L’adénomatose pulmonaire ovine - Le Point Vétérinaire n° 248 du 01/08/2004
Le Point Vétérinaire n° 248 du 01/08/2004

RÉTROVIROSES ONCOGÈNES DES PETITS RUMINANTS

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COURS

Auteur(s) : Michel Pépin*, Christian Vitu**, Stephen Valas***, Gérard Perrin****, Pierre Russo*****, Hans-Rudolf Vogt******, Giuseppe Bertoni*******, Reto Zanoni********, Ernst Peterhans*********

Fonctions :
*Afssa Sophia Antipolis,
105, route des Chappes, BP 111,
06902 Sophia-Antipolis Cedex
**Afssa Sophia Antipolis,
105, route des Chappes, BP 111,
06902 Sophia-Antipolis Cedex
***Afssa Niort,
60 rue de Pied-de-Fond, BP 3081,
79012 Niort Cedex
****Afssa Niort,
60 rue de Pied-de-Fond, BP 3081,
79012 Niort Cedex
*****Afssa Sophia Antipolis,
105, route des Chappes, BP 111,
06902 Sophia-Antipolis Cedex
******Institut de virologie
vétérinaire, Université de Berne,
Laenggass-Str. 122,
CH-3012 Berne (Suisse)
*******Institut de virologie
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CH-3012 Berne (Suisse)
*********Institut de virologie
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Le mouton, et plus rarement la chèvre, peuvent être infectés par un rétrovirus oncogène, responsable d’une maladie tumorale de l’appareil respiratoire : l’adénomatose ou jaagsiekte.

L’adénomatose pulmonaire ovine ou adénocarcinome pulmonaire ovin, aussi appelée jaagsiekte, est due à un bêtarétrovirus oncogène : le JSRV (Jaagsiekte sheep retrovirus).

Ce virus est très proche d’un autre rétrovirus oncogène, le virus de l’adénocarcinome enzootique des sinus, ou ENTV (Enzootic nasal tumor virus). Ces deux virus peuvent infecter la chèvre, mais sont surtout présents chez le mouton.

Étiologie

L’adénomatose pulmonaire, maladie chronique qui affecte principalement le mouton et plus rarement la chèvre, est provoquée par un bêta-rétrovirus, le JSRV.

Isolé au début des années 1980 [42], son implication en tant qu’agent étiologique de l’adénomatose pulmonaire n’a été véritablement démontrée qu’en 1999 [40], compte tenu de l’absence à la fois d’une réponse immunitaire spécifique chez l’hôte et d’un système de culture in vitro, de co-infections fréquentes avec le virus du maedi-visna, et de la présence dans le génome des petits ruminants de séquences rétrovirales endogènes très proches de celles du JSRV.

Ce virus présente un tropisme dominantpour les cellules sécrétrices du tractus respiratoire, les cellules Clara et les pneumocytes de type II, et également pour les cellules du tissu lymphoïde. Son expression est cependant étroitement associée à la fraction des cellules tumorales [39]. Le génome d’une souche JSRV isolée à partir d’un exsudat pulmonaire de mouton atteint d’adénomatose en Afrique-du-Sud a été entièrement séquencé en 1992 [66]. Cette caractérisation a eu des répercussions sur la compréhension de la pathogénie. Le JSRV présente en effet une organisation génomique classique commune aux rétrovirus, mais n’exprime pas d’oncogène capable d’induire la transformation des cellules épithéliales du poumon. Une étude récente a démontré que cette capacité transformante serait portée par la protéine d’enveloppe de JSRV [34], cas unique dans les processus de transformation cellulaire induits à la suite d’infections rétrovirales. L’adénomatose pulmonaire est aujourd’hui l’objet d’un intérêt majeur, en raison des similitudes cliniques et anatomopathologiques avec le carcinome broncho-alvéolaire chez l’homme, dont l’étiologie demeure inconnue.

Mode de transmission

La transmission du JSRV se fait horizontalement par les voies respiratoire et digestive. Le virus est présent dans les sécrétions bronchiques abondantes rejetées par l’animal atteint d’adénomatose pulmonaire.

Symptômes

Les signes prédominants de l’adénomatose pulmonaire sont des symptômes respiratoires associés à un amaigrissement progressif [19, 64]. Les premiers symptômes de la maladie sont une augmentation de la fréquence respiratoire avec des signes d’expiration forcée (dilatation des naseaux).

Dans les stades plus avancés, un liquide visqueux abondant est rejeté par les naseaux, surtout si l’arrière-train de la brebis malade est soulevé (PHOTO 1). La perte de poids, systématique, et l’absence de fièvre sont caractéristiques de la maladie, sauf lors de complications par des infections secondaires (voir l’ENCADRÉ “L’avis du praticien”).

L’adénomatose et le maedi-visna peuvent être présents chez le même animal contribuant à l’aggravation des deux maladies [33, 50].

Diagnostic

Il n’existe pas encore, à ce jour, de méthode sérologique fiable pour l’adénomatose pulmonaire. L’absence d’anticorps détectables fait l’objet de controverses. Elle pourrait être due à l’absence de techniques adaptées, mais aussi à la présence des séquences endogènes qui induisent un état de tolérance chez l’animal infecté, à l’origine de l’absence de réponse immunitaire.

Le diagnostic clinique de l’adénomatose pulmonaire (jetage nasal abondant) doit être confirmé par l’histopathologie. L’examen des lésions macroscopiques (PHOTO 2), très utile dans le diagnostic différentiel des pneumopathies chroniques, ne permet en effet pas toujours de différencier l’adénomatose pulmonaire ovine du maedi-visna (infection souvent surajoutée).

L’adénomatose pulmonaire ovine, fréquemment associée au maedi-visna, peut occasionner des pertes économiques importantes dans les régions infectées. Dû à un virus très voisin, l’adénocarcinome enzootique est plus rare, mais peut toutefois poser de réels problèmes dans certains troupeaux de brebis laitières.

L’avis du praticien

L’adénomatose pulmonaire est un carcinome pulmonaire contagieux, beaucoup moins fréquent que le maedi-visna.

Il n’existe pas de diagnostic sérologique. Le diagnostic se fait uniquement par examen des lésions pulmonaires (tumeur pulmonaire lardacée volumineuse avec confirmation par l’histopathologie en cas de doute).

Cliniquement, la maladie évolue comme le visnamaedi (brebis « souffleuses » qui maigrissent et meurent en quelques semaines). Seule la présence d’écoulement nasal liquide lorsque le train postérieur de l’animal est soulevé, permet parfois de faire un diagnostic différentiel du vivant de l’animal.

Les seuls conseils à donner à l’éleveur sont la réforme des animaux dès les premiers signes de la maladie et l’amélioration de l’ambiance en bergerie.

L’adénocarcinome enzootique des sinus, ou « adénocarcinome de la pituitaire », est une rhinite cancéreuse contagieuse peu fréquente. Cette affection a été décrite sur certaines chèvres. Peu de races ovines sont touchées. Cependant, elle pose un vrai problème sur certains troupeaux Lacaune du bassin de Roquefort.

Cette maladie apparaît toujours après l’introduction d’un animal porteur inapparent ou en incubation (très souvent un bélier). Elle s’installe dans le troupeau où elle va évoluer pendant de nombreuses années.

Une forme sporadique avec un à moins de cinq cas par an et une forme « pseudo-enzootique » dans laquelle jusqu’à 10 % de l’effectif peut être touché annuellement sont observées.

Dans ces cas, quelques brebis âgées (quatre à six ans) sont atteintes au début. Au bout de deux à trois ans, des agnelles de dix à douze mois peuvent être touchées chaque année (signe d’aggravation). Puis la maladie régresse avec 1 à 2 % de prévalence annuelle.

Parmi les facteurs prédisposants, les œstres ont été incriminés en raison de leur action spoliatrice et irritante, mais ils agiraient surtout par l’induction d’une immunodépression locale.

Le premier symptôme est un écoulement nasal clair uni ou bilatéral, parfois sanguinolent. L’écoulement est permanent, de plus en plus abondant, il goutte et lave littéralement le museau. Les animaux respirent par la bouche avec un bruit de gène respiratoire. Dans quelques rares cas, la tumeur peut déformer la face au-dessus des orbites. Les animaux maigrissent et meurent en quelques semaines (voir le TABLEAU “Diagnostic différentiel de l’adénocarcinome enzootique des sinus”).

Par Jean-Louis Poncelet, 12400 Saint-Affrique.

À lire également

- Pépin M, Vitu C, Valas S et coll. Les infections à virus lents : maedi-visna et AECV.Point Vét. 2003;34(241):24-28.

Remerciements :

Luis Miguel Ferrer Mayayo (Faculté vétérinaire de Saragosse, Espagne).

  • 19 - Écochard D, Cordier G, Greenland T, Patet J, Cadoré JL, Guiguen F, Crevon J, Loire R, mornex JF. Ovine progressive pneumonia - clinical aspects and pathogenesis. Science et Techniques des Animaux de Laboratoire 1990;15:83-87.
  • 33 - Lujan L, Marin JFG, Deluco DF, Vargas A, Badiola JJ. Pathological changes in the lungs and mammary glands of sheep and their relationship with maedi-visna infection. Vet. Rec. 1991;129:51-54.
  • 34 - Maeda N, Palmarini M, Murgai C, Fan H. Direct transformation of rodent fibroblasts by jaagsiekte sheep retrovirus DNA. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America 2001;98:4449-4454.
  • 39 - Palmarini M, Dewar P, De Las HM, Inglis NF, Dalziel RG, Sharp JM. Epithelial tumour cells in the lungs of sheep with pulmonary adenomatosis are major sites of replication for Jaagsiekte retrovirus. Journal of General Virology 1995;76(Pt 11):2731-2737.
  • 40 - Palmarini M, Sharp JM, De Las HM, Fan H. Jaagsiekte sheep retrovirus is necessary and sufficient to induce a contagious lung cancer in sheep. Journal of Virology 1999;73:6964-6972.
  • 42 - Payne AL, Verwoerd DW, Garnett HM. The morphology and morphogenesis of jaagsiekte retrovirus (JSRV). Onderstepoort Journal of Veterinary Research 1983;50:317-322.
  • 50 - Pritchard GC, Done SH. Concurrent maedi-visna virus infection and pulmonary adenomatosis in a commercial breeding flock in East-Anglia. Vet. Rec. 1990;127:197-200.
  • 51 - Rosadio RH, Lairmore MD, Russel HI, Demartini JC. Retrovirus-associated ovine pulmonary carcinoma (sheep pulmonary adenomatosis) and lymphoid interstitial pneumonia. I. Lesion development and age susceptibility. Veterinary Pathology 1988;25:475-483.
  • 64 - Verwoerd DW. Jaagsiekte (ovine pulmonary adenomatosis) virus. In : Virus Infections of Ruminants. Amsterdam, Oxford,New York,Tokyo, Elsevier Science Publishers B.V. 1990:453-463.
  • 66 - York DF, Vigne R, Verwoerd DW, Quérat G. Nucleotide sequence of the Jaagsiekte retrovirus, an exogenous and endogenous type-D and type-B retrovirus of sheep and goats. Journal of Virology 1992;66:4930-4939.
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