Les chiens qui mangent moins vivent mieux et plus longtemps - Le Point Vétérinaire n° 244 du 01/04/2004
Le Point Vétérinaire n° 244 du 01/04/2004

NUTRITION CANINE

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NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Éric Vandaële

Une restriction alimentaire de 25 % permet à des chiens labradors de vivre deux ans de plus, avec moins d’affections chroniques.

« Manger un peu moins, permet de vivre mieux et plus longtemps. » Cette évidence n’a été démontrée que chez des rongeurs de laboratoire. Il est en revanche bien connu et démontré que l’obésité et la suralimentation constituent des facteurs de risque pour de nombreuses affections chroniques chez les chiens adultes et a fortiori âgés.

Nestlé-Purina a réalisé une étonnante étude, d’une durée totale de quatorze années pour démontrer l’influence de la restriction alimentaire sur la qualité et la durée de vie des chiens. Cette étude est la première chez le chien, qui suit les animaux depuis l’âge de six semaines jusqu’à leur mort. Jusqu’à présent, aucune étude sur une période d’observation aussi longue n’avait été réalisée.

Un quart d’aliment en moins

Quarante-huit chiots labradors retrie vers, issus de sept portées, sont inclus dans l’essai à l’âge de six semaines. Afin d’augmenter la puissance statistique de l’étude, les chiens sont appariés deux à deux en fonction de leur sexe et de leur portée d’origine. Les comparaisons statistiques portent ainsi sur des frères ou des sœurs qui présentent une variabilité interindividuelle plus faible que si l’étude avait porté sur des chiots labradors “tout venant”.

Deux groupes de vingt-quatre chiots sont ainsi constitués. L’attribution d’une alimentation restreinte (groupe R pour restreint) ou “normale” (groupe T pour témoin) est réalisée au hasard. Les deux groupes sont nourris avec les mêmes aliments. Seule la quantité d’aliment distribuée est différente. Elle est en moyenne inférieure d’un quart dans le groupe R par rapport au groupe T.

Du sevrage à la mort

L’étude comprend alors deux phases d’alimentation.

1 Entre l’âge de huit semaines (sevrage) et de trois ans et trois mois, les chiens du groupe T sont nourris ad libitum pendant quinze minutes par jour. Cette période correspond à la phase de croissance. Les animaux du groupe R reçoivent le même aliment en quantité restreinte de 25 %. L’ajustement est réalisé de manière individuelle pour chaque paire. Un chien du groupe R reçoit ainsi 75 % de la quantité d’aliment effectivement ingérée la veille par son frère ou sa sœur, qui bénéficie d’une nourriture ad libitum.

2 Après l’âge de trois ans et trois mois, les animaux du groupe témoin reçoivent, selon leur poids idéal, une ration qui apporte 62,1 kcal/kg. Cette ration est attribuée jusqu’à la mort de l’animal. Leurs frères et sœurs du groupe R reçoivent le même aliment, mais avec une quantité restreinte de 25 %.

Les chiens qui nécessitent des soins sont traités par un vétérinaire, mais leur alimentation n’est pas modifiée pour autant.

Les chiens des deux groupes sont suivis avec la même attention, toutes les semaines au minimum, notamment pour l’évolution de leur poids. Après l’âge de six ans, des bilans annuels sont réalisés. Ils comprennent, entre autres, un examen radiographique, qui permet une évaluation de la masse maigre de l’animal, de la proportion de tissus adipeux et de la masse osseuse.

Deux années de vie supplémentaires

Le résultat le plus spectaculaire de cette étude porte sur les courbes de survie (voir la FIGURE “Courbes de survie” et le TABLEAU “Principaux résultats d’une restriction alimentaire de 25 %”).

La durée de vie augmente de deux ans : de onze ans en moyenne dans le groupe T à treize ans dans le groupe R. Cet écart s’observe dès l’âge de neuf ans, jusqu’au dernier mort à plus de quatorze ans dans le groupe R.

Les animaux du groupe R pèsent environ 26 % de moins (entre 20 et 30 kg) que ceux du groupe T qui, pour la plupart, dépassent 30 kg (voir la FIGURE “Évolution du poids moyen des animaux”). Jusqu’à l’âge de douze ans, la consommation alimentaire des animaux du groupe T est effectivement supérieure de près d’un quart comparé au groupe R. Après douze ans, les animaux témoins, parfois atteints d’affections chroniques (arthrose entre autres), ont tendance à réduire spontanément leurs consommations alimentaires.

Des chiens moins gras

L’état d’embonpoint des chiens est apprécié. Sur une échelle de 1 (animal cachectique) à 9 (animal obèse), les animaux témoins sont notés en moyenne 6 (côtes palpables avec un léger excédent de graisse) à 7 (côtes difficilement palpables avec une couverture graisseuse épaisse).

Les animaux du groupe R sont notés 4 en moyenne (côtes facilement palpables, non visibles avec une faible couverture graisseuse) à l’âge de six ans. Cette note augmente progressivement avec l’âge pour atteindre la note 6 à treize ans. Les animaux sont considérés comme trop gros à partir de la note 6, et trop maigres en dessous de la note 3.

La masse maigre diminue avec l’âge

Cette évaluation clinique de l’état corporel est complétée par une estimation des masses maigres et grasses sur des clichés radiographiques (voir la FIGURE “Évolution des masses maigres et grasses”). Les masses maigres et grasses sont significativement plus élevées dans le groupe T que dans le groupe R. Toutefois, à partir de l’âge de neuf ans dans le groupe T et de onze ans dans le groupe R, la masse maigre diminue au profit des tissus adipeux. Pendant toute la durée de vie des chiens, les animaux du groupe T restent néanmoins significativement plus gras (en masse et en proportion de graisses) que leurs frères et sœurs du groupe R.

Moins d’arthrose et moins d’affections chroniques

Pour les praticiens, les résultats les plus intéressants concernent la qualité de vie des animaux plus âgés. Les chiens qui bénéficient d’une alimentation restreinte d’un quart sont moins fréquemment atteints d’affections chroniques, comparés à leurs frères et sœurs nourris en quantité habituelle. Les résultats les plus nets portent sur l’arthrose, fréquente chez les labradors retrie vers. À l’âge de cinq ans, 43 % des chiens témoins présentent des signes radiographiques d’arthrose coxofémorale, contre seulement 9 % des chiens nourris plus modérément. À huit ans, 77 % des chiens témoins présentent des signes radiographiques d’arthrose sur plusieurs articulations.

Une prise en charge médicale plus tardive

En raison de cet effet de la restriction alimentaire sur l’arthrose, les traitements contre l’arthrose chez les chiens âgés du groupe R débutent avec trois années de retard : à l’âge moyen de 13,3 ans, par rapport à ceux du groupe témoin (10,3 ans). Il en est de même pour l’ensemble des maladies chroniques (arthrose incluse) : chez les animaux nourris normalement, les traitements débutent en moyenne à dix ans (pour 50 % des chiens) et seulement à douze ans chez ceux dont l’alimentation a été restreinte.

Kealy Richard D,

Dennis F. Lawler,

Joan M. Ballam et coll.

Effects of diet restriction on life span and age related changes in dogs, J. Amer. Vet. Med. Assn. 2002 ; 220(9) : 1315-1320.

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