Myasthénie et dermite associées à un thymome - Le Point Vétérinaire n° 252 du 01/01/2005
Le Point Vétérinaire n° 252 du 01/01/2005

SYNDROMES PARANÉOPLASIQUES CHEZ LE CHAT

Pratiquer

CAS CLINIQUE

Auteur(s) : Céline Carles*, Dominique Péchereau**, Isabelle Roubardeau***

Fonctions :
*Clinique vétérinaire
des Pyrénées
55, avenue Jean Mermoz
64000 Pau
**Clinique vétérinaire
des Pyrénées
55, avenue Jean Mermoz
64000 Pau
***Clinique vétérinaire
des Pyrénées
55, avenue Jean Mermoz
64000 Pau

Un chat présente successivement deux syndromes paranéoplasiques : d’abord une myasthénie induite par un thymome puis, malgré une thymectomie, une dermite exfoliative.

Un chat européen mâle castré, âgé de dix ans, est présenté à la consultation pour une prostration survenue depuis moins d’une semaine, selon ses propriétaires.

Cas clinique

1. Examen clinique

À l’examen clinique, un excès d’embonpoint est noté : le chat pèse 7 kg.

Ses muqueuses sont rosées et l’auscultation cardiopulmonaire est normale.

La palpation abdominale n’est pas douloureuse et ne montre pas d’anomalie.

L’examen neurologique révèle en revanche une diminution des réflexes palpébraux. L’attitude et la démarche de l’animal sont en outre anormales. La plupart du temps, le chat est en décubitus sternal, avec une ventroflexion cervicale marquée. Il paraît prostré mais, en fait, il refuse de se déplacer. Lorsqu’il y est obligé, il ne fait que quelques pas et sa démarche est ataxique. Il s’affaisse rapidement, ce qui témoigne d’une fatigabilité anormale (PHOTOS 1 ET 2). En raison de la ventroflexion cervicale et de la fatigabilité, l’hypothèse de myasthénie grave est envisagée.

2. Examens complémentaires

• Les analyses sanguines (voir le TABLEAU “Résultats des analyses sanguines”) permettent d’exclure une anémie, une hypoglycémie (7,4 mmol/l), une hypokaliémie (3,6 mmol/l) et une hypocalcémie (2,25 mmol/l).

L’activité enzymatique des créatine-kinases est augmentée (4 074 UI/l), ce qui est en faveur d’une polymyosite associée. La vitesse de sédimentation à une heure est de vingt-deux minutes (valeur normale : quatre minutes), ce qui traduit un phénomène inflammatoire.

• Chez l’homme, chez le chien et chez le chat, les thymomes s’accompagnent parfois de troubles neuromusculaires tels que la myasthénie grave. En raison de la suspicion de myasthénie grave et de son éventuelle association avec un thymome, une radiographie du thorax est réalisée. Le cliché radiographique met en évidence, au niveau du médiastin crânial, une masse radio-opaque d’aspect homogène qui s’étend jusqu’au niveau du bord crânial du cœur, mais pas de méga-œsophage (PHOTO 3). Compte tenu des signes qui évoquent une myasthénie grave et de la masse médiastinale décelée à la radiographie, un thymome est suspecté.

• À l’échographie, la masse, de 3 cm de diamètre environ, apparaît kystique et cloisonnée, crânialement au cœur. Un liquide séro-hémorragique est recueilli par ponction échoguidée à l’aiguille.

• Pour préciser le diagnostic de myasthénie grave, de la néostigmine(1) (Prostigmine®), un inhibiteur de l’acétylcholinestérase, est administrée à l’animal à la dose de 0,05 mg/kg par voie intramusculaire. Une demi-heure plus tard, le chat est examiné pour déceler une amélioration clinique de son état de fatigabilité : il n’est pas plus vif suite à l’injection et aucune conclusion n’est donc possible.

• Du sang est prélevé pour une recherche des anticorps antirécepteurs à l’acétylcholine réalisée au Comparative Neuromuscular Laboratory, San Diego.

Le taux d’anticorps antirécepteurs à l’acétylcholine est de 0,93 nmol/l (valeur normale < 0,3 nmol/l), ce qui confirme l’hypothèse de myasthénie grave.

3. Traitement

Une thoracotomie est proposée en vue de l’exérèse de la masse médiastinale.

Le chat est anesthésié au propofol, avec un relais gazeux d’halotane.

L’incision cutanée est pratiquée sur la paroi thoracique gauche et la thoracotomie est effectuée au niveau du quatrième espace intercostal. Une masse kystique, de 3 à 4 cm de diamètre, se situe dans le médiastin crânial, en avant du cœur. Elle est retirée et envoyée au laboratoire pour une analyse histologique (PHOTO 4).

Un traitement à base de prednisolone à dose anti-inflammatoire (1 mg/kg/j) est instauré.

Si la masse médiastinale est un thymome, son exérèse chirurgicale doit aboutir à la normalisation du taux d’anticorps antirécepteurs à l’acétylcholine et, par conséquent, à la résolution des signes cliniques. Le chat n’est donc pas traité contre la myasthénie grave.

4. Analyse histologique

L’examen histologique de la masse médiastinale révèle une néoformation partiellement encapsulée qui provient de la prolifération de deux composantes étroitement imbriquées :

– la première, épithéliale, forme une trame de fond composée de cellules polyédriques ou légèrement allongées, de taille moyenne à grande, au noyau ovoïde vésiculeux et nucléolé et au cytoplasme acidophile à limites floues. Ces cellules s’amassent en petits nids ou en colonnes, ou se répartissent isolément de façon aléatoire au cœur de la lésion. L’anisocaryose est modérée à marquée mais l’indice mitotique demeure faible ;

– la seconde apparaît composée de tapis et de nappes de petites cellules rondes non jointives à fort rapport nucléoplasmique et de petits lymphocytes bien différenciés (noyau ovoïde hyperchromatique de taille régulière et anneau cytoplasmique peu colorable).

L’aspect histologique évoque donc un thymome.

5. Évolution

L’évolution est contrôlée un mois plus tard. Le chat ne présente plus de ventroflexion cervicale et semble moins fatigué. La myasthénie semble donc correspondre à un syndrome paranéoplasique du thymome.

L’animal présente en revanche une dermite érythémateuse et non prurigineuse, localisée principalement au niveau de la tête (autour des yeux et des oreilles), du cou et du ventre. Quelques jours plus tard, les poils tombent par plaques, avec de nombreuses squames (PHOTO 5).

Ce tableau clinique est en faveur d’une dermite exfoliative. Des biopsies sont réalisées pour en préciser l’origine.

L’examen des biopsies cutanées révèle un épiderme hyperplasique et parakératosique localement érodé et ulcéré. Les zones érosives et ulcéreuses sont recouvertes d’un exsudat riche en granulocytes neutrophiles dégénérés. Les kératinocytes des différentes couches de l’épiderme et des follicules pileux présentent des images d’apoptose et ces cellules sont parfois entourées de petits lymphocytes (satellitose). Une dégénérescence hydropique des cellules basales de l’épiderme et de la paroi folliculaire, associée à une exocytose lymphocytaire (aspect mité), est régulièrement mise en évidence. Le derme superficiel est le siège d’une infiltration inflammatoire périvasculaire modérée qui comprend des granulocytes neutrophiles et éosinophiles ; des images de folliculite sont aussi notées.

Il s’agit donc d’une dermite d’interface hydropique, érosive et ulcéreuse, associée à une exocytose lymphocytaire, à la présence de cellules apoptiques des kératinocytes et à des lésions de folliculite. Ce tableau histologique est en faveur d’une dermite exfoliative.

Chez le chat, la dermite exfoliative d’origine paranéoplasique peut être associée à l’évolution d’un thymome. Dans ce cas, la thymectomie a déjà été pratiquée au moment où les signes cutanés apparaissent, ce qui peut être mis en relation avec la présence de métastases, notamment au niveau des nœuds lymphatiques sternaux, ou avec une thymectomie incomplète.

Une chimiothérapie est proposée, à la dose de 20 mg/m2 d’adriblastine(1) (Doxorubicine®) toutes les trois semaines. Cependant, lors de la première séance, le chat présente des ulcérations cutanées infectées. La chimiothérapie est alors remise à plus tard pour administrer un traitement antibiotique. Quinze jours après, la peau est cicatrisée et l’animal reçoit de l’adriblastine(1). Suite à la première séance, l’état du chat s’améliore, sa peau n’est plus érythémateuse (PHOTO 6), mais son état se détériore après la seconde séance. Devant l’impressionnante dermite et la lenteur de l’amélioration des signes cutanés malgré deux séances de chimiothérapie, les propriétaires décident de faire euthanasier leur animal (et ne souhaitent pas son autopsie).

Discussion

1. Épidémiologie

Le thymome est une tumeur épithéliale intrathoracique décrite chez l’homme et chez plusieurs espèces animales : chiens, chats, bovins, ovins, caprins, porcs et lapins.

Chez le chat, le thymome est une tumeur rare, qui présente des similitudes morphologiques, histologiques et immunohistochimiques avec le thymome chez l’homme [11].

Le thymus dérive de l’endoderme des troisième et quatrième poches pharyngiennes. Il continue de croître rapidement après la naissance de l’animal et atteint sa taille maximale vers le quatrième ou le cinquième mois chez les chiens et chez les chats, pour ensuite s’engager dans le thorax où il subit une involution sans jamais disparaître complètement. Son évolution tumorale est donc possible.

La majorité des thymomes décrits chez le chat sont des tumeurs bénignes, composées de cellules épithéliales tumorales et de lymphocytes normaux dont le nombre dépasse parfois celui des cellules tumorales [3]. Des mastocytes peuvent également être présents [2].

Le caractère bénin ou malin du thymome est davantage lié à son comportement biologique qu’à son aspect histologique : la présence d’infiltrations des tissus adjacents, de métastases aux nœuds lymphatiques ou de cellules tumorales dans l’épanchement pleural associé plaide ainsi en faveur d’un processus malin.

2. Signes cliniques

La croissance relativement lente du thymome explique la discrétion des signes cliniques. Chez le chat, les signes d’appel sont en général une dyspnée, un épanchement thoracique et, plus rarement, une toux, liés à la présence de la masse intrathoracique [1]. Ils ne sont pas spécifiques. Le cas de chats qui présentent un thymome localisé dans le sac péricardique a été rapporté [11]. Cette localisation ectopique rare provoque une compression du cœur et des vaisseaux, qui peut entraîner une tamponnade cardiaque.

Le thymome est couramment associé à divers syndromes paranéoplasiques, c’est-à-dire à des manifestations indirectes et situées à distance de l’organe tumoral ou de ses métastases. Chez l’homme, les syndromes paranéoplasiques en relation avec un thymome sont multiples : myasthénie, polymyosite, myocardite, dermatomyosite, sclérodermie, lupus systémique, syndrome néphrotique, hypocorticisme, anémie, kératoconjonctivite sèche, colite ulcérative chronique et divers pemphigus [9]. Chez l’homme, l’association de la myasthénie grave et du thymome est connue : 30 à 60 % des patients atteints de thymome sont myasthéniques et environ 10 % des myasthéniques ont un thymome [16, 17]. Les symptômes observés lors d’un thymome sont associés, soit à des désordres liés à la localisation de la tumeur, soit au syndrome paranéoplasique.

Chez le chat, le thymome est une tumeur rare et les syndromes paranéoplasiques décrits sont une myasthénie, une polymyosite, une endocardite ou une dermite squameuse [2]. Lorsque les signes respiratoires sont absents, ces syndromes paranéoplasiques représentent alors des signes d’appel de la tumeur. Le cas décrit présente ainsi des symptômes de myasthénie grave mais aucun signe respiratoire en rapport avec la masse médiastinale.

Le chat étudié est âgé de dix ans, ce qui correspond à la moyenne d’âge des cas rapportés. Aucune prédisposition sexuelle ou raciale n’a été mise en évidence.

3. Diagnostic

Les radiographies thoraciques mettent en évidence la présence d’une masse, parfois accompagnée d’un épanchement pleural d’aspect varié (de sérohémorragique à laiteux), dont la cytologie peut constituer une aide diagnostique précieuse (présence de petits lymphocytes matures et de cellules épithéliales anormales). Le diagnostic définitif est parfois obtenu par cytologie de la masse ou, plus souvent, par l’analyse histopathologique, après son exérèse ou lors de l’autopsie de l’animal [13].

Le diagnostic différentiel des masses médiastinales comprend [10] :

– le lymphosarcome médiastinal, tumeur médiastinale la plus fréquente chez le chat ;

– les hypertrophies des nœuds lymphatiques médiastinaux ;

– le chémodectome, rare chez le chat ;

– les tumeurs des tissus thyroïdiens et parathyroïdiens ectopiques (peu fréquentes) ;

– les tumeurs d’origine nerveuse (schwan-nomes) ;

– un granulome ou un abcès médiastinal ;

– des métastases médiastinales d’une tumeur à préciser ;

– les affections thymiques (hyperplasie, kystes et tumeur).

4. Traitement et pronostic

L’exérèse est le traitement de choix du thymome chez l’homme, suivie parfois de radiothérapie ou de chimiothérapie [9]. Les métastases sont rares. Le plus souvent, elles concernent les nœuds lymphatiques médiastinaux et les poumons mais elles ont également été décrites en région extrathoracique, avec une prédilection pour le foie, les os, les nœuds lymphatiques et le système nerveux central [9].

Le pronostic varie selon le caractère bénin ou malin de la tumeur, chez l’homme comme chez le chat. Il dépend également de la présence éventuelle et de la sévérité des syndromes paranéoplasiques qui accompagnent la tumeur. Dans le cas décrit, les signes de myasthénie ont été résolus avec la thymectomie. La dermite exfoliative apparue un mois plus tard a, en revanche, assombri le pronostic.

5. Syndromes paranéoplasiques

Myasthénie grave

Chez l’homme, la myasthénie grave est la maladie la plus communément associée au thymome. De rares cas ont été rapportés chez le chat [6, 14].

La myasthénie grave est une affection locomotrice rare, caractérisée par une faiblesse et une fatigabilité musculaires, rencontrée chez l’homme, le chien et le chat. Elle se présente sous deux formes : une forme congénitale (due à un nombre insuffisant de récepteurs à l’acétylcholine, à une diminution de la synthèse de l’acétylcholine ou à une accélération de sa dégradation) et une forme acquise.

La myasthénie grave acquise est une maladie auto-immune de la plaque motrice, liée à l’existence d’auto-anticorps dirigés contre les récepteurs à l’acétylcholine (Ac-anti-R-Ach). Des anticorps antirécepteurs à l’acétylcholine forment avec les récepteurs à l’acétylcholine (R-Ach) des immuns-complexes sur la membrane postsynaptique des jonctions neuromusculaires de l’organisme. Il en résulte une diminution des récepteurs-acétylcholine fonctionnels, qui conduit à une myasthénie(voir la FIGURE “Pathogénie de la myasthénie grave au niveau de la jonction neuromusculaire”).

La fréquence élevée des hyperplasies thymiques et des thymomes associés à la myasthénie chez l’homme, l’amélioration clinique qui survient souvent après la thymectomie et la présence d’anticorps qui réagissent à la fois avec le muscle strié et les cellules myéloïdes thymiques laissent supposer que le thymus joue un rôle dans la physiopathologie de la myasthénie grave. Les thymocytes peuvent exprimer à leur surface des antigènes d’histocompatibilité de classe II. Cette expression inhabituelle les rend capables de présenter leurs auto-antigènes aux lymphocytes et d’induire une réaction d’auto-immunité.

Dans le cas décrit, la myasthénie induite par le thymome se traduit par des troubles locomoteurs : fatigabilité et intolérance à l’effort, ventroflexion cervicale. Le chat myasthénique dort beaucoup, évite de se déplacer et reste couché, la tête posée entre les membres antérieurs.

Il est possible de rencontrer également [4] :

– une forme focale : la faiblesse se limite à des dysfonctionnements œsophagien (méga-œsophage avec dysphagie et régurgitations), pharyngien, laryngé (modification de la voix) ou à une faiblesse des muscles de la face (ptôse palpébrale, hypotonicité de la mâchoire) ;

– une forme aiguë : faiblesse musculaire sévère et brutale associée à une détresse respiratoire (paralysie des muscles respiratoires).

Le diagnostic d’une myasthénie grave associée à un thymome repose sur la radiographie, l’administration d’anticholinestérasiques, le dosage des anticorps antirécepteurs à l’acétylcholine et l’électromyographie.

• La radiographie permet de mettre en évidence une masse médiastinale, la présence ou l’absence de méga-œsophage et/ou une bronchopneumonie secondaire à une fausse déglutition.

• Les tests pharmacologiques aux anticholinestérasiques ont pour avantage d’être faciles à réaliser, rapides, peu onéreux et spécifiques : si un chat suspect répond de façon positive à un de ces examens, il est myasthénique. Des polymyosites peuvent toutefois entraîner transitoirement une réponse aux anticholinestérasiques et, si le test est négatif, il n’est pas possible de conclure : cela a été le cas chez le chat décrit.

Les anticholinestérasiques se fixent sur le site actif de l’acétylcholinestérase et entraînent l’inhibition de la destruction enzymatique de l’acétylcholine ; la concentration de l’acétylcholine dans la fente synaptique augmente et les effets du médiateur sont ainsi prolongés au niveau des récepteurs nicotiniques de la plaque motrice, mais aussi au niveau des récepteurs muscariniques, ce qui entraîne des effets secondaires gênants (nausée, hypersalivation, myosis, fasciculations musculaires, diarrhée).

Pour réaliser ce test, il convient de fatiguer l’animal (en le faisant marcher), puis le produit est injecté lorsqu’il n’avance plus. Le test est positif si le chat se relève et se déplace normalement.

Les substances qui peuvent être employées chez le chat sont [15] :

– la néostigmine(1) (Prostigmine®) à la dose de 0,05 mg/kg par voie intramusculaire. Elle agit en quinze à vingt minutes et sa durée d’action est d’une à deux heures. Il convient d’avoir à disposition de l’atropine en cas de surdosage et d’apparition d’un syndrome muscarinique (l’atropine est l’antagoniste de l’acétylcholine au niveau des récepteurs muscariniques) ;

– le chlorure d’édrophonium(2) (Tensilon®) à la dose de 0,25 à 0,5 mg par voie intraveineuse. Sa durée d’action est courte (quatre à cinq minutes), ce qui limite les effets secondaires ; les risques de surdosage sont ainsi négligeables.

• Le dosage des anticorps antirécepteurs à l’acétylcholine permet de confirmer une suspicion de myasthénie grave. Le taux d’anticorps antirécepteurs à l’acétylcholine est déterminé par des techniques d’immunoprécipitation et de radio-immunologie.

Shelton [15] préconise le dosage des anticorps antirécepteurs à l’acétylcholine lors de la découverte d’une masse médiastinale chez un chien ou chez un chat, même en l’absence de faiblesse musculaire et ce avant de pratiquer l’exérèse chirurgicale de la masse. Dans le cas d’une myasthénie grave associée à un thymome, l’exérèse totale de la tumeur s’accompagne généralement de la normalisation du taux d’anticorps et de la résolution des signes cliniques.

Le cas d’un chat atteint d’un thymome, qui a développé une myasthénie grave huit mois après la résection chirurgicale de la tumeur, a été décrit [11]. Le taux d’anticorps antirécepteurs à l’acétylcholine était élevé, ce qui suggère l’existence de métastases qui ne sont pas toujours radiologiquement visibles.

Le test à la néostigmine(1) est négatif chez le chat de cette étude. Le dosage des anticorps antirécepteurs à l’acétylcholine (0,93 nmol/l ; valeur normale < 0,3 nmol/l) a permis d’établir le diagnostic.

• L’électromyographie (baisse de l’amplitude de la réponse motrice au fur et à mesure des stimulations électriques : décrément de la réponse motrice) peut être un complément intéressant du diagnostic pharmacologique mais constitue une méthode lourde et onéreuse, qui nécessite une anesthésie générale de l’animal. Pour des raisons financières, elle n’a pas été proposée ici.

• Le traitement de la myasthénie grave fait appel :

– aux anticholinestérasiques : ces médicaments inhibent l’hydrolyse de l’acétylcholine dans la jonction neuromusculaire, ce qui prolonge l’interaction de l’acétylcholine avec les récepteurs de l’acétylcholine subsistants et de ce fait, augmente la concentration effective et la durée de l’effet de l’acétylcholine dans la fentesynaptique : pyridostigmine(1) (Mestinon®) à la dose de 2,5 mg deux fois par jour sous forme de sirop [14] ;

– aux corticoïdes : ils sont intéressants par leur effet immunosuppresseur puisque la maladie est liée à la présence des auto-anticorps. Si l’amélioration clinique n’est pas optimale avec les anticholinestérasiques, des corticoïdes peuvent être associés. Chez le chien, cette association donne de bons résultats. Chez le chat, les corticoïdes (prednisone à la dose de 1 à 4 mg/kg/j ou dexaméthasone à la dose de 0,25 à 2 mg/kg/j) déminueraient le taux de mortalité [4].

La thymectomie est recommandée lors de thymome. Aucun anticholinestérasique n’a été administré au chat présenté ici car, le thymome étant responsable de la myasthénie, la thymectomie devait entraîner la résolution des signes cliniques de myasthénie.

Les anticorps antirécepteurs à l’acétylcholine n’ont pas été contrôlés car le chat ne présentait plus de signe de faiblesse.

Dermite exfoliative paranéoplasique

Des cas de dermite exfoliative associée à un thymome ont été récemment décrits chez l’homme [5]. Chez le chat, le premier cas a été rapporté en 1959 [10] ; il s’agissait d’un siamois présentant une dermite exfoliative et dont l’autopsie a révélé la présence d’un thymome. Cette découverte post-mortem de la tumeur n’a malheureusement pas permis l’établissement d’un lien de cause à effet entre les deux affections tumorale et cutanée. Rivière et Olivry [13] ont décrit le cas d’un chat présenté pour une dermite exfoliative généralisée évoluant depuis plusieurs mois. L’examen des biopsies cutanées s’est révélé compatible avec une réaction de type greffon contre hôte. Des radiographies thoraciques ont mis en évidence une masse en avant du cœur, ce qui a conduit au diagnostic présumé de thymome. L’exérèse chirurgicale de la tumeur, qui s’est révélée être un thymome après analyse anatomopathologique, a permis la résolution complète des signes cutanés, ce qui a confirmé le caractère paranéoplasique du syndrome exfoliatif.

La pathogénie de la dermite exfoliative n’est pas complètement élucidée, mais l’association du thymome avec de nombreuses maladies immunitaires chez l’homme suggère un processus auto-immun à médiation cellulaire. Le thymus est en effet le lieu de maturation des lymphocytes T. Au cours de cette maturation, les lymphocytes T acquièrent également la capacité de reconnaissance des antigènes du soi et du non-soi. Lorsqu’un antigène du soi est présenté aux lymphocytes T par les cellules présentatrices d’antigènes dans des conditions normales, un phénomène de “sélection négative” se produit, et la réaction qui s’ensuit aboutit à une délétion clonale. Une des hypothèses avancées suggère que, lors de thymome, certains lymphocytes T immatures pourraient alors échapper à cette sélection normale et se retrouver dans la circulation sous forme de lymphocytes T immatures autoréactifs, responsables d’une attaque dirigée contre les kératinocytes [14, 15].

L’originalité du cas décrit réside dans le fait que le thymome, une tumeur médiastinale rare chez le chat, a entraîné en premier lieu une myasthénie puis, après la réalisation de la thymectomie, une dermite exfoliative. Ce second syndrome paranéoplasique pourrait s’expliquer par la présence de métastases ou par une thymectomie partielle, d’où l’instauration d’une chimiothérapie.

  • (1) Médicament à usage humain.

  • (2) Médicament réservé à l’usage hospitalier.

Points forts

La ventroflexion cervicale et la fatigabilité peuvent faire envisager l’hypothèse de myasthénie grave.

La croissance relativement lente du thymome explique la discrétion des signes cliniques.

Chez le chat, les syndromes paranéoplasiques associés au thymome sont une myasthénie, une polymyosite, une endocardite ou une dermite squameuse.

Lorsqu’un chat suspect répond de façon positive aux tests pharmacologiques aux anticholinestérasiques, la myasthénie est certaine. Ces examens sont faciles, rapides, peu onéreux et spécifiques.

La dermite exfoliative paranéoplasique qui apparaît après l’exérèse du thymome peut s’expliquer par la présence de métastases ou par une thymectomie partielle.

Le diagnostic définitif de thymome est parfois obtenu par cytologie de la masse ou, plus souvent, après l’analyse histopathologique de la pièce d’exérèse.

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  • 5 - Holder J. Thymoma-associated cutaneous graft-versus-host-like reactions. Clin. Exp. Dermatol. 1997;22:287-290.
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