La responsabilité des professionnels de santé ne se présume pas - Le Point Vétérinaire n° 255 du 01/05/2005
Le Point Vétérinaire n° 255 du 01/05/2005

INFECTIONS NOSOCOMIALES

Pratiquer

LÉGISLATION

Auteur(s) : Philippe Tartera

Fonctions : 6, impasse Salinié, 31100 Toulouse

Lors d’infection nosocomiale, la responsabilité des professionnels de santé ne peut être engagée que par la preuve de leur faute.

1. Les faits : Arthrite staphylococcique post-arthroscopique

Le 2 juillet, M. X fait l’objet d’une arthroscopie du genou pratiquée par le Dr Y à la clinique du Ménisque. Ce même praticien procède le 12 juillet à une ponction du genou. Une seconde ponction et une infiltration de corticoïdes sont pratiquées le 22 juillet par son remplaçant le Dr Z.

Le 29 juillet, alors qu’il se trouve en vacances dans un camping, l’état de M. X s’aggrave. Il subit une nouvelle ponction en urgence, accompagnée d’une demande d’analyse du liquide synovial qui révèle la présence d’un staphylocoque doré.

Devenu partiellement invalide, M. X assigne la clinique du Ménisque et les Dr Y et Z. Il fait valoir que l’infection staphylococcique n’était pas présente lors de son admission à la clinique. Les médecins se défendent en arguant que les soins ont été conformes aux données acquises de la science et pratiqués sans faute. La clinique explique que le staphylocoque est un germe présent ailleurs que dans le milieu médical et qu’elle n’a commis aucune faute d’hygiène et d’asepsie. La clinique et les praticiens soulignent que c’est seulement le 29 juillet qu’un liquide de ponction trouble a été observé, après un transport en voiture et la réalisation par M. X de pansements en camping dans des conditions d’hygiène et de sécurité sommaires.

2. Le jugement : Infection nosocomiale contractée dans un établissement de santé

Une expertise est ordonnée. L’expert indique que l’infection a été diagnostiquée au vingt-huitième jour postopératoire, mais que les signes cliniques s’étaient déclarés quelques heures après la ponction du 22 juillet. Il conclut que l’arthrite staphylococcique est bien en rapport avec l’arthroscopie et constitue « une infection nosocomiale contractée dans un établissement de santé ».

Il estime que l’arthroscopie a été effectuée selon les bonnes pratiques de l’art et qu’aucun élément ne permet de retenir de faute de la part des médecins. L’expert rappelle que même si le risque infectieux est faible pour ce type d’intervention, il était ici plus élevé que la moyenne en raison d’antécédents (une ponction ancienne du genou et une arthrographie récente) et qu’une infection peut survenir en dehors de toute faute médicale (il s’agit alors d’un aléa thérapeutique).

Par jugement du 21 janvier 2003, le tribunal de grande instance de La-Roche-sur-Yon déclare la clinique responsable des dommages de M. X et met hors de cause les Dr Y et Z.

3. Pédagogie du jugement : Encadrement juridique

En médecine humaine, les infections nosocomiales font l’objet d’un cadre juridique précis.

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a institué un nouveau régime légal de responsabilité et de réparation en matière d’infections nosocomiales.

Elle distingue une responsabilité pour faute, une responsabilité sans faute et un “aléa nosocomial”, réparé par la solidarité nationale (par le biais d’une caisse d’indemnisation).

Le nouvel article L 1142-1 du code de la santé publique, issu de cette loi, pose le principe selon lequel les professionnels de santé ne sont responsables qu’en cas de faute.

Deux exceptions sont prévues : lorsque les dommages résultent d’un défaut d’un produit de santé ou d’infections nosocomiales contractées dans les établissements de santé(1). La jurisprudence qui avait mis une obligation de sécurité de résultat à la charge des médecins en matière d’infection nosocomiale(2) est donc obsolète.

Toute transposition aux médecins de la jurisprudence qui, avant les arrêts du 29 juin 1999, avait retenu une présomption de responsabilité en matière d’infection nosocomiale, est également condamnée.

Ainsi, la victime qui veut mettre en cause la responsabilité d’un établissement de santé doit seulement démontrer que son état est consécutif à une infection contractée dans cet établissement.

Dans la mesure où la relation de causalité est rapportée, la présomption de responsabilité joue de plein droit. L’établissement ne peut s’en décharger qu’en prouvant l’intervention d’une cause qui lui est étrangère. S’agissant d’un médecin dont la responsabilité est recherchée en raison d’une infection nosocomiale, ou plus généralement de toute infection consécutive à un acte invasif, piqûre ou infiltration par exemple, ce sont les règles générales de la responsabilité médicale qui s’appliquent. Le médecin doit donner des soins conformes aux données acquises de la science, parmi lesquelles a toujours figuré l’obligation de respecter les règles d’asepsie. En l’absence de faute du médecin et si l’établissement arrive à dégager sa responsabilité, la victime est indemnisée par la solidarité nationale.

Les cabinets et cliniques vétérinaires n’étant pas des établissements de santé au sens du code de la santé publique, ces nouvelles dispositions écartent pour les vétérinaires le spectre de l’obligation de sécurité de résultat en matière d’infection nosocomiale. Dans ce domaine, c’est la responsabilité contractuelle classique qui continuera à s’appliquer (obligation de moyens simple avec charge de la preuve à la victime).

  • (1) Établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins.

  • (2) Arrêts dits des staphylocoques dorés du 29 juin 1999 et arrêt du 13 février 2000.

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