Observations récentes sur les chaleurs de la vache laitière - Le Point Vétérinaire n° 249 du 01/10/2004
Le Point Vétérinaire n° 249 du 01/10/2004

REPRODUCTION BOVINE

Éclairer

NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Fabienne Constant

Fonctions : Service de reproduction animale
École nationale
vétérinaire d’Alfort
7, avenue
du Général-de-Gaulle
94700 Maisons-Alfort

L’équipe de C. Disenhaus, à Rennes, a observé le comportement œstral des hautes productrices. Il s’avère que 14 % des vaches ont une ovulation silencieuse.

Les connaissances sur le comportement œstral de la vache laitière proviennent d’études qui datent des années 1970 et 1980. Au cours des trente dernières années, les exploitations, les éleveurs et les vaches elles-mêmes ont beaucoup évolué, ce qui a modifié à la fois la qualité de la détection et l’expression des chaleurs.

Six caméras

L’objectif de l’essai présenté au dernier congrès mondial de buiatrie (Québec, juillet 2004) est d’obtenir des références exhaustives sur l’ensemble des comportements d’œstrus des vaches laitières hautes productrices. Les vaches d’une ferme expérimentale ont été observées 24 heures sur 24 à l’aide de six caméras installées de manière à visualiser l’ensemble de la stabulation. Elles portent un numéro peint sur le dos et les flancs, ce qui permet leur identification dans toutes les situations. Le dépouillement des enregistrements s’est effectué en deux temps.

Suivi de la progestérone et des comportements

Un premier travail, méthodologique [4], a consisté à relever et à codifier l’ensemble des comportements sexuels et sociaux de quinze vaches de référence, au cours du deuxième ou du troisième cycle post-partum. L’ovulation est attestée par le suivi de la progestérone dans le lait. Ces données ont permis de décrire l’ensemble des modifications comportementales (signes spécifiques, changement de fréquence de comportement, etc.) qui accompagnent l’ovulation. La seconde étape a concerné les quarante-quatre vaches qui ont ovulé pour la deuxième ou la troisième fois au cours de la période de mise à la reproduction (cinquante à quatre-vingts jours post-partum), afin d’estimer les caractéristiques plus générales de l’expression des comportements sexuels.

Deux pics quotidiens d’expression

L’acceptation du chevauchement reste le signe le plus spécifique des chaleurs (PHOTO 1), mais seules 59 % des vaches qui ont ovulé ont manifesté ce comportement (dans des conditions défavorables : en hiver, stabulation à logettes, aire d’exercice bétonnée) (PHOTO 2). En accord avec les résultats d’une autre étude [2], l’acceptation du chevauchement, si elle est systématiquement observée, permet la détection d’environ 60 % des chaleurs. Il n’est donc pas possible d’utiliser ce seul signe pour détecter les chaleurs. Deux pics d’expression de l’acceptation du chevauchement ont été observés :

– entre 3 et 4 heures du matin ;

– entre la traite et l’ouverture des cornadis du matin.

Plus le nombre de vaches en chaleur au même moment est élevé, plus l’acceptation du chevauchement est observée.

Augmentation des interactions autour de l’ovulation

La fréquence des interactions sexuelles s’élève chez les vaches autour de l’ovulation, c’est-à-dire les chevauchements initiés par la vache en œstrus, le poser de menton sur la croupe, le frotter de menton sur la croupe, le renifler et le léchage de la vulve initiés par la vache en œstrus ou reçus par elle (PHOTO 3).

L’étude a mis en évidence que ces comportements proceptifs sont spécifiques des chaleurs s’ils sont répétés (voir l’ENCADRÉ “Comportements proceptifs spécifiques des chaleurs s’ils sont répétés”).

La répartition des signes sexuels secondaires est quasi régulière au cours des vingt-quatre heures et le nombre de ces comportements n’est pas influencé par celui des vaches simultanément en œstrus. Leur observation répétée pourrait donc faciliter la détection des chaleurs dans les troupeaux où les vêlages sont très étalés et où l’acceptation du chevauchement est peu exprimée.

Les “passives” et les “actives”

Les comportements associés peuvent donc être réceptifs (la vache reçoit) ou actifs (la vache initie l’interaction). Trois profils sont décrits :

– certaines vaches sont très réceptives, acceptent souvent le chevauchement et vont peu vers les autres ;

– d’autres sont très actives et acceptent plus difficilement le chevauchement ;

– d’autres encore présentent un comportement intermédiaire. Quatorze pour cent des vaches ont eu une ovulation silencieuse, c’est-à-dire sans aucune manifestation de comportement œstral (en dehors de la première ovulation et d’affections génitales), et étaient donc indétectables.

“Efficaces” et mal cyclées

L’étude a permis d’identifier des facteurs de variation de l’intensité d’expression des chaleurs : une activité ovarienne anormale et la production laitière. Le pourcentage de vaches qui présentent des cycles anormaux (phase lutéale prolongée, interruption de cyclicité) a augmenté au cours des vingt dernières années [5]. Selon des études antérieures [1, 3], il est de 22 %. Les vaches qui présentent une cyclicité anormale avant la mise à la reproduction posent un double problème pour la détection des chaleurs : davantage de faux positifs (vaches déclarées en chaleur alors qu’elles ne le sont pas) et de faux négatifs (vaches en chaleur non détectées).

La production laitière (et non le potentiel) pourrait avoir une influence sur la fréquence des phases lutéales prolongées. L’intensité des chaleurs, définie selon l’échelle de Van Eerdenburg et coll. [6], est ainsi apparue significativement corrélée (p < 0,05) à l’efficacité alimentaire, c’est-à-dire au rapport entre la quantité de lait produite et les unités fourrage-lait (UFL) ingérées au cours des six premières semaines de lactation. En d’autres termes, les vaches “efficaces”, qui produisent beaucoup au regard de leur ingestion (et donc du coût alimentaire), ont exprimé des chaleurs moins intenses.

Intérêt des détecteurs de chaleurs ?

La réduction du temps passé à la détection des chaleurs n’est pas l’unique facteur de risque de l’allongement de l’intervalle vêlage-première insémination et de la réussite de celle-ci. L’augmentation de la fréquence des profils anormaux de cyclicité diminue en effet le nombre d’animaux potentiellement en chaleur. La détection des chaleurs de ces vaches est en outre plus difficile, en partie en raison de la difficulté à en prédire le jour. L’expression des chaleurs des hautes productrices (du moins en stabulation) est devenue plus fruste, surtout s’il n’y a pas plusieurs vaches en chaleur simultanément : la durée des chaleurs est raccourcie et moins de vaches acceptent le chevauchement et en moins grand nombre. En conséquence, l’utilisation des systèmes d’aide à la détection et à l’observation raisonnée de la répétition des comportements actifs des vaches peut permettre de compenser la discrétion de l’expression de l’œstrus.

Plusieurs points restent à étudier. Cette moindre expression se retrouve-t-elle au pâturage ?

Comment conduire les vaches en début de lactation pour optimiser l’expression de l’œstrus ?

Avec ces nouvelles données d’expression, à quel moment inséminer les vaches pour optimiser la réussite de la première insémination ?

Comportements proceptifs spécifiques des chaleurs s’ils sont répétés

Chevauchements initiés par la vache en œstrus.

Poser de menton sur la croupe.

Frotter de menton sur la croupe.

Reniflement et léchage de la vulve initiés par la vache en œstrus.

Reniflement et léchage de la vulve reçus par la vache en œstrus.

D’après Disenhaus C. Congrès mondial de buiatrie, juillet 2004, Québec.

En savoir plus

- Hanzen C, Bourde B. Gestion hormonale de la reproduction bovine. Facteurs d’influence du protocole GPG. Point Vét. 2004 ; 35(243) : 52-55.

- Hanzen C, Bourde B, Bouchard E. Gestion hormonale de la reproduction bovine. Protocole GPG et succès de reproduction. Point Vét. 2003 ; 34(238) : 50-54.

- Hanzen C, Drion PV, Bourde B. Gestion hormonale de la reproduction bovine. Effets du protocole GPG sur l’activité ovarienne. Point Vét. 2003 ; 34(237) : 26-30.

- Hanzen C, Drion PV, Boudry B. Induction et synchronisation de l’œstrus par la PGF2alpha. Point Vét. 2003 ; 34(236) : 22-23.

- Enjalbert F. Reproduction de la vache laitière. Relations entre alimentation et fertilité : actualités. Point Vét. 2002 ; 33(227) : 46-50.

- Chastant-Maillard S. Le protocole GnRH-PGF2 alpha-GnRH est-il universel ? Point Vét. 2002 ; 33(230) : 9.

- Berg C. Contrôle de la reproduction bovine. Quelles sont les alternatives à l’estradiol ? Point Vét. 2001 ; 32(217) : 10-11.

  • 1 - Disenhaus C, Kerbrat S, Philipot JM. La production laitière des trois premières semaines est négativement associée avec la normalité de la cyclicité chez la vache laitière. Rencontres Recherches Ruminants. Paris (France). 2002 ; 9 : 147-150.
  • 2 - Dransfield MBG, Nebel RL, Pearson RE et coll. Timing of insemination for dairy cows identified in estrus by a radiotelemetric estrus detection system. J. Dairy Sci. 1998 ; 81(7) : 1874-1882.
  • 3 - Kerbrat S, Disenhaus C. Profils d’activité lutéale et performances de reproduction du vêlage à la première insémination. Rencontres Recherches Ruminants. Paris (France). 2000 ; 7 : 227-230.
  • 4 - Kerbrat S, Disenhaus C. A proposition for an updated behavioural characterisation of the estrus period in dairy cows. Appl. Anim. Behav. Sci. 2004. In press.
  • 5 - Royal MD, Darwash AO, Flint APF et coll. Declining fertility in dairy cattle : changes in traditional endocrine parameters of fertility. Anim. Sci. 2000 ; 70 : 487-501.
  • 6 - Van Eerdenburg FJCM, Loeffler HSH, Van Vliet JH. Detection of estrus in dairy cows : a new approach of an old problem. Vet. Quart. 1996 ; 18(2) : 52-54.
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