Éviter l’ivermectine chez la chèvre laitière - Le Point Vétérinaire n° 259 du 01/10/2005
Le Point Vétérinaire n° 259 du 01/10/2005

PRÉVENTION DES INFESTATIONS PARASITAIRES

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SUR ORDONNANCE

Auteur(s) : Hervé Pouliquen

Fonctions : Unité de pharmacologie et toxicologie, ENV Nantes

L’ivermectine ne devrait pas être administrée aux chèvres laitières compte tenu du temps d’attente élevé conseillé dans le lait.

Afin de prévenir les infestations parasitaires dans un troupeau caprin, le vétérinaire traitant décide de prescrire de l’ivermectine par voie sous-cutanée aux cinquante chèvres laitières et quatre-vingts chevreaux du troupeau.

Ivomec® Ovin Solution Injectable : Temps d’attente dans le lait de quarante jours

Ivomec® Ovin Solution injectable est une solution injectable qui contient de l’ivermectine, un macrolide endo-ectoparasiticide semi-synthétique du groupe des avermectines, à la concentration de 1 g/100 ml. Caractérisée par sa liposolubilité et sa neutralité, l’ivermectine, après résorption, se distribue préférentiellement dans le système nerveux central, le foie et le tissu adipeux. Elle s’élimine en majeure partie par voie biliaire, mais également dans le lait.

L’ivermectine possède un spectre d’activité très large, orienté aussi bien vers les parasites externes (mouches, puces, poux, tiques et agents des gales) que vers les némathelminthes, notamment les strongles gastro-intestinaux et pulmonaires. Elle agit en interférant avec les canaux à chlorures des membranes neuronales du parasite, provoquant leur ouverture qui conduit à une hyperpolarisation. Elle agit également en potentialisant l’action de l’acide gamma-aminobutyrique. Cette double action, surtout adulticide, se traduit par la paralysie puis la mort du parasite en environ vingt-quatre heures.

La dose d’ivermectine conseillée chez les caprins est de 200 µg/kg de poids corporel par voie sous-cutanée.

L’ivermectine est inscrite en annexe I du règlement 2377/90/ CEE. Cette annexe indique les limites maximales de résidus (LMR) de l’ivermectine dans la graisse, le foie et le rein de toutes les espèces de mammifères (JO/CE du 9 juin 2005). L’ivermectine peut donc être prescrite aux chevreaux et aux chèvres laitières, à la condition pour le prescripteur, de mentionner sur l’ordonnance un temps d’attente forfaitaire dans la graisse et les abats d’au moins vingt-huit jours. Le Farad (Food animal residue avoidance databank) conseille un temps d’attente de trente-cinq jours dans la graisse et les abats après l’administration d’ivermectine à la dose de 200 µg/kg par voie sous-cutanée chez la chèvre.

Aucune LMR n’a été fixée dans le lait, ce qui n’interdit pas l’administration d’ivermectine chez les chèvres laitières, si toutefois le praticien peut justifier qu’aucun autre traitement approprié « moins risqué pour le consommateur » n’existe. Cette administration soulève néanmoins un réel problème de résidus dans le lait, compte tenu de la rémanence de l’ivermectine dans les matières grasses et du risque théorique plus élevé pour le consommateur lors d’un traitement collectif que lors d’un traitement individuel. Le praticien qui prescrit Ivomec® Ovin Solution injectable chez des chèvres laitières doit donc garantir l’absence de résidus en concentration détectable dans le lait. Le Farad conseille un temps d’attente de quarante jours dans le lait après administration d’ivermectine à la dose de 200 µg/kg par voie sous-cutanée chez la chèvre. En pratique, un temps d’attente aussi long limite considérablement, pour des raisons économiques, l’administration d’ivermectine chez les chèvres laitières.

Eprinex® Pour-On Bovin : Temps d’attente forfaitaires

Eprinex® Pour-On Bovin est une solution cutanée pour dépôt qui contient de l’éprinomectine, un macrolide semi-synthétique du groupe des avermectines, à la concentration de 5 mg/ml. L’éprinomectine possède les mêmes propriétés pharmacologiques que l’ivermectine mais elle ne s’élimine pratiquement pas dans le lait.

L’annexe I du règlement 2377/90/CEE indique ses LMR dans le muscle, la graisse, le foie, le rein et le lait des bovins. L’espèce caprine n’est pas mentionnée. Néanmoins, la DGAL estime que, lorsqu’une LMR est définie pour le lait, les médicaments contenant la substance peuvent être utilisés chez toutes les espèces de femelles laitières (Note de service DGAL/SDSPA/ N2004-8185 du 16 juillet 2004). L’éprinomectine peut donc être administrée aux chèvres laitières, à la condition de mentionner sur l’ordonnance les temps d’attente forfaitaires minimaux : sept jours dans le lait et vingt-huit jours dans la viande et les abats. Elle peut aussi être administrée aux chevreaux à la condition de mentionner le même temps d’attente forfaitaire minimal dans la viande et dans les abats. La dose d’éprinomectine conseillée chez les caprins est de 1 mg/kg de poids corporel par voie cutanée, c’est-à-dire le double de la dose proposée chez les bovins. L’administration de cette dose entraîne des résidus dans le lait de chèvre en concentration inférieure à la LMR fixée dans le lait de vache (20 ng/kg). La réglementation oblige toutefois le prescripteur à appliquer le temps d’attente forfaitaire minimum de sept jours dans le lait de chèvre.

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