Bactériologie des ulcères cornéens chez le chien - Le Point Vétérinaire n° 249 du 01/10/2004
Le Point Vétérinaire n° 249 du 01/10/2004

OPHTALMOLOGIE CANINE

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NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Patrick Lazard*, Bruno Denis**, Arnaud Louvet***

Fonctions :
*Clinique vétérinaire
80, rue Pereire
78100 Saint-Germain-en-Laye
**Clinique vétérinaire
80, rue Pereire
78100 Saint-Germain-en-Laye
***Clinique vétérinaire
80, rue Pereire
78100 Saint-Germain-en-Laye

Les bactéries isolées lors d’ulcère cornéen sont fréquemment résistantes à plusieurs antibiotiques. Un antibiogramme assure un traitement efficace.

Le 2000 à 2002, une étude bactériologique a été réalisée sur 145 prélèvements effectués chez des chiens présentés en consultation d’ophtalmologie pour des ulcérations cornéennes évolutives ou stationnaires, accompagnées ou non de réactions inflammatoires.

Bactériologie sur 145 ulcères cornéens

Les prélèvements sont effectués à l’aide d’écouvillons stériles appliqués sur les berges de l’ulcère (si possible sans administration d’anesthésique local) chez un animal vigile ou au cours d’une intervention chirurgicale oculaire [2]. La mise en culture est réalisée par enrichissement, après trempage de l’écouvillon dans un bouillon “cœur-cervelle” (Biomérieux) (PHOTO 1), maintenu en étuve à une température constante de 37 °C. Deux ensemencements sont ensuite effectués, l’un sur une gélose GTS (tryplase-soja) et l’autre sur une gélose GTS additionnée de sang [5, 6].

La souche bactérienne est identifiée à l’aide de galeries API® ou Slider API (voir le TABLEAU “Micro-organismes isolés sur 145 prélèvements d’ulcères cornéens”). Les espèces identifiées n’ont cependant pas été typées. La sensibilité bactérienne aux antibiotiques est étudiée sur des cultures de la souche sur un milieu de Mueller-Hinton seul ou additionné de sang (voir le TABLEAU “Sensibilité des différents genres bactériens aux antibiotiques testés”).

La sensibilité est étudiée vis-à-vis des antibiotiques suivants : amoxicilline-acide clavulanique, céfalexine, gentamicine, néomycine, tobramycine, chloramphénicol, tétracycline, doxycycline, triméthoprime-sulfadiazine, enrofloxacine, marbofloxacine et rifampicine. Les colonies bactériennes apparaissent généralement dans un délai de deux jours, sauf pour certains streptocoques qui nécessitent parfois plus de huit jours et un réensemencement sur gélose au sang.

Bactériologie partielle en clientèle

Cette approche de la flore bactérienne est incomplète car elle a été réalisée dans le cadre d’une clientèle ; le laboratoire a pour mission de déterminer la souche bactérienne présente dans la lésion cornéenne et sa sensibilité aux antibiotiques dans les délais les plus courts.

Les méthodes de culture ont été simples et, en particulier, la flore anaérobie n’a pas été explorée. Les micro-organismes isolés correspondent à ceux les plus fréquemment cités dans la littérature humaine et vétérinaire, à l’exception des moraxelles [1, 2, 5, 7, 8].

Des bactéries pathogènes ou saprophytes

Parmi les bactéries les plus fréquemment isolées, certaines sont des agents pathogènes vrais, d’autres des saprophytes. L’action pathogène de ces derniers lors d’ulcères cornéens a fait l’objet de nombreuses études [2, 3, 4, 5, 8, 9, 10, 11]. Le rôle protecteur de l’épithélium cornéen est avant tout d’ordre mécanique : l’abrasion de ses couches les plus superficielles permet la fixation des micro-organismes. Cette abrasion peut être due à des micro-traumatismes oculaires lors des promenades ou à la présence (fréquente dans certaines races) d’un distichiasis, d’un trichiasis, de cils ectopiques, d’une lagophtalmie, d’une sécheresse oculaire, d’une exophtalmie, etc.

Des résistances aux antibiotiques courants

Les bactéries isolées dans cette étude sont résistantes aux antibiotiques les plus couramment utilisés et conseillés en médecine vétérinaire ; ainsi, la gentamicine, les tétracyclines et le chloramphénicol sont généralement inefficaces in vitro et, selon d’autres études, également in vivo [1, 10].

• Les staphylocoques et les streptocoques sont sensibles à la rifampicine, peu utilisée en ophtalmologie vétérinaire, et à l’association amoxicilline et acide clavulanique.

• Pseudomonas aeruginosa est sensible à la tobramycine et aux quinolones.

• Klebsiella sp. et Escherichia coli sont sensibles aux quinolones.

Contrairement aux résultats des études effectuées chez l’homme [2], les associations de germes sont fréquentes lors d’ulcères cornéens. Il convient donc d’administrer en première intention un traitement antibiotique (par exemple une quinolone) par voies locale (collyres, injections sous-conjonctivales) et générale (une quinolone et une céphalosporine), afin d’obtenir la guérison des ulcérations cornéennes infectées. Le recours à une intervention chirurgicale peut, dans certains cas, être salutaire grâce à l’élimination des tissus infectés [2, 8]. L’antibiogramme permet ensuite d’adapter le traitement en fonction de la sensibilité des germes isolés aux antibiotiques [2]. Seuls les ulcères traumatiques récents et avérés ne nécessitent pas de recherche bactériologique. Dans tous les autres cas, une bactériologie est conseillée (PHOTOS 2 et 3). Lors de la contamination d’un ulcère par un streptocoque ou un staphylocoque, une perforation ou une uvéite surviennent parfois. L’œil peut être perdu en quinze jours, voire dans un délai plus court avec une bactérie pyogène.

En l’absence de traitement antibiotique efficace, une aggravation des symptômes peut survenir, avec un risque majeur de perforation de la cornée, suivie d’une perte du globe oculaire. C’est pourquoi il convient de bien choisir l’antibiotique administré en première intention et de vérifier la sensibilité des bactéries impliquées lorsque le traitement ne semble pas efficace.

Remerciements au Laboratoire de biologie vétérinaire, 80, rue Pereire, Saint-Germain-en-Laye, et à Mlle Sophie Lemaire.

  • 1 - Bouhanna L. Vademecum d’ophtalmologie vétérinaire. Éd. Med’com, Paris. 1996 : 143 p.
  • 2 - Bourcier T, Chaumeil C. Infections cornéennes. Diagnostic et traitements. Éd. Elsevier, Paris. 2004 : 39-63.
  • 3 - Brun Y, Bes M. Staphylococcus. In : Précis de bactériologie clinique. Éd. ESKA, Paris. 2000 : 783-834.
  • 4 - Capo C, Mège JL. Mécanismes d’échappement des bactéries pathogènes à la réponse immunitaire. In : Précis de bactériologie clinique. Éd. ESKA, Paris. 2000 : 381-390.
  • 5 - Colin J, Hasle D. Infections. In : L’épithélium cornéen. Société française d’ophtalmologie. Éd. Masson, Paris.1993 : 216-246.
  • 6 - Drancourt M. Klebsiella. In : Précis de bactériologie clinique. Éd. ESKA, Paris. 2000 : 1171-1191.
  • 7 - Euzeby JP, Guérin-Faublée V. Étude de quelques bactéries pathogènes pour le cheval et/ou les carnivores domestiques. In : Précis de bactériologie clinique. Éd. ESKA, Paris. 2000 : 459-500.
  • 8 - Moore CP, Nasisse MP. Clinical microbiology. In : Gelatt KN. Veterinary Ophthalmology. 3rd ed. Lippincott William & Wilkins eds, Philadelphia. 1999 : 259-290.
  • 9 - Pillar CM, Hobden JA. Pseudomonas aeruginosa exotoxin A and keratitis in mice. Invest. Ophthalmol. Vis. Sci. 2002 ; 43(5): 1437-1445.
  • 10 - Puyt JD, Schmidt-Morand D. Vade-mecum d’antibiothérapie. Éd. Med’com, Paris. 2001 : 128-130.
  • 11 - Schlegel L, Bouvet A. Streptococcaceae : Streptoccocus, Abiotrophia, Enterococcus, Lactococcus, Aerococcus et autres germes apparentés. In : Précis de bactériologie clinique. Éd. ESKA, Paris. 2000 : 835-890.
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