Emploi de la morphine chez le cheval ? - Le Point Vétérinaire n° 252 du 01/01/2005
Le Point Vétérinaire n° 252 du 01/01/2005

GESTION DE LA DOULEUR

Pratiquer

SUR ORDONNANCE

Auteur(s) : Marc Gogny*, Hervé Pouliquen**

Fonctions :
*Unité de pharmacologie et toxicologie, ENV Nantes
**Unité de pharmacologie et toxicologie, ENV Nantes

La morphine est très utile pour lutter contre la douleur chez le cheval mais l’absence de LMR la restreint aux animaux non susceptibles d’être abattus.

Un cheval d’un club hippique présente de violentes coliques depuis environ deux heures. À l’arrivée du praticien, ce Selle Français d’environ 500 kg exprime encore une douleur vive et son approche est difficile. Après sédation à l’aide d’un (2-agoniste, l’examen clinique général peut êtreréalisé, ainsi qu’un sondage naso-œsophagienetune palpation trans-rectale. Un entrappement néphrosplénique est alors diagnostiqué. Le praticien recommande une intervention chirurgicale et réfère le cheval à un confrère spécialisé, dont la clinique est à environ deux heures et demi de route. Afin de soulager la douleur du cheval pendant le trajet et d’éviter tout risque d’incident, le vétérinaire décide de lui administrer de la morphine.

Emploi de la morphine chez le cheval : Une législation européenne en pleine évolution

Réglementairement, l’emploi de la morphine n’est autorisé que chez le cheval exclu de la consommation humaine, car aucune limite maximale de résidus (LMR) n’a été déterminée dans aucune espèce. Cette difficulté peut être résolue par deux moyens.

Le premier correspond à la mise en place du « passeport équin européen »(décision européenne 2000/68 parue au JO du 28/01/2000), qui permet de distinguer les équidés qui ne sont pas destinés à la consommation humaine des autres équidés. Ce choix de non-abattage est irréversible et il est inscrit sur le passeport. En France, les propriétaires d’équidés signalent déjà sur leur livret (qui fait alors office de passeport équin) une mention de ce type. Sur ces chevaux « de compagnie », le vétérinaire n’est pas soumis aux contraintes du règlement LMR pour l’application de la cascade.

La seconde solution est destinée au traitement par des substances dépourvues de LMR des chevaux non écartés définitivement de la consommation humaine. Une liste positive de principes actifs est en cours d’élaborationà l’Agence européenne du médicament. Si ces discussions aboutissent à une décision de la Commission européenne, il deviendra possible d’employer un composé inscrit sur cette liste et d’appliquer un temps d’attente forfaitaire (les six mois proposés pour l’instant font l’objet de débats).

Prescription pour usage professionnel : Des formalités très allégées

Avec cette ordonnance, le vétérinaire souhaite pouvoir se constituer une provision de morphine à usage exclusivement professionnel. Dans ce cas, les formalités ont été nettement allégées. La commande doit être effectuée sur une ordonnance sécurisée qui doit être présentée pour exécution à un pharmacien de la commune (ou à défaut de la commune la plus proche). Il convient ensuite de stocker les ampoules dans une armoire ou dans un local fermant à clé et muni d’un système d’alerte ou de sécurité renforcé contre toute tentative d’effraction. En pratique, cette disposition s’applique aussi à la kétamine et à la tilétamine : le praticien peut donc stocker ensemble sous clé la morphine avec la kétamine.

À chaque administration de morphine à un animal, il suffit de rédiger une ordonnance sécurisée et d’en garder copie afin de justifier l’utilisation des ampoules détenues pour un usage professionnel. La législation, adaptée à l’espèce humaine, prévoit de limiter la quantité délivrée à dix « unités de prise », même si cette notion est parfois difficile à interpréter dans le contexte vétérinaire. Par exemple, pour ce cheval, une « unité de prise » de 0,1 mg/kg correspond à trois ampoules, ce qui permettrait de traiter vingt chiens à la même dose.

Morphine et analgésie Efficace et facile à employer

Aucune spécialité vétérinaire à base de morphinique n’est disponible en France actuellement. Pourtant, lorsque la douleur est intense, les AINS (dipyrone, flunixine, etc.) sont insuffisants. Les (2-agonistes (xylazine, détomidine ou romifidine) ont un effet analgésique intéressant et dose-dépendant. Lasédationaugmente également avec la dose et leur durée d’action est assez brève, ce qui limite leur indication à la phase d’examen de l’animal. La morphine (sous forme de chlorhydrate) reste donc le seul recours actuel. Il y a une carence d’études cliniques contrôlées sur la balance bénéfice/risques de l’administrationde la morphine chez le cheval. Employée à une dose comprise entre 0,05 et 0,2 mg/kg, elle montre cependant un bon effet analgésique pendant au moins deux à trois heures. Ses effets indésirables sont limités à une légère bradypnée et parfois, à quelques piétinements.

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