Un vaccin contre la gourme équine tous les trois à six mois - Le Point Vétérinaire n° 257 du 01/07/2005
Le Point Vétérinaire n° 257 du 01/07/2005

ADMINISTRÉ PAR VOIE INTRALABIALE

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NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Eric Vandaële

Fonctions : 4, square de Tourville
44470 Carquefou

Le vaccin est protecteur pendant trois mois. Mais une vaccination en “urgence” chez des chevaux vaccinés depuis moins de six mois est efficace.

Aucun essai vaccinal contre la gourme n’avait jusqu’à présent débouché sur la commercialisation d’un vaccin efficace. Les vaccins inactivés administrés par voie intramusculaire n’étaient pas efficaces. Après une épreuve virulente, les chevaux vaccinés présentaient des signes cliniques de gourme, comme les témoins non vaccinés (voir l’ENCADRÉ “Lagourme équine en France”).Seuls les vaccins vivants étaient donc susceptibles de présenter une efficacité.

L’efficacité des vaccins vivants, administrés par voie intra­musculaire, est bonne, mais ils sont à l’origine de volumineux abcès au point d’injection. Par voie intranasale, leur efficacité est insuffisante : ils ne protègent qu’un cheval vacciné sur trois après une épreuve virulente.

Un vaccin atténué par voie intralabiale

Le lancement, pour la première fois en France et en Europe, d’un vaccin vivant atténué contre la gourme équine à Streptococcus equi ssp equi, Equilis® Strep E (Intervet), est donc une avancée. Il s’agit d’un vaccin vivant atténué administré dans la sous-muqueuse de la lèvre supérieure, apparemment sans douleur exagérée pour l’animal ni difficultés d’administration (PHOTOS 1 et2). Comme pour les vaccins intramusculaires, il est plus facile de réaliser cette administration avec un aide pour la contention, mais cela ne semble pas indispensable pour les chevaux dociles.

Une souche délétée

La souche vaccinale de Streptococcus equi equi utilisée dans ce vaccin (TW928) est génétiquement modifiée par délétion d’un gène (aroA). Cette délétion atténue sa pathogénicité en limitant sa croissance bactérienne et surtout sa dissémination dans l’organisme, ce qui évite les complications de gourme post vaccinale. Cette délétion en fait un médicament issu des biotechnologies. L’évaluation de cette catégorie de médicaments est obligatoirement réalisée par l’Agence européenne du médicament (EMEA) pour l’ensemble des pays de l’Union européenne. L’EMEA a donné un avis favorable le 7 mai 2004.

Le protocole vaccinal prévoit une primovaccination à partir de l’âge de quatre mois qui comprend deux administrations intralabiales à un mois d’intervalle. Le délai d’apparition de l’immunité est alors de deux semaines après la seconde administration selon le résumé officiel des caractéristiques du produit (RCP). Ce délai a été vérifié par une épreuve virulente.

Épreuve virulente

Le modèle d’épreuve virulente mis au point consiste en l’administration intranasale d’une culture bactérienne de S. equi à 109 cfu/ml. Les signes cliniques, hyperthermie et lymphadénite notamment, sont recherchés pendant les dix jours qui suivent l’exposition expérimentale.

Trois ou six mois

La protection conférée est d’une durée relativement courte : trois mois seulement. Cette protection a également été vérifiée par une épreuve virulente. L’immunité vaccinale est en revanche insuffisante pour garantir une protection de six mois. Toutefois, la mémoire immunitaire est plus longue et une seule injection de rappel à six mois est, selon l’Agence européenne du médicament, « suffisante pour restaurer une protection au moins équivalente à celle obtenue après des rappels tous les trois mois ». Cette conclusion s’appuie sur une étude comparative. Les chevaux vaccinés depuis six mois et qui reçoivent une injection de rappel alors qu’ils sont mis au contact de chevaux atteints de gourme s’avèrent cliniquement protégés contre la gourme, comparés à des chevaux témoins non vaccinés (la différence est significative) et à des chevaux non vaccinés qui reçoivent leur première injection au moment où ils rentrent en contact avec les animaux malades.

Ainsi, le RCP souligne l’efficacité d’un rappel à six mois pour « restaurer l’immunité », mais aussi qu’« une primovaccination réalisée pendant un épisode infectieux n’est pas efficace, car l’immunité est insuffisante tant que les deux injections de primovaccination n’ont pas été achevées ».

Deux protocoles

Intervet recommande donc deux protocoles selon la pression d’infection. Lorsqu’elle est élevée, les rappels ont lieu tous les trois mois. Ils sont espacés de six mois lors de pression d’infection faible. Si, dans cette dernière hypothèse, un épisode de gourme survient, il est ainsi possible d’administrer en “urgence” un rappel vaccinal « pour rétablir l’immunité ». En revanche, ce protocole ne serait pas efficace chez des animaux non vaccinés.

Lors de vaccination de rappel en urgence, il est recommandé de ne pas administrer d’antibiotiques aux animaux dans la semaine qui suit. La souche vaccinale est résistante aux aminosides, à la fluméquine et aux associations sulfamides-triméthoprime, mais elle est sensible aux bêta­lactamines (antibiotiques de choix vis-à-vis des streptocoques), aux macrolides et aux tétracyclines.

Une protection clinique

Avec ce type de protocole, le rapport de l’Agence européenne du médicament précise la protection du vaccin contre les signes cliniques de la maladie : « diminution significative de la température rectale, de la formation d’abcès au niveau des ganglions lymphatiques et du jetage nasal ». Dans la plupart des essais, cette protection a été de 100 % lors des épreuves virulentes (deux semaines et trois mois après la primo­vaccination, et trois mois après le premier rappel), sauf dans une étude où elle a été de 75 %.

Études terrain

Dans son rapport d’évaluation, l’Agence européenne du médicament décrit une étude terrain comparative chez de jeunes chevaux âgés de six à sept mois en milieu infecté. Ces chevaux sont vaccinés simultanément contre la grippe et le tétanos (deux administrations à vingt-huit jours d’intervalle pour toutes les valences). Les résultats cliniques sont significativement (p < 0,05) en faveur du lot vacciné en termes de nombre de chevaux atteints de gourme, de scores cliniques, d’atteintes des nœuds lymphatiques en nombre et en intensité et d’abcès.

Effets secondaires bénins et transitoires

Le RCP s’attarde longuement sur des réactions locales au point d’injection sur la lèvre supérieure deux à trois jours après la vaccination. En fait, selon des praticiens équins qui ont pu tester le vaccin lors d’essais, ces réactions de 2 à 4 cm de diamètre passent le plus souvent inaperçues et ne persistent pas plus de vingt-quatre heures dans la majorité des cas. Elles ne sont pas gênantes pour l’animal. Aucune n’apersisté plus de deux semaines après la vaccination. Dans les essais de terrain, elles sont moins fréquentes lors des rappels vaccinaux que lors de la première administration. Les réactions locales suppures sont rares. L’EMEA les rapporte surtout dans l’étude de tolérance lors d’administration du vaccin à dix fois la dose recommandée. Le RCP mentionne aussi la possibilité d’une hyperthermie. Dans un essai clinique examiné par l’EMEA, la température rectale est de 38 °C ± 0,2 °C post-vaccination, contre 37,8°C ± 0,2 °C dans le groupe non vacciné (administration du solvant seul). Deux à trois jours après la vaccination, une légère hypertrophie des ganglions lymphatiques et mandibulaires est notée chez la majorité des chevaux vaccinés. Cette réaction, jugée « normale », ne nécessite pas de traitement et ne sera probablement pas décelée si elle n’est pas recherchée. Aucun abattement, ni aucune diminution de l’appétit n’a été noté, y compris chez les chevaux vaccinés avec dix fois la dose recommandée.

Persistance de trois à quatre jours

Pour un vaccin vivant, l’une des préoccupations concerne la diffusion de la souche dans l’organisme et son éventuelle diffusion à d’autres chevaux. La délétion du gène ora A limite cette dissémination. La souche ne semble pas persister longtemps dans l’organisme, ni diffuser vers d’autres tissus du cheval vacciné ou vers d’autres chevaux. Après vaccination avec une dose unique ou répétée, la souche vaccinale est isolée pendant trois à quatre jours sur le site d’injection, mais plus après le quatrième jour selon les études de laboratoire. Elle n’a pas été isolée en dehors du site d’injection à la dose vaccinale recommandée, en particulier dans des écouvillonnages nasaux. En revanche, lors de surdosage, elle est isolée sur le site d’injection pendant une semaine et dans des écouvillonnages nasaux pendant quatre jours. Elle n’a toutefois jamais été retrouvée dans d’autres tissus, en particulier dans les nœuds lymphatiques locorégionaux. L’absence de réversion de virulence est démontrée (après six passages successifs in vivo). Enfin, une étude chez des juments gestantes n’a pas mis en évidence d’effets néfastes sur la gestation. Le RCP ne recommande toutefois pas la vaccination pendant la gestation, ni pendant la lactation.

Le vaccin est présenté en boîte de dix doses de lyophilisat (à conserver au réfrigérateur), accompagnées de dix flacons de 0,5 ml de solvant (eau pour préparation injectable), ainsi que des seringues, des aiguilles et des embouts nécessaires à la reconstitution et à l’administration intralabiale. Son coût est d’environ 100 à 115 € (prix centrale hors taxes pour les dix doses).

La gourme équine en France

Les vétérinaires équins exclusifs ou avec une activité équine importante seraient confrontés chaque année à une trentaine de cas cliniques de gourme équine épidémiologiquement distincts, selon une enquête réalisée en 2004 pour Intervet par la société d’études Iddem, auprès de cent trente-deux praticiens.

Le traitement d’un cas de gourme revient alors aux alentours de 100 à 150 € en frais vétérinaires (honoraires + visites). Le coût indirect des soins en main-d’œuvre peut lui aussi être évalué à 150 € dans un élevage.

La gourme à Streptococcus equi ssp equi est une maladie contagieuse et infectieuse connue de longue date. Elle atteint surtout les chevaux âgés de moins de cinq ans. Trente pour cent d’une collectivité de chevaux, voire davantage, peuvent être atteints. Elle affecte surtout l’appareil respiratoire supérieur et les nœuds lymphatiques de la tête. Le jetage et l’abcédation des ganglions sont à l’origine de la dissémination. Dans environ un cas sur cinq, des complications surviennent : l’infection n’est plus limitée à l’appareil respiratoire supérieur et le germe dissémine dans l’abdomen, le thorax ou le système nerveux central. Plus exceptionnellement, des formes de purpur a hémorragique peuvent être associées. Le taux de mortalité, de 1 à 10 %, est en relation avec ces complications.

 Streptococcus equi ssp equi, l’agent de la gourme, ne doit pas être confondu avec Streptococcus equi ssp zooepidermicus, l’agent de la pseudo-gourme.

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