Un cas de pemphigus foliacé chez un chat - Le Point Vétérinaire n° 259 du 01/10/2005
Le Point Vétérinaire n° 259 du 01/10/2005

DERMATOLOGIE FÉLINE

Pratiquer

CAS CLINIQUE

Auteur(s) : William Bordeau

Fonctions : Consultant en dermatologie
vétérinaire
Clinique vétérinaire
3, avenue Foch
94700 Maisons-Alfort

Un pemphigus foliacé est diagnostiqué chez une chatte âgée de treize ans qui présente une dermatose croûteuse localisée aux oreilles et au menton et un onyxis des quatre pattes.

Les dermatoses auto-immunes (DAI) résultent de mécanismes d’auto-immunisation vis-à-vis de constituants normaux de la peau situés dans diverses zones cutanées.

Les pemphigus représentent un groupe de DAI caractérisées par la présence d’auto-anticorps dirigés contre des composants de la membrane des kératinocytes, les desmogléines [1]. Il s’agit de dermatoses bulleuses (vésicules et/ou pustules), qui peuvent être superficielles (cas notamment du pemphigus foliacé) ou profondes (cas du pemphigus vulgaire). Cette distinction explique notamment les différences cliniques entre ces deux entités.

Cas clinique

Une chatte européenne stérilisée, âgée de treize ans est présentée à la consultation en raison de lésions podales marquées et de symptômes généraux apparus quelques semaines auparavant.

1. Commémoratifs

La chatte vit en appartement, mais peut sortir dans un rez-de-jardin. Elle n'a pas de contacts réguliers avec d'autres animaux. Aucune contagion humaine n’est signalée. L'animal est sédentaire et est gardé à domicile lorsque ses propriétaires partent en vacances.

Un traitement antiparasitaire externe est appliqué une fois par mois (fipronil, Frontline® Spot On Chat).Aucun traitement de l'environnement n'est réalisé.

La chatte mange une alimentation industrielle composée de boîtes achetées en grandes surfaces.

Les propriétaires ne rapportent aucun trouble comportemental.

2. Anamnèse

La dermatose est apparue environ un mois auparavant.

Elle s’est manifestée dans un premier temps par un onyxis de deux doigts de l’antérieur droit. L’animal a alors été présenté à son vétérinaire traitant, qui a instauré un traitement de marbofloxacine pendant trois semaines (Marbocyl® cp 5 mg, 2 mg/kg/jour, en une prise orale) et de prednisolone pendant une semaine (Mégasolone® cp 5 mg, 0,5 mg/kg/jour, en une prise orale). Ces molécules n’ont entraîné qu'une amélioration partielle et d’autres pattes ont commencé à être affectées. Parallèlement, des lésions croûteuses sont apparues sur les faces internes et externes des oreilles et sur le menton.

Cette dermatose est peu prurigineuse et le prurit est exclusivement localisé au niveau des griffes.

Les propriétaires signalent également que l'appétit de la chatte est irrégulier.

3. Examen général

La chatte pèse 3,5 kg. Elle est léthargique et son état général n'est pas bon. Une douleur est mise en évidence au niveau des pattes et entraîne une boiterie très prononcée.

Une hyperthermie est notée (39,2 °C).

4. Examen dermatologique

Examen à distance

La dermatose affecte les deux oreilles, le menton et les quatre pattes.

Examen rapproché

En faces interne et externe des deux oreilles, une alopécie diffuse est associée à un érythème, à quelques papules et à de nombreuses croûtes et érosions. Les lésions croûteuses sont plus prononcées sur le bord des oreilles. Aucune pustule n'est observée (PHOTOS 1 ET 2).

Le menton présente quelques croûtes, sans alopécie diffuse associée (PHOTO 3).

Un onyxis et un périonyxis très prononcés sont présents sur la plupart des griffes des quatre pattes. Le pourtour des griffes présente une alopécie diffuse, des croûtes et un pus abondant, qui sourd à la pression des pattes (PHOTO 4). En face ventrale, les coussinets apparaissent anormalement fragiles, plutôt fins et entourés de fines croûtes (PHOTOS 5, 6).

Aucune lésion n’est notée au niveau des jonctions cutanéo-muqueuses et dans la cavité buccale.

5. Hypothèses diagnostiques

Les hypothèses diagnostiques envisagées sont :

- un pemphigus foliacé ;

- une dermatophytose ;

- un onyxis bactérien secondaire à une infection par un rétrovirus ;

- une démodécie.

6. Examens complémentaires

• Des raclages sont réalisés sur le menton, jusqu’à la rosée sanguine. La douleur ressentie au niveau des doigts et l'étendue des croûtes sur les oreilles ne permettent pas de racler ces zones lésionnelles. Le prélèvement est ensuite déposé dans du lactophénol et examiné à l’aide d’un microscope aux objectifs 4 et 10. Aucun Demodex n'est mis en évidence.

• L’animal, placé dans une pièce sombre, est examiné à la lumière d’une lampe de Wood : aucune fluorescence n’est notée.

• Un trichogramme est ensuite réalisé. Des poils sont prélevés en périphérie et sur les zones d’atteinte auriculaire, puis sont déposés dans du lactophénol et observés au microscope aux objectifs 4, 10 et 40. Aucune spore n’est notée autour des poils et aucun poil teigneux n’est observé. Dans l’attente de la réalisation de biopsies cutanées, la culture mycologique n’est pas réalisée.

• Un test de diagnostic rapide FeLV et FIV (Witness® FeLV-FIV) se révèle négatif.

• Un examen cytologique cutané est réalisé à partir du pus prélevé sur le pourtour d’une griffe. Celui-ci est appliqué sur une lame et coloré par une méthode rapide (Diff-Quick). L’examen microscopique avec l'objectif à immersion révèle la présence de nombreux kératinocytes acantholysés, de polynucléaires neutrophiles dégénérés et non dégénérés, et de cocci en nombre anormalement élevé (PHOTO 7).

La présence de nombreuses cellules acantholytiques est fortement évocatrice d’un pemphigus foliacé, surtout chez un chat qui présente de tels signes cliniques. Elle ne permet toutefois pas d'établir un diagnostic de certitude, d’où la nécessité de réaliser des biopsies cutanées. L’examen histopathologique permet en outre d’exclure les autres hypothèses diagnostiques.

• Après l’anesthésie par une association de zolazépam et de tilétamine (Zoletil®), des biopsies cutanées sont réalisées à la base des oreilles et au niveau du menton, à l’aide d’un trépan de 6 mm.

Ces prélèvements sont ensuite déposés dans du formol et envoyés à un laboratoire d’anatomopathologie vétérinaire.

• En attendant les résultats, la chatte reçoit un traitement de céfalexine (Rilexine®, 30 mg/kg/ jour en deux prises journalières) et les pattes sont désinfectées par des bains de chlorhexidine à 0,05 % (Hibitane®).

7. Suivi

La chatte est revue quinze jours plus tard, peu après la réception des résultats histologiques. La dermatose s’est un peu améliorée : les croûtes sont moins nombreuses au niveau des oreilles et des pattes, et ces dernières sont moins purulentes.

Les biopsies cutanées révèlent l’existence d'épaisses croûtes séropurulentes, macérées et stratifiées, qui emprisonnent des tiges pilaires avulsées, des lamelles de kératine, de nombreux polynucléaires neutrophiles plus ou moins altérés et de nombreux kératinocytes acantholysés à noyau pycnotique.

Elles contiennent également des colonies de germes basophiles. Sur certaines biopsies, l'épiderme est intact, hyperplasique, sous forme d'une acanthose irrégulière modérée, hyperkératosique (orthokératose et petits foyers de parakératose), discrètement spongiotique dans ses couches profondes. Il est localement ponctué de petits foyers de nécrose, infiltrés par des polynucléaires neutrophiles plus ou moins altérés.

Il n'est pas aisé d'objectiver une acantholyse active nette, mais les couches les plus superficielles du massif épidermique ont tendance à s'exfolier par endroits, fournissant des kératinocytes acantholysés relativement récents, basophiles, à noyau viable, mêlés à quelques polynucléaires neutrophiles.

Cet épiderme peut également être surmonté par des petites croûtes séropurulentes, mais pauvres en kératinocytes acantholysés. Certaines cellules acantholytiques montrent une dégénérescence ballonnisante plus marquée, sans qu'il soit possible d'objectiver de corps d'inclusion en position intranucléaire ou intracytoplasmique.

Le derme est, soit congestif et œdémateux, soit fibroplasique, infiltré en régions périvasculaire et périannexielle par divers types de cellules inflammatoires, parmi lesquelles des cellules mononucléées et quelques éosinophiles et polynucléaires neutrophiles.

Aucun élément figuré pathogène, en particulier parasitaire ou fongique, n’est observé. Aucune culture mycologique n’est donc réalisée.

Cet aspect histologique correspond à celui d'une dermite kératoséborrhéique périvasculaire superficielle et moyenne, croûteuse, riche en kératinocytes acantholysés (PHOTO 8).

Ces résultats confirment la suspicion de pemphigus foliacé idiopathique (puisque la chatte n'a reçu aucun traitement avant l’apparition des premières lésions).

8. Traitement

L’antibiothérapie est poursuivie pendant un mois, avec la même molécule et à la même dose.

Dans un premier temps, de la prednisolone (Mégasolone cp 5 mg®) est prescrite à une dose immunosuppressive de 4 mg/kg, en deux prises journalières et jusqu’à une rémission lésionnelle, sous réserve que l'animal ne présente pas d’effets secondaires. Il est demandé aux propriétaires de ramener l’animal pour déterminer s’il est possible de diminuer les doses.

La survenue d’une polyuro-polydipsie marquée, probablement liée à la corticothérapie, et le pronostic clinique sombre amènent les propriétaires à demander l’euthanasie de l’animal après quelques jours de traitement. Aucune autopsie n’est autorisée.

Discussion

1. Pathogénie

Les pemphigus résultent de l’action d’auto-anticorps contre des composants des desmosomes kératinocytaires, les desmogléines. Ces protéines, apparentées à la famille des cadhérines, sont en position transmembranaire. L’une de ces desmogléines, la desmogléine 1 (Dsg 1) est la cible des auto-anticorps formés lors de pemphigus foliacé, tandis que la desmogléine 3 (Dsg 3) est la cible des auto-anticorps formés lors de pemphigus vulgaire [2].

La Dsg 1 est présente en plus grande quantité dans la partie supérieure de l’épiderme par rapport aux zones plus profondes (dans lesquelles elle peut être absente). La situation est inverse pour la Dsg 3, qui est présente en plus grande quantité en région profonde de l’épiderme de la peau, mais absente en région superficielle [8]. Cette Dsg 3 est également retrouvée dans tout l’épiderme des muqueuses [8]. Cette répartition inégale de ces deux desmogléines peut expliquer les variations cliniques et histologiques.

Les auto-anticorps qui agissent sur les desmogléines sont à l’origine du phénomène d’acantholyse, c'est-à-dire de la perte de cohésion interkératinocytaire due à une rupture de l’adhésion cellulaire [a]. Les mécanismes de l’action des auto-anticorps restent hypothétiques [2]. L'acantholyse peut se traduire cliniquement par des pustules, des vésicules et des bulles. La Dsg 1 a été identifiée comme la cible des auto-anticorps lors de pemphigus foliacé chez le chien comme chez l’homme, mais cela n'a pas été vérifié chez le chat [1].

2. Épidémiologie

Le pemphigus foliacé constitue la principale dermatose auto-immune chez le chat et la deuxième chez le chien après le lupus cutané [2]. Cette dermatose est toutefois rare, puisqu’elle ne représente que 0,5 à 1 % des cas de dermatologie féline [2].

Chez le chat, le pemphigus foliacé peut être spontané, donc ne présenter aucune cause sous-jacente, résulter d’une dermatose chronique, être d'origine iatrogène ou paranéoplasique [2].

Chez l’homme, de nombreuses autres causes ont été proposées, notamment virales et génétiques.

Cette dermatose auto-immune affecte généralement de jeunes adultes, même si des animaux de tous âges peuvent être atteints. À la différence du chien, aucune prédisposition raciale n’a été rapportée chez le chat [9].

3. Clinique

La lésion primaire est une pustule centrée ou non sur un follicule. Chez le chien, la base des pustules est souvent érythémateuse et elles sont de grande taille, car elles peuvent englober plusieurs follicules pileux, à la différence des pustules observées lors de folliculite bactérienne [8].

Chez le chat, cette lésion très fugace est rarement observée [5]. Les lésions secondaires telles que des croûtes, un état kérato-séborrhéique, une alopécie diffuse, et des érosions sont plus souvent diagnostiquées.

Chez cette espèce, cette dermatose bilatérale et symétrique, pustuleuse et croûteuse, affecte préférentiellement la face, notamment le planum nasal, le chanfrein, la région périoculaire et la face interne des conques auriculaires. D’autres localisations sont possibles (atteintes périmamellonaire et des replis unguéaux). Un périonyxis est fréquemment observé [6]. Un exsudat purulent peut sourdre à la pression, comme dans le cas décrit. Un épaississement et une fissuration des coussinets peuvent entraîner une douleur et une boiterie.

La dermatose peut progressivement se généraliser à l’ensemble du corps. Les jonctions cutanéomuqueuses et les muqueuses sont rarement touchées ; la cavité orale est systématiquement épargnée. Un prurit peut parfois être présent (fréquence indéterminée chez le chat).

Les symptômes généraux sont généralement absents. Lorsqu’ils existent, ils sont non spécifiques (hyperthermie, abattement et anorexie) [5].

4. Diagnostic

Le diagnostic est fondé sur l’anamnèse, l’examen clinique et la réalisation d’examens complémentaires, en particulier cytologique et histopathologique.

• Un pemphigus foliacé doit être suspecté lors de dermatose pustulo-croûteuse bilatérale et symétrique, avec des atteintes faciale et podale préférentielles. Chez le chat, la présence d’une atteinte unguéale et mammaire est en outre recherchée.

• La cytologie est un examen complémentaire simple et intéressant. Réalisée avec du pus obtenu à partir d’une pustule ou en région unguéale chez le chat, elle permet d’observer des polynucléaires neutrophiles non dégénérés, peu ou pas de bactéries (puisqu’il s’agit d’une pustulose stérile), et des cellules acantholytiques [4]. Il s’agit de grandes cellules à cytoplasme basophile homogène et à bords nets. Le noyau est central, granuleux, avec un ou plusieurs nucléoles. Un halo périnucléaire et une dégénérescence ballonisante sont parfois notés [3]. Les nucléoles peuvent être regroupés et former une image dite “en radeaux”, ou être entourés de polynucléaires et former une image dite “en roue crantée” [3].

Ces kératinocytes acantholytiques sont évocateurs et doivent conduire à pratiquer des biopsies cutanées. Ils ne sont toutefois pas caractéristiques de pemphigus foliacé, puisqu’ils peuvent également être observés lors de folliculite bactérienne et lors de dermatophytose. Ils résultent alors de l’activité enzymatique des polynucléaires neutrophiles, et sont donc le plus souvent isolés et en petit nombre [3]. Des complications infectieuses peuvent aggraver le pemphigus foliacé, et diverses bactéries et des neutrophiles dégénérés sont alors observés, comme dans le cas décrit.

• Le diagnostic définitif est établi par l’analyse anatomopathologique de multiples biopsies cutanées. Certaines lésions fragiles, comme les pustules, sont à prélever en priorité. Une biopsie au scalpel est préférable à une technique au trépan. À défaut, des croûtes peuvent être prélevées, en prenant soin de les mettre dans un flacon de formol. Il convient de ne pas biopsier les érosions puisque le toit de la pustule est déjà éliminé.

L’examen histologique des lésions récentes montre des vésiculo-pustules sous-cornées ou situées dans la couche épineuse épidermique, souvent également observées au niveau folliculaire. Il s’agit de géodes épidermiques uniloculaires (constituées d’une seule cavité ovalaire au moins dans un premier temps, et non de la réunion de plusieurs cavités) qui contiennent de nombreuses cellules épithéliales acantholysées et des polynucléaires éosinophiles et/ou neutrophiles, bien préservés, non macérés (différents des pyocytes). Le toit de la pustule est constitué d’une mince couche de lamelles de kératine. Le plancher de la pustule montre des cellules acantholytiques qui se détachent du reste du massif épidermique, individuellement ou en placards de deux à six cellules qui s’arrondissent, puis flottent librement dans la lumière de la pustule [2]. Ces cellules sont le plus souvent encore munies d’un noyau viable, d’un cytoplasme rond à polyédrique, abondant et acidophile. Le plancher épidermique est en général le siège d’une forte exocytose éosinophilique, mais n’apparaît pas ou peu spongiotique.

Le diagnostic histologique est souvent difficile, car il existe une grande variabilité des images histologiques : de la pustule “fraîche” et typique, univoque, à la pustule macérée ou à la squamo-croûte stratifiée et surinfectée [2].

• Des cas de dermatophytoses, dues à Trichophyton mentagrophytes et Microsporum persicolor,, qui présentent un tableau clinique et des lésions histologiques comparables au pemphigus foliacé ont été décrits chez le chien. Cela n’a jamais été décrit chez le chat, mais ne peut être exclu [a], [7]. Une recherche de ce dermatophyte par une réaction avec l’acide périodique de Schiff (PAS) doit donc être effectuée avant de conclure à un pemphigus foliacé. À défaut, il peut être nécessaire d’effectuer une culture mycologique, à partir de croûtes et non de poils puisqu’il s’agit d’un dermatophyte cornéophile. Cela est d’autant plus essentiel qu’il est préjudiciable d'administrer à un chien qui présente une dermatophytose un traitement immunosuppresseur.

• Les immunofluorescences directe et indirecte, qui visent à mettre en évidence les auto-anticorps fixés (IFD) ou circulants (IFI), peuvent être réalisées. Il s’agit toutefois d’examens expérimentaux qui ne peuvent être réalisés que dans certains laboratoires. Leur sensibilité et leur spécificité varient selon les méthodes et les substrats utilisés, mais elles demeurent médiocres. De nombreux faux positifs sont ainsi observés au niveau de la truffe et des coussinets plantaires, qui constituent des localisations fréquemment biopsiées lors de suspicion de pemphigus foliacé, surtout chez le chien.

• Chez le chat, le diagnostic différentiel du pemphigus foliacé comprend la démodécie, la dermatophytose, le lupus érythémateux systémique, la dermatite nécrolytique superficielle, la leishmaniose et la toxidermie [1].

5. Traitement

Le traitement du pemphigus foliacé félin fait appel à des molécules immunosuppressives, en recherchant un équilibre entre le contrôle de cette dermatose et le minimum d’effets secondaires.

• Lors de forme localisée, l’administration topique de corticoïdes est envisageable. Il s’agit toutefois de cas relativement rares. Lors d’atteinte plus extensive, il est nécessaire d'entreprendre un traitement systémique.

Dans un premier temps, les corticoïdes peuvent être employés car il s’agit de molécules peu onéreuses dont l’efficacité est établie [2]. Des molécules administrables par voie orale et qui peuvent être prescrites à jours alternés sont choisies. La prednisone et la prednisolone, à la dose d’induction de 2 à 4 mg/kg/jour, et la méthyl-prednisolone, à la dose d’induction de 1,6 à 3,2 mg/kg/jour [10], sont les molécules de choix [2]. Lorsque le pemphigus est contrôlé et qu'aucun effet secondaire gênant n’apparaît, la dose est progressivement diminuée, jusqu’à obtenir une dose minimale efficace. Chez le chat, la dexaméthasone, à la dose de 0,2 à 0,4 mg/kg/jour, et la triamcinolone (2), à la dose de 0,4 à 0,8 mg/kg/jour, constituent des alternatives intéressantes en cas d’inefficacité de la prednisone et de la prednisolone.

Des effets secondaires tels que polyphagie, polyuro-polydipsie (souvent liée à la survenue d'un diabète cortico-induit), vomissements, diarrhée, infection urinaire et syndrome de Cushing iatrogène sont à craindre avec ces molécules.

Dans le cas présenté, une polyuro-polydipsie est apparue. Il aurait été intéressant de déterminer son origine. En fonction de celle-ci, il aurait fallu, soit diminuer la dose de corticoïdes, soit utiliser un autre immunosuppresseur.

• Ainsi, en seconde intention, le chlorambucil (1) peut être administré, à la dose de 0,1 à 0,2 mg/kg par voie orale, tous les jours jusqu’à rémission lésionnelle, puis tous les deux jours, avec diminution progressive de la dose [2]. Il convient de réaliser un suivi hématologique et de surveiller la survenue d’une anorexie et de troubles digestifs (diarrhée ou vomissements). Cette molécule peut être associée aux corticoïdes pour en diminuer les doses.

• En cas de complications infectieuses, un antibiotique à large spectre ou un antiseptique cutané, notamment lors d’atteinte podale, doit également être prescrit.

Le pronostic du pemphigus foliacé est variable d’un chat à l’autre et imprévisible. Ainsi, chez certains animaux un contrôle satisfaisant peut être obtenu, avec une survie de plusieurs années, tandis que chez d’autres les traitements sont inefficaces, ce qui conduit alors à l’euthanasie de l’animal.

  • Remerciements à Myriam Labbaye, Marie-Christine Mercier et Frédérique Degorce.

Points forts

Chez le chat, le pemphigus peut n'avoir aucune cause sous-jacente, résulter d’une dermatose chronique, être médico-induit ou d’origine paranéoplasique.

Il affecte généralement de jeunes adultes, même si des animaux de tous âges peuvent être atteints. À la différence du chien, aucune prédisposition raciale n’a été rapportée chez le chat.

Le diagnostic différentiel du pemphigus foliacé chez le chat comprend la démodécie, la dermatophytose, le lupus érythémateux systémique, la dermatite nécrolytique superficielle, la leishmaniose, et la toxidermie.

Un pemphigus foliacé doit être suspecté lors de dermatose pustulo-croûteuse bilatérale et symétrique, avec atteintes faciale et podale préférentielles. Chez le chat, des atteintes unguéale et mammaire sont également recherchées.

Congrès

a. Suter M, de Bruin A, Wyder M et coll. Autoimmune diseases of domestic animals : an update. In : Advances in veterinary dermatology : volume 3. Proceedings of the Third World Congress of Veterinary Dermatology, Edinburgh, Scotland. 1998 : 321-337.

  • 1 - Barrs VR, Beatty JA, Kipar A. What is your diagnosis ? J. Small Anim. Pract. 2003; 44: 251.
  • 2 - Bensignor E, Pin D, Carlotti DN. Le pemphigus foliacé des carnivores domestiques. Ann. Méd. Vét. 1998; 142: 5-13.
  • 3 - Groux D. Cytologie du pemphigus foliacé. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 2002; 37: 23-25.
  • 4 - Marsella R. Canine pemphigus complex : Diagnosis and therapy. Compend. Contin. Educ. Pract. Vet. 2000; 22: 680-685.
  • 5 - Medleau L. Case management workshop. Vet. Med. 1996; 91: 710-719.
  • 6 - Page N, Paradis M. Quel est votre diagnostic ? Méd. Vét. Quebec. 1997; 27: 72 et 81-82.
  • 7 - Poisson L, Mueller R, Olivry T. Dermatophytose pustuleuse cornéophilique canine évoquant un pemphigus foliacé. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 1998; 33: 229-234.
  • 8 - Rivierre C. Le pemphigus foliacé chez le chien et le chat. Point Vét. 2003; 34: 30-34.
  • 9 - Sousa CA. Exudative, crusting and scaling dermatoses. Vet. Clin. North Am. Small. Anim. Pract. 1995; 25: 813-831.
  • 10 - Willemse T. Dermatoses auto-immunes In : Guide de dermatologie féline. 13: 1-13.
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