La visite d’“achat” devient la visite de “départ à risque” - Le Point Vétérinaire n° 255 du 01/05/2005
Le Point Vétérinaire n° 255 du 01/05/2005

ÉVOLUTION DES PROPHYLAXIES RÉGLEMENTÉES

Éclairer

NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Béatrice Bouquet

Fonctions : 42, place du Grand-Marché
80100 Abbeville

Lors de mouvements d’animaux, les dépistages pour la tuberculose et la brucellose viseront les bovins issus d’élevages à risque et ceux qui ont transité trop longtemps.

En même temps qu’a été instaurée la visite sanitaire annuelle en élevage bovin en janvier, la “visite d’achat” a été allégée sur l’ensemble du territoire français, au moins pour les maladies réglementées tradi­tionnelles que sont la brucellose et la tuberculose(1). Malgré les discussions sur le réseau sanitaire bovin depuis deux ans, tous les départements français pratiquaient encore des tests lorsqu’un bovin entrait dans une nouvelle exploitation (vente, cession, prêt, location). Les deux départements bretons (Côtes-d’Armor, Morbihan) qui y dérogeaient pour les mouvements à l’intérieur d’un même département faisaient figure d’exception. Avec le récent arrêté applicable en pratique dès le 15 avril pour les mouvements de bovins, une petite révolution dans le quotidien du vétérinaire sanitaire est en marche. Les campagnes d’informations sur le sujet ont commencé. Elles sont réalisées conjointement par les directions départementales des services vétérinaires (DSV) et les groupements techniques vétérinaires (GTV), par le biais de vétérinaires “relais”.

Classement “à risque”

Dès ce printemps 2005, seules les exploitations classées “à risque”restenttenuesde réaliser systématiquement des contrôles pour la tuberculose et la brucellose, lors de cession d’animaux (voir l’encadré “Risques nécessitant un dépistage lors de la vente d’un bovin”). Cette possibilité est inscrite dans la réglementation européenne depuis presque dix ans (directive 64-432 ou 97-12). Les exploitations à risque seront  en très faible proportion , prévoit la Direction générale de l’alimentation au ministère de l’Agriculture (DGAL). Les catégories d’élevages qualifiés “à risque” sont les mêmes que celles de l’arrêté paru en 2003 sur la tuberculose(2) (à une exception : le risque “production de lait cru”).

Depuis 2005, une exploitation peut être classée “à risque” suite à une visite sanitaire annuelle par le vétérinaire qui conclut à un  niveau de maîtrise insuffisant . Les deux seuls critères qui peuvent entraîner ce classement sont les non- ou les sous-déclarations des mouvements d’animaux et des avortements. Une instruction, voire une contre-visite, par les services vétérinaires est ordonnée dans cette situation afin de confirmer le classement. La DGAL insiste sur la nécessité que les critères qui aboutissent au classement “à risque” soient  objectifs .

Une exploitation peut aussi être à risque en raison d’un taux de renouvellement supérieur à 40 %.Lesmarchandsde bovins n’entrent pas dans cette catégorie car ils ne sont pas considérés comme des élevages (pas de numéro de cheptel) mais disposent d’un statut à part (centre de rassemblement). En outre, les unités d’engraissement de veaux ou de taurillons  dérogatoires aux contrôles  dans l’ancien système le restent.

Un élevage peut encore être classé “à risque” pour des raisons extérieures : voisinage d’un foyer ou d’un lieu à risque (faune sauvage infectée par la tuberculose dans une forêt voisine).

Le classement “à risque” peut ne concerner qu’une des deux maladies (tuberculose ou brucellose).

Avant ou après la vente

Une exploitation à risque reste  officiellement indemne . Le classement à risque ne figure pas sur les documents d’accompagnement bovins (carte verte). En pratique, l’acheteur n’est donc pas censé connaître le statut à risque de celui qui lui a vendu les bovins. En outre, le principe de base est de maintenir les visites d’introduction pour les bovins issus d’exploitations à risques et non pour ceux qui arrivent dans une telle exploitation. En conséquence, les tests seront plutôt réalisés chez les vendeurs (à risque) que chez l’acheteur (qu’il soit à risque ou pas). Le délai légal pour réaliser les tests est de  quinze jours avant ou après le départ . Les  quinze jours après  peuvent ainsi permettre de rattraper les oublis et de réaliser les tests lors de dépassement du temps de livraison. En effet, outre les bovins d’exploitations à risque, ceux qui auront mis plus de six jours à transiter feront aussi l’objet de tests, y compris lorsqu’ils ont transité via un centre de rassemblement. Des recoupements informatiques sont prévus, en fonction des dates d’entrée et de sortie des bovins déclarées à l’Établissement de l’élevage (EDE) et de la liste des exploitations à risque connue par les services vétérinaires (logiciel Sigal). Les vétérinaires seront informés de la liste de leurs élevages classés “à risque” par courrier, puis par le biais du logiciel BDIVET(3).

Lorsqu’il y a visite d’achat, les tests à effectuer en fonction des catégories d’âge ne changent pas : rien avant l’âge de six semaines, seulement la tuberculination entre six semaines et douze mois, et une prise de sang supplémentaire pour la sérologie brucellose au-delà de douze mois.

Remplacé par des tests IBR ?

Le dépistage à l’introduction de la tuberculose et de la brucellose devient donc une rareté, mais les tests lors de mouvements d’animaux ne disparaissent pas pour autant. Le dépistage de la rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR) à l’achat est en effet obligatoire par arrêté préfectoral dans environ un tiers des départements français, situés essentiellement en Bretagne, dans l’Est et le Charolais (voir la carte “Départements où un arrêté préfectoral impose actuellement le dépistage à l’introduction de l’IBR”). D’autres départements, presque aussi nombreux, le pratiquent systématiquement par décision collective.

Certains départements ont dépassé ce stade : par exemple, en Bretagne, les niveaux de prévalence IBR sont si faibles qu’il est prévu de supprimer l’obligation de dépistage à l’introduction.

Dansunautretiers des départements, les élevages en plans d’assainissement IBR sont peu nombreux (Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Seine-Maritime, départements du Massif central et du sud de la France). Les dépistages à l’introduction (ou au départ) y deviendront effectivement rares, à moins de fréquents dépassements du délai de livraison.

Expliquer la fin des dépistages

Enmême temps que le dépistage à l’achat devient moins fréquent, les dépistages de maintien de qualification (ou prophylaxie annuelle) s’allègent partout en France. Après avoir pris une cadence quadri annuelle, la tuberculination a finalement disparu. Le dépistage régulier de la brucellose reste obligatoire, mais ne concerne plus que les bovins âgés de plus de vingt-quatre mois (sauf exceptions comme la production de lait cru, etc.), et portera peut-être prochainement seulement sur un échantillon du troupeau.

Dans certaines régions, les éleveurs rechignent à cesser le dépistage à l’achat de la tuberculose et de la brucellose : Centre et Rhône-Alpes notamment (Loire, Ain, voire Creuse, Auvergne, Limousin). Contrairement aux éleveurs laitiers, les éleveurs allaitants renouvellent en effet une part importante de leur cheptel chaque année, en achetant leurs génisses de renouvellement par le biais de négo­ciants. Ils s’estiment donc particulièrement exposés à la brucellose et à la tuberculose. Des foyers récents de brucellose et extrêmement récents de tuberculose (Loire) ont renforcé les craintes.

Le nouvel arrêté s’applique à tous, mais un éleveur peut continuer à demander à titre individuel un dépistage brucellose et tuberculose à l’introduction : celui-ci sera alors à sa charge (la visite d’introduction était subventionnée par le Conseil général dans plusieurs départements).

Lorsqueles éleveurs expriment une réserve, les services sanitaires tentent de communiquer sur l’importance des déclarations d’avortements : le maintien du dépistage brucellose/tuberculose à l’introduction serait en comparaison d’un faible “rapport coût/ bénéfice sanitaire”. L’an dernier, trente-deux foyers de tuberculose ont été recensés sur le territoire, répartis dans quatorze départements. Aucun cas de brucellose n’a été enregistréen 2004 et seulement trois en 2003.

Instituer une nouvelle vigilance

Un effort pédagogique reste à faire auprès des éleveurs car les précautions à l’introduction d’un bovin sont encore som­maires selon les praticiens.

Pour améliorer la situation, les autorités sanitaires auront pour nouveau support pédagogique la visite annuelle, promulguée dans le même arrêté que la “fin des visites d’achat”. Les visites sanitaires sont centrées sur la tuberculose et la brucellose, mais concernent au sens large la prévention de l’introduction de toute maladie contagieuse dans un élevage car des conseils relatifs à la prophylaxie sanitaire générale y sont formulés : modalité d’une quarantaine efficace, mise en place de pédiluves, etc. Outre la pédagogie, elles ont une fonction de surveillance, permettant aux autorités sanitaires d’avoir une bonne “photographie” du risque sanitaire dans les élevages bovins français. En raison de la lourdeur du travail de saisie, la remontée des informations épidémiologiques sur les élevages se limitera dans un premier temps à la conclusion de ces visites ( satisfaisante ,  à améliorer  ou  insuffisante ), établie sur la seule base du sérieux des déclarations d’avortements et des déclarations de mouvements.

Il est prévu d’améliorer progressivement le contenu des visites annuelles pour s’adapter aux risques sanitaires actuels, en perfectionnant chaque année tel ou tel point. Dès 2005, une note d’information sera remise à chaque éleveur sur la fièvre aphteuse à l’occasion de la visite annuelle. En 2006, l’accent pourrait notamment être mis sur les risques liés à la transhumance, autre domaine où des mouvements de bovins engendrent un risque sanitaire non négligeable.

  • (1) Arrêté du 24 janvier 2005 relatif à la surveillance sanitaire des élevages bovins. JO du 29 janvier 2005.

  • (2) Arrêté du 15 septembre 2003 fixant les mesures techniques et administratives relatives à la prophylaxie collective et à la police sanitaire de la tuberculose des bovinés et des caprins.

  • (3) Roy AM. Logiciel d’information pour les vétérinaires sanitaires. Point Vét. 2005 ; 36(254): 42-45

Risques nécessitant un dépistage lors de la vente d’un bovin

→ Risques sanitaires spécifiques brucellose ou tuberculose

• Résurgence en cas de foyer antérieur (pendant un à dix ans selon qu’il s’agit de brucellose ou de tuberculose, avec un abattage partiel ou total).

• Lien épidémiologique avec un foyer avéré : introduction ou voisinage.

• Localisation dans une zone de foyers sur faune sauvage.

→ Risques sanitaires généraux (pour tout le cheptel vendeur)

• Taux de rotation élevé.

• Anomalies administratives récurrentes.

• Niveau de maîtrise insuffisant à la visite sanitaire annuelle (en particulier déclarations d’avortements insuffisantes).

→ Remarques : seuls les bovins âgés de plus de six semaines sont dépistés pour la tuberculose, de plus d’un an pour la sérologie brucellose, et ceux non destinés à un cheptel dérogataire engraisseur.

Les bovins livrés dans un délai de plus de sept jours doivent aussi subir un dépistage chez l’acheteur, si cela n’était pas prévisible.

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