Le pimobendane se révèle au moins aussi efficace que les IECA - Le Point Vétérinaire n° 250 du 01/11/2004
Le Point Vétérinaire n° 250 du 01/11/2004

TRAITEMENT DES ENDOCARDIOSES CHEZ LE CHIEN

Éclairer

NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Éric Vandaële

Fonctions : 4, square de Tourville,
44470 Carquefou

Cet inodilatateur augmente à 430 jours la durée de survie de 50 % des chiens atteints d’une endocardiose.

En Europe, la France et la Suède faisaient exception : elles étaient en effet les seuls pays à avoir limité l’indication du pimobendane (Vetmedin®) aux insuffisances cardiaques dues aux cardiomyopathies dilatées chez le chien. Tous les autres États membres européens (Angleterre, Allemagne, Suisse, Pays-Bas, Belgique, Italie, etc.) ont enregistré d’emblée cet inodilatateur pour le traitement de toutes les insuffisances cardiaques congestives, quelle qu’en soit la cause.

Les experts des autorités françaises ou suédoises avaient toutefois des raisons de ne pas être convaincus de l’efficacité du pimobendane dans le traitement des valvulopathies.

Jusqu’à présent, la principale étude clinique comparative réalisée avec le pimobendane incluait cent cinq chiens, dont quatre-vingt-un affectés par une cardiomyopathie dilatée et seulement vingt-quatre par une valvulopathie.

Essai Vetscope

Une nouvelle étude clinique multicentrique spécifique aux endocardioses (étude “Vetscope : veterinary study for the confirmation of pimobendan in canine endocardiosis”) a convaincu l’Agence française du médicament vétérinaire (Afssa-ANMV) d’étendre, en France aussi, les indications du pimobendane aux « cas d’insuffisance valvulaire mitrale ou tricuspide ».

Cette étude européenne randomisée est comparative contre un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA), le bénazépril (Fortekor®). Pour des raisons éthiques, il n’apparaît en effet plus possible de réaliser une telle étude contre placebo. Seuls les deux premiers IECA vétérinaires (l’énalapril et le bénazépril) ont donc eu à prouver leur efficacité contre placebo. L’efficacité clinique des nouveaux IECA (imidapril notamment) et du pimobendane a donc été évaluée par comparaison à l’un de ces deux IECA de référence.

L’étude Vetscope avait pour objectif d’inclure une centaine de chiens « cardiaques » (au stade II ou III) et de démontrer que le pimobendane administré sur le long terme est aussi efficace que les IECA en termes de qualité et de durée de vie. Une analyse sur soixante-seize chiens a conclu à une efficacité supérieure du pimobendane par rapport à l’IECA de référence, y compris sur le long terme. Ces résultats inattendus ont conduit le laboratoire Bœhringer Ingelheim à déposer un rapport d’étude plus rapidement que prévu auprès de l’Afssa et à obtenir, en juillet 2004, une extension d’autorisation de mise sur le marché (AMM). Ces résultats sont aussi soumis à publication dans une revue internationale.

Randomisé et en double aveugle

Lors de l’analyse, le lot “pimobendane” comprend quarante et un chiens atteints d’une insuffisance valvulaire : trente-trois au stade II de la classification Isachc, sept au stade IIIa et un au stade IIIb (voir l’ENCADRÉ “La classification Isachc”). Le lot “IECA” comprend trente-cinq chiens : vingt-six au stade II, huit au stade IIIa et un au stade IIIb.

Deux points méritent d’être soulignés dans cette méthodologie. En premier lieu, cet essai clinique est un essai randomisé et en double aveugle. Les traitements sont donc attribués au hasard, sans que les praticiens et les propriétaires en aient connaissance. L’essai prévoyait une répartition de cinquante chiens “pimobendane” pour cinquante chiens “IECA”.

L’analyse intermédiaire sur les soixante-seize premiers chiens d’un essai fait apparaître que le hasard a conduit à inclure un nombre de chiens supplémentaires (six cas) traités par le pimobendane. Ce léger déséquilibre ne conduit toutefois pas à remettre en cause l’analyse statistique, ni sa signification ni son éventuelle extrapolation, mais seulement la puissance statistique de l’essai. L’objet de l’analyse statistique est en effet de mettre en évidence des différences qui n’ont qu’une faible probabilité (< 5 %) d’être dues seulement au hasard. Le coût de telles études cliniques est directement proportionnel au nombre d’animaux. Les calculs statistiques montrent alors que, pour mettre en évidence ces différences avec le nombre d’animaux le plus réduit possible, la taille des lots doit être identique. Les essais cliniques qui incluent des lots de tailles différentes (dans un rapport de 1 à 2, voire parfois de 1 à 10) sont donc souvent suspects aux yeux des statisticiens parce qu’ils révèlent une méconnaissance statistique et souffrent souvent d’un non-respect des procédures d’aveugle et de randomisation. Or seules ces procédures garantissent l’absence de biais à l’inclusion et, donc, la comparabilité des groupes. Ici, la différence de taille des lots analysés est seulement due au hasard, et l’analyse et les conclusions statistiques n’en sont pas pour autant biaisées.

Pas de biais à l’inclusion

La seconde remarque concerne la gravité des cas cliniques à l’inclusion, avec huit chiens au stade III traités par le pimobendane (soit 20 %) contre neuf chiens au stade III traités par les IECA (soit 26 %). Cette différence d’un cas, accentuée dans les pourcentages par la différence de taille des effectifs, constitue-t-elle un biais susceptible de remettre en cause les conclusions de l’étude ? De notre point de vue, la réponse à cette question est négative pour trois raisons :

- en premier lieu, cette différence d’un cas n’est pas statistiquement significative ;

- le respect de la randomisation et celui du double aveugle sont les premières (et seules) garanties de la comparabilité des deux groupes ;

- l’Afssa et ses experts n’ont finalement pas jugé que cet écart est susceptible de modifier les conclusions démonstratives de l’essai.

Durant la première phase du traitement (cinquante-six jours), les médicaments sont administrés à l’aveugle selon le système dit “du double placebo”. Un chien traité par le pimobendane en gélule deux fois par jour reçoit aussi le placebo d’IECA une fois par jour ; un chien traité avec l’IECA une fois par jour reçoit aussi les gélules placebo du pimobendane deux fois par jour. Les traitements associés (furosémide et anti-arythmiques) sont autorisés dans les deux groupes.

76 % de chiens “asymptomatiques” après deux mois

À l’issue de cette première phase de deux mois, les trois quarts (76 %) des quarante et un chiens traités par le pimobendane sont redevenus asymptomatiques (stade Ib) (voir la FIGURE “Évolution du stade d’insuffisance cardiaque”). L’IECA améliore aussi efficacement les symptômes cliniques : environ la moitié des chiens traités avec l’IECA (48 %) sont au stade Ib asymptomatique. L’écart est statistiquement significatif entre les deux traitements.

Ces résultats ne sont pas surprenants et traduisent une amélioration de la qualité de vie des chiens traités par le pimobendane comme par l’IECA. Ces molécules agissent sur le système neuro-hormonal (SRAA) et présentent une efficacité réelle, mais toujours lente à apparaître : deux à trois semaines, voire davantage, sont ainsi nécessaires.

Le pimobendane, qui peut être considéré à la fois comme un calcium-sensibilisateur (pour l’amélioration de la contractilité du myocarde et son effet inotrope) et un inhibiteur de la phosphodiestérase III (pour son effet vasodilatateur), agit plus rapidement qu’un IECA. En contrepartie, son action est fugace et nécessite donc deux administrations par jour.

430 jours de survie versus 228 jours

Les résultats les plus intéressants concernent l’évolution sur le long terme (dix-huit mois) des chiens ainsi traités. Après la première phase de deux mois, l’aveugle est levé et les traitements sont poursuivis, pour une évaluation notamment de la durée de survie. Les résultats sont encore nettement en faveur du pimobendane (voir la FIGURE “Courbes de survie lors d’endocardiose”). La durée médiane de survie (survie de la moitié des chiens) est ainsi de 430 jours avec le pimobendane contre 228 jours avec l’IECA.

La différence entre les deux courbes de survie est statistiquement significative. L’écart est le plus grand après un an de traitement, avec environ trois fois plus de chiens cardiaques survivants traités par le pimobendane (environ 60 % de survie) comparativement à l’IECA (20 %)(1).

Deux gélules par jour

L’arsenal thérapeutique des praticiens pour le traitement des endocardioses vient donc de s’élargir grâce aux conclusions de cet essai clinique accepté par les autorités françaises d’évaluation. Le coût et la praticabilité (deux administrations d’une gélule par jour en dehors des repas) ne sont pas en faveur du pimobendane (Vetmedin®), par rapport aux nombreux IECA administrés en une seule prise quotidienne, dont le coût est en outre réduit par la concurrence de générique.

Cependant, l’efficacité à court et à long termes de cet inodilatateur le positionne désormais en traitement de première intention des chiens cardiaques.

De notre point de vue, il est encore prématuré de conclure que le pimobendane constitue aujourd’hui le traitement de référence de l’endocardiose chez le chien. Il est toutefois l’un des traitements de première intention efficaces à court, à moyen et à long termes, dès le stade II de l’insuffisance cardiaque. Le pimobendane a aussi permis de réduire significativement, par rapport à un IECA, la cardiomégalie (évaluée à la radiographie) et le besoin en furosémide.

La comparaison avec les IECA est essentielle pour l’évaluation de l’efficacité du pimobendane.

Compte tenu des modes d’action pharmacologiques très différents, les deux traitements ne doivent toutefois pas nécessairement s’exclure l’un l’autre. Il serait sans doute intéressant de les associer sur le long terme, si toutefois les possibilités financières et matérielles (en particulier l’observance) du propriétaire le permettent.

  • (1) Pour mémoire, lors de cardiomyopathie dilatée, le pimobendane (associé ou non à un IECA) permet d’obtenir une durée médiane de survie de 217 jours, contre 92 jours pour l’IECA seul.

La classification Isachc

La classification des stades d’insuffisance cardiaque retenue dans cet essai clinique est celle de l’Isachc (International small animal cardiac health council).

Stade I : absence de symptômes (toux, dyspnée, etc.) :

- Ia : absence de dilatation cavitaire (souffle sans signe radiologique ou échographique) ;

- Ib : présence de dilatation cavitaire (visible à la radiographie ou à l’échographie).

Stade II (insuffisance cardiaque modérée) : symptômes (toux, dyspnée, etc.) présents lors d’effort.

Stade III (insuffisance cardiaque sévère) :

- IIIa : symptômes compatibles avec des soins à domicile ;

- IIIb : hospitalisation nécessaire.

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