Le thiamazole, premier traitement contre l’hyperthyroïdie féline - Le Point Vétérinaire n° 252 du 01/01/2005
Le Point Vétérinaire n° 252 du 01/01/2005

ENDOCRINOLOGIE FÉLINE

Éclairer

NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Éric Vandaële

Fonctions : 4, square de Tourville
44470 Carquefou

Le thiamazole est un traitement médical sur le long terme de l’hyperthyroïdie féline. Il nécessite d’ajuster la posologie à la dose minimale, avec un suivi régulier.

Quatre-vingt-quinze pour cent des chats affectés par une hyperthyroïdie ont plus de huit ans et l’âge médian de l’hyperthyroïdie féline est de treize ans. L’émergence de cette affection est donc directement liée à une meilleure médicalisation de la population féline, elle-même corrélée à un allongement de la durée de vie. L’hyperthyroïdie est une maladie grave, d’autant qu’elle est souvent associée à des affections intercurrentes comme l’hypertension artérielle et des troubles cardiovasculaires.

Jusqu’à présent, aucune spécialité vétérinaire autorisée n’était indiquée contre l’hyperthyroïdie féline. Il était donc nécessaire de recourir, selon la cascade, à un médicament humain à base de carbimazole (Néo-Mercazole®). La nouvelle spécialité à base de thiamazole (Félimazole®, Janssen), le métabolite actif du carbimazole, est donc une réelle innovation pour la pharmacopée vétérinaire.

Goitre… + T4

L’hyperthyroïdie est presque toujours (> 90 % des cas) associée à un goitre palpable à l’examen clinique et à un amaigrissement (alors qu’un chat sur deux présente une polyphagie). Des troubles du comportement sont aussi très fréquents (70 à 90 % des cas): hyperactivité, agitation, agressivité, thermophobie. Dans un peu plus de la moitié des cas, un souffle cardiaque ou une tachycardie (> 200 bpm) sont associés. Dans 30 à 50 % des cas, une polyuro-polydipsie et des symptômes digestifs (polyphagie ou plus rarement anorexie, vomissements, diarrhées) sont aussi observés.

Objectif : l’euthyroïdie

Ce tableau clinique chez un chat âgé est assez caractéristique pour établir un diagnostic clinique. Néanmoins, un dosage sanguin de la T4 basale permet de le confirmer définitivement (T4 > 65 mmol/l ou 5 µg/dl). Lors d’une forte suspicion clinique, un taux de T4 inférieur à 65 mmol/l ne doit pas conduire à exclure ce diagnostic mais à répéter l’analyse, éventuellement en utilisant des dosages de la seule fraction libre de la T4 ou d’autres tests.

Le traitement a pour objectif de stabiliser les valeurs de T4 entre 20 et 65 mmol/l.

Trois traitements

En théorie, les trois traitements de l’hyperthyroïdie utilisés chez l’homme sont également envisageables chez le chat : la radiothérapie à l’Iode 131, la chirurgie (thyroïdectomie) et le traitement médical antithyroïdien. En pratique, seul le traitement médical est véritablement accessible.

La radiothérapie à l’Iode 131 n’est possible qu’au Centre anticancéreux vétérinaire d’Alfort, seul site de radiothérapie homologué. L’Iode 131 provoque une destruction sélective de la glande thyroïdienne, plus ou moins marquée selon la dose employée.

La chirurgie (thyroïdectomie) est théoriquement possible, mais après la réalisation d’un bilan global d’extension par scintigraphie. En outre, afin d’éviter l’ablation des glandes parathyroïdes, il est recommandé de procéder à une exérèse unilatérale (en fonction du bilan d’extension).

Traitement médical

Même dans le cas d’un traitement irréversible par radiothérapie ou par thyroïdectomie, il est nécessaire d’obtenir préalablement un état d’euthyroïdie stable grâce à un traitement médical à base de thiamazole (5 mg matin et soir pendant trois semaines)

Le thiamazole (ou méthimazole) inhibe la fixation de l’iode sur la thyroglobuline. La synthèse des hormones T3 et T4 est ainsi diminuée.

Par voie orale, la biodisponibilité du comprimé de 5 mg est d’environ 70 à 80 %, avec de fortes variations individuelles. Les pics plasmatiques (1,6 à 1,9 µg/ml) sont atteints en une heure. La demi-vie d’élimination est courte (quatre heures et demi à cinq heures) avec une élimination principalement urinaire, sans biotransformation hépatique chez le chat (contrairement à l’homme). Les concentrations de thiamazole persistent plus longtemps dans la glande thyroïde que dans le plasma. Après l’arrêt du traitement, les taux de T4 redeviennent élevés dans les vingt-quatre à soixante-douze heures.

Dose minimale efficace

L’essai clinique inclut vingt-cinq chats hyperthyroïdiens suivis sur cinq mois (vingt semaines) et traités à la dose minimale efficace : entre 5 mg/j (un comprimé) et 15 mg/j (trois comprimés) (voir la FIGURE “Ajustement de la dose thérapeutique”). L’essai n’est pas comparatif contre un placebo ou un traitement de référence, compte tenu de l’absence de guérison spontanée ou de traitement médical de référence.

Le suivi clinique et par dosages de T4 est régulier à trois, six, dix et vingt semaines.

Six semaines après le début de traitement, 92 % des chats (23/25) présentent des taux de T4 inférieurs à 65 nmol/l, avec une dose maximale de 10 mg (voir la FIGURE “Évolution des dosages en T4 sur vingt semaines de traitement”). Les deux autres chats ont nécessité trois comprimés de 5 mg.

Succès clinique dans 90 % des cas

Le retour à l’euthyroïdie permet de diminuer la tachycardie. Après vingt semaines de traitement, aucun des vingt-cinq chats traités ne présente une tachycardie supérieure à 240 bpm, contre 32 % avant traitement, et 88 % des chats (22/25) ont vu leur fréquence cardiaque diminuer (voir la FIGURE “Évolution de la fréquence cardiaque”). Une amélioration de l’état clinique est aussi observée chez vingt-deux chats (88 %). Chez quatorze chats (56 %), les signes cliniques d’hyperthyroïdie ont disparu. Chez huit chats (32 %), la sévérité de ces signes a diminué et elle est notée comme faible après vingt semaines de traitement.

Pharmacovigilance

Même si, dans cet essai clinique, la tolérance a été jugée excellente (64 %) ou bonne (32 %), le thiamazole n’est pas un médicament réputé comme dénué de tout effet indésirable. Chez l’homme, il est notamment connu pour son effet dépresseur sur les lignées sanguines (anémie hémolytique, leucopénie, thrombocytopénie, etc.) et sur la fonction hépatique et rénale. Ainsi, les chats déjà immunodéficients (neutropénie < 2,5. 109/l) « doivent être traités préventivement avec un antibiotique bactéricide  » recommande le résumé officiel des caractéristiques du produit (RCP). Ceux qui présentent un état fébrile sont à surveiller. Le médicament est également contre-indiqué en cas de neutropénie, de lymphopénie ou de thrombocytopénie sévères, ainsi que chez les chattes gestantes compte tenu d’un risque tératogène.

Dans un essai terrain publié(1) sur un grand nombre de chats (262), les effets indésirables ont été observés dans 18 % des cas, le plus souvent pendant le premier ou le second mois de traitement. Toutefois, tous les chats de cet essai ont d’abord été traités par une dose plus élevée (entre 10 et 15 mg/j) que celle recommandée. En outre, la plupart de ces effets ont été bénins (anorexie, vomissements, apathie) et ont disparu sans nécessiter l’arrêt du traitement. Dans les cas plus sérieux (environ 3 à 5 % des cas avec thrombocytopénies, troubles hépatiques, etc.), ces effets disparaissent le plus souvent une semaine après l’arrêt du traitement.

Le RCP officiel recommande de débuter le traitement à la dose minimale de 5 mg/j, puis de traiter à la dose minimale efficace sans dépasser 15 mg/j et enfin de surveiller régulièrement (tous les trois mois) l’apparition d’une éventuelle anémie ou leucopénie, ainsi que la fonction rénale si des doses de 10 et surtout 15 mg/j sont nécessaires. Ce suivi peut aussi comprendre un dosage de T4. Le conditionnement en boîte de 100 comprimés permet entre un et trois mois de traitement selon la dose d’emploi, pour un coût public approximatif de 45 € TTC.

  • (1) Peterson ME, Kintzer PP, Hurvitz AI. Methimazole treatment of 262 cats with hyperthyroidism. J. Vet. Intern. Med. 1988;2(3):150-157.

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