Les bartonelloses chez le chat, le chien et les bovins - Le Point Vétérinaire n° 254 du 01/04/2005
Le Point Vétérinaire n° 254 du 01/04/2005

Anthropozoonose

Se former

COURS

Auteur(s) : Renaud Maillard*, Lénaïg Halos**, Henri-Jean Boulouis***

Fonctions :
*Unité de Pathologie du Bétail,
ENV Alfort
UMR 956 BIPAR, laboratoire
des bactéries vectorisées,
7, av. du Général-de-Gaulle,
94704 Maisons-Alfort Cedex
**UMR 956 BIPAR, laboratoire
des bactéries vectorisées,
7, av. du Général-de-Gaulle,
94704 Maisons-Alfort Cedex
***Unité de Microbiologie,
ENV Alfort
UMR 956 BIPAR, laboratoire
des bactéries vectorisées,
7, av. du Général-de-Gaulle,
94704 Maisons-Alfort Cedex

Le chat et le chien peuvent héberger B. henselae, l’agent de la maladie des griffes du chat chez l’homme. Les bovins hébergent également des bartonelles dont les implications médicales sont peu connues.

Les bactéries du genre Bartonella sont des (2-protéobactéries proches des genres Rickettsia et Brucella (voir l’ENCADRÉ “Bactériologie et taxonomie”). Vingt-deux espèces ou sous-espèces sont recensées (voir le TABLEAU “Espèces du genre ). À ce jour, neuf d’entre elles sont reconnues pathogènes pour l’homme.

Les bactéries du genre Bartonella ont été isolées du sang de nombreuses espèces de mammifères, dont l’homme, les carnivores, les ruminants et les rongeurs. Parmi les espèces domestiques, le mouton, le porc et le cheval ne semblent pas héberger de bartonelles.

Les Bartonella sont isolées chez des animaux réservoirs principaux apparemment sains et chez des hôtes accidentels, chez lesquels elles sont alors associées à des manifestations pathologiques diverses. Certaines d’entre elles, comme B. henselae, l’agent de la maladie des griffes du chat (MGC), sont reconnues responsables de zoo-anthroponoses [2, 36, a, b]. L’aspect zoonotique est suspecté pour la plupart des bartonelles.

Le maintien d’une bactériémie dans la population réservoir ou la transmission entre individus d’espèces différentes s’effectue directement ou indirectement par l’intermédiaire d’arthropodes vecteurs [18, 30, 31].

Les connaissances sur les bartonelles ont fait des avancées décisives grâce au développement des techniques issues de la biologie moléculaire. En 1993, Bartonella henselae a été identifiée chez les sidéens comme agent de l’angiomatose bacillaire et chez les individus immunocompétents comme agent de la maladie des griffes du chat (lymphoréticulose bénigne d’inoculation). De nombreuses entités pathologiques ont été associées à huit autres espèces du genre. Elles sont ainsi parfois considérées comme des bactéries responsables de “maladies émergentes” [6, 7].

De nombreux isolats restent dans l’attente de leur identification ou de leur description.

Physiopathologie de l’infection

Les Bartonella sont des bactéries parasites des érythrocytes [42]. Elles sont dotées d’un pouvoir d’invasion de cellules endothéliales et sont capables d’y induire un phénomène de prolifération vasculaire ou néoangiogenèse (au niveau de la peau, du foie et du rein) [20]. Cette angiogenèse survient dans la phase chronique de la maladie de Carrion (“Verruga peruana”) chez l’homme, dans l’angiomatose bacillaire et la péliose hépatique ou splénique chez l’homme, le chien et le chat.

Certaines bartonelles sont capables d’entraîner des lésions d’endocardite non spécifiques dites “à culture négative” car rarement accompagnées d’une bactériémie (homme, chien, chat) [1, 6, 8, 10, 13, 14, 15, 16, 22, 33, 43, 45].

Épidémiologie et vectorisation

Peu de données sont disponibles sur la spécificité d’hôte, les réservoirs ou la vectorisation de nombreuses espèces de Bartonella. Les mammifères exposent pourtant l’homme à un contact assez fréquent avec des Bartonella [1, 8].

1.B. henselae chez le chat

Bartonella henselae semble circuler dans trois populations, féline, canine et humaine [11, 12, 15, 24, 36]. Il existe une relation entre la présence de chats porteurs de puces infectées par B. henselae et la maladie humaine dans l’entourage [6, 11].

Chez le chat, les manifestations pathologiques sont rares par rapport à la fraction de la population infectée. Les enquêtes de prévalence effectuées en Europe ou en Amérique du Nord sur des populations de chats amenés en consultation vétérinaire ou de chats errants montrent un fort taux de séropositivité (30 à 60 %) ou de bactériémie (17 à 66 %) [17, 29, 32]. L’infection est entretenue dans la population féline par les puces (Ctenocephalides felis). Aucune transmission n’a lieu dans un environnement où celles-ci sont absentes et la transmission de la mère aux fœtus et de la mère aux chatons n’a jamais été observée [13, 27]. La transmission expérimentale par les piqûres de puces récoltées chez des chats bactériémiques a été réalisée [18]. Les fèces de puces peuvent aussi être infectieuses jusqu’à neuf jours après un repas sanguin pris sur un chat bactériémique. L’inoculation peut donc avoir lieu par la contamination de scarifications de la peau. L’infection est ainsi facilement entretenue dans la population féline [32]. Après inoculation, la bactériémie apparaît chez le chat dans un délai de sept jours et elle peut persister environ quatre mois [7]. La charge bactérienne n’est pas constante et la bactériémie peut apparaître et disparaître (“récurrences”) pendant dix-neuf mois [8, 26]. Les chatons dans leur première semaine de vie peuvent être infectés par voie orale après l’ingestion de fèces de puces [26, 27].

2.B. henselae chez l’homme

L’infection se produit du chat à l’homme, même s’il a été suspecté que la puce puisse infecter l’homme directement par piqûre [6].

L’infection humaine est répandue sur tous les continents. Plus de cent mille cas cliniques surviennent chaque année aux États-Unis [7] et représentent un coût estimé à plus de douze millions de dollars.

La maladie affecte majoritairement les individus de sexe masculin âgés de moins de vingt et un ans [8, 13]. Les facteurs de risque sont la présence dans l’entourage d’un chat jeune et porteur de puces, ainsi que la morsure ou la griffure par un chat. Plus du tiers des patients n’entrent pas dans ce cas de figure. Pour les autres formes cliniques, l’infection par le virus VIH est un facteur de risque majeur [11]. Dans le cas particulier des endocardites, un antécédent de valvulopathie est un facteur de risque important [33, 44, 46].

Aucune relation entre un arthropode autre que C. felis et la maladie des griffes du chat n’a été établie. En revanche, plusieurs cas de MGC ont été associés à la présence d’un chiot [13, 26]. Il est douteux que le chien soit un réservoir majeur de B. henselae mais il héberge très souvent la puce du chat et paraît susceptible de s’infecter lui-même ou de transmettre le vecteur et la bactérie de la même manière que le chat [26].

3.B. clarridgeiae

L’épidémiologie de l’infection par B. clarridgeiae semble très proche de celle par B. henselae. B. clarridgeiae a été isolée chez le chat sain d’un patient VIH positif atteint d’un syndrome fébrile. Sur la base d’enquêtes sérologiques, B. clarridgeiae a été impliquée dans la maladie des griffes du chat [7, 26]. La transmission est sans doute due à la puce du chat. La durée moyenne de la bactériémie chez le chat est plus élevée que pour B. henselae (trente-quatre semaines) [8].

Le portage sain est de 10 % de la population féline aux États-Unis et 16 % en France mais moins de 1 % au Japon [12, 32]. La co-infection avec B. henselae est fréquente [29] et il n’y a pas de protection croisée. Dans la population canine, B. clarridgeiae a été sporadiquement détectée [13, 24].

4.B. koehlerae

B. koehlerae est retrouvée seulement chez le chat. Seuls deux isolats ont été caractérisés en Amérique du Nord mais son identification moléculaire vient d’être réalisée en France [42]. Des séquences d’ADN ont été identifiées chez la puce du chat.

5. Autres bartonelles

La biologie de la plupart des bartonelles est méconnue, leur présence dans le monde animal étant en général révélée par un ou plusieurs cas d’affections humaines ou des enquêtes épidémiologiques.

B. elizabethae n’est connue que par un cas d’endocardite chez l’homme [26]. Son réservoir pourrait être un rat, Rattus rattus ou Rattus norvegicus. Cette bactérie a aussi été isolée du sang d’un chien [13]. Il y a 25 % de cas dans la population féline suédoise, à mettre en parallèle avec un taux élevé de séropositifs dans l’espèce humaine dans ce pays [8, 26].

B. vinsonii subsp. vinsonii est l’espèce la plus malconnue. Elle n’a été isolée qu’une fois, chez un rongeur (Microtus pennsylvanicus) en Amérique du Nord.

B. vinsonii subsp. arupensis n’a été décrite qu’une seule fois chez un malade américain. Son réservoir serait la souris à pattes blanches (Peromyscus leucopus) [6].

B. vinsonii subsp. berkhoffi est l’une des cinq bartonelles (avec B. henselae, B. clarridgeiae, B. elizabethae et B. washoensis) du chien [9]. B. v. berkhoffii a aussi été retrouvée chez l’homme lors d’endocardites [1, 8, 33]. Une seule étude avance le chiffre de 3,6 % d’animaux séropositifs chez les chiens malades [9]. Le coyote (Canis latrans) est maintenant reconnu comme le réservoir de cette bartonelle aux États-Unis [13]. Le vecteur est une tique dure, Ixodes pacificus.

Bartonella washoensis a été identifiée lors d’une affection humaine (myocardite). Le réservoir de cette bactérie est l’écureuil terrestre (Spermophilus beecheyi) en Amérique du Nord, où le premier cas affectant l’espèce canine a été rapporté [16]. Le vecteur de B. washoensis serait la puce de cet écureuil.

Bartonella grahamii a été retrouvée seulement deux fois chez l’homme (neurorétinite et occlusion bilatérale des artères rétiniennes) [26]. Aucune autre donnée n’est disponible.

Il en est de même pour la plupart des souches identifiées à partir de micromammifères. Aucune donnée autre que leur présence ponctuelle n’est disponible à ce jour et il est probable que ces mammifères hébergent de nombreux isolats inconnus. Un quart à plus de la moitié des rongeurs hébergeraient une Bartonella [4, 8]. La bactériémie des rongeurs peut durer plusieurs semaines et un passage transplacentaire des bactéries a été mis en évidence, ce qui peut assurer un maintien des germes dans la population, sans inoculation par un vecteur [5].

Les bartonelles des ruminants

Chez les ruminants sauvages, deux bartonelles hébergées par le chevreuil (Capreolus capreolus) ont été décrites dans l’Ancien Monde : B. schœnbuchensis et B. capreoli [3]. Elles ont été décrites à partir d’isolats prélevés chez des animaux sains et n’ont jamais fait l’objet d’une identification dans une autre espèce, à l’exception de B. schœnbuchensis retrouvée une seule fois chez le bœuf (Bos taurus). Il est probable que le taux élevé de portage dans la population de chevreuils soit à relier au fort taux d’infections par d’autres agents infectieux (Ehrlichia, Borrelia) vectorisés par les tiques Ixodes ricinus. Cette tique pourrait être le vecteur majeur des bartonelles du chevreuil [30].

Chez le bœuf, deux espèces ont été décrites : B. bovis [3] et B. chomelii [37, 38]. La bactériémie à B. bovis est fréquente : 35 à 49 % des animaux et presque 100 % de la classe d’âge d’un à deux ans sont bactériémiques (voir la FIGURE “Relation entre l’âge et le nombre de vaches bactériémiques”). B. bovis n’a pas de pouvoir zoonotique connu et son vecteur pourrait être Hippobosca equina [31]. B. chomelii est beaucoup plus rare et il n’est pas certain que le bœuf soit son réservoir [37].

Manifestations cliniques

L’étude clinique de l’infection par une bactérie du genre Bartonella est une préoccupation récente des médecines humaine et vétérinaire.

En général, chez l’homme comme chez l’animal, les maladies systémiques sont rencontrées chez les individus atteints de déficits immunitaires.

La maladie des griffes du chat due à B. henselae est l’affection la plus connue. Chez l’homme, le chat et le chien, il s’agit d’une affection polymorphe.

1. Bartonellose chez l’homme

La MGC présente un pic d’incidence saisonnier en automne et en hiver, sans doute parce que ces saisons sont propices au rapprochement de l’homme et du chat.

La MGC se présente sous deux formes, “classique” et “atypique”.

MGC classique

La forme classique de la MGC affecte surtout des individus immunocompétents, plus rarement des patients immunodéprimés [11]. Après trois à dix jours d’incubation, une petite papule apparaît (moins de 1 cm de diamètre) au point d’inoculation de B. henselae (PHOTO 2). Elle peut facilement passer inaperçue. Cette papule est rarement prurigineuse et peut se surinfecter. La lésion cutanée cicatrise spontanément en moins de trois semaines. Deux semaines environ après la formation de la lésion cutanée, une hypertrophie douloureuse du nœud lymphatique locorégional se développe. Dans 85 % des cas, un seul nœud lymphatique est atteint. Moins de 10 % des malades développent de la fièvre, des maux de tête, des nausées et des vomissements. L’adénomégalie se résout en six à douze semaines, mais elle persiste parfois jusqu’à deux ans [1, 6, 26]. L’administration d’antibiotiques influe peu sur le cours de la maladie et la guérison est sans séquelles.

MGC atypique

Les formes atypiques de l’infection par B. henselae représenteraient 5 à 25 % des cas de MGC. Elles surviennent toujours chez l’individu immunocompétent [13].

Il peut s’agir :

- d’une bactériémie au long cours et asymptomatique qui s’accompagne parfois de fièvre ;

- de manifestations ophtalmiques [2, 19] : uvéite bilatérale dans la moitié des cas, neurorétinite [44], syndrome oculoglandulaire de Parinaud (une conjonctivite non purulente généralement unilatérale, avec un œdème palpébral et une réaction ganglionnaire régionale) et rétinopathie de Leber (un œdème papillaire et une perte de vision qui régresse spontanément en moins de trois mois) [2].

•Les manifestations neurologiques sont rares (2 % des cas de MGC) mais elles sont les formes les plus graves, même si la guérison est complète et sans séquelles en un an [2].

•L’endocardite peut être la conséquence de l’infection par B. henselae chez des individus atteints de valvulopathies préexistantes [a, 10].

Des manifestations cutanées peuvent apparaître à distance du site d’inoculation (érythèmes noueux ou polymorphes, purpuras cutanés [13]).

Diverses formes systémiques ont également été décrites, avec une atteinte hépatique, des douleurs abdominales, une cholestase, des granulomes spléniques, une pneumonie, une anémie hémolytique, des myalgies, des arthralgies, une ostéomyélite ou un granulome osseux (le plus souvent d’une vertèbre) [1].

Chez l’immunodéprimé

Chez le malade immunodéprimé, les conséquences cliniques de l’infection à B. henselae peuvent être identiques. Deux entités supplémentaires sont décrites : l’angiomatose bacillaire et la péliose hépatique [6, 7].

L’angiomatose bacillaire est une maladie proliférative des vaisseaux sanguins. Elle survient en général chez les malades séropositifs au VIH en phase avancée, mais elle a été décrite chez des greffés du rein et chez des individus immunocompétents [1, 39].

Dans le foie et dans la rate, elle se manifeste par des espaces lacunaires dilatés et remplis de sang (“espaces péliotiques”), entourés d’un endothélium dégénéré ou cuboïde. Elle porte alors le nom de péliose hépatique. La guérison des affections de l’immunodéprimé nécessite une antibiothérapie (érythromycine, doxycycline ou tétracycline pendant au moins deux mois) [2, a].

2. Bartonellose chez l’animal

Chez l’animal, deux cas de figure peuvent se présenter : l’infection par B. henselae de son réservoir reconnu, le chat, et l’infection occasionnelle du chien.

• Chez le chien, un petit nombre d’observations font état de l’intervention de la bactérie dans divers états pathologiques, endocardites (PHOTO 3) ou insuffisance hépatique [8, 12, 24, 26].

• Chez le chat, des uvéites et des endocardites sont notées [15, 26, 35].

Dans les conditions expérimentales, peu de signes cliniques semblent constants, à l’exception d’épisodes de fièvre transitoires et d’adénomégalie temporaire, accompagnés parfois de signes neurologiques discrets [27]. L’expression clinique semble dépendre de la souche [13].

En revanche, la fonction de reproduction peut être fortement perturbée (mortalité embryonnaire, avortements, mortinatalité) lors d’infection expérimentale [26].

• B. clarridgeiae est fréquemment isolée chez des chats sains [27] (bactériémie persistante sans manifestations pathologiques [6]).

Chez le chien, deux cas seulement ont été décrits, un cas d’endocardite [14] et un cas d’insuffisance hépatique [24].

• B. koehlerae se retrouve dans les érythrocytes et elle est hébergée par la puce du chat [42]. L’infection expérimentale du chat n’a pas permis de mettre en évidence un pouvoir pathogène.

• B. elizabethae a été retrouvée par des techniques de biologie moléculaire chez le chien insuffisant rénal chronique [12, 13].

• Les espèces et sous-espèces rattachées à B. vinsonii (identifiées seulement en Amérique du Nord) reflètent encore l’étendue du polymorphisme clinique des bartonelles.

• B. vinsonii vinsonii ne paraît pas pathogène.

• B. vinsonii subsp. berkhoffii a été isolée chez des chiens sains et malades (lymphadénopathies, endocardites touchant la valvule aortique, myocardites [8] et rhinites granulomateuses [7, 9]). Huit à 14 % des chiens sains américains sont séropositifs. Chez l’homme, elle a été associée à une unique endocardite végétante afébrile de la valvule aortique [6].

• B. vinsonii subsp. arupensis n’est à ce jour reliée qu’à un cas humain, chez un éleveur de bovins âgé de soixante-deux ans présenté en milieu hospitalier pour confusion mentale, maux de tête et myalgies. Il s’est révélé bactériémique et fébrile (avec des épisodes au-delà de 39° C) [26].

• B. washoensis est associée à un cas de myocardite et de fièvre persistante chez une personne immunocompétente âgée de soixante-dix ans et à un cas canin d’endocardite de la valvule mitrale fatale [16].

• B. grahamii n’est associée qu’à un cas de neurorétinite bilatérale chez un malade immunocompétent âgé de cinquante-cinq ans et un cas d’occlusion bilatérale des artères rétiniennes chez un autre malade immunocompétent. Cette bartonelle très répandue chez les rongeurs sauvages semble donc avoir un rare tropisme oculaire en dehors de ses réservoirs [6, 12, 26].

• Les autres bartonelles des rongeurs (B. alsatica, B. birtlesii, B. doshiae, B. taylorii, B. tribocorum), des insectivores (B. peromysci, B. talpae) et des ruminants (B. capreoli, B. schoenbuchensis, B. chomelii) n’ont pas de pouvoir pathogène nettement défini [13, 26, 37, 41].

• Chez la vache, la bactériémie à B. bovis a toutefois été corrélée à des troubles de la reproduction (mortalités embryonnaires, avortements dans le dernier tiers de gestation) dans deux séries d’études (Maillard et Boulouis, communication personnelle). Les vaches gravides sont significativement plus souvent bactériémiques que les vaches non gravides. Parmi les vaches gravides, celles situées dans le dernier tiers de gestation ont une charge bactérienne significativement plus élevée qu’en début de gestation. Dans l’espèce bovine, il n’existe pas de transmission verticale de bartonelles ou de passage transplacentaire, à l’inverse des bactéries phylogénétiquement les plus proches : les Brucella.

Diagnostic

1. Diagnostic épidémio-clinique

Le diagnostic clinique des infections à Bartonella est fondé sur les symptômes décrits précédemment. Ces signes cliniques restent cependant très peu caractéristiques.

• En médecine humaine, la suspicion clinique d’une infection à B. henselae “classique” a lieu lors d’association d’une papule et de l’adénomégalie du ganglion satellite chez un individu en contact avec un chat [b]. Chez les sujets immunocompétents, l’attention du médecin est attirée par des troubles du système nerveux central et des troubles oculaires. Chez le patient atteint d’une valvulopathie ou porteur d’une prothèse valvulaire, le risque d’endocardite à Bartonella est généralement considéré comme élevé [23].

Chez l’individu immunodéficient, péliose hépatique et angiomatose bacillaire sont des lésions répandues [1]. L’atteinte cardiaque est aussi possible [10, 33].

Une atteinte cardiaque des valvules à culture négative, une fièvre persistante, une atteinte oculaire, un syndrome proche de la MGC (avec notamment des lymphadénopathies) évoquent une infection par une autre Bartonella.

• Chez l’animal, la suspicion clinique n’est envisageable que dans les espèces féline et canine [13, 26]. Il s’agit la plupart du temps d’atteintes cardiaques (endocardites ou plus rarement myocardites) ou oculaires [9, 35], plus rarement hépatiques [24]. Aucun signe clinique n’oriente aisément vers une bartonellose animale.

Dans toutes les espèces, des examens complémentaires sont donc nécessaires au diagnostic.

2. Diagnostic de laboratoire

Culture

La méthode de référence reste la culture sur gélose au sang [3, 8].

Il n’est pas possible de trouver toutes les espèces de bartonelles à partir d’un prélèvement sanguin, mais B. henselae et B. bovis (et B. quintana) sont régulièrement identifiées par ce moyen [1, 8, 17, 32].

La culture bactérienne peut être pratiquée à partir d’autres prélèvements biologiques, comme les biopsies de peau ou de nœuds lymphatiques et le pus, les valvules cardiaques ou leurs prothèses.

Même en médecine humaine, peu d’isolats sont obtenus de cette manière, et l’obtention de cultures de Bartonella sp. dans 26,5 % des biopsies de nœuds lymphatiques et dans 11,1 % des pus ponctionnés dans les nœuds lymphatiques a été considérée comme une réussite inédite [10]. Chez l’homme, la mise en culture d’un fragment de biopsie valvulaire est une technique dont la sensibilité est de 44 % et de 43 % pour une biopsie cutanée [33]. Ces méthodes invasives sont donc d’un intérêt limité.

Après recueil sur EDTA, le sang est congelé, puis décongelé au laboratoire afin de lyser les hématies, avant centrifugation et ensemencement sur gélose au sang frais de lapin. Les prélèvements sont mis en culture en chambre humide enrichie à 5 % de dioxyde de carbone. La présence de sang frais permet au milieu de contenir la concentration d’hème nécessaire à la croissance des bartonelles.

La recherche d’une bartonelle doit donc être expressément demandée par le praticien. En médecine vétérinaire pour la France, le laboratoire de microbiologie de l’ENV d’Alfort accepte en routine la recherche de bartonelles pour toutes les espèces.

L’isolement des bartonelles à partir du sang des patients nécessite deux à six semaines. Les premières sous-cultures sont obtenues en dix à quinze jours, tandis que les sous-cultures ultérieures sont obtenues en trois à cinq jours. Pour l’identification de l’espèce, l’isolat doit ensuite être identifié par amplification génomique [4, 44]. Les résultats de la culture sont perturbés par une antibiothérapie préalable du patient. La sensibilité de la culture peut atteindre 80 % si aucun traitement n’a été effectué, contre 0 % dans le cas inverse [10].

Chez l’animal, la culture est la méthode la plus sensible. Les durées d’incubation sont toutefois incompatibles avec l’urgence thérapeutique.

Diagnostic anatomopathologique

Chez l’animal comme chez l’homme, l’implication d’une bartonelle ne peut être prouvée que par la visualisation de corps bactériens par la coloration de Warthin-Starry ou après PCR sur pièces biopsiques ou nécropsiques.

Chez le chat, des lésions microscopiques non spécifiques sont constatées [13].

Examens sérologiques

Les examens sérologiques sont le moyen le plus rapide et le plus utilisé. Le taux d’anticorps IgG et IgM spécifiques augmente chez les patients qui présentent des signes cliniques, tandis que ceux atteints d’une bactériémie, même prolongée mais asymptomatique, ont des titres faibles ou nuls [8, 13, 39]. La sérologie évite la longueur de l’incubation lors de mise en culture, le recueil de matériels biologiques par des méthodes invasives lors d’amplification génomique, le recours à des laboratoires spécialisés lors d’usage des techniques de biologie moléculaire [1].

En pratique, deux techniques sont utilisées : l’immunofluorescence indirecte (ou IFI) et les méthodes immuno-enzymatiques (Elisa), le Western Blot (WB) et les techniques d’hémagglutination [33, 39].

Tous les tests Elisa disponibles sont conçus et utilisés par le laboratoire de diagnostic (kits “home-made”) [10].

La sérologie a deux principales limites :

- d’une part, les réactions faussement négatives, par exemple pour B. henselae qui compte deux sérotypes principaux (eux-mêmes divisés en deux sous-types), Houston 1 et Marseille ;

- d’autre part, l’existence de réactions croisées entre bartonelles comme B. henselae et B. quintana [2] ou entre les bartonelles et Coxiella burnettii, les chlamydies comme C. pneumoniae, C. trachomatis, C. psittaci et les rickettsies [39].

Il n’existe pas de corrélations connues entre anticorps et protection clinique ou microbiologique. L’examen sérologique doit être seulement interprété comme le témoin d’une infection.

Le chat peut être porteur de quatre espèces de Bartonella (B. clarridgeiae, B. koehlerae, B. bovis, probablement B. quintana), susceptibles de réactions croisées avec B. henselae [6, 12, 13, 42].

Le chien ne reconnaît pas les mêmes antigènes de B. henselae que l’espèce féline, il n’y a donc pas de test “universel” pour toutes les espèces de mammifères.

L’absence de standard rend l’évaluation de la sensibilité et de la spécificité des tests immunologiques difficile. La valeur prédictive élevée d’un résultat négatif est toutefois utile en élevage félin et pour les propriétaires de chat [7, 17]. En revanche, un résultat positif peut être le témoignage d’une infection ancienne : la séropositivité ne disparaît pas totalement avec la disparition de la bactériémie [26].

Une sérologie pour B. henselae est facile à réaliser dans le cadre d’une suspicion clinique chez le chat ou le chien ou dans le cadre épidémiologique du suivi des professions exposées (éleveurs de chats, praticiens vétérinaires, etc.) [9].

Dans tous les cas, l’hémoculture préalable à une identification moléculaire, ou l’identification moléculaire sans culture sont nécessaires en complément de la sérologie.

Amplification génomique

Les essais pour développer un outil diagnostique par PCR ont profité des recherches menées en taxonomie et en phylogénie. Le choix s’est porté sur deux gènes, celui du 16S rRNA et celui de la citrate synthase (gltA) [4], respectivement spécifiques de genre et d’espèce [13].

La portion intergénique non codante ITS 16S-23S a aussi montré son intérêt [34, 38], l’usage d’un couple d’amorces permettant la production d’un amplifiat de taille et de séquence spécifiques d’espèce.

L’outil moléculaire, auquel l’histoire moderne des bartonelloses doit beaucoup, est donc devenu indispensable pour le diagnostic des affections à bactéries difficilement ou peu cultivables. Associée à la sérologie, la PCR possède une sensibilité excellente sur tous les matériels biologiques humains. Elle dépasse 90 % [1, 2, 10]. Peu de données sont disponibles en médecine vétérinaire.

Traitement

Une bactériémie, même asymptomatique, est traitée en médecine humaine. Dans les espèces canine, féline et bovine, il ne semble ni utile ni possible de traiter les animaux réservoirs naturels de leurs bartonelles [8, 13]. En Amérique du Nord, l’importance de la MGC a conduit à l’évaluation d’un vaccin destiné aux chats (pour protéger indirectement l’homme) [6, 12].

Lors d’infection symptomatique dans les espèces féline et canine, le petit nombre de cas publiés, associé à un diagnostic microbiologique souvent très tardif, ne permettent pas de conclure sur le choix de l’antibiotique à retenir et sur le schéma posologique. En particulier, les cas publiés d’endocardites canine et féline ont tous été de pronostic désespéré [14, 15, 16]. En médecine humaine, la durée du traitement antibiotique s’étend de six semaines (bactériémie asymptomatique) à six mois (endocardite). Lors d’endocardite, la pose d’une valvule synthétique est nécessaire dans un tiers des cas [10, 33].

Les bactéries du genre Bartonella demeurent méconnues en médecine vétérinaire, alors que toutes les bartonelles (sauf deux) ont un réservoir animal. La recherche d’une bactériémie à Bartonella sp. ou un examen sérologique sont pourtant faciles à réaliser dans les espèces canine, féline et bovine. La recherche plus fréquente de ces bactéries dans diverses affections de l’animal (endo- et myocardites, uvéites, affections du système nerveux central, hépatites, lymphadénopathies et troubles de la reproduction) pourrait ainsi permettre de préciser leur importance.

Bactériologie et taxonomie

Les bactéries du genre Bartonella sont des petites bactéries aérobies Gram négatives, oxydase, catalase, nitrate-réductase, indole et uréase négatives, de forme bacillaire (environ 0,5 m de largeur pour 1,5 m de longueur) (PHOTO 1). Leur culture est difficile, car elles poussent lentement, entre dix jours et quatre, voire six semaines [3, 37]. Elles nécessitent une atmosphère contenant 5 % de dioxyde de carbone (sauf B. bacilliformis) et un milieu gélosé au sang. La lenteur de leur culture peut expliquer les difficultés à les mettre en évidence.

Les Bartonella sont inertes vis-à-vis des galeries de diagnostic usuelles [3, 8].

Leur identification et la taxonomie du genre reposent aujourd’hui sur les techniques de biologie moléculaire [25].

Attention

La transmission de l’infection par B. henselae se produit du chat à l’homme. L’infection directe de l’homme par piqûre de puce a été suspectée.

Attention

La sérologie est l’outil diagnostique le plus rapide et le plus utilisé.

L’hémoculture préalable à une identification moléculaire ou l’identification moléculaire sans culture sont cependant toujours nécessaires en complément de la sérologie.

Attention

Associée à la sérologie, la PCR possède une sensibilité excellente sur tous les matériels biologiques humains. Elle dépasse 90 % [1, 2, 10]. Peu de données sont disponibles en médecine vétérinaire.

Dans les espèces canine, féline et bovine, il ne semble ni utile ni possible de traiter les animaux réservoirs naturels de leurs bartonelles.

Points forts

Bartonella henselae semble circuler dans trois populations, féline, canine et humaine.

L’infection à B. henselae est entretenue dans la population féline par les puces (Ctenocephalides felis).

Chez le chat, les manifestations pathologiques sont rares par rapport à la fraction de la population infectée (séropositivité chez 30 à 60 % des chats et bactériémie chez 17 à 66 %).

Chez le bœuf, deux espèces ont été décrites : B. bovis et B. chomelii.

La bactériémie à B. bovis est fréquente : 35 à 49 % des animaux et presque 100 % de la classe d’âge d’un à deux ans sont bactériémiques.

Dans les conditions expérimentales, la bartonellose chez le chat se manifeste par des épisodes de fièvre et d’adénomégalie, accompagnés parfois de signes neurologiques.

Lors de suspicion, la recherche d’une bartonelle doit donc être expressément demandée au laboratoire.

À lire également

a - Bourillon A, Leclainche L. Maladie des griffes du chat. Formes atypiques. La Presse Méd. 1996;25:503-507.

b - Debré R, Lamy M, Jammet ML et coll. La maladie des griffes de chat. Sem. Hôp. Paris. 1950:1895-1904.

  • 2 - Barouky R, Badet F, Rousset H. Les formes atypiques de la maladie des griffes du chat. Revue de la littérature. Médecine et Maladies Infectieuses. 2002;32(12):730-734.
  • 8 - Breitschwerdt EB, Kordick DL. Bartonella infection in animals : carriership, reservoir potential, pathogenicity, and zoonotic potential for human infection. Clin. Microbiol. Rev. 2000;13:428-438.
  • 19 - Cunningham ET, Koehler JE. Ocular bartonellosis. Am. J. Ophthalmol. 2000;130(3):340-349.
  • 24 - Gillespie TN, Washabau RJ, Goldschmidt MH et coll. Detection of Bartonella henselae and Bartonella clarridgeiae DNA in hepatic specimens from two dogs with hepatic disease. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2003;222(1):47-51.
  • 29 - Gurfield AN, Boulouis HJ, Chomel BB et coll. Coinfection with Bartonella clarridgeiae and Bartonella henselae and with different Bartonella henselae strains in domestic cats. J. Clin. Microbiol. 1997;35:2120-2123.
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