PATHOLOGIE INFECTIEUSE RESPIRATOIRE CHEZ LES BOVINS
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CONDUITE À TENIR
Auteur(s) : Dominique Le Grand*, Marie-Anne Arcangioli**, Norbert Giraud***, François Poumarat****, Pierre Bézille*****
Fonctions :
*Unité mixte de recherche
mycoplasmoses des ruminants
**Unité mixte de recherche
mycoplasmoses des ruminants
***Unité clinique rurale de l’Arbresle
ENV Lyon
****Unité mixte de recherche
mycoplasmoses des ruminants
AFSSA Lyon
*****Unité mixte de recherche
mycoplasmoses des ruminants
Mycoplasma bovis est le principal mycoplasme pathogène isolé dans les bronchopneumonies infectieuses enzootiques (BPIE). Il pourrait être un agent initiateur de ces BPIE.
Les mycoplasmes sont fréquemment isolés des lésions de pneumopathies chez les bovins. Selon l’espèce mycoplasmique en cause, les répercussions médicales et économiques sont extrêmement variables (voir l’ENCADRÉ : « Pathogénicité des mycoplasmes isolés lors de pneumopathies »). Tout isolement de mycoplasme doit donc impérativement être suivi de son identification.
Mycoplasma bovis est, après M. mycoides subsp. mycoides biotype Small Colony, le mycoplasme le plus pathogène pour la sphère respiratoire des bovins. Il est le principal mycoplasme pathogène isolé dans les bronchopneumonies infectieuses enzootiques (BPIE). Son rôle dans la pathologie respiratoire a été jusqu’à présent sous-estimé. Son mode d’action dans le déclenchement et dans l’évolution des troubles respiratoires est encore mal connu. De nombreux auteurs s’accordent à le présenter comme un agent initiateur du processus infectieux, à l’instar des virus, mais il peut également intervenir en association avec d’autres agents étiologiques des BPIE, notamment des pasteurelles. Les pneumopathies à M. bovis sont des affections de groupes. Les veaux non sevrés ou les jeunes bovins élevés en lots sont particulièrement exposés.
Le tableau clinique des pneumopathies à M. bovis n’est pas spécifique.
L’intervention de M. bovis doit être fortement suspectée :
- lors d’apparition d’arthrites invalidantes simultanément ou secondairement à l’épisode respiratoire (PHOTO 1), particulièrement chez les taurillons à l’engraissement ;
- et/ou lors de rechutes d’affection respiratoire, avec ou sans passage à la chronicité, après un traitement de première intention.
Après une incubation de deux à six jours, des signes cliniques non spécifiques sont observés tels qu’une hyperthermie, un abattement, une baisse de l’appétit, une dyspnée et un jetage [7].
Des lésions macroscopiques de bronchopneumonie catarrhale ou de bronchopneumonie chronique qui peuvent être associées à des abcès sont observées. Les lésions directement imputables à M. bovis (PHOTO 2) sont toutefois souvent masquées au cours de l’évolution par une surinfection par les pasteurelles.
La microscopie permet d’observer des foyers de nécrose de coagulation(1) entourés de cellules inflammatoires, des foyers de bronchiolite suppurative associés à une hyperplasie lymphoréticulaire et, lors d’infection chronique, une infiltration de cellules mononuclées en région péribronchiolaire et alvéolaire (“ pneumonie à manchon”).
Lors d’arthrites simultanées ou secondaires à l’épisode respiratoire, les signes cliniques généraux sont dominés par une hyperthermie (jusqu’à 41 °C) et les signes locaux par une polyarthrite qui affecte surtout le carpe et le tarse.
Les lésions prédominantes sont une inflammation sérofibrineuse avec une arthrite, une périarthrite et/ou une ténosynovite.
Divers prélèvements sont possibles pour confirmer une mycoplasmose lors de pneumonie associée ou non à une arthrite (voir le TABLEAU : « Types de prélèvements lors de pneumonie et/ou d’arthrite à mycoplasmes »).
Les prélèvements peuvent être stockés à + 4 °C pendant 24 heures au maximum. Au-delà, ils doivent être conservés congelés à - 20 °C. L’acheminement des prélèvements au laboratoire s’effectue sous couvert du froid positif et en 24 à 48 heures.
L’isolement de mycoplasmes se fait sur milieu spécifique. Il est donc impératif d’en préciser la demande lors de l’envoi du prélèvement au laboratoire.
L’isolement de tout mycoplasme (colonies typiques en « œuf sur le plat » sur milieu solide) doit être obligatoirement suivi d’une identification, car toutes les espèces ne sont pas pathogènes.
Actuellement, pour l’ensemble du territoire, l’identification des mycoplasmes bovins isolés est centralisée à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) Lyon (Réseau Vigimyc(2)). Cette identification est réalisée par méthode immunoenzymatique sur membrane de filtration (membrane filtration dot immunobinding ou MF dot) à l’aide de sérums polyclonaux spécifiques des différentes espèces fréquemment isolées chez les bovins.
Le diagnostic sérologique est fondé essentiellement sur des tests ELISA. Un seul test est actuellement commercialisé en France (Chekit-Bommeli Diagnostic, Berne, Suisse). Il convient donc, avant l’envoi des sérums, de se renseigner auprès des laboratoires sur la faisabilité des analyses.
Il est conseillé, lors de la première visite dans l’élevage suspect, de prélever du sérum qui est ensuite conservé congelé. Lors de la deuxième visite, une seconde prise de sang tardive peut ainsi être réalisée et la cinétique sérologique peut être analysée si besoin.
Il convient de maîtriser les facteurs d’ambiance, de vérifier les conditions de logement, mais également d’appliquer strictement les mesures d’hygiène et de désinfection.
Aucun vaccin contre M. bovis n’est actuellement commercialisé. Les mesures de contrôle spécifiques reposent donc essentiellement sur l’antibiothérapie qui peut se révéler décevante lors d’arthrites [5].
L’antibiogramme standard (méthodes de diffusion à partir de disques imprégnés d’antibiotiques), tel qu’il est pratiqué pour les bactéries pathogènes classiques dans le cadre d’un diagnostic, n’est pas applicable aux mycoplasmes [9].
Il convient donc de se reporter aux résultats obtenus par la méthode des concentrations minimales inhibitrices (CMI).
Il est parfois difficile de comparer les données obtenues par différents laboratoires car ce n’est qu’en 2000 [3] qu’a été publié un recueil de recommandations pour l’harmonisation des méthodes de détermination des CMI des mycoplasmes animaux.
Les propriétés pharmacodynamiques de chaque molécule doivent être prises en compte pour la détermination des « valeurs critiques de CMI ». Ces valeurs permettent de classer les souches en trois catégories (sensibles, intermédiaires, résistantes). Peu de ces valeurs ont été publiées pour les mycoplasmes d’intérêt vétérinaire et beaucoup sont issues de la médecine humaine [3].
Les molécules réputées actives in vitro sur M. bovis sont :
– des aminosides : la gentamicine (70 % de souches sensibles selon [8]), la spectinomycine (des souches résistantes ont été décrites en Belgique [10] et au Royaume-Uni [1], mais pas en France selon [8]) ;
– des macrolides : la lincomycine [2, 8], la tilmicosine et la tylosine ;
– des fluoroquinolones : l’enrofloxacine [2, 4, 10], la danofloxacine [1, 4, 10], la marbofloxacine [10], la difloxacine ;
– le florfénicol, mais à ce jour une seule étude est disponible [1].
Il est probable que, dans un avenir proche, cette activité donne lieu, pour certaines de ces molécules, à une indication revendiquée.
Les données sur la sensibilité de M. bovis à la tilmicosine sont divergentes selon les auteurs [1, 2]. Différents essais cliniques ont cependant démontré son efficacité thérapeutique ou prophylactique en pathologie respiratoire bovine [6].
Pour les tétracyclines (chlortétracycline, oxytétracycline et doxycycline) et la spiramycine (environ 60 % des souches résistantes vis-à-vis de ces molécules selon [8]), ainsi que pour la tylosine, des résistances acquises ont été décrites [4, 6, 10].
Les mycoplasmes sont naturellement résistants aux antibiotiques qui inhibent la synthèse de la paroi, comme les bêta-lactamines. Ils sont décrits comme généralement résistants aux polymyxines, à la rifamycine et aux sulfamides [6].
L’antibiothérapie doit en outre tenir compte des autres agents pathogènes associés à M. bovis, lorsqu’ils participent aux BPIE.
Chez les jeunes bovins, l’implication de M. bovis dans les BPIE ne doit pas être négligée, mais les moyens de contrôle disponibles actuellement restent limités. Le développement et la mise en œuvre de nouveaux moyens de contrôle restent l’objectif. Ils nécessitent toutefois, au préalable, l’amélioration des connaissances épidémiologiques au niveau national.
(1) Une nécrose de coagulation désigne une forme de nécrose avec coagulation des protéines des cellules affectées sans modification de l’architecture du tissu.
(2) Voir aussi Dernburg A, Le Grand D, Arcangoli M-A et coll. Le réseau de surveillance des mycoplasmoses est formalisé. Point Vét. 2004 ; 35(246): 12-13.
Quatre grands groupes de mycoplasmes se dessinent en fonction de leur degré de pathogénicité.
Des espèces isolées exceptionnellement dont le degré de pathogénicité dans l’espèce bovine est inconnu faute de données : M. canis, M. gallisepticum, M. alkalescens, etc.
Des espèces fréquemment isolées qui n’ont jamais montré expérimentalement de pouvoir pathogène :
- des saprophytes : M. bovirhinis, M. bovigenitalium et Acholeplasma laidlawii ;
- des contaminants secondaires qui apparaissent en phase terminale du processus infectieux : M. arginini.
Des espèces fréquemment isolées qui présentent un certain pouvoir pathogène expérimental, mais dont l’impact réel lors d’infection naturelle n’est pas connu : M. dispar, Ureaplasma diversum.
Des espèces au pouvoir pathogène démontré expérimentalement et qui sont à l’origine de pertes économiques importantes en élevage :
M. mycoides subsp. mycoides biotype Small Colony (agent de la péripneumonie contagieuse bovine, maladie réputée contagieuse, inscrite sur la liste A de l’OIE) et M. bovis [5].
Avant l’envoi des sérums pour la mise en évidence indirecte de M. bovis, il convient de se renseigner auprès des laboratoires sur la faisabilité des analyses.
L’antibiogramme standard n’est pas réalisable pour les mycoplasmes et les méthodes de détermination de CMI sont encore peu harmonisées, donc difficiles à comparer.
- Douard A. Agents bactériens impliqués dans les BPI des bovins. Point Vét. 2002 ; 33(231): 26-30.
- Poumarat F, Le Grand D, Bergonier D. Propriétés générales des mycoplasmes et hyper-variabilité antigénique. Point Vét. 1997 ; 28(180): 761-767.