Un vaccin permet l’éradication de la teigne des bovins - Le Point Vétérinaire n° 254 du 01/04/2005
Le Point Vétérinaire n° 254 du 01/04/2005

APRÈS L’INTERDICTION DE LA GRISÉOFULVINE

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NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Eric Vandaële

Fonctions : 4, square de Tourville
44470 Carquefou

Le premier vaccin disponible en France contre la teigne bovine, Bovilis® Ringvac, permet l’éradication de la maladie clinique et la valorisation économique de 99 % des cuirs.

Pour la première fois en France, un vaccin contre la teigne bovine (Trichophyton verrucosum) est disponible. Ce vaccin vivant d’Intervet, Bovilis® Ringvac, avec une indication préventive et curative est d’autant plus intéressant que les praticiens et les éleveurs sont aujourd’hui presque totalement démunis pour traiter la teigne des bovins et éviter les lésions des cuirs.

Un arsenal thérapeutique réduit

Par l’absence de limite maxi-malederésidus (LMR), la griséofulvine (Dermogine®) ne peut plus être administrée (donc a fortiori prescrite) chez les animaux de production. Ce traitement systémique est donc interdit aux bovins (mais il reste autorisé chez les animaux de compagnie, équidés inclus). Chez les bovins, les seuls traitements disponibles sont des topiques locaux : l’énilconazole (Imaveral®) et la natamycine (Mycophyt®). Ces traitements sont efficaces mais nécessitent de brosser ou d’asperger à plusieurs reprises tout le corps de l’animal atteint, ainsi que tous les animaux du cheptel avec ou sans lésions visibles. Ces protocoles d’emploi sont un frein au traitement de la teigne bovine.

Il est en revanche possible et facile de procéder à des désinfections des bâtiments et des matériels avec des fongicides efficaces, par exemple à base d’énilconazole en fumigation (Clinafarm®),après avoir enlevé les animaux et les litières…

Vaccin vivant

Bovilis® Ringvac est un vaccin vivant atténué, composé d’une souche (LTF-130) de Trichophyton verrucosum, l’agent de la teigne bovine. Il a déjà fait ses preuves d’efficacité préventive et curative en Europe, et même de très longue date dans les pays de l’Europe de l’Est et les pays nordiques. De très nombreuses publications en langues tchèque, polonaise, russe, norvégienne sont ainsi disponibles sur ce vaccin, mais aussi en anglais.

Trichophyton verrucosum

La teigne bovine est due à Trichophyton verrucosum dans la quasi-totalité des cas. Les spores (ou conidies) présentes dans l’environnement ou chez les adultes contaminent les animaux sains lors de la rentrée à l’étable.

Ce champignon, qui se développe surtout chez les animaux et parfois chez l’homme, résiste sous forme de spores au moins quatre années dans l’environnement. Il s’agit d’un agent kératophile : sur la peau, il ne germe pour donner naissance à des mycéliums que sur les tissus riches en kératine, c’est-à-dire sur la couche superficielle de l’épiderme et les poils. À partir d’une spore, les mycéliums progressent de manière centrifuge sur l’épiderme et pénètrent dans le poil jusqu’à la base du follicule pileux, pour finalement le détruire et disséminer dans l’environnement d’autres spores. Les lésions squamo croûteuses et les dartres sont donc circulaires et se développent de manière centrifuge.

Le champignon progresse à la périphérie de cette lésion et non au centre (puisqu’il n’y a plus de poils et de kératine).

Une immunité à vie

Les lésions cutanées superficielles bien visibles de la teigne n’ont pas un impact médical marqué sur la santé de l’animal. Elles ne sont pas douloureuses ni inflammatoires et évoluent spontanément vers la guérison en deux à quatre mois, surtout si les animaux sont mis au pré.

Après une infestation naturelle, l’immunité de type cellulaire protège l’animal à vie. De même, le résumé des caractéristiques du produit ou RCP du vaccin atténué indique qu’aucun rappel n’est nécessaire après une primo vaccination en deux injections. Les études avec challenge confirment une durée de protection d’au moins un an. Les essais de terrain, notamment celui d’éradication en Norvège (sur 400 000 bovins), démontrent également qu’il n’est pas utile d’effectuer des injections de rappel sur les animaux vaccinés les années précédentes, mais seulement de vacciner les nouveau-nés (aucune immunité colostrale n’est à attendre) ou les nouveaux entrants (non vaccinés) (voir l’ENCADRÉ “L’éradication à la norvégienne” et la figure “Pourcentages de troupeaux infectés et vaccinés contre la teigne en Norvège”).

La zoonose la plus fréquente

La teigne bovine est aussi une zoonose. C’estmême la zoonose la plus fréquente chez les professionnels de l’élevage bovin. infecte l’homme et provoque des lésions sur les parties exposées : les bras, le cuir chevelu ou le visage (PHOTO 1). À l’inverse du bovin, les lésions dermatologiques chez l’homme sont profondes, inflammatoires, faciles à guérir (par la griséofulvine), mais laissent aussi des cicatrices difficiles à effacer. Les éleveurs, les vétérinaires, les abatteurs et toute personne en contact avec des bovins sont exposés à cette contamination.

Une image dévalorisante

Dans les élevages laitiers ou allaitants, la teigne est une maladie hivernale qui survient lors du confinement des animaux dans les bâtiments. La maladie guérit spontanément aux beaux jours (à la mise au pré). Ces teignes donnenttoutefois une mauvaise image de l’élevage atteint. Les dartres sont un obstacle bien visible à la participation des animaux à desconcours ouà leur introduction dans les stations de testage (PHOTO 2).

Elles peuvent aussi être à l’origine de moins-values lors de ventes de broutards à l’export, où tous les prétextes sont bons pour dévaloriser le prix de vente.

Une prévalence de l’ordre de 20 %

Soixante-douze pour cent des éleveurs connaissent la maladie et 41 % peuvent la décrire précisément selon une enquête téléphonique récente de BVA auprès de 704 éleveurs de bovins laitiers ou allaitants. Un éleveursur deux (49 %) reconnaît avoir un “problème” de teigne dans son élevage, 18 % un “problème” récurrent chaque année. Vingt-six pour cent des éleveurs pensent qu’elle est fréquente dans leur région. Surtout, un éleveur sur cinqa déjà constaté sa transmission à lui-même ou à son entourage. Une estimation de la prévalence de 20 à 25 % des élevages bovins affectés par la teigne [1] concorde avec cette enquête BVA et les études réalisées dans les pays voisins, en Italie et au Royaume-Uni.

La perte des cuirs

Dans la filière veaux de boucherie, les teignes ont surtout une incidence économique sur la valorisation des peaux et des cuirs. Ces lésions laissent en effet des cicatrices irréversibles bien visibles. La vente des peaux de veaux, qui représente 6 à 8 % de la valeur totale du veau (43 % de la valeur du cinquième quartier), est alors perdue.

Vaccination dès un jour d’âge

Le protocole de vaccination comprend deux doses (de 2 ml pour les veaux âgés de moins de quatre mois et de 4 ml au-delà de quatre mois), administrées par voie intramusculaire à dix à quatorze jours d’intervalle. La première injection peut avoir lieu dès le jour de la naissance. Plusieurs essais chez desveaux nouveau-nés montrent à la fois l’innocuité (jusqu’à dix fois la dose) et l’efficacité (challenge huit semaines après la seconde injection).

Vers l’éradication…

Des programmes d’assainissement sont alors possibles pour les exploitations les plus touchées, sur le modèle du plan d’éradication réalisé en Norvège à l’échelle d’une région. En première année, tous les animaux sont vaccinés simultanément (le vaccin n’est pas contre-indiqué chez la vache gestante) ce qui les protège “à vie”. Les années suivantes, seuls les jeunes nouveau-nés et les nouveaux entrants sont vaccinés.

Le protocole curatif

Le protocole curatif utilise des doses 2,5 fois plus élevées (5 ml pour les veaux âgés de moins de quatre mois, 10 ml au-delà). Il permet, selon le RCP, de diminuer de moitié le délai de guérison. En pratique, ce protocole de vaccination d’urgence est surtout intéressant au cas par cas pour préparer un animal pour une exposition, un concours ou une vente. Dans un essai, 82 % des animaux ainsi vaccinés n’ont plus de lésions visibles en six semaines, contre 15 % dans le groupe non vacciné. À huit semaines, 93 % des bovins vaccinés sont guéris contre 64 % des non vaccinés.

Une seule injection chez le veau

Ce vaccin est particulièrement intéressant pour la filière veaux de boucherie, mais le coût de la dose vaccinale (4 €HT environ prix éleveur) ne permet pas d’envisager les deux injections prévuesdansle RCP. Dans l’objectif économique recherché – l’amélioration des cuirs – une (seule) dose de vaccin administrée à l’arrivée en atelier d’engraissement diminue fortement la fréquence des lésions de teigne. Un essai sur les veaux de boucherie, présenté au der-nier congrès mondial de buia-trie, compare le pourcentagedepeaux lésées selondifférents protocoles : 15 % après les traitements topiques, 1,12 % après une seule injection de vaccin à l’entrée et 1,05 % après deux injections.

L’éradication à la norvégienne

En 1979, 70 % des troupeaux d’une région de Norvège étaient infectés par la teigne.

Entre 1979 et 1984, entre 80 et 98 % des cheptels bovins ont été vaccinés contre la teigne dans une campagnede prophylaxie systématique (en vaccinant la première année tous les animaux, puis les nouveaux entrants les années suivantes).

Cette vaccination, en l’absence de tout autre moyen de lutte contre la teigne, a permis de réduire la prévalence de la teigne à moins de 15 % de troupeaux infectés à partir de 1982 et à moins de 10 % à partir de 1985-1987.

À partir de 1988, la prévalence des troupeaux infectés est proche de zéro. Les cas humains de teignes à Trichophyton verrucosum ont aussi nettement diminué à la suite de l’introduction de cette vaccination.

En savoir plus

- Gudding R, Naess B. Vaccination of cattle against ringworm caused by Trichophyton verrucosum. Am. J. Vet. Res. 1986;47(11):2415-2417.

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