 8, 16, 18]. L’ingestion de corps étrangers peut être la cause, mais également la conséquence (pica). Un traitement à base d’antispasmodique de type anticholinergique (bromure de prifinium, cinq jours au total) peut également amplifier les perturbations motrices induites. Une coproscopie aurait pu évaluer la cause parasitaire, mais elle n’a pas été réalisée.

La race rottweiller semble sujette aux entéropathies exsudatives [13]. Les races les plus souvent retrouvées dans les séries publiées sur les intussusceptions intestinales sont le berger allemand, le rottweiller et le labrador retriever, sans qu’une prédisposition puisse être affirmée [1, 10].

2. Clinique

Le tableau clinique non spécifique retrouvé ici est celui classiquement décrit avec, par ordre de fréquence décroissante : des vomissements, une diarrhée, une anorexie, un amaigrissement ou un retard de croissance, une léthargie, un méléna ou une hémogénie (purpura thrombopénique idiopathique) [1]. Il convient de noter que les vomissements deviennent moins fréquents lors d’évolution chronique [17], ce qui est le cas ici. Cependant, les traitements répétés à base de métoclopramide ont pu également atténuer ce symptôme. La palpation abdominale permet souvent de mettre en évidence une masse abdominale allongée en partie crâniale et ventrale de l’abdomen [13]. Celle-ci n’a pas été retrouvée ici. Toutes les autres causes d’iléus mécanique peuvent cependant engendrer une sensation similaire à la palpation et ce signe clinique n’est donc pas pathognomonique de l’affection.

L’évolution peut être aiguë à chronique, comme dans le cas décrit (30 jours). Elle peut atteindre 150 jours [6].

3. Diagnostic

• Les images radiographiques d’iléus sévère et localisé à quelques anses, comme dans le cas décrit, évoquent fortement un iléus mécanique par obstruction [15]. Les autres signes peu spécifiques retrouvés sur les clichés sans préparation sont une image tubulaire d’opacité liquidienne et, rarement, une image d’intussusception (signe du “ménisque”) plus évocatrice [6, 11].

Un marquage colique ou un transit baryté sont indiqués lorsque les radiographies sans préparation sont douteuses et/ou que l’échographie n’est pas disponible.

• L’échographie est la technique la plus sensible et la plus spécifique [13] pour le diagnostic d’intussusception. L’image échographique typique de celle-ci correspond à de multiples cercles concentriques (image en “cible” en coupe transversale) ou à des lignes parallèles (coupe longitudinale) qui reflètent les différentes couches des anses intestinales impliquées [6, 12]. Les cinq couches normalement visibles d’une anse intestinale sont l’interface hyperéchogène air ou liquide intestinal/ muqueuse, la muqueuse hypo-échogène, la sous-muqueuse hyperéchogène, la musculeuse hypo-échogène et la séreuse hyperéchogène.

Chez cette chienne, l’examen échographique a montré la présence de trois couches concentriques : une couche hypo-échogène périphérique (secondaire à un œdème pariétal), qui correspond à la paroi de l’anse invaginée, et deux couches hyperéchogènes qui correspondent à la paroi de l’anse invaginante comprimée et à la graisse mésentérique invaginée.

Selon certains auteurs, ces trois signes seraient en faveur d’une intussusception irréductible [11], les cinq couches de chaque paroi intestinale n’étant plus distinguables. Les formes réductibles d’intussusception pourraient présenter cinq anneaux concentriques ou plus. Leur distinction est alors permise par le caractère récent de l’affection qui limite l’installation d’un œdème et la compression des anses impliquées [11]. Cependant, des auteurs émettent des doutes sur la relation entre le nombre de couches visibles et le caractère irréductible de la lésion, ce qui incite à la prudence pour l’interprétation de ce signe échographique qui ne remplace pas l’évaluation peropératoire [6]. Certaines lésions digestives (épaississement de la paroi intestinale, entérite, œdème, tumeur, hématome, corps étranger linéaire, etc.) ou extradigestives (utérus en cours d’involution, adénomégalie) sont décrites comme pouvant mimer l’image en cercles concentriques classiquement décrite lors d’intussusception [12].

Les conséquences de ces compressions vasculaire et lymphatique sont une hypo-albuminémie, caractéristique d’une entéropathie exsudative (retrouvée dans 35 % des cas de la série de Peterson et coll. [13]). L’hypo-albuminémie modérée retrouvée ici (21 g/l) ne semble cependant pas pouvoir expliquer à elle seule l’épanchement abdominal, puisque des valeurs inférieures à 20 g/l (voire à 16 g/l) [13] sont requises. L’augmentation de la pression hydrostatique vasculaire secondaire à la compression de la vascularisation mésentérique est sans doute à l’origine de cette complication. Les autres modifications biologiques associées : hypocalcémie, lymphopénie (valeur limite dans le cas présent : 1 500 lymphocytes/mm3) et hypocholestérolémie (non recherchée), n’ont pas été observées [17].

L’hémogramme apporte peu au diagnostic dans le cas présent. L’abcès jugulaire peut expliquer la leucocytose neutrophile élevée.

4. Traitement

• Le traitement chirurgical peut associer une réduction manuelle, une entérectomie et une entéroplication (suture régulière des anses intestinales sur elles-mêmes). Il nécessite une entérectomie lorsque la réduction manuelle est infructueuse, comme ici. Cette situation est rencontrée dans 82 % des cas (conjonction de plusieurs séries) [7, 10, 16, 18], et dans 95 % des cas pour l’étude de Rallis et coll. [14].

• Les complications postopératoires décrites sont une récidive de l’intussusception (souvent dans un site anatomique différent), une déhiscence des sutures digestives, une obstruction intestinale, une péritonite et, exceptionnellement, un syndrome du grêle court (lors d’entérectomie large) [1, 10].

• Le taux de récidives après réduction manuelle seule (25 %) [7, 10, 16, 18] est plus faible lors de résection chirurgicale du segment invaginé (19 %) [7, 10, 16, 18]. Une entéroplication n’a pas été jugée nécessaire dans ce cas. Cette technique consiste en une suture ordonnée des anses intestinales sur elles-mêmes, par des points simples qui prennent la sous-muqueuse de deux anses appliquées, points équidistants des bords mésentérique et antimésentérique de chaque anse [10]. Le bénéfice de cette méthode dans cette indication reste controversé car elle ne semble pas réduire le taux de récidives [1, 7] et des complications rares mais graves sont rapportées (obstruction, strangulation) [1, 2, 5].

• Un traitement postopératoire à base de lopéramide et de morphine(1) a été mis en place. Cependant, l’effet des spasmogènes est discuté par les auteurs, aucune étude ne prouvant leur efficacité [3, 10]. L’administration d’opioïdes (morphine(1) et butyrophénones(1)) en phase péri-opératoire (lors de transplantation rénale expérimentale chez le chien) limite la survenue d’intussusception [4, 9], mais leur intérêt reste à démontrer pour les cas spontanés d’intussusception [1, 10].

• Les impératifs financiers n’ont pas permis d’effectuer un examen bactériologique sur le liquide d’épanchement. Cet examen aurait été intéressant dans ce contexte, compte tenu de l’atteinte de l’état général de l’animal et de l’hyperthermie, même si aucun signe de péritonite n’a été constaté pendant la laparotomie. L’antibioprophylaxie a donc été prolongée pendant cinq jours, le temps nécessaire pour vérifier la récupération complète de la chienne et l’absence de signe de translocation bactérienne (abdominal : péritonite, ou systémique : septicémie). La céfalexine est choisie pour son spectre contre les germes Gram+ (Clostridium, etc.) et Gram– (Escherichia coli, etc.), en association avec le métronidazole contre les germes anaérobies qui peuvent proliférer lors d’un tel syndrome occlusif.

• Les éventuelles complications postopératoires n’ont pas été explorées en raison des mêmes contraintes financières. Compte tenu de l’exérèse de la jonction iléo-cæcale, un trouble de la motricité est probable, de même qu’une contamination ascendante de l’intestin grêle par la flore colique. Un test TLI/folates/B12, notamment, aurait permis d’évaluer cette dernière hypothèse. Une endoscopie aurait permis de détecter une maladie inflammatoire chronique intestinale secondaire (MICI).

5. Pronostic

Le pronostic est de bon (forme réductible) à réservé comme dans ce cas (forme irréductible). Les taux de rémissions vont de 35 à 86 %, selon les études [7, 14, 16, 18]. Les taux de récidives de l’intussusception, indépendamment de la technique chirurgicale employée, sont variables : entre 3 [1] et 19 % [10].

Ce cas clinique illustre une complication grave qui peut survenir lors de toute gastro-entérite incontrôlée chez un chiot. Le taux de réussite du traitement chirurgical dépend de la technique mise en œuvre, mais aussi de la prise en charge de la cause de l’intussusception si elle a pu être identifiée.

  • (1) Médicament à usage humain.

Points forts

L’intussusception intestinale survient dans 80 % des cas chez des chiens âgés de moins d’un an.

Une gastro-entérite est une cause fréquemment identifiée de cette affection.

L’image échographique de cercles concentriques correspondant aux anses invaginées et invaginantes en coupe transversale est pathognomonique. La visualisation des différentes couches pariétales pourrait être moins nette lors de forme évoluée irréductible.

L’intussusception intestinale est irréductible dans plus de 80 % des cas, ce qui impose le recours à une entérectomie.

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