La maladie de Borna chez le cheval et le mouton - Le Point Vétérinaire n° 258 du 01/09/2005
Le Point Vétérinaire n° 258 du 01/09/2005

MÉNINGO-ENCÉPHALITE INFECTIEUSE DES MAMMIFÈRES ET DES OISEAUX

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EN QUESTIONS-RÉPONSES

Auteur(s) : Gwenaëlle Dauphin

Fonctions : Afssa Alfort
UMR1161 de virologie, AFSSA/INRA/ENVA,
22, rue Pierre Curie,
94703 Maisons-Alfort cedex

La maladie de Borna se présente comme une méningo-encéphalite non purulente souvent fatale. Le bornavirus circule en France, chez l’animal et chez l’homme.

La maladie de Borna est connue depuis longtemps comme une méningo-encéphalite des chevaux et des moutons, répandue au sud de l’Allemagne. Des infections à bornavirus sont décrites depuis une dizaine d’années dans de nombreux pays (principalement en Europe, en Amérique du Nord, au Moyen-Orient, en Australie et au Japon), et chez de nombreuses espèces animales à sang chaud, notamment chez l’homme. L’existence de la maladie de Borna chez l’homme reste toutefois controversée. Cet article décrit la maladie de Borna : son expression clinique, son épidémiologie, son diagnostic et son traitement, puis présente les résultats des études françaises qui ont été menées chez l’homme et chez l’animal.

Quels sont les signes cliniques ?

1. Chez le cheval

Chez le cheval, une faible proportion des animaux infectés présente des signes cliniques. La période d’incubation est variable : entre deux semaines et quelques mois.

La maladie se caractérise par des désordres neurologiques et comportementaux. Pendant la phase initiale, elle se manifeste par des signes non spécifiques comme une hyperthermie, une anorexie, des coliques et une constipation. Pendant la phase aiguë, les signes neurologiques sont variés et dépendent de l’individu malade : postures anormales, déficit proprioceptif, mouvements répétitifs, grincements de dents, marche en cercle. Ces signes sont le plus souvent associés à une hyperexcitabilité, de l’agressivité, une léthargie, une somnolence, une stupeur et une hyperesthésie. Des altérations du comportement et de la conscience peuvent être observées dès le début de la maladie, ces signes s’aggravant au cours de l’évolution. L’inflammation des nerfs crâniens peut aussi entraîner des troubles tels qu’une dysphagie, une salivation, des mouvements de langue, un bruxisme, un trismus, un strabisme, un myosis, un nystagmus. En phase finale, des paralysies peuvent apparaître, suivies de convulsions et souvent associées à un “ pousser au mur ” (en raison de l’augmentation de pression du liquide céphalorachidien (LCR) causée par l’inflammation). Un décubitus avec pédalage et convulsions peut précéder la mort. La maladie clinique évolue pendant une à trois semaines et le taux de mortalité des chevaux qui développent la forme aiguë atteint 80 à 100 %.

Pour des raisons encore inconnues, certains animaux survivent à la maladie aiguë et peuvent développer, quelques semaines après cette phase, une forme chronique. Des épisodes récurrents peuvent ainsi survenir tout au long de la vie de l’animal (en raison du caractère persistant du virus) et se manifestent par une dépression, une apathie, une somnolence, un comportement craintif [15]. Il est possible que les animaux infectés par de faibles quantités de bornavirus survivent à la maladie aiguë et développent des troubles comportementaux chroniques [9]. Il reste à déterminer si l’évolution de la maladie naturelle vers trois formes différentes (troubles légers du comportement, maladie neurologique sévère ou infection asymptomatique) est liée à des différences de souches virales, de charge virale ou de résistance génétique de l’hôte. Il est probable que les infections asymptomatiques ou subcliniques soient fréquentes dans la population équine, ce qui pourrait occasionner des modifications légères du comportement et des mouvements ataxiques. Les raisons de cette grande disparité entre une séroprévalence élevée et une faible incidence de la maladie de Borna restent inconnues.

2. Chez le mouton et la chèvre

Le tableau clinique de la maladie de Borna chez les moutons est dominé par des troubles locomoteurs (ataxie principalement), en général moins marqués que chez le cheval, ainsi que des troubles comportementaux. La phase précoce de la maladie peut également évoquer un tableau clinique de tremblante.

L’évolution de la maladie de Borna est en revanche nettement plus rapide que celle de la tremblante, puisque l’état du mouton atteint se détériore entre le quatrième et le dixième jour, avec des mouvements d’ataxie et de tremblements et un “ pousser au mur ” ; la mort intervient fréquemment à ce stade.

Dans les troupeaux de moutons infectés, la maladie de Borna affecte en général une forte proportion d’animaux. Le taux de mortalité peut atteindre 50 % [15]. Il semble que les infections chroniques soient également fréquentes chez les moutons.

La chèvre peut également être infectée par le virus Borna, mais elle semble moins sensible à l’infection [12].

3. Chien, chat et homme

Des cas de maladie de Borna ont été rapportés chez le chat, avec une ataxie, une paralysie du train postérieur et des changements de comportement. Chez le chien, des signes nerveux non spécifiques ont été décrits, ainsi que des cas d’allergie cutanée et de myosite.

Chez l’homme, le virus de la maladie de Borna pourrait être responsable de syndromes psychiatriques dont l’étiologie est encore inconnue et qui peuvent être d’ordre affectif (dépression) ou psychotique (schizophrénie), voire d’encéphalites aiguës ou chroniques.

Quelle est l’épidémiologie ?

1. Spectre d’hôtes

Même si les formes cliniques de l’infection par le bornavirus sont majoritairement rapportées chez les chevaux et les moutons, de nombreuses autres espèces animales à sang chaud peuvent être naturellement infectées : bovins, chèvres, lapins, chiens, chats, autruches, chevreuils, singes, alpagas, lamas, lynx, renards et oiseaux sauvages. La plupart de ces espèces peuvent également être infectées expérimentalement.

Le bornavirus constitue depuis quelques années un modèle d’étude de la physiopathogénie des infections du système nerveux central et un modèle de l’autisme de l’enfant, par le biais d’infections persistantes du rat de laboratoire nouveau-né. L’infection du rat nouveau-né correspond en effet à un modèle d’“ infection persistante et tolérante ”. La charge virale est élevée dans le système nerveux central, mais aucune réponse cellulaire antivirale n’apparaît. Il est possible que les troubles légers du comportement et de l’apprentissage dus à l’infection soient liés à une altération du processus de différentiation et de migration neuronale, voire de communication entre neurones [6].

Des marqueurs spécifiques du bornavirus ont été détectés chez l’homme, en particulier chez les patients psychiatriques [15, 16]. D’une part, des anticorps spécifiques du bornavirus ont été détectés en proportion plus grande chez des patients qui présentaient des troubles psychiatriques ou nerveux par rapport à des individus normaux. D’autre part, des protéines et de l’ARN du virus ont été mis en évidence dans du sang et dans du tissu cérébral humain. Du virus infectieux a pu être isolé à partir de tissu humain. Actuellement, même si le bornavirus semble avoir été réellement détecté chez l’homme, la communauté scientifique reste prudente sur une éventuelle infection humaine et plus encore sur son lien avec des maladies psychiatriques humaines (schizophrénie, autisme, syndrome de fatigue chronique, dépression chronique, etc.).

2. Répartition géographique

La maladie de Borna a été décrite pendant longtemps uniquement en Europe centrale, en particulier en Allemagne. L’accumulation de données épidémiologiques montre que le spectre d’hôtes et la répartition géographique de la maladie de Borna semblent plus étendus que ce qui était suspecté auparavant.

La répartition géographique précise de la maladie est encore incertaine car des infections ont été décrites au nord de l’Europe, en Turquie, en Chine, aux États-Unis, au Japon, en Iran et en Israël.

Toutefois, aucun cas clinique de maladie de Borna n’a encore été rapporté chez les chevaux et les moutons en dehors de la région enzootique d’Europe Centrale, à l’exception d’un cas dans l’est de l’Autriche [13], de deux cas au Japon et de plusieurs cas probables en France [4]. Dans le cas autrichien, le cheval était infecté par le nouveau génotype du bornavirus (souche No/98).

La raison pour laquelle la maladie de Borna reste aussi localisée malgré les échanges d’animaux est inconnue.

Il est également possible que la maladie existe en dehors de cette zone enzootique mais qu’elle soit sous-diagnostiquée dans ces régions où elle est peu connue.

3. Modes de transmission

Le virus est probablement excrété par les sécrétions salivaires, nasales et conjonctivales puisque de l’ARN du bornavirus a été détecté dans ces sécrétions.

La contamination a lieu par voie aérienne, par contact direct avec ces sécrétions ou par l’alimentation ou l’eau contaminée. La transmission directe de chevaux à chevaux ou de moutons à moutons n’a jamais été démontrée. La détection d’ARN et de protéines du bornavirus dans les leucocytes sanguins évoque une possibilité de transmission virale par voie hématogène et soulève des questions en termes de santé publique. La possibilité de transmission verticale du bornavirus reste peu documentée, même si elle a été décrite chez les chevaux [8, 3].

L’infection naturelle des chevaux et des moutons est rare et d’apparition sporadique ou enzootique. L’incidence accrue de la maladie au cours du printemps et de l’été pourrait être liée au caractère saisonnier d’un éventuel vecteur. L’homologie génétique entre les souches virales isolées à partir d’animaux d’espèces différentes (chevaux, moutons et autres animaux de ferme) évoque également une source virale commune [15, 16]. Les rongeurs pourraient être des réservoirs et des vecteurs potentiels du virus, mais leur rôle dans l’épidémiologie de la maladie de Borna n’a pas encore été démontré.

La présence de chevaux séropositifs, porteurs sains (voir le TABLEAU “ Taux de séroprévalence estimés dans des populations de chevaux cliniquement sains de divers pays ”) ou infectés subcliniques pourrait également constituer des sources potentielles d’infection pour d’autres animaux, et éventuellement pour l’homme.

Comment établir le diagnostic ?

1. Particularités du bornavirus

L’agent causal de la maladie de Borna, nommé virus de la maladie de Borna, Borna disease virus (BDV) ou bornavirus, n’a été séquencé et caractérisé que tardivement, en 1994. Enveloppé, à ARN négatif, simple brin et non segmenté, ce virus a été classé dans l’ordre des Mononegavirales. Il est le seul représentant de la famille nouvellement créée des Bornaviridae (voir la FIGURE “ Représentation schématique du bornavirus ”).

Une propriété étonnante du BDV est sa capacité à infecter un large spectre d’hôtes (des oiseaux aux mammifères) et de lignées cellulaires ou de cellules primaires en culture. Contrairement à la plupart des infections virales, la morbidité et la mortalité provoquées lors d’une infection par le BDV sont davantage liées à la réponse immunitaire à médiation cellulaire de l’hôte contre le virus, qui conduit à la mort des cellules infectées et des cellules non infectées avoisinantes, qu’à une lyse directe des cellules infectées par le virus lui-même [17].

Contrairement à la majorité des virus à ARN, le génome du BDV semble présenter une extrême stabilité dans le temps (le premier isolat, la souche V date de 1929 et est proche génétiquement des isolats récents), d’une zone géographique à l’autre et surtout d’une espèce animale à l’autre [16]. Cette stabilité génétique apparente (moins de 5 % de divergence nucléotidique entre les souches) rend difficile l’épidémiologie moléculaire de la maladie de Borna. Toutefois, elle a été remise en question suite à la mise en évidence d’un nouveau génotype (la souche No/98) isolé d’un cheval autrichien hors de la zone enzootique d’Europe centrale. Il présente 15 % de divergence avec toutes les autres souches du BDV [13]. La découverte de ce nouveau génotype a soulevé des interrogations sur la détection du BDV chez l’animal et l’homme en dehors de la zone enzootique. Une équipe de chercheurs a même suggéré que la détection de l’ensemble des souches du bornavirus, toutes extrêmement proches des souches de laboratoire dérivées des isolats allemands, puisse être un simple artefact lié à la contamination accidentelle des prélèvements par les souches de laboratoire [16]. Une autre possibilité est d’imaginer qu’un grand nombre de souches du bornavirus existent dans le monde et que les techniques de diagnostic actuelles ne détectent que certaines d’entre elles.

2. Diagnostic de bornavirose

Le diagnostic de bornavirose reste une problématique essentielle, principalement en raison des faibles niveaux de réplication et d’excrétion du virus chez ses hôtes. Les titres en anticorps dirigés contre le bornavirus sont faibles ainsi que l’affinité des anticorps pour les antigènes du BDV, en particulier chez l’homme. Bien qu’une grande variété de techniques ait été développée, aucune standardisation n’est encore établie et de grandes divergences sont observées entre les résultats publiés par la communauté scientifique. En outre, aucun sérum de référence n’est actuellement disponible ni chez l’homme, ni chez l’animal.

Le diagnostic de la maladie de Borna ne peut être uniquement fondé sur le tableau clinique car les signes cliniques de l’encéphalomyélite sont non spécifiques. Une infection par le bornavirus peut être détectée par sérologie, isolement viral, immunohistochimie (PHOTOS 1a et 1b), RT-PCR nichée, mais aucune méthode n’est suffisamment sensible et spécifique pour permettre à elle seule un diagnostic de certitude. L’intérêt du diagnostic sérologique est d’être réalisé sur l’animal vivant (à partir du sang ou du liquide cérébrospinal). Les résultats sont toutefois extrêmement variables d’un laboratoire à l’autre, en raison d’un manque de standardisation des techniques. La mise en évidence d’anticorps dirigés contre le BDV dans le sérum ou le LCR d’un animal ne constitue qu’un diagnostic partiel de la maladie de Borna, qui doit être complété par d’autres techniques, virologiques, moléculaires ou immunohistochimiques. En effet, d’une part, une sérologie positive peut révéler une infection persistante. D’autre part, des études ont montré que les animaux infectés naturellement ou expérimentalement peuvent présenter à la fois des anticorps et de l’ARN viral, seulement des anticorps ou seulement de l’ARN viral. L’ARN viral peut en outre être détecté chez un animal qui ne présente pas de signes cliniques. Ces divers cas de figure montrent toute la complexité du diagnostic d’une infection par le bornavirus.

Les prélèvements à effectuer en cas de suspicion clinique de maladie de Borna sont :

- sur un animal vivant : sang sur tube sec (minimum 5 ml) et sang sur EDTA (minimum 20 ml), éventuellement LCR ;

- sur un animal mort : encéphale (un prélèvement à sec à 4 °C et un prélèvement dans du formol 10 %), sang sur tube sec (minimum 5 ml) si possible.

4. Prévention et traitement

La vaccination contre la maladie de Borna a été obligatoire entre 1962 et 1992 dans l’ex-Allemagne de l’Est, avec un vaccin atténué (par passage chez le lapin). La campagne a ensuite cessé, suite aux changements politiques et aux doutes sur son efficacité. Cette campagne de vaccination a sans doute été responsable de la large dissémination du virus dans ces régions de l’Allemagne. La vaccination n’est plus envisagée à l’heure actuelle.

Chez les rats, ni la vaccination avec un virus inactivé, ni le transfert expérimental passif d’une immunité humorale n’ont montré leur efficacité pour la protection ou pour la guérison de l’infection par le BDV [17].

Des essais de traitement ont été menés, en particulier par une équipe allemande qui soutient l’efficacité de l’amantadine in vitro et in vivo chez un patient psychiatrique humain et chez des chevaux [1]. Ce résultat n’a pas été confirmé par d’autres équipes. Ce traitement est toutefois parfois administré aux chevaux atteints de maladie de Borna aiguë en Allemagne, même si les praticiens reconnaissent sa faible efficacité, voire son inefficacité. D’autres molécules antivirales pourraient avoir une action sur la glycoprotéine d’enveloppe ou interférer avec la réplication, comme la ribavirine. Ces molécules présentent cependant en général une toxicité marquée et restent du domaine de la recherche.

Une revue évoque la relative efficacité de la filtration du LCR (400 ml de LCR par jour pendant cinq jours) afin d’aider à la réduction des composants solubles et cellulaires présents dans le système nerveux central [14]. Son efficacité réelle est encore à déterminer, mais elle a été appliquée chez l’homme pour des patients atteints du syndrome de Guillain-Baré (tableau nerveux aigu) et pour un cas de schizophrénie considéré comme une forme subclinique de maladie de Borna. Elle aurait permis la guérison de deux chevaux atteints de maladie de Borna [7].

Quelles sont les preuves de la présence du bornavirus en France ?

Des infections par le BDV ont récemment été décrites pour la première fois en France chez l’animal et chez l’homme.

1. ARN du bornavirus chez l’homme et l’animal

Un test de RT-PCR nichée permettant l’amplification des ARN génomiques et messagers des régions p 24 et p 40 du BDV a été développé au laboratoire de l’Afssa Alfort. Cet outil moléculaire, appliqué à deux cent six prélèvements d’animaux présentant majoritairement des troubles nerveux, a permis de détecter de l’ARN viral dans des encéphales de bovins (1/31), de renards (6/61) et de chevaux (3/87), ainsi que dans 16/35 prélèvements sanguins de chevaux (voir la figure “ Arbre phylogénétique du bornavirus ”). Ce résultat constitue la première mise en évidence de génome du bornavirus en France [3]. Une récente étude effectuée à l’AFSSA Alfort sur cinquante prélèvements d’oiseaux sauvages (fientes et encéphales de sarcelles d’hiver et de goélands leucophée) a permis la détection d’ARN du bornavirus dans quatre prélèvements.

Deux études ont également été publiées en France sur la détection d’ARN du bornavirus, cette fois à partir de prélèvements sanguins humains. La première a rapporté 7,4 % (12/162) de prélèvements positifs par RT-PCR nichée chez des personnes immunodéprimées [2]. La deuxième était fondée sur la comparaison des résultats de détection du BDV par RT-PCR au sein d’une population saine n’ayant jamais subi de transfusion versus une population immunodéprimée ou ayant subi plusieurs transfusions [11]. La prévalence s’est avérée comparable dans les deux populations testées (0,9 % (3/327) de prélèvements positifs), ce qui montre que le risque de transmission du bornavirus via la transfusion sanguine semble faible ou est du moins maîtrisé grâce aux mesures de réduction leucocytaire du sang avant transfusion.

2. Anticorps anti-BDV chez l’homme et l’animal

Deux études séro-épidémiologiques menées dans la population équine française en 1999 (étude inter-laboratoires) et en 2003 ont révélé des taux de séroprévalence comparables : de 8,9% (14/158) [5] et 9,6 % (15/155) [4]. La deuxième enquête s’est appuyée sur des techniques Elisa et Western blot mises au point à l’Afssa Alfort. Une estimation du taux de séroprévalence réalisée avec la même technique Elisa chez des chevaux qui présentaient des troubles nerveux met en évidence 30% (35/119) de séropositivité.

Chez l’homme, la seule étude sérologique réalisée par immunofluorescence indirecte en France a révélé des anticorps anti-BDV chez 12,6 % (11/87) des patients psychiatriques (atteints de schizophrénie ou dépression) et chez 15,5 % (45/290) des personnes saines [10]. Cette enquête menée au Centre hospitalo-universitaire de Caen n’a donc pas confirmé l’association entre le bornavirus et la maladie psychiatrique. Même si les taux de séroprévalence décrits chez l’homme sont extrêmement variables d’une étude à l’autre (0 à 100 %), ce résultat d’étude cas-témoin est discordant avec la majorité des résultats obtenus chez l’homme. Cette différence peut être due à la technique employée, l’immunofluorescence, pourtant encore largement utilisée (en Allemagne en particulier) mais qui manque parfois de spécificité. Le Western blot et l’Elisa sont donc plus fréquemment utilisés pour des études séroprévalence.

3. Cas cliniques équins de maladie de Borna

Même si la littérature ne rapporte des cas cliniques de maladie de Borna que dans la zone enzootique (sauf trois exceptions), quelques cas cliniques de maladie de Borna ont été suspectés chez des chevaux en France [4]. L’ensemble de ces chevaux ayant survécu aux troubles cliniques, aucun diagnostic de certitude (du type immuno-histochimie ou isolement du virus à partir du tissu cérébral) n’a pu être effectué. Des sérologies positives ont été confirmées par le laboratoire de virologie de l’Université vétérinaire de Leipzig (Pr Müller). La concomitance de signes nerveux, d’une sérologie positive et de la détection d’ARN à partir de certains prélèvements de sang ont permis d’évoquer la maladie de Borna chez dix-huit chevaux, dont quatorze à la frontière allemande. L’un des chevaux était de race allemande et provenait d’Allemagne.

La maladie de Borna, par son large spectre d’hôtes, sa répartition géographique étendue, son caractère d’éventuelle zoonose émergente, est une problématique actuelle. De nombreuses questions restent ouvertes sur le diagnostic et l’épidémiologie de la maladie. L’ensemble des résultats obtenus en France chez l’homme et chez l’animal constitue des arguments virologiques, sérologiques et cliniques en faveur d’une circulation du virus de la maladie de Borna en France. L’incidence de cette maladie reste cependant inconnue chez les chevaux et les moutons en France. Elle est toutefois probablement inférieure à 0,05 %, comme en Allemagne [14]. Aucun élément ne permet de savoir si le bornavirus est un virus émergent sur notre territoire ou s’il est présent depuis longtemps. Il est difficile d’estimer si le constat épidémiologique d’une prévalence plus élevée du BDV est le reflet d’une plus large dissémination du BDV ou le résultat de l’amélioration des techniques diagnostiques ou encore la conséquence d’un intérêt croissant de la communauté scientifique pour cette maladie.

Points forts

• La maladie de Borna est une méningo-encéphalomyélite non purulente qui peut affecter toutes les espèces animales à sang chaud, en particulier les chevaux et moutons.

• Le portage asymptomatique du bornavirus semble élevé dans les populations équines.

• L’aspect zoonotique de cette maladie reste controversé.

• Le virus de maladie de Borna est présent en France.

Congrès

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