Sémiologie des affections de l’œsophage - Le Point Vétérinaire n° 248 du 01/08/2004
Le Point Vétérinaire n° 248 du 01/08/2004

GASTRO-ENTÉROLOGIE CANINE ET FÉLINE

Se former

COURS

Auteur(s) : Patrick Lecoindre

Fonctions : Clinique Vétérinaire des Cerisioz
5, route de St-Symphorien-d’Ozon
69800 Saint-Priest

Les symptômes évocateurs d’une maladie de l’œsophage (régurgitations et dysphagie) ne sont pas spécifiques. Des examens complémentaires (radiographie, endoscopie, etc.) sont nécessaires pour identifier l’affection en cause.

Bien que la physiologie de l’œsophage soit apparemment simple comparativement aux autres segments du tube digestif, puisqu’il a uniquement un rôle de conducteur des aliments de la bouche à l’estomac, ses perturbations organiques ou fonctionnelles sont nombreuses et variées.

Si le tableau clinique est souvent évocateur, le diagnostic de l’affection et surtout, la recherche étiologique, nécessite la mise en œuvre d’investigations instrumentales, radiographiques ou endoscopiques.

Notions d’anatomie et de physiologie de l’œsophage

1. Anatomie

L’œsophage est un conduit musculomembraneux du tube digestif, qui relie le pharynx à l’estomac [1]. Histologiquement, l’œsophage est constitué de quatre couches : l’adventice, la musculeuse, la sous-muqueuse et la muqueuse.

Paroi œsophagienne

• La fine adventice enveloppe la musculeuse. Celle-ci est constituée chez le chien de deux couches obliques de fibres rouges striées sur toute sa longueur, associées à quelques fibres musculaires lisses localisées dont l’incidence sur le péristaltisme est peu marquée [8].

Chez le chat, les deux tiers proximaux de l’œsophage sont constitués de fibres musculaires striées longitudinalement, organisées en spirale, et progressivement remplacées dans la partie caudale par des fibres musculaires lisses circulaires [8]. Le sphincter œsophagien caudal chez le chat est composé exclusivement de fibres lisses et chez le chien de fibres lisses internes et de fibres striées externes.

• La sous-muqueuse contient les glandes à mucus et lie fortement la muqueuse et la couche musculaire dans la partie distale de l’œsophage (musculaire-muqueuse). Le revêtement muqueux, relativement peu élastique, forme des plis longitudinaux proéminents chez le chien. Des plis transverses marqués donnent sur un cliché radiographique ou à l’examen endoscopique un aspect strié caractéristique en “arête de poisson” à la partie thoracique terminale de l’œsophage du chat [2].

La muqueuse a un épithélium squameux stratifié qui contient des ouvertures pour les canaux des glandes à mucus.

• La paroi de l’œsophage diffère donc de celle de l’estomac ou de l’intestin car elle est dépourvue de séreuse [8]. Cette particularité limite les capacités de restauration rapide de l’étanchéité lors d’intervention chirurgicale de l’œsophage. En effet, la présence d’une séreuse permet la formation d’un dépôt de fibrine qui améliore l’étanchéité et favorise la cicatrisation. Les principales complications, lors d’intervention chirurgicale de l’œsophage, sont la conséquence directe de cette particularité anatomique et se traduisent par des déhiscences des sutures et l’apparition de fistules œsophagiennes ou de sténoses.

Innervation de l’œsophage

La connaissance de l’innervation de l’œsophage permet d’expliquer certains troubles moteurs œsophagiens qui peuvent apparaître chez le chien et le chat, mais dont l’étiopathogénie est différente. Le fonctionnement de l’œsophage du chien dépend essentiellement de son innervation extrinsèque. Une atteinte du nerf vague en région cervicale entraîne une perte de motricité dans la partie distale de l’œsophage. Chez le chat, une atteinte dégénérative du système nerveux autonome est responsable de mégaœsophage. Les désordres moteurs constatés lors d’inflammation de l’œsophage confirment également l’importance de l’information sensitive chez ces deux espèces.

• L’innervation des fibres musculaires striées de l’œsophage est assurée par le système somatique (nerf vague) composé de fibres afférentes ou sensitives et de fibres efférentes ou motrices. Le motoneurone central est représenté par le centre de la déglutition, situé dans la partie médiale de la formation réticulée. Les fibres afférentes proviennent du faisceau solitaire (tronc commun à de nombreux récepteurs périphériques) et aboutissent au noyau solitaire qui intervient pour la déglutition, la respiration et la fréquence cardiaque. Des connexions existent entre le centre de la déglutition et le centre de la respiration : la respiration peut en effet être inhibée lors de la déglutition (voir la FIGURE “Arc réflexe lors de la phase de déglutition œsophagienne chez le chien”).

• L’innervation des fibres musculaires lisses (peu représentées chez le chien) est assurée par des fibres parasympathiques et sympathiques. Les fibres parasympathiques proviennent du noyau moteur dorsal du nerf vague dans le tronc cérébral. Le système nerveux autonome a surtout un rôle prépondérant chez le chat [8].

Rapports anatomiques de l’œsophage

Anatomiquement, la partie cervicale de l’œsophage débute dorsalement et caudalement à l’entrée du larynx par le sphincter œsophagien proximal. Elle suit dorsalement la trachée, puis dévie sur sa gauche. L’empreinte trachéale est souvent marquée. La partie thoracique redevient dorsale à la trachée et croise à droite l’arc aortique qui s’y imprime. L’œsophage traverse le diaphragme au niveau du hiatus œsophagien et devient abdominal sur une courte section avant de se terminer par la jonction œsophagogastrique [8] (voir la FIGURE “Morphologie et rapports anatomiques de l’œsophage chez le chat”).

Le sphincter œsophagien proximal (SOP) ou sphincter cricopharyngé est formé par les fibres à disposition circulaire du muscle cricopharyngien, auxquelles s’ajoutent des fibres qui proviennent du muscle thyropharyngien. Un certain nombre de troubles fonctionnels non abordés dans cet article peuvent affecter ce sphincter et entraînent l’apparition de dysphagies qualifiées de cricopharyngées [14].

2. Physiologie

Après avoir longtemps considéré des structures anatomiques comme l’orifice œsophagien du diaphragme, le ligament phréno-œsophagien ou l’angle de His, comme responsables de la continence gastro-œsophagienne [11], le rôle principal de cette fonction physiologique est aujourd’hui attribué au sphincter caudal de l’œsophage (SOC) [17]. Ce sphincter est une barrière de pression générée par une activité contractile permanente, supérieure à la pression intragastrique. Il est en outre le siège de réflexes protecteurs de fermeture lorsque la pression abdominale s’élève brutalement. Sa relaxation intervient lors de la déglutition et de la distension œsophagienne. L’effondrement de la pression se maintient pendant toute la durée du parcours de l’onde péristaltique [12].

Certaines substances ont un effet marqué sur son fonctionnement :

- les molécules préanesthésiques et anesthésiques (acépromazine, atropine, xylazine, diazépam(1)) diminuent l’activité contractile de ce sphincter ;

- le métoclopramide et le cisapride(1) l’augmentent.

• Le segment abdominal de l’œsophage, très court chez le chien et chez le chat, fonctionne comme une valve anti-reflux : une augmentation de la pression intra-abdominale le comprime et s’oppose au reflux gastro-œsophagien. Lors de hernie hiatale, ce mécanisme est aboli.

• Lors de réplétion gastrique, la jonction œsophagogastrique est comprimée et l’insertion de l’œsophage, perpendiculaire à la paroi gastrique lorsque l’estomac est vide, prend un angle aigu. Ce mécanisme s’oppose également au reflux gastro-œsophagien lors d’augmentation de la pression intra-gastrique.

• L’œsophage a exclusivement un rôle de conducteur des aliments de la bouche à l’estomac. Il intervient dans la phase terminale de la déglutition, de façon totalement involontaire et assume une fonction de transport. Aucune activité électrique ni mécanique ne peut être enregistrée à l’état de repos au niveau du corps de l’œsophage [11].

Deux types de contractions propagées assurent la fonction de transport : le péristaltisme primaire et le péristaltisme secondaire, déclenchés respectivement par la déglutition et la distension [17].

Après la phase pharyngée de la déglutition et simultanément à l’ouverture du sphincter œsophagien proximal, une onde péristaltique prend naissance au-dessous de ce sphincter et pousse le bol alimentaire en direction orale-aborale. Ce péristaltisme primaire suppose l’activation successive et coordonnée des muscles de l’œsophage.

Cette onde péristaltique est accompagnée de contractions séquentielles des fibres musculaires striées. Ces ondes péristaltiques secondaires déclenchées à partir de mécanorécepteurs sensibles à la dilatation de l’œsophage apparaissent, contrairement au péristaltisme primaire, crânialement au bolus et propulsent les restes du contenu œsophagien.

Le péristaltime primaire cesse après le passage du bol alimentaire dans l’estomac.

Ces deux types de péristaltisme ne sont pas différentiables lors d’études manométriques. La vitesse de propagation de l’onde péristaltique est plus rapide chez le chien que chez le chat car les fibres musculaires lisses se contractent plus lentement que les fibres musculaires striées (80 à 100 cm/s chez le chien, 1 à 2 cm/s chez le chat pour un bolus liquide).

• Toute anomalie de relaxation des sphincters œsophagiens proximal et caudal ou du péristaltisme œsophagien perturbe la fonction de transport de l’œsophage et entraîne l’apparition de signes cliniques qui caractérisent les maladies de l’œsophage.

Sémiologie clinique des affections de l’œsophage

Les signes cliniques les plus évocateurs d’une maladie de l’œsophage sont des régurgitations et une dysphagie, associées à d’autres symptômes plus ou moins constants : sialorrhée, toux, dyspnée, etc. [9, 12].

1. Les symptômes constants

Dysphagie

Le terme de dysphagie désigne une sensation de gêne ou d’arrêt qui survient lors de la déglutition et traduit l’existence d’une obstruction œsophagienne, d’un trouble moteur, d’une douleur associée à une œsophagite ou à un corps étranger [18, 19]. Il est fréquent de parler de dysphagie œsophagienne par opposition aux autres types de dysphagie (dysphagie orale, pharyngée ou cricopharyngée) [9, 12] (voir la FIGURE “Démarche diagnostique lors de dysphagie”).

Cliniquement, cette dysphagie œsophagienne peut se traduire par des efforts de déglutition (mouvements répétés d’extension et de flexion de l’encolure), mais surtout par une hypersalivation et l’apparition de régurgitations.

Régurgitations

Le terme de régurgitation désigne le rejet spontané ou provoqué, mais sans effort de contractions de l’abdomen, d’aliments mastiqués et enrobés de salive. Ces rejets sont rarement hémorragiques et jamais bilieux.

Ces régurgitations surviennent le plus souvent peu après les repas, mais elles peuvent également être différées dans certaines affections de l’œsophage, en particulier celles qui ont entraîné une dilatation marquée (jabot, méga-œsophage, diverticule) [6, 16, 18, 19]. Dans ce dernier cas, les matières rejetées sont fréquemment glaireuses, en raison de la grande quantité de salive déglutie et peuvent alors être confondues avec des vomissements [10, 15]. Le plus souvent, le pH des régurgitations est basique car les matières rejetées n’ont pas séjourné dans l’estomac. La mesure du pH des aliments expulsés n’est toutefois pas un test fiable pour distinguer vomissements et régurgitations et il convient d’interpréter avec prudence ces observations.

Des vomissements et des régurgitations peuvent apparaître simultanément lors de hernie hiatale, d’intussusception gastro-œsophagienne ou de tumeur infiltrante de l’estomac [6].

2. Les symptômes inconstants

• L’odynophagie (douleur lors de la déglutition) est difficilement objectivable chez l’animal, bien que certaines postures ou mouvements de la tête et de l’encolure avec contraction des muscles du cou suggèrent fortement une douleur déclenchée par la migration du bol alimentaire dans l’œsophage. De réels efforts de déglutition peuvent survenir, surtout lors d’obstruction de l’œsophage en partie cervicale ou thoracique haute. Ils sont dans ce cas souvent associés à un ptyalisme et à des régurgitations teintées de sang [6, 16, 18].

• Le pyrosis (sensation de brûlure), ressenti régulièrement lors d’inflammation œsophagienne chez l’homme, est également difficile à préciser chez le chien et chez le chat.

• Une salivation excessive, toutefois moins marquée que lors d’affection buccale, est une indication de l’existence d’un trouble organique ou fonctionnel de l’œsophage. Dans certains cas d’œsophagite, associée en général à un reflux gastro-œsophagien, l’hypersalivation est le seul symptôme observé [6].

• Des troubles respiratoires peuvent apparaître lors de l’évolution de certaines maladies de l’œsophage. Un reflux gastro-œsophagien peut être responsable de l’apparition d’une toux récidivante consécutive à de micro-inhalations de sécrétions gastriques acides. Une véritable détresse respiratoire qui associe toux, dyspnée, discordance, fièvre et jetage mucopurulent, peut être la conséquence de fausses déglutitions observées chez des animaux atteints de hernie hiatale ou de méga-œsophage [3, 6, 12, 18, 19].

• Une perte de poids marquée, malgré un appétit conservé, voire augmenté, est souvent observée chez les animaux atteints de méga-œsophage ou de sténose.

Une douleur vive lors d’œsophagite sévère ou de tumeur est responsable d’une dysorexie ou d’une anorexie. L’anorexie peut également être observée lors de pneumonie par fausse déglutition.

• L’anamnèse et l’examen clinique de l’animal peuvent fournir des renseignements sur les conditions d’apparition des signes cliniques ou sur l’existence d’autres troubles associés, comme des dysfonctionnements neuromusculaires.

Une évolution aiguë oriente le praticien vers un traumatisme, une ingestion de produit caustique ou une obstruction par un corps étranger. Une évolution subaiguë évoque une affection plutôt de type organique (œsophagite) par opposition à une évolution chronique plus caractéristique d’une affection fonctionnelle (méga-œsophage, sténose cicatricielle).

• Les affections congénitales sont souvent suspectées dès le jeune âge, bien qu’elles apparaissent de façon différée par rapport au sevrage : les troubles ne sont observés qu’à partir du moment où une alimentation solide ou semi-liquide est distribuée. Un retard staturo-pondéral peut être observé chez les jeunes chiots atteints de méga-œsophage [6].

Sémiologie instrumentale

1. Examen radiographique

• Physiologiquement, en dehors des repas, la lumière œsophagienne est virtuelle : les contours d’un œsophage normal ne sont donc pas radiographiquement visibles. En revanche, s’il existe une rétention anormale d’air et/ou de nourriture dans la lumière, ou de l’air anormalement réparti autour de l’œsophage, ses parois deviennent visibles sur le cliché radiographique (pneumomédiastin, méga-œsophage) [2].

• Lors de toute suspicion d’affection œsophagienne, après avoir déterminé si possible la partie de l’œsophage atteinte (œsophage cervical au œsophage thoracique), il convient de réaliser deux clichés sans préparation sous des incidences orthogonales (profil et face) [2, 12]. Pour ces clichés, le centrage peut être différent en fonction du lieu de l’affection suspectée. Lorsqu’il existe un corps étranger radio-opaque, une dilatation marquée de l’organe (généralisée ou segmentaire) ou une tumeur qui a envahi la lumière, un examen radiographique sans préparation est le plus souvent suffisant [16, 18, 19].

• Lors de doute (corps étranger peu radio-opaque par exemple ou dilatation localisée modérée avec une lumière remplie d’aliments), des clichés sont réalisés immédiatement après l’administration d’un produit de contraste. Le choix du produit dépend de l’affection suspectée :

- les produits présentés sous forme de pâte sont opaques aux rayons X et adhèrent à la muqueuse de l’œsophage. Ils permettent de souligner les irrégularités de la muqueuse lors d’inflammation ou d’infiltration tumorale ;

- une suspension de baryum à forte concentration (volume : 80 à 100 % du poids) est souvent utilisée. Ces suspensions, moins adhérentes que les pâtes, sont particulièrement intéressantes lors de lésions intraluminales, qu’elles contournent assez facilement. Mélangées à des aliments, elles sont utilisées lors d’examen sous amplificateur de brillance pour étudier les anomalies de motricité œsophagienne ;

- les solutions iodées non ioniques (iopamidol : Iopamiron®, iohexol : Omnipaque®) ne présentent pas de danger si elles pénètrent accidentellement dans l’arbre respiratoire au cours d’une fausse déglutition et sont particulièrement indiquées lors de suspicion de perforation œsophagienne. Elles sont toutefois plus difficiles à faire avaler en raison de leur goût amer. Elles sont utilisées diluées dans du sérum physiologique afin d’obtenir une concentration d’iode de 60 mg/ml.

• Classiquement, la persistance de produit de contraste (après un laps de temps variable selon les auteurs) est présentée comme anormale. Il convient toutefois de se souvenir que cette persistance est normale chez le chat en raison de l’anatomie particulière de cet organe : un diagnostic d’inflammation œsophagienne, fondé sur la persistance de lignes radio-opaques après l’ingestion d’un produit de contraste, se révèle souvent erroné à l’examen endoscopique de l’œsophage.

Les études radiographiques avec produit de contraste sont intéressantes pour évaluer un déplacement de l’œsophage, une dilatation ou un rétrécissement. Des images par soustraction traduisent un défaut de remplissage de la lumière œsophagienne, associée à une masse pariétale ou à une compression extrinsèque par une masse extrapariétale. Des images par addition sont compatibles avec des pertes de substances lors d’ulcération.

• Quels que soient le cliché réalisé et son indication, un examen soigneux de toutes les structures radiographiquement reconnaissables doit être effectué afin de rechercher d’éventuels signes radiographiques connexes de l’affection œsophagienne suspectée (signes d’œdème ou de bronchopneumonie, présence d’une masse médiastinale, adénopathie).

2. Examen endoscopique

• L’œsophagoscopie est une technique d’investigation instrumentale qui nécessite une anesthésie générale de courte durée. Elle permet d’observer l’aspect de la muqueuse, la taille et le contenu de la lumière et l’aspect du cardia [4, 5, 7, 13] (PHOTO 1). Elle permet également, dans certains cas d’affections inflammatoires ou plus rarement tumorales, d’effectuer des biopsies ou des brossages cytologiques lorsque la lésion entrave le passage de l’endoscope ou lorsque les biopsies sont difficilement réalisables, ce qui est fréquent au niveau de l’œsophage.

• L’exploration de l’œsophage débute par la partie postérieure de l’hypopharynx : l’épiglotte, le cartilage cricoïde, les deux cartilages aryténoïdes et les sinus piriformes droit et gauche sont observés. Les cordes vocales sont facilement repérables à l’entrée du larynx (PHOTO 2).

Un aspect concentrique des plis muqueux forme, en arrière et dorsalement au larynx, le sphincter œsophagien proximal (appelé “bouche de Killian” chez l’homme). La coloration de la muqueuse œsophagienne est à ce niveau rose pâle et la vascularisation est peu visible (PHOTO 3).

Le sphincter œsophagien proximal est aisément franchi en exerçant une pression modérée avec le fibroscope.

• L’œsophage cervical est normalement affaissé et présente des plis longitudinaux parallèles ou “colonnes muqueuses” qui s’effacent à l’insufflation. L’œsophage insufflé apparaît alors comme un tube lisse, uniforme, recouvert d’une muqueuse rose pâle dont la vascularisation, en particulier chez le chat, forme un réseau bien visible (PHOTO 4). L’empreinte trachéale est reconnaissable dans la portion cervicale de l’œsophage du chien et du chat. Il est fréquent d’observer un peu de liquide de stase salivaire.

• La progression de l’endoscope dans l’œsophage cervical et thoracique ne présente pas de difficultés et ne nécessite que de légères inflexions de l’extrémité de l’appareil afin de franchir l’entrée de la poitrine et de rester dans l’axe de la lumière œsophagienne, maintenue béante par des insufflations intermittentes et modérées. Au niveau de l’œsophage thoracique, chez un animal en décubitus latéral, la crosse aortique est bien visible et se distingue facilement des autres reliefs d’origine extrinsèque par son aspect pulsatile.

En position basse, l’œsophage est imprimé de battements réguliers, rythmés, dus à la transmission des contractions du muscle cardiaque. L’endoscope se trouve alors en regard des cinquième et sixième vertèbres thoraciques (T5 - T6).

Chez le chat, l’œsophage distal présente normalement une coloration rose plus sombre et des annelures qui n’existent pas dans l’espèce canine (PHOTO 5). Ces particularités ne doivent pas être confondues avec des signes d’inflammation.

• Au cours d’un examen endoscopique de l’œsophage, le praticien recherche des altérations de la muqueuse (œsophagite, ulcères, néoformation), l’existence de diverticules, de sténose ou au contraire de dilatation diffuse ou segmentaire de l’organe. Une dilatation ou une perte de motricité de l’œsophage doivent toutefois être interprétées avec prudence chez un animal anesthésié car les produits préanesthésiques ou anesthésiques modifient souvent cette motricité. Celle-ci peut être évaluée en observant les ondes péristaltiques déclenchées lors de l’insufflation.

• Quand l’extrémité de l’endoscope arrive au niveau du cardia (situé en regard de la onzième vertèbre thoracique, soit à 40 cm environ des arcades dentaires pour un chien de 20 kg), il est possible d’assister à un prolapsus momentané de la muqueuse gastrique (PHOTO 6). Ce phénomène peut précéder des efforts de vomissements et il est alors conseillé de retirer l’endoscope afin d’éviter de léser la muqueuse.

Le cardia est une zone d’occlusion luminale légèrement décalée de l’axe œsophagien principal et constitué par la convergence de plusieurs plis muqueux. Physiologiquement, le cardia est fermé et continent pendant les mouvements respiratoires, malgré la diminution de tonus du sphincter œsophagien provoquée par les médicaments anesthésiques. La ligne de transition épithéliale œsophagienne, ou ligne dentelée, ou encore ligne “Z”, est située juste en aval du sphincter œsophagien caudal. Cette ligne “Z” est une démarcation anatomohistologique entre la muqueuse œsophagienne pavimenteuse et la muqueuse cylindrique de l’estomac. Il s’agit également d’un repère endoscopique précis, localisé au pôle inférieur de la zone sphinctérienne, qui n’apparaît chez certains sujets qu’au moment où l’endoscope pénètre dans la cavité gastrique.

Une béance passagère du cardia est physiologique et correspond à son ouverture lors des mouvements de déglutition. Une béance prolongée signe généralement des troubles de la motilité œsophagienne et une incontinence du sphincter œsophagien caudal.

Chez certaines races (chow-chow), l’œsophage peut être pigmenté.

3. Examen écho-endoscopique

L’endosonographie consiste à explorer la paroi digestive et son environnement à l’aide d’une sonde échographique introduite dans la lumière digestive. Elle permet l’utilisation d’ultrasons de fréquences élevées (7 à 12 MHz) qui donnent des images de haute définition. Cette technique, peu développée en médecine vétérinaire, a pour principal domaine d’application la cancérologie, est plus particulièrement le bilan d’extension des cancers digestifs et l’exploration des organes périphériques, ce qui est particulièrement intéressant pour l’œsophage et les structures médiastinales, surtout ganglionnaires.

4. Autres examens

• La cinéradiographie [17] (examen de la progression d’un bol alimentaire qui contient un produit de contraste) permet d’analyser le transit œsophagien et de confirmer d’éventuelles anomalies de motricité.

• La vidéofluoroscopie ou la scintigraphie œsophagienne sont des examens de choix pour l’étude fonctionnelle de l’œsophage, mais ne peuvent être réalisés que dans des centres spécialisés. La scintigraphie œsophagienne utilise des marqueurs isotopiques non absorbables et permet une exploration objective du reflux gastro-œsophagien et des troubles moteurs de l’œsophage. Une gammacaméra visualise la totalité de l’œsophage, permet de suivre le transit œsophagien d’un bolus marqué (sulfure de technétium 99 m colloïdal) et de mesurer le temps de transit. Lorsque le bolus de liquide marqué est placé avec une sonde dans l’estomac, l’existence d’un reflux gastro-œsophagien peut être aisément objectivé.

• Des examens pratiqués en médecine humaine ou en médecine expérimentale, comme la manométrie ou la pHmétrie de l’œsophage terminal, ne sont pas utilisables en pratique courante. Il en est de même des investigations électromyographiques.

• Un certain nombre d’examens complémentaires biologiques, électromyographiques ou échographiques, peuvent se révéler utiles pour établir un diagnostic étiologique.

Les symptômes qui caractérisent une atteinte fonctionnelle ou organique de l’œsophage sont dominés par les régurgitations et la dysphagie. Il est essentiel de différencier les régurgitations des vomissements, ce que ne fait pas le propriétaire qui rapporte le plus souvent l’existence de “vomissements”. Ces symptômes ne sont pas spécifiques et il est nécessaire de faire appel aux techniques d’investigations instrumentales qui sont souvent complémentaires et qui permettent dans la majorité des cas d’identifier l’affection en cause.

  • (1) Médicament à usage humain.

Points forts

Contrairement à l’estomac ou à l’intestin, la paroi de l’œsophage est dépourvue de séreuse, ce qui limite ses capacités de restauration rapide de l’étanchéité.

Lors d’intervention chirurgicale de l’œsophage, cette particularité anatomique favorise les complications : déhiscences des sutures, apparition de fistules œsophagiennes ou de sténoses.

Contrairement au chien, la musculeuse de la partie caudale de l’œsophage est majoritairement constituée chez le chat de fibres musculaires lisses, dont la contraction est plus lente que celle des fibres striées. La vitesse de propagation de l’onde péristaltique est donc plus rapide chez le chien que chez le chat.

Chez le chat, la persistance radiographique de lignes radio-opaques après l’ingestion d’un produit de contraste est normale, en raison des spécificités anatomiques chez cette espèce, et révèle rarement une inflammation œsophagienne.

  • 1 - Barone R. Anatomie comparée des mammifères domestiques. Tome III, Fascicule 1 : Appareil digestif, appareil respiratoire. 2e éd. Vigot, Paris. 1984:879p.
  • 2 - Bruyère P. Le diagnostic radiologique des principales affections de l’œsophage chez les carnivores domestiques. Ann. Méd. Vét. 1972;116:331-350.
  • 3 - Dargent F. Manifestations respiratoires du reflux gastro-oesophagien chez le chien. Point Vét. 2003;34(233):44-47.
  • 4 - Lecoindre P, Motin P, Cadoré JL. Aspects actuels de la fibroscopie œsophagienne et gastro-duodénale chez les carnivores domestiques.Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 1990;25:531-542.
  • 5 - Lecoindre P. Endoscopie de l’œsophage. Dans: Atlas d’endoscopie chez les carnivores domestiques. Ed Med’Com. 2001:11-42.
  • 6 - Lecoindre P. Les affections de l’œsophage des carnivores domestiques. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 1994;29:25-43.
  • 7 - Lecoindre P. Endoscopie digestive chez le chat. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 1993;28:371-379.
  • 8 - Lignereux Y. Anatomie digestive des carnivores domestiques. Encyclopédie Vétérinaire. Elsevier, Paris. 1996;50:15p.
  • 9 - Moraillon R. Les troubles de la déglutition. Rec. Méd. Vét. 1982;158:91-100.
  • 10 - Pouchelon JL. les vomissements. Rec. Méd. Vét. 1982;158:101-105.
  • 11 - Ruckbush Y, Bueno L. Physiopathologie digestive chez le chien. Rec. Méd. Vét. 1982;158:21-36.
  • 12 - Strombeck DR. Diseases of swallowing. In: Small Animal gastroenterology. 2nd ed. Stonegate Publishing Co. Davis, California. 1996;140-166.
  • 13 - Sullivan M, Moller A. Endoscopy of the oesophagus and stomach in the dog with persistent regurgitation and vomiting. J. Small Anim. Pract. 1985;26:369-379.
  • 14 - Suter PF, Watrous B. Oropharyngeal dysphagias in the dog: a cinefluorographic analysis of experimentally induced and spontaneously occuring swallowing disorders. Vet. Radiol. 1980;21:24-39.
  • 15 - Twedt DC. Differential diagnosis and therapy of vomiting. Vet. Clin. N. Amer. - Small Anim. Pract. 1983;13:503-520.
  • 16 - Twedt DC. Diseases of the oesophagus. In: Textbook of Veterinary Internal Medicine. 4th edition. (Eds. SJ Ettinger and EC Feldman) WB. Saunders Company, Philadelphia. 1994:1124-1142.
  • 17 - Watrous B, Suter PF. Normal swallowing in the dog : a cineradiographic study. Vet. Radiol. 1979;20:99-109.
  • 18 - Watrous B. Disease of the oesophagus. In: Textbook of Veterinary Internal Medicine. 2nd edition, (Eds. SJ Ettinger and EC Feldman) WB. Saunders Company, Philadelphia. 1983:1191-1233.
  • 19 - Zawie D. Médical Diseases of the Esophagus. Comp. Cont. Educ. Pract. Vet. 1983:825-836.
Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr