Dépistage de la polykystose rénale chez le chat persan - Le Point Vétérinaire n° 248 du 01/08/2004
Le Point Vétérinaire n° 248 du 01/08/2004

ÉCHOGRAPHIE FÉLINE

Pratiquer

IMAGERIE

Auteur(s) : Françoise Roux*, Jack-Yves Deschamps**

Fonctions :
*Service d’urgences
**Service de médecine,
École nationale vétérinaire de Nantes
Atlanpôle-La Chantrerie
BP 40706,
44307 NANTES Cedex 3

En attendant un dépistage ADN, l’échographie est l’examen de choix pour dépister la polykystose rénale, affection génétique majeure des chats persans et exotic shorthairs.

La polykystose rénale (PKD) est une maladie décrite chez l’homme et chez certaines races de chats (voir l’ENCADRÉ “La polykystose rénale humaine”). En raison de son origine génétique, une éradication est possible chez l’animal. Elle nécessite un dépistage systématique des signes échographiques de l’atteinte rénale.

Une colonie de chats persans et de chats exotic shorthairs atteints de PKD est élevée au Collège de médecine vétérinaire de l’état du Kansas (États-Unis) [4]. À partir de celle-ci, un gène responsable de la PKD du chat vient d’être découvert par des généticiens de l’Université de Davis (Californie, États-Unis) (voir l’ENCADRÉ “Vers un dépistage génétique”).

Génétique et expression clinique

Chez le chat comme chez l’homme, tous les kystes rénaux ne sont pas héréditaires.

Dans les formes acquises, les kystes sont le plus souvent unilatéraux. Dans la forme héréditaire, les kystes sont toujours bilatéraux et au moins un des deux parents est atteint.

Chez le chat, la transmission s’effectuerait selon un mode autosomal dominant. Les homozygotes (deux allèles atteints) seraient non viables. Les chats atteints seraient donc tous hétérozygotes (un allèle sain et un allèle atteint) [4]. Par conséquent, le croisement de deux chats négatifs (homozygotes) ne donne que des chats indemnes. Le croisement d’un chat sain (homozygote) avec un chat atteint (hétérozygote) donne statistiquement la moitié de chats indemnes et la moitié de chats atteints (PHOTO 1). Le croisement de deux chats atteints (hétérozygotes) donne statiquement 75 % de chats atteints et 25 % de chats indemnes. Parmi les chats atteints, un tiers est homozygote, donc non viable. Le croisement idéal est évidemment celui de deux chats indemnes. Si, pour des raisons exceptionnelles ayant trait à la conservation d’une lignée ou d’une couleur, un éleveur souhaite faire reproduire un chat atteint, il doit l’accoupler avec un chat indemne. Il obtient alors statistiquement 50 % de chats indemnes et 50 % de chats atteints. La portée entière doit alors être conservée jusqu’à l’âge de dix mois en attente du dépistage.

Il est conseillé aux éleveurs de faire dépister tous leurs reproducteurs, y compris ceux nés chez eux et ceux issus de parents déclarés indemnes. En effet, une erreur de dépistage conduisant à déclarer à tort un sujet comme indemne pourrait être très préjudiciable à la pérennité de l’élevage.

Le dépistage est effectué à l’aide d’une échographie des deux reins.

1. Réalisation de l’échographie

Matériel

L’examen échographique doit être réalisé à l’aide d’un échographe de qualité, qui possède un fort pouvoir de résolution latérale et en profondeur. L’utilisation de sondes électroniques est recommandée en raison de la qualité supérieure des images obtenues et du fort pouvoir de résolutions axiale et latérale associé à ce type de matériel. L’emploi de sondes mécaniques est toutefois possible.

Une étude récente compare l’aptitude de différents échographes à distinguer des lésions kystiques “fantômes” (de faux kystes parfaitement calibrés et d’espacement connu, incrustés dans une gélose) à l’aide d’une sonde de 7,5 MHz [9].

Les meilleures images sont obtenues avec les échographes les plus performants, particulièrement pour la visualisation des kystes de très petites tailles, inférieures à 2 mm. En toute logique, quel que soit le matériel, les kystes de 4 mm sont beaucoup plus faciles à diagnostiquer que les kystes de 2 mm. La qualité de diagnostic est optimale à une profondeur d’exploration comprise entre 1 et 4 cm. Elle est beaucoup moins performante avec une profondeur d’exploration comprise entre 0 et 1 cm ou supérieure à 4 cm.

L’emploi de sonde de haute fréquence (7,5 MHz ou plus) est obligatoire pour dépister des kystes rénaux.

Position de l’animal et abord échographique

Les chats persans et exotic shorthairs objets du dépistage sont souvent des animaux de valeur qui participent à des expositions félines. Il est donc préférable de ne pas les tondre, même si la qualité des images s’en trouve parfois diminuée (PHOTO 2).

Le chat est placé en décubitus latéral sur un coussin de mousse sans rebord. Le rein est ensuite palpé, les poils situés en regard du rein sont écartés et de l’alcool est aspergé abondamment sur cette région afin de faire disparaître l’air entre les poils (PHOTO 3).

L’échographie est alors réalisée de manière classique à l’aide de gel. L’abord latéral permet d’obtenir un accès direct au rein sans pâtir de l’atténuation des échos par des organes interposés entre le rein et la sonde (PHOTO 4). Seule la peau s’interpose entre le rein et la sonde, ce qui permet de visualiser le rein dans la fourchette de détection optimale, entre 1 et 4 cm de profondeur.

Obtention des images

Les deux reins sont soigneusement examinés selon des coupes transversales (PHOTO 5), longitudinales (PHOTO 6) et sagittales, en balayant tout le parenchyme rénal.

Une attention particulière est portée à l’examen du cortex rénal, siège préférentiel des kystes.

Il est nécessaire d’obtenir des coupes très tangentielles au rein, sur lesquelles la médulla disparaît au profit du cortex rénal, et qui permettent d’inspecter l’ensemble de ce dernier (PHOTO 7).

Âge au moment de l’examen

Avec une sonde de haute fréquence, 7,5 MHz ou plus, la sensibilité du diagnostic est de 75 % à l’âge de quatre mois et de 91 % à l’âge de neuf mois [4].

À partir de l’âge de dix mois, l’échographie est sensible à 95 % [6]. En effet, même si le mécanisme n’est pas encore parfaitement connu, la forme de PKD féline ressemble à l’APKD humaine (polykystose rénale à détermination génétique transmise sur un mode autosamal dominant), dans laquelle les kystes apparaissent chez le jeune adulte.

En pratique, il est conseillé de dépister les reproducteurs à l’âge de dix mois. Le dépistage peut être entrepris chez des chatons plus jeunes, mais le risque de faux négatifs augmente. En revanche, il n’y a pas de faux positifs avec un dépistage de qualité.

Interprétation des images

Les kystes sont essentiellement corticaux et se présentent sous la forme de plages sphériques anéchogènes (PHOTO 8). La présence de nombreux kystes s’accompagne d’une disparition de la jonction cortico-médullaire et d’une augmentation de la taille du rein [12].

Parfois, les kystes sont remplis de débris nécrotiques d’échogénicité variable (PHOTO 9). La taille des kystes détectables dépend du pouvoir de résolution de l’échographe, de la qualité des sondes et de la profondeur d’exploration. En pratique, toute zone corticale sphérique anéchogène de plus de 2 mm est un kyste.

Le plus souvent, il n’existe pas un kyste unique sur un seul rein mais plusieurs kystes sur chaque rein. En cas de kyste unique de très petite taille, il est opportun de recommencer l’examen quelques mois plus tard.

Attestation

Aucune condition particulière n’est requise pour qu’un vétérinaire puisse attester du caractère indemne ou non d’un animal. Toutefois, de plus en plus d’éleveurs exigent que le praticien qui effectue le dépistage soit reconnu compétent en échographie. Cette notion reste vague pour l’instant en l’absence de “dépisteur officiel” et en l’absence de titre de spécialiste français en échographie vétérinaire.

Le praticien fournit au propriétaire une attestation qui accompagne les images échographiques. Sur ce document à l’en-tête du vétérinaire sont mentionnés la date d’examen, les coordonnées complètes du chat examiné (nom, affixe, date de naissance, n° d’identification) et le caractère indemne ou non de l’animal le jour de l’examen.

Prévalence de l’affection

La seule étude publiée sur la prévalence de la polykystose rénale chez le chat persan en France est issue d’une collaboration entre Paul Barthez (ENV Lyon) et Dominique Begon (ENV Alfort) [1]. Cette étude porte sur trois cent-dix chats dépistés dont deux cent-vingt chats persans, soixante-quatre chats exotic shorthairs et vingt-six chats de races diverses. La prévalence de la PKD est de 41,8 % chez le chat persan et de 39,1 % chez le chat exotic shorthair. La prévalence est nulle dans les autres races. Il n’y a pas de différence significative entre le mâle et la femelle. Dans d’autres pays (Australie, Royaume-uni, Pays-Bas, États-Unis), la prévalence des sujets atteints n’est pas différente de celle observée en France [1, 2, 6, 8]. Dans une étude allemande, la prévalence n’est que de 25 %, ce qui est nettement inférieur aux autres pays [11].

Actions juridiques possibles

La vente de chats est actuellement régie par le Code rural qui établit une liste limitative de maladies pouvant donner lieu à une action en garantie. La polykystose rénale n’est pas énumérée dans la liste des vices rédhibitoires du chat qui peuvent donner lieu à une action en garantie (article 284 et suivants du Code rural). En conséquence, aucune action en rédhibition n’est théoriquement possible pour cette maladie [7].

Toutefois, “les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites” (article 1134 du Code civil), un acheteur peut donc, convenir avec le vendeur que la polykystose rénale soit considérée comme un vice caché pouvant faire l’objet d’une action en garantie (article 1641 et suivant du Code civil) (voir l’ENCADRÉ “Exemple d’avenant au contrat de vente”). La jurisprudence actuelle ne reconnaît plus aussi systématiquement qu’autrefois l’existence d’une garantie conventionnelle tacite. En conséquence, il est préférable de mentionner par écrit, sur le contrat de vente, que la polykystose rénale pourra faire l’objet d’une action en rédhibition. Une telle mention incitera le vendeur à accepter un accord amiable sans passer par les tribunaux.

Avec une prévalence d’environ 40 %, la polykystose rénale est une affection majeure chez les chats persan et exotic shorthair. Un dépistage est nécessaire avant d’envisager son éradication. Ce dépistage est relativement facile par échographie. En l’absence de mesures obligatoires, c’est sur le professionnalisme des éleveurs que reposent le dépistage et l’éradication de cette affection.

La polykystose rénale humaine

La polykystose rénale, ou PKD, de l’anglais “Polycystic Kidney Disease”, est une maladie héréditaire qui affecte plus de douze millions d’êtres humains dans le monde [3]. Les personnes atteintes de PKD présentent de larges kystes rénaux et développent une insuffisance rénale à l’âge adulte. Des kystes hépatiques ou pancréatiques sont parfois associés.

Chez l’homme, deux formes cliniques de PKD sont décrites.

La première, fréquente, à mode de transmission autosomal dominant, appelée ADPKD pour “Autosomal Dominant PKD”, apparaît chez l’adulte [5]. La seconde, plus rare, à transmission autosomale récessive, appelée ARPKD pour “Autosomal Récessive PKD”, survient chez l’enfant [13].

Deux gènes sont impliqués dans l’ADPKD : PKD1 et PKD2, à l’origine de protéines anormales (polycystine1 et polycystine 2), responsables des kystes. Des travaux sont en cours pour proposer un test de dépistage à partir de l’ADN des patients appartenant à des familles à risque [10].

Points forts

Pour le dépistage échographique de la PKD, il est préférable de ne pas tondre les chats persans et exotic shortairs car ce sont souvent des animaux de valeurs qui participent à des expositions félines.

Le cortex rénal est le site préférentiel des kystes.

À l’échographie, les kystes se présentent sous la forme de structures sphériques anéchogènes à paroi fine.

Les coupes échographiques très tangentielles au rein permettent d’inspecter l’ensemble du cortex rénal.

À partir de l’âge de dix mois, l’échographie est sensible à 95 % pour le dépistage de la polykystose rénale.

La polykystose rénale n’est pas un vice rédhibitoire.

Le dépistage de la PKD n’est pas obligatoire.

Vers un dépistage génétique

Depuis la découverte du gène de la polykystose rénale par l’équipe du Dr Lyons aux États-Unis, un dépistage ADN de la PKD chez le chat est envisageable. Un test devrait être disponible fin 2004 [Lyons L, communication personnelle. 2004]. Il suffira de prélever 5 ml de sang sur un tube hépariné et d’envoyer en “express” le plasma à :

Leslie A. Lyons, PhD, National Cancer Institute, Frederick Cancer Research and Development Center, Laboratory of Genomic Diversity, Building 560, Room 11-10, Frederick, MD 21702-1201, USA.

À lire également

a - Lorien-Cats. Établissement d’un avenant au contrat de vente In: http ://www.lorien-cats.com/ lorien-html-fr/contrat.htm, ed. 2004.

Exemple d’avenant au contrat de vente

L’éleveur garantit fournir un chaton dont les parents ont été dépistés négatifs pour la polykystose rénale : absence de kystes rénaux lors d’une échographie effectuée par un vétérinaire compétent en échographie, sur les reproducteurs après l’âge de dix mois. Les copies de cette attestation sont remises à l’acheteur.

Si le chat vendu est dépisté “positif PKD” à la suite d’une échographie réalisée après l’âge de dix mois et avant l’âge de deux ans, par un vétérinaire compétent en échographie, l’éleveur s’engage à rembourser intégralement le prix d’achat du chat, sur présentation de l’échographie et du rapport du praticien l’ayant effectuée. L’acheteur doit alors restituer l’animal, testé FelV-FIV négatif, dans un délai d’un mois suivant l’échographie. Les frais de livraison et de dépistage sont à la charge de l’acheteur.

Si l’acheteur désire pour des raisons affectives garder l’animal, il doit fournir un certificat vétérinaire de stérilisation mentionnant le nom et numéro d’identification de l’animal. Il doit faire stériliser l’animal dans le mois suivant l’échographie positive. S’il ne présente pas ce document ou si ce document est non conforme, l’acheteur dégage le vendeur de son obligation de rembourser le chat. Si l’acheteur fournit ce document, il est entièrement remboursé et peut garder l’animal.

Un changement de propriétaire annule la garantie.

D’après [a].

  • 1 - Barthez PY, Rivier P, Begon D. Prevalence of polycystic kidney disease in Persian and Persian related cats in France. J. Feline Med. Surg. 2003;5:345-347.
  • 2 - Barrs VR, Gunew M, Foster SF et coll. Prevalence of autosomal dominant polycystic kidney disease in Persian cats and related-breeds in Sydney and Brisbane. Aust. Vet. J. 2001;79:257-259.
  • 3 - Bear JC. ADPKD: practical implications of population genetics. Contrib. Nephrol. 1995;115:20-27.
  • 4 - Biller DS, DiBartola SP, Eaton KA et coll. Inheritance of polycystic kidney disease in Persian cats. Journal of Heredity. 1996;87:1-5.
  • 5 - Bogdanova N, Markoff A, Horst J. Autosomal dominant polycystic kidney disease - clinical and genetic aspects. Kidney Blood Press Res. 2002;25:265-283.
  • 6 - Cannon MJ, MacKay AD, Barr FJ et coll. Prevalence of polycystic kidney disease in Persian cats in the United Kingdom. Vet. Rec. 2001;149:409-411.
  • 7 - Deschamps JY, Deschamps C. Vices cachés - vices rédhibitoires en matière de vente de chiens. Point Vét. 2000;206:23-30.
  • 8 - Hoppe A, Hansson K. Polycystic kidney disease in Persian cats. Svensk Veterinartidning. 1998;50:309-311.
  • 9 - McEvoy FJ, Koch J, Pedersen KM et coll. Accuracy of diagnostic ultrasound for detection of cystic lesions : determination using receiver operating characteristic curve analysis of findings in phantom studies. Vet. Radiol. Ultrasound. 2003;44:443-449.
  • 10 - Merta M, Stekrova J, Zidovska J et coll. DNA diagnosis and clinical manifestations of autosomal dominant polycystic kidney disease. Folia Biol. (Praha). 1997;43:201-204.
  • 11 - Meyer-Lindenberg A, Janthur M, Sommer B et coll. Investigations on polycystic kidney disease in Persian cats. Praktische Tierarzt. 1998;79(12):1122-1136.
  • 12 - Reichle JK, DiBartola SP, Leveille R. Renal ultrasonographic and computed tomographic appearance, volume, and function of cats with autosomal dominant polycystic kidney disease. Vet. Radiol. Ultrasound. 2002;43:368-373.
  • 13 - Ward CJ, Hogan MC, Rossetti S, et coll. The gene mutated in autosomal recessive polycystic kidney disease encodes a large, receptor-like protein. Nature Genetics. 2002;30:259-269.
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