Dix cas de fœtus momifiés traités avec des PGE2 - Le Point Vétérinaire n° 260 du 01/11/2005
Le Point Vétérinaire n° 260 du 01/11/2005

PATHOLOGIE DE LA REPRODUCTION DES BOVINS

Pratiquer

CAS CLINIQUE

Auteur(s) : Gaby Hirsbrunner*, Christine Kaufmann**

Fonctions :
*Clinique des ruminants
Université de Berne
Wiederkäuerklinik
Bremgartenstrasse 109a
CH-3012 Berne
Suisse

Dix vaches présentent des fœtus momifiés ou macérés. L’administration de PGE2 est intéressante lors de momification. Une intervention chirurgicale transvaginale est décrite.

L'incidence de la momification fœtale est de 0,1 à 1,8 % du total des gestations chez les bovins. Elle survient principalement entre les quatrième et sixième mois de gestation. Les tissus fœtaux sont résorbés stérilement [2]. La momification peut être due à des facteurs génétiques, à des défauts placentaires, à des infections, à des déséquilibres endocriniens ou à l’administration de substances médicamenteuses [13].

Normalement, le fœtus momifié est expulsé spontanément lorsque la vache retourne en œstrus. Chez les bovins, un avortement peut être provoqué jusqu’à cent cinquante jours de gestation grâce aux prostaglandines F2α. Les fœtus, morts ou vivants, doivent alors être éliminés en trois à six jours [9].

La macération fœtale résulte d’une infection utérine d’origine bactérienne quel que soit le stade de gestation. Il se produit une lyse des tissus fœtaux et seuls les os restent dans l’utérus. Les signes cliniques sont un écoulement vaginal d’odeur putride et un ténesme. L’extraction manuelle des os de l’utérus est difficile à réaliser car l’ouverture du col utérin est souvent insuffisante après l’administration de prostaglandines F2α [2]. En outre, ces os sont souvent pointus, ce qui entraîne un risque de blessure de la vache et du praticien lors de l’intervention.

Les corticoïdes ne sont pas indiqués pour induire l’avortement dans ce cas [15].

Cas cliniques

Entre août 2002 et juin 2005, six vaches atteintes de momification et trois de macération fœtale sont admises à la clinique des ruminants de la faculté de Berne. Une autre vache présente une masse non identifiée dans l’utérus après la naissance d’un veau normal.

Tous ces animaux ont été traités auparavant sans succès à l’aide de prostaglandines F2α, de corticoïdes et/ou de lavages utérins. Les stades de gestation s’étalent entre trois et sept mois.

1. Examens clinique et complémentaires

L’examen clinique général des vaches inclut des palpations vaginale et rectale.

Un examen échographique est réalisé (sonde de 6 MHz) le jour de l’admission des animaux.

Du sang est prélevé pour un dosage de la progestérone sérique.

2. Traitement médical

Le jour de leur admission, toutes les vaches reçoivent un traitement à base de prostaglandines F2α, à la dose de 600 mg de d-cloprosténol par voie intramusculaire.

Des prostaglandines E2 (PGE2) sont également administrées, à la dose de 2,5 mg de dinoprostone(1) par voie intraveineuse. Les injections de PGE2 sont ensuite poursuivies quotidiennement, à la même dose, pendant cinq jours.

Cette procédure est baptisée “traitement standard”.

3. Résultats

Tous les animaux sont examinés quotidiennement par palpations vaginale et rectale (voir le TABLEAU “Contenu utérin et évolution des dix vaches qui ont reçu initialement le traitement standard”).

Les fœtus momifiés sont expulsés ou extraits manuellement trois à six jours après le premier examen (PHOTOS 1 et 2). La longueur des fœtus de la tête à la base de la queue est de 13 à 55 cm, ce qui correspond à un âge fœtal de quatre-vingt-dix à deux cents jours [1]. Les fœtus les plus âgés sont difficiles à extraire, en raison du risque accru de leur déchirement lorsque le canal cervical est étroit. Du temps et de la patience sont nécessaires pour ce type d’intervention.

Seule l’une des trois vaches dont le fœtus est macéré est traitée avec succès. Chez la vache n° 6, tous les os sont retirés, sauf le crâne. Chez la vache n° 7, ils restent coincés dans le corps utérin (PHOTOS 3 et 4), sans qu’il soit possible de les bouger.

Chez la vache n° 1, la masse de nature indéterminée ne peut être extraite. Une intervention chirurgicale est donc décidée.

4. Technique chirurgicale

L’utérus est traité localement avec des antibiotiques (gentamicine à la dose de 3,75 g) pendant les cinq jours qui précèdent l’intervention chirurgicale.

La région périnéale est préparée chirurgicalement et une anesthésie épidurale légère est réalisée (5 ml de lidocaïne 2 %) (PHOTO 5).

Le rectum est obstrué avec des tissus, puis une suture en bourse est effectuée. Le vagin est rincé avec plusieurs litres de povidone iodée diluée (0,1 %).

Le col est fixé avec des forceps spécifiques et le vagin est perforé dorsalement du côté gauche à l’aide d’un bistouri. La corne utérine gauche est saisie et introduite par l’ouverture vaginale jusqu’à ce qu’elle soit visible au niveau de la vulve (PHOTO 6). Deux sutures de soutien sont réalisées au milieu de la corne gauche et l’utérus est ouvert sous contrôle visuel. La masse est extraite et l’utérus est refermé après un rinçage soigneux des bords de la plaie : suture de Cushing pour l’utérus à l’aide de fil résorbable tressé (P. D.S.® n° 0) et surjet simple (Maxon® n° 1) pour le vagin.

5. Traitement postopératoire

Immédiatement après l’intervention chirurgicale, une antibiothérapie est instaurée (pénicilline G à la dose de 20 M UI trois fois par jour pendant cinq jours par voie intraveineuse) et un anti-inflammatoire non stéroïdien est administré (fluinixine à la dose de 2,2 mg/kg une seule fois par voie intramusculaire).

Le traitement antibiotique local intra-utérin est renouvelé une semaine plus tard.

6. Examen de la masse extraite

Macroscopiquement, la masse extraite mesure 15 cm de long. Elle est dure et crisse à la coupe. Le centre est amorphe et calcifié.

Son aspect n’est pas typique de celui d’un fœtus momifié et son origine n’a pas pu être déterminée.

7. Évolution

Le devenir des dix vaches traitées fait l’objet d’une enquête téléphonique.

Quatre des six vaches dont le fœtus était momifié (nos 2, 4, 5, 8) et l’une des vaches qui a présenté une macération fœtale (n° 3) ont été fécondées avec succès. Il était trop tôt pour connaître le devenir reproducteur des animaux nos 9 et 10.

La vache opérée pour extraire la masse d’origine indéterminée (n° 1) a été réformée en raison de kystes ovariens récurrents.

Les vaches nos 6 et 7, dont les fœtus macérés n’ont pu être extraits, ont également été réformées.

Discussion

1. Intérêt des PGE2

Les prostaglandines E2 sont couramment utilisées en médecine humaine pour provoquer une dilatation cervicale et renforcer le travail lors de l’accouchement [3, 4, 8]. Leur effet sur la dilatation cervicale a également été mis en évidence chez les bovins [5].

Chez la vache en bonne santé, les contractions utérines sont renforcées par l’administration associée de prostaglandine E2 et de prostaglandine F2α [12].

Avec l’interdiction des œstrogènes en production animale, l’administration de PGE2 constitue une option thérapeutique intéressante pour la vidange utérine lors de fœtus momifié ou d’autres contenus pathologiques.

Un tel traitement ne doit probablement pas être entrepris en cas de fœtus macéré car l’endomètre est alors souvent endommagé. Même si les os peuvent être extraits dans ce cas de figure, la probabilité d’une future gestation est faible [2]. La vache n° 3 chez laquelle une gestation a été obtenue après évacuation des fragments osseux peut être considérée comme une (heureuse) exception.

Pour des raisons d’hygiène, l’administration par voie intraveineuse (Prostine E2®(1) à la dose de 1 mg/ml, solution à diluer pour perfusion) a été préférée à l’application locale, plus couramment pratiquée en médecine humaine (Prostine E2®(1) gel vaginal, Prepidil® Intracervical(1)).

2. Possibilité d’une intervention chirurgicale

Chez la vache n° 1, la masse n’a pas pu être extraite par les voies naturelles avec le traitement standard. L’examen histologique n’a pas permis de confirmer le diagnostic de fœtus momifié. Il pourrait s’agir d’une môle, c’est-à-dire d’un fœtus mort prématurément pendant la gestation et dont les enveloppes fœtales ont continué à se développer de façon autonome [7]. Des cas de jumeaux, avec l’un des veaux qui se développe normalement et l’autre qui se momifie, ont été décrits [6].

Une intervention chirurgicale a été décidée car cette vache était de grande valeur. Une fois l’utérus fortement involué, donc situé dans le bassin, la laparotomie n’est pas conseillée pour l’extraction d’un fœtus momifié. L’hystérotomie a donc été réalisée après incision du col, comme pour une technique d’ovariectomie (pratiquée à des fins zootechniques ou lors de tumeurs) [10, 15].

Cette technique d’extraction d’un fœtus momifié est une option thérapeutique intéressante pour les praticiens accoutumés à l’ovariectomie. Un incident peut survenir si le péritoine n’est pas correctement incisé à la traversée du vagin. En outre, il est essentiel que le col soit mobilisable pour une telle chirurgie sous contrôle visuel. Il convient de prendre soin de ne pas contaminer la séreuse de l’utérus avec le contenu de l’organe potentiellement putréfié. Dans le cas décrit, l’écoulement vaginal observé a nécessité une suture pour éviter le développement d’un foyer de péritonite locale. Cette vache n’a malheureusement pas pu être suivie à long terme car elle a été réformée pour des kystes ovariens récurrents.

Ces cas cliniques illustrent l’intérêt des prostaglandines E2 pour la dilatation du col et l’induction de la motilité utérine lors de fœtus momifié. En outre, la possibilité d’opter pour une extraction chirurgicale en cas d’insuccès est démontrée. Chez les dix vaches présentées dans cet article, la prostaglandine E2 a été utilisée expérimentalement dans le cadre du dossier d’autorisation de mise sur le marché en cours en Suisse. Une fois ce traitement accrédité, son prix sera comparable à celui des prostaglandines F2α.

  • (1) Médicament à usage humain.

Points forts

Chez la vache en bonne santé, les contractions utérines sont renforcées par l’administration associée de prostaglandine E2 et de prostaglandine F2α.

Chez la vache, l’administration de PGE2 par voie intraveineuse est préférable à l’application locale.

Un tel traitement ne doit pas être entrepris lors de fœtus macéré car la probabilité d’obtention d’une gestation future est alors faible.

La distinction entre les fœtus momifiés et les avortons macérés conditionne l’exactitude du pronostic.

Les corticoïdes ne sont pas indiqués pour induire l’avortement dans ces cas.

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