La parésie et la paralysie laryngées chez le chien - Le Point Vétérinaire n° 247 du 01/07/2004
Le Point Vétérinaire n° 247 du 01/07/2004

OTO-RHINO-LARYNGOLOGIE CANINE

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EN QUESTIONS-RÉPONSES

Auteur(s) : Constant Lecœur*, Éric Monnet**

Fonctions :
*5, villa Poirier
75015 Paris
**Service de chirurgie
Université d’État du Colorado
College of Veterinary Medicine
Colorado State University
Fort Collins, Colorado 80523

La paralysie laryngée peut nécessiter une oxygénation en urgence. Diagnostiquée par laryngoscopie, elle est corrigée par latéralisation chirurgicale du cartilage aryténoïdien.

La parésie et la paralysie laryngées sont respectivement un défaut partiel et un défaut total d’abduction des cartilages aryténoïdiens et des cordes vocales pendant l’inspiration qui entraînent une obstruction mécanique des voies respiratoires supérieures.

Quelles sont les causes de paralysie laryngée ?

La paralysie laryngée est provoquée par l’interruption de l’innervation motrice du principal muscle abducteur du larynx : le muscle crico-aryténoïdien dorsal. Elle serait due également à un dysfonctionnement primaire ou à une fibrose des muscles laryngés.

• Plusieurs nerfs contribuent à l’innervation des muscles intrinsèques du larynx. Le nerf vague est à l’origine de l’innervation motrice de tous les muscles laryngés intrinsèques par l’intermédiaire des nerfs laryngés crâniaux et caudaux. Le nerf laryngé crânial assure l’innervation du muscle crico-thyroïdien. Le nerf laryngé caudal est une ramification thoracique du nerf vague qui se poursuit crânialement par le nerf laryngé récurrent. Ce dernier assure l’innervation motrice des muscles abducteurs et adducteurs du larynx à l’exception du muscle crico-thyroïdien (voir la FIGURE “Anatomie du larynx, vue latérale”).

• Le muscle crico-aryténoïdien dorsal, responsable de l’abduction des cartilages aryténoïdiens et des cordes vocales, est le principal muscle laryngé qui permet la dilatation du larynx lors de l’inspiration. Son atrophie provoque l’affaissement du cartilage aryténoïdien dans la lumière du larynx et le rapprochement des cordes vocales, ce qui a pour effet d’entraîner une vibration à l’inspiration, surtout en cours d’effort, et une insuffisance respiratoire.

Quelles sont les races prédisposées à cette affection ?

Les études américaines rapportent une prédisposition chez les races de grand format ; le labrador, le golden retriever, le setter anglais, le rottweiler, le siberian husky et le saint-Bernard semblent prédisposés [1, 5, 8]. Une étude néo-zélandaise cite également le labrador et le rottweiler parmi les races prédisposées [1]. Les Hollandais et les Britanniques décrivent respectivement cette affection chez le bouvier des Flandres et le bulldog anglais [12].

Quels sont les deux types de paralysie laryngée ?

La paralysie laryngée est congénitale ou acquise. La forme congénitale est décrite chez le bouvier des Flandres et le siberian husky. Cependant, la forme acquise représente plus de 80 % des cas [8].

Un traumatisme accidentel ou chirurgical au niveau cervical ou en partie crâniale du thorax peut entraîner une lésion du nerf vague et du nerf laryngé récurrent. Une masse cervicale ou intrathoracique peut léser ou comprimer les nerfs qui innervent le larynx [8]. Les processus néoplasiques primaires ou métastatiques qui affectent le larynx ou les nerfs qui innervent celui-ci peuvent avoir pour conséquence une paralysie laryngée.

Certaines polyneuropathies telles que la myasthenia gravis ou des polymyopathies ont été décrites comme des causes de paralysie laryngée. L’intervention d’un hypothyroïdisme dans les neuropathies du nerf laryngé récurrent a été évoquée [6].

La forme la plus commune de parésie ou de paralysie laryngée acquise est cependant idiopathique. Elle est rencontrée le plus souvent chez le chien de grand format à l’âge adulte (en particulier chez le labrador retriever et le golden retriever, le setter anglais, le rottweiler et le saint-bernard) [8].

Comment diagnostiquer une paralysie laryngée ?

• Certains signes cliniques permettent de suspecter une parésie ou une paralysie laryngée : un changement progressif de la voix, une intolérance à l’exercice, un sifflement inspiratoire accentué à l’exercice, une toux postprandiale, une dyspnée inspiratoire et, dans les cas avancés, une insuffisance respiratoire et un collapsus qui se déclenchent fréquemment lors de fortes chaleurs [10, 12].

• En pratique courante, le diagnostic repose sur la laryngoscopie qui confirme un défaut d’abduction des cartilages aryténoïdiens et des cordes vocales [10]. Toutefois, l’électromyographie des muscles laryngés peut mettre en évidence des potentiels de dénervation et l’histologie des muscles laryngés permet d’identifier l’atrophie de dénervation [10].

Une étude a montré 100 % de corrélation entre l’électromyographie et la laryngoscopie [10]. La biopsie est difficile à effectuer en pratique. La plupart des cliniciens établissent le diagnostic en évaluant le défaut de mobilité des cartilages aryténoïdes par laryngoscopie sous anesthésie peu profonde.

Quelles sont les modifications laryngoscopiques observées ?

• La profondeur de l’anesthésie est un facteur important pour l’évaluation laryngoscopique de la parésie ou de la paralysie laryngée. Un animal normal ne présente pas de mouvements laryngés lorsqu’il est sous anesthésie profonde. C’est pourquoi l’induction anesthésique doit être peu profonde, afin d’observer ces mouvements. La profondeur d’anesthésie appropriée est obtenue grâce à l’injection par bolus successifs de propofol (Rapinovet®) ou de thiopental sodique (Nesdonal®), en utilisant la moitié de la dose administrée habituellement pour induire une anesthésie. Lors d’anesthésie trop profonde, le doxapram (Dopram®) peut être administré par voie intraveineuse ou intranasale, afin de déclencher les réflexes laryngés et d’observer l’abduction des aryténoïdes.

• Une diminution de l’abduction normale de l’un ou des deux cartilages aryténoïdiens et des cordes vocales est observée pendant l’inspiration (voir la FIGURE “Mouvements laryngés lors de l’inspiration, vue dorsale” et PHOTO 1) [10, 12]. Une inflammation et un œdème de la muqueuse des aryténoïdes et de la glotte sont également souvent notés (PHOTO 2).

Quels sont les examens à pratiquer avant la chirurgie ?

Avant d’envisager une intervention chirurgicale, une palpation du cou, un examen neurologique approfondi et une radiographie thoracique sont réalisés afin d’éliminer tout processus néoplasique et d’éventuelles polyneuropathies ou myopathies. De nombreux chiens atteints de paralysie laryngée idiopathique présentent un abattement généralisé. La fonction thyroïdienne doit être évaluée par le dosage de T4 et de TSH ou par un test de stimulation, sachant que l’hypothyroïdie est fréquemment associée à des polyneuropathies. Lors de suspicion de myasthenia gravis (fatigue après l’effort), le dosage des anticorps antirécepteurs à l’acétylcholine peut être réalisé.

Il semble en outre que ces affections soient fréquemment associées à des infections bactériennes laryngées (cultures positives).

Quels sont les traitements d’urgence (détresse respiratoire) ?

S’il présente une détresse respiratoire, le chien reçoit une sédation légère (acépromazine, Vétranquil®, 0,03 mg/kg par voie intraveineuse ou sous-cutanée) de façon à diminuer la fréquence respiratoire et à augmenter le temps inspiratoire. Une administration d’oxygène est réalisée à l’aide d’un masque ou d’une cage à oxygène si possible (la sonde intranasale d’administration d’oxygène est à éviter en première intention, pour prévenir le stress de l’animal en détresse respiratoire). Des glucocorticoïdes peuvent être injectés à dose anti-inflammatoire (dexaméthasone, Dexadreson®, 0,1 mg/kg par exemple) de façon à diminuer l’inflammation et l’œdème laryngés. Si l’animal est en hyperthermie, son refroidissement peut aider la réanimation (pièce froide ou pulvérisation d’eau froide).

S’il ne répond pas à ces mesures ou si la détresse respiratoire est grave (cyanose), il est anesthésié et intubé. Dans la mesure du possible, la paralysie laryngée est alors corrigée immédiatement. À défaut, une sonde de trachéostomie est placée provisoirement.

Quelles sont les différentes techniques chirurgicales ?

Chronologiquement, les techniques chirurgicales mises au point pour traiter la paralysie laryngée lors d’insuffisance respiratoire sont la laryngectomie partielle et la ventriculocordectomie, la technique par laryngofissure et la latéralisation du cartilage aryténoïde [5, 10, 12]. Une trachéostomie permanente peut également être envisagée.

• La technique de laryngectomie partielle et de ventriculocordectomie consiste en la résection d’une ou des deux cordes vocales et des tubercules corniculés et cunéiformes du cartilage aryténoïde [5, 9]. Cette méthode n’est plus d’actualité. Les chiens traités par laryngectomie partielle et ventriculocordectomie présentent de nombreuses complications : plus de la moitié d’entre eux sont atteints de pneumonie par aspiration et plus d’un tiers des chiens développent une membrane de fibrose laryngée, ce qui nécessite une seconde intervention [5, 9].

• La technique de laryngofissure consiste à inciser le cartilage thyroïdien de façon asymétrique. Celui-ci est ensuite repositionné de façon à accroître l’ouverture de la glotte [11]. Cette technique est délicate et associée à un grand nombre de complications. Elle n’est plus pratiquée.

Quelle est la technique recommandée actuellement ?

La technique couramment pratiquée est la latéralisation du cartilage aryténoïdien. Les études montrent que 70 à 90 % des chiens traités présentent moins de difficultés respiratoires et une meilleure tolérance à l’exercice après cette intervention [12].

Après avoir rétracté latéralement le cartilage thyroïdien, sectionné le muscle thyropharyngien le long du cartilage thyroïdien, l’articulation crico-thyroïdienne et le muscle crico-aryténoïdien dorsal, une suture non résorbable (polypropylène, Prolene®, déc. 2,0 ou 3,0) est réalisée entre le processus musculaire du cartilage aryténoïdien et le tiers caudal du cartilage cricoïdien ou la partie caudodorsale du cartilage thyroïdien (voir les FIGURES “Latéralisation thyro-aryténoïdienne du cartilage aryténoïdien, vue dorsale” et “Latéralisation crico-aryténoïdienne du cartilage aryténoïdien, vue latérale”) [4, 7]. Les latéralisations crico-aryténoïdienne et thyro-aryténoïdienne présentent le même taux de succès. Cependant, la seconde technique est plus rapide à réaliser [4]. La suture est tendue jusqu’à l’obtention d’une légère abduction latérale du cartilage aryténoïdien. Le résultat de l’abduction est vérifié par laryngoscopie. La suture ne doit pas être trop tendue pour permettre une bonne fermeture de la glotte lors de la déglutition, ce qui diminue le taux de pneumonies par aspiration [3]. Il convient de ne pas pénétrer dans la lumière laryngée afin d’éviter une contamination septique de la prothèse.

Cette intervention ne peut être réalisée des deux côtés car la correction bilatérale est associée à 43 % de pneumonies par aspiration en postopératoire [4].

Quelles sont les complications de la latéralisation ?

La principale complication de la latéralisation du cartilage aryténoïdien est la pneumonie par aspiration [8]. Il est parfois décrit une toux après ingestion d’eau qui s’améliore normalement avec le temps, des sifflements inspiratoires résiduels qui n’ont généralement pas de répercussion clinique et une altération de la voix. Lors de fracture iatrogène du cartilage aryténoïde, une détresse respiratoire et un sifflement inspiratoire surviennent de façon aiguë.

Il est essentiel de respecter les règles de l’aseptie pendant l’intervention chirurgicale, afin d’éviter les infections postopératoires au niveau de la prothèse.

Quand envisager une trachéotomie permanente ?

La trachéotomie permanente est à envisager chez les races brachycéphales lors de paralysie laryngée associée à un collapsus laryngé, lors de fibrose et de sténose excessive de la glotte ou lors d’échec de la latéralisation unilatérale des aryténoïdes (fracture du cartilage aryténoïde). L’orifice de trachéotomie nécessite toutefois des soins quotidiens et, après cette intervention, la baignade est interdite à l’animal.

La majorité des parésie et paralysie laryngées acquises sont idiopathiques et requièrent un traitement chirurgical : la latéralisation unilatérale du cartilage aryténoïde. Le pronostic après intervention chirurgicale est bon, et 70 à 90 % des animaux retrouvent une qualité de vie normale. Les complications de cette correction chirurgicale peuvent toutefois être graves (pneumonie par aspiration). Elle requiert donc une bonne connaissance de l’anatomie régionale du larynx, une forte expérience et une bonne technicité chirurgicale.

Points forts

Le muscle crico-aryténoïdien dorsal est le principal muscle laryngé qui permet l’ouverture de la glotte ; il est responsable de l’abduction des cartilages aryténoïdes et des cordes vocales.

La paralysie laryngée la plus commune est acquise et idiopathique.

Une étude a montré une corrélation à 100 % entre l’électromyographie et la laryngoscopie. La laryngoscopie, de réalisation plus simple, est donc l’examen diagnostique de choix.

Avant une intervention chirurgicale correctrice, il convient d’évaluer la fonction thyroïdienne, sachant que l’hypothyroïdie est fréquemment associée à des polyneuropathies.

Plusieurs techniques anciennes telles que la laryngectomie partielle, la ventriculectomie et la laryngofissure ont été abandonnées en raison de leurs complications.

La latéralisation du cartilage aryténoïde est la technique chirurgicale recommandée actuellement ; elle augmente notablement le diamètre de la glotte, diminue les difficultés respiratoires et améliore la tolérance à l’exercice.

En savoir plus

- Guéant S, Bouvy B, Dupré G et coll. Paralysie laryngée chez le chien : étude rétrospective de quatorze cas de laryngoplastie crico-aryténoïdienne. Point Vét. 1996 ; 27(174) : 1047-1057.

- Giry M, Bouvy B. La paralysie laryngée. Point Vét. 1996 ; 28(Affections héréditaires et congénitales) : 597-599.

- Giry M. La paralysie laryngée chez le chien. Point Vét. 1995 ; 27(Pathologie respiratoire) : 441-447.

- Hennet P, Bardet JF. Syndrome respiratoire obstructif des races brachycéphales. Point Vét. 1995 ; 27(Pathologie respiratoire) : 433-450.

- Guéant S. Laryngoplastie crico-aryténoïdienne : traitement chirurgical d'une paralysie du larynx chez un chien. Point Vét. 1994 ; 26(162) : 373-379.

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  • 9 - Petersen SW, Rosin E, Bjorling DE. Surgical options for laryngeal paralysis in dogs: A consideration of partial laryngectomy. Comp. Cont. Educ. Pract. Vet. 1991 ; 13 : 1531-1541.
  • 10 - Smith MM. Diagnosing laryngeal paralysis. J. Amer. Anim. Hosp. Assn. 2000 ; 36(5) : 383-384.
  • 11 - Smith MM, Gourley IM, Kurpershoek CJ et coll. Evaluation of a modified castellated laryngofissure for alleviation of upper airway obstruction in dogs with laryngeal paralysis. J. Amer. Vet. Med. Assn. 1986 ; 188(11) : 1279-1283.
  • 12 - White RAS. Unilateral arythenoid lateralisation : An assessment of technique and long term results in 62 dogs with laryngeal paralysis. J. Small Anim. Pract. 1989 ; 30 : 543-549.
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