Parathormone et hyperpara-thyroïdie secondaire rénale - Le Point Vétérinaire n° 242 du 01/01/2004
Le Point Vétérinaire n° 242 du 01/01/2004

ENDOCRINOLOGIE DU CHIEN ET DU CHAT

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COURS

Auteur(s) : Catherine Demory

Fonctions : Chemin de la Chaux
69120 Lentilly

L’hyperparathyroïdie secondaire est une complication fréquente de l’insuffisance rénale chronique. Seul le dosage de la parathormone permet le diagnostic de certitude.

La médicalisation croissante des animaux de compagnie conduit à un allongement de leur espérance de vie. De plus en plus d’animaux âgés sont ainsi susceptibles de développer une insuffisance rénale chronique (IRC). L’hyperparathyroïdie est une complication fréquente de l’IRC et le dosage de la parathormone (PTH) devient un outil diagnostique intéressant.

Après un rappel du métabolisme phosphocalcique, la physiopathologie, la symptomatologie, le diagnostic et le traitement de l’hyperparathyroïdie secondaire d’origine rénale sont abordés.

Le métabolisme phosphocalcique

Le métabolisme phosphocalcique est complexe et fait intervenir des systèmes hormonaux (la parathormone, la vitamine D et la calcitonine) qui agissent sur des organes cibles (les reins, les os et le tube digestif). L’hyperparathyroïdie secondaire rénale a une origine multifactorielle et les hormones impliquées sont la parathormone et le calcitriol (la forme finale active de la vitamine D).

1. La parathormone

Biosynthèse de la parathormone

La parathormone (PTH) est un polypeptide de 84 acides aminés, synthétisé dans les glandes parathyroïdes (quatre chez le chien et chez le chat).

Sa sécrétion est directement régulée par le taux de calcium ionisé. À court terme, le calcium cytoplasmique régule la destruction de l’hormone stockée dans les lysosomes.

À plus long terme, une hypocalcémie a pour effet de stimuler la division cellulaire et d’engendrer une hyperplasie glandulaire.

L’hypercalcémie inhibe en revanche la synthèse de PTH par rétrocontrôle négatif. Cette boucle de régulation nécessite la présence de vitamine D active qui, en se fixant sur les récepteurs de la cellule parathyroïdienne, inhibe la transcription génétique de l’hormone [9] (voir la FIGURE “Régulations à court et à long terme de la biosynthèse de la PTH”).

Métabolisme périphérique

L’activité biologique de la PTH est liée à son extrémité NH3. Deux formes hormonales sont présentes dans la circulation générale (voir la FIGURE “Métabolisme périphérique de la parathormone”) :

- la PTH intacte, biologiquement active, de demi-vie courte (4 minutes) en raison d’une grande sensibilité aux protéases ;

- les fragments carboxy-terminaux issus de la dégradation enzymatique hépatique et rénale, biologiquement inactifs, de demi-vie plus longue (20 à 40 minutes) et éliminés par les voies rénale et biliaire.

Les fragments carboxy-terminaux représentent la majorité (95 %) de l’immunoréactivité utilisée pour le dosage hormonal.

La connaissance des caractéristiques de ces formes circulantes est importante pour interpréter le dosage de l’hormone. Si la méthode utilisée reconnaît uniquement le site carboxy-terminal, une élévation plasmatique de PTH réactive peut être détectée lors de défaut d’élimination biliaire ou rénale sans qu’elle soit associée à une hyperparathyroïdie. Le dosage de la PTH totale est donc préféré.

Il convient de noter que la PTHrp (PTH related protein), molécule sécrétée par certaines tumeurs, présente de fortes analogies avec la partie N-terminale de la parathormone, ce qui lui confère les mêmes effets biologiques (hypercalcémie paranéoplasique). Ce syndrome est désigné sous le nom de pseudohyperparathyroïdie [3].

Rôles biologiques de la PTH

La PTH régule les échanges phosphocalciques réalisés dans les reins et les os (voir le TABLEAU “Mécanismes de la régulation phosphocalcique”) :

- elle augmente la réabsorption rénale du calcium et diminue celle du phosphore (hypocalciurie et hyperphosphaturie) ;

- elle favorise la résorption osseuse en stimulant d’avantage les ostéoclastes que les ostéoblastes, ce qui provoque une mobilisation du calcium osseux (hypercalcémie) ;

- elle stimule en outre la synthèse de calcitriol (forme finale active de la vitamine D) dans les tubules contournés proximaux des reins.

2. Le calcitriol

Biosynthèse du calcitriol

Le calcitriol ou le 1,25 dihydrocholécalciférol (1,25 DHCC) est le métabolite biologiquement actif de la vitamine D. Sa biosynthèse s’effectue à partir d’un stérol, en plusieurs étapes qui se déroulent dans le foie, puis dans les reins. Le cholécalciférol (vitamine D3), apporté dans l’alimentation ou synthétisé dans l’épiderme à partir d’un dérivé du cholestérol, subit une première hydroxylation hépatique. Le 25-hydrocholécalciférol (25 HCC) obtenu est hydroxylé une seconde fois sous l’action de la 1-hydroxylase rénale.

La synthèse de vitamine D active (1-25 DHCC) est privilégiée lors d’hypocalcémie, d’hypophosphatémie (ou sous l’influence de diverses molécules comme l’hormone de croissance, l’insuline, la prolactine ou les œstrogènes).

Une seconde voie métabolique est sélectionnée lors d’hypercalcémie et d’hyperphosphatémie et en présence de calcitonine et de glucocorticoïdes. Elle aboutit à la formation de la 24-25 DHCC, biologiquement inactive (voir la FIGURE “Biosynthèse du calcitriol”).

Rôles biologiques du calcitriol

Le calcitriol agit sur tous les organes impliqués dans le métabolisme du phosphore et du calcium. Il accroît la réabsorption phosphocalcique rénale et intestinale et il augmente la résorption osseuse. Il a un rôle de rétrocontrôle négatif sur la biosynthèse de la PTH.

3. La calcémie

Le calcium plasmatique se présente sous plusieurs formes. À 60 %, il s’agit d’une forme ultrafiltrable et diffusible, pour laquelle le calcium est en majorité sous une forme ionisée biologiquement active, une très faible proportion étant complexée.

Pour les 40 % restants, le calcium se présente sous une forme non ultrafiltrable, liée aux protéines plasmatiques (albumine et globulines), donc biologiquement inactive. Seule une diminution de la fraction ionisée entraîne des symptômes cliniques.

La mesure de la calcémie évalue le calcium plasmatique total. Il convient donc de corriger la valeur mesurée de la calcémie en fonction de la protéinémie ou de l’albuminémie.

Le calcul de la calcémie corrigée est une source d’erreurs fréquentes en manipulant les diverses unités (voir l’ENCADRÉ “Calcul de la calcémie corrigée”).

Certains paramètres, tel que le pH artériel, modifient la fraction calcique ionisée. En effet, en cas d’acidose, la fraction ionisée est accrue et protège contre les risques d’hypocalcémie même si le calcium total est bas (cas fréquent lors d’insuffisance rénale). Cependant, le calcul de la calcémie corrigée ne tient pas compte des modifications du pH sanguin (il n’existe aucune formule correctrice).

La calcémie doit être confrontée à la valeur de la phosphatémie en calculant le produit phosphocalcique (voir les TABLEAUX “Valeurs usuelles de la calcémie et de la phosphatémie”et “Table de conversion des différentes unités de la calcémie et de la phosphatémie”). En effet, le sang se comporte comme une solution saturable en ions calcium et phosphore et toute augmentation du produit phosphocalcique (PPC) peut conduire à des dépôts ectopiques. La valeur usuelle du produit phosphocalcique est d’environ 4 500 mg2/l2. Le risque de précipitation dans les tissus mous est accru si cette valeur dépasse 7 000 mg2/l2.

4. Un exemple de régulation du métabolisme phosphocalcique : l’hypocalcémie

Une hypocalcémie provoque la stimulation de la biosynthèse de PTH par les glandes parathyroïdes, suivant les mécanismes décrits précédemment.

La PTH a une action immédiate au niveau du rein : réabsorption tubulaire accrue du calcium et excrétion importante d’ions phosphore, ce qui induit une hypophosphatémie.

Elle exerce également une stimulation de l’hydroxylation rénale de la 25 HCC (favorisée par l’hypophosphatémie), ce qui augmente le taux de vitamine D active (1-25 DHCC).

Après les mécanismes rénaux, des phénomènes d’ostéolyse se produisent, stimulés par la PTH et le calcitriol.

Les modifications intestinales interviennent dans les 24 à 48 heures et entrainent une augmentation de l’absorption intestinale de calcium et de phosphore (voir la FIGURE “Mécanismes de régulation de l’hypocalcémie”).

Tous les phénomènes décrits tendent donc à restaurer plus ou moins rapidement une calcémie normale. Cette normalisation de la calcémie, associée à une augmentation de la concentration de calcitriol, freine la biosynthèse de PTH par la boucle de rétrocontrôle négatif vue précédemment.

L’hyperparathyroïdie secondaire rénale

L’hyperparathyroïdie secondaire rénale correspond à une sécrétion anormale, mais non autonome, de parathormone, en réaction à des troubles métaboliques liés à l’IRC.

Les facteurs principalement impliqués lors d’hyperparathyroïdie sont la rétention de phosphore, l’hypocalcémie et la déficience en calcitriol.

Classiquement, l’insuffisance rénale chronique chez le chien évolue selon quatre phases successives :

- une phase préclinique qui correspond à une diminution de la réserve fonctionnelle rénale (phase 1) ;

- une phase cliniquement caractérisée par un syndrome polyuro-polydipsique (PU/PD) et l’apparition éventuelle de troubles digestifs (phase 2) ;

- une phase de défaillance rénale exocrine et endocrine (phase 3) ;

- une phase dite “urémique” (phase 4) dont l’issue est fatale [1].

Chez le chat, même si la physiopathogénie est identique, l’expression clinique est différente de celle du chien : pas de syndrome PU/PD en début d’évolution et signes frustes jusqu’à des stades avancés de la maladie [1].

1. Première phase de l’insuffisance rénale chronique

Au cours de la première phase de l’IRC, malgré la réduction néphronique irréversible, la fonction exocrine est préservée grâce à des mécanismes compensateurs (voir la FIGURE “Physiopathogénie de l’hyperparathyroïdie secondaire au stade I de l’IRC”). Une hausse du débit de filtration glomérulaire (DFG) dans les néphrons restants permet de conserver l’homéostasie du milieu intérieur, mais induit une aggravation des lésions glomérulaires, en particulier une sclérose et une hyalinose délétères : le DFG diminue donc progressivement.

En début d’évolution, la concentration en phosphore reste constante grâce à l’hyperfiltration glomérulaire. Puis, face à la diminution du DFG, son excrétion rénale est maintenue grâce à une augmentation de la charge filtrée plasmatique en phosphore (charge filtrée = DFG x concentration plasmatique). Une hyper-phosphatémie apparaît donc lorsque le DFG baisse de 30 %, d’autant plus que l’apport alimentaire en ions phosphore reste constant. La concentration en phosphate suit la hausse du taux d’urée et de créatinine plasmatiques dont les charges filtrées sont également augmentées.

2. Deuxième phase de l’insuffisance rénale chronique

Lors de la seconde phase de l’IRC, lorsque la baisse de DFG atteint 50 %, les mécanismes de régulation interviennent et l’hyperparathyroïdie se met en place : l’hyperphosphatémie engendre en effet une baisse de la fraction ionisée du calcium par complexation, ce qui stimule la sécrétion de PTH par les glandes parathyroïdes (voir la FIGURE “Physiopathogénie de l’hyperparathyroïdie secondaire au stade II de l’IRC”). L’homéostasie calcique est donc préservée grâce aux mécanismes régulateurs présentés auparavant.

À ce stade, la fonction endocrine étant maintenue, la normalisation de la calcémie et la présence de vitamine D active assurent un rétrocontrôle négatif sur la synthèse de PTH.

3.Troisième phase de l’insuffisance rénale chronique

La troisième phase de la maladie est accompagnée d’une déficience rénale marquée (voir la FIGURE “Physiopathogénie de l’hyperparathyroïdie secondaire au stade III de l’IRC”). L’altération de la fonction endocrine a pour conséquence une diminution de la synthèse de vitamine D (défaut d’1-hydroxylase), aggravée par l’hyperphosphatémie (qui diminue l’activité de l’hydroxylase). Cette hypovitaminose D a deux conséquences : une diminution de l’absorption intestinale de calcium qui accentue la tendance à l’hypocalcémie, et un défaut de rétro-inhibition de la synthèse de PTH, qui conduit à l’hyperparathyroïdie.

L’augmentation de la parathormonémie stimule la biosynthèse de calcitriol, la résorption osseuse de calcium et de phosphore, et accroît la réabsoption rénale de calcium et l’excrétion de phosphore. Le taux de vitamine D circulante, la calcémie et la phosphorémie, sont ainsi maintenus à des valeurs usuelles jusqu’à des stades avancés de la maladie, tandis que la parathormonémie reste élevée.

À ce stade de l’évolution, une acidose métabolique est fréquente (dans environ 80 % des cas d’après [7]), en raison de l’incapacité des reins à excréter les ions hydrogènes et à réabsorber les bicarbonates. Cette acidose stimule l’excrétion urinaire de calcium et de phosphate (l’hyperphosphatémie est ainsi modérée, mais la calcémie est diminuée) et favorise la formation de la fraction calcique ionisée, ce qui protège l’animal de crises d’hypocalcémie.

4. Quatrième phase de l’insuffisance rénale chronique

Au cours du stade ultime de l’évolution de l’IRC, la perte néphronique est telle que la biosynthèse de calcitriol est très faible : la concentration de calcium nécessaire au rétrocontrôle négatif de la sécrétion de PTH augmente donc. Les glandes parathyroïdes deviennent autonomes, insensibles à tout rétrocontrôle, et une hyperparathyroïdie tertiaire s’installe alors. Les glandes sont souvent hyperplasiées à ce stade (PHOTO1). Très tardivement, une hypercalcémie survient, due à la forte diminution de l’excrétion rénale du calcium et à l’activité ostéoclastique de la PTH.

5. Conséquences de l’hyperparathyroïdie

Les conséquences de l’hyperparathyroïdie sont multiples :

- une ostéofibrose est constatée, avec une déminéralisation osseuse liée à l’activité ostéoclastique ;

- des calcifications ectopiques se produisent en raison de l’augmentation du produit phosphocalcique. Ces dépôts peuvent concerner les différents tissus mous (poumons, artères, estomac, pancréas, myocarde, reins, etc.) ;

- une anémie centrale (normocytaire et normochrome) est aussi présente en raison du rôle inhibiteur de la PTH sur la production et l’activité de l’érythropoïétine.

Ces phénomènes ont des répercussions cliniques et biologiques qui orientent le diagnostic.

Diagnostic de l’hyperparathyroïdie secondaire rénale

Le diagnostic de certitude repose sur la démonstration de l’existence d’une insuffisance rénale chronique et de l’élévation concomitante de la parathormonémie.

Il convient de rechercher et de traiter l’hyperparathormonémie avant même l’apparition de l’hyperphosphatémie.

1. Signes cliniques

• Les premiers signes d’appels sont ceux de l’insuffisance rénale chronique.

Chez le chien, ils se manifestent par des signes cliniques plus ou moins évocateurs comme une polyuro-polydipsie, des troubles digestifs (anorexie, dysphagie, vomissements et diarrhée), accompagnés d’une baisse progressive de l’état général (amaigrissement, asthénie, déshydratation).

Chez le chat atteint d’IRC, les signes cliniques sont plus frustes en début d’évolution car il est rare d’observer une polyuro-polydipsie avant le stade ultime de la maladie. Les symptômes observés sont non spécifiques : amaigrissement, altération de l’état général, anorexie, ulcérations buccales. Les vomissements sont rarement constatés et de la diarrhée peut alterner avec des épisodes de constipation. Les signes oculaires, souvent présents (décollement rétinien, atrophie rétinienne), sont liés à l’existence d’une hypertension artérielle [1].

•  À ces manifestations cliniques de la défaillance de la fonction rénale, s’ajoutent des signes spécifiques de l’hyperparathyroïdie comme l’ostéodystrophie, les calcifications des tissus mous et l’anémie.

Les manifestations de l’ostéodystrophie sont variées :

- douleurs osseuses ;

- fractures spontanées ;

- pertes de dents par déchaussement ;

- hyperostose faciale avec envahissement partiel des cavités nasales ;

- syndrome de la mâchoire de caoutchouc (qui engendre dysphagie, ptyalisme et protusion de la langue).

L’examen radiographique du squelette révèle une ostéopénie, un amincissement des corticales osseuses et parfois des zones d’ostéolyse, localisées surtout à la racine des dents (PHOTOS 2 À 4).

L’examen radiographique de l’abdomen peut révéler la présence de calculs vésicaux. Il s’agit en général de phosphates de calcium et plus rarement d’oxalates de calcium.

Les symptômes associés aux calcifications ectopiques varient en fonction du lieu de dépôt :

- nécrose ischémique de certains organes (calcification des artères) ;

- troubles du rythme cardiaque (dépôts myocardiques) ;

- dyspnée restrictive ou néphrocalcinose qui aggrave potentiellement les lésions rénales pré-existantes.

Chez l’homme, des dépôts sous-cutanés de phosphates de calcium peuvent engendrer un prurit violent.

2. Signes biologiques

Une fois les premiers signes cliniques de l’IRC reconnus, un certain nombre de signes biologiques sont recherchés pour confirmer l’affection rénale et mettre précocement en évidence l’hyperparathyroïdie. Certains paramètres sont indicateurs, sans être spécifiques, et seul le dosage de la PTH est diagnostique de l’hyperparathyroïdie secondaire rénale.

Analyse urinaire

• La densité urinaire (mesurée au refractomètre) est un paramètre à évaluer en premier lieu car une isosthénurie (densité comprise entre 1,008 et 1,012), voire une hyposténurie (densité < 1,008) apparaît avant même l’augmentation de l’azotémie chez le chien et reflète l’incapacité rénale à concentrer les urines.

Cette analyse est moins pertinente chez le chat dont la densité urinaire est physiologiquement élevée (jusqu’à 1,080). Un chat peut ainsi devenir urémique avant que la densité urinaire ait diminué.

• Une protéinurie, détectée à l’aide d’une bandelette réactive, est d’autant plus significative que la densité urinaire est faible. Si elle n’est pas associée à une hématurie ou une pyurie, elle reflète l’étendue des lésions glomérulaires.

• L’examen d’un culot urinaire est conseillé afin de détecter et/ou de confirmer les anomalies de la bandelette réactive. Une hématurie, une pyurie ou une cristallurie peuvent être mises en évidence lors d’infection du tractus urinaire (fréquente chez les insuffisants rénaux dont les défenses immunitaires sont altérées). La présence de cylindres leucocytaires révèle une pyélonéphrite qui aggrave les lésions rénales pré-existantes (PHOTO 5).

Paramètres biochimiques

Un profil biochimique est réalisé : il comprend un bilan rénal simple (l’urée et la créatinine plasmatiques reflètent le degré d’intégrité rénale), ainsi qu’un bilan hépatique simple (les phosphatases alcalines ont souvent une activité accrue en raison du remodelage osseux).

La protidémie et l’albuminémie sont mesurées et servent en outre à calculer la calcémie corrigée.

La phosphatémie est souvent augmentée (assez tardivement dans l’évolution de l’insuffisance rénale aiguë), tandis que les valeurs de la calcémie sont variables (valeurs dans les limites inférieures des valeurs usuelles ou augmentées lors d’hyperparathyroïdie tertiaire).

Hémogramme

L’hémogramme révèle souvent une anémie périphérique normochrome, normocytaire.

3. Le dosage de la PTH

Principes de dosage

• La méthode de dosage récemment validée pour les chiens et les chats est une méthode radio-immunologique à deux sites qui permet d’évaluer la concentration de l’hormone intacte : ceci évite l’élévation artificielle de la parathormonémie par des fragments C-terminaux, particulièrement nombreux lors d’insuffisance rénale.

Plusieurs kits de dosage humains sont validés pour les chiens et les chats (par exemple, le kit de dosage Nichols®). En revanche, le dosage de la PTH dans les laboratoires humains par chimioluminescence n’est plus valable (kit de dosage Immulite® Intact PTH), car les nouveaux anticorps monoclonaux hautement purifiés ne permettent plus la reconnaissance de l’hormone animale [9].

Des kits de dosages qui utilisent la méthode ELISA sont également employés et permettent de doser les parties médiane et carboxy-terminale de l’hormone.

• Actuellement, le nombre d’analyses reste faible et le prix d’achat des kits élevé (plusieurs centaines d’euros). En France, les prélèvements sont centralisés dans seulement deux laboratoires : le laboratoire de Troyes (le CAL) emploie la méthode ELISA, tandis que le laboratoire d’endocrinologie de l’école nationale vétérinaire de Lyon utilise la méthode radio-immunologique. Le coût moyen du dosage de la parathormone est de 55 euros.

• Le dosage de la PTHrp est actuellement impossible en France en raison du coût des kits qui dosent spécifiquement la partie N-terminale (disponibles aux États-Unis).

Réalisation pratique

Une prise de sang est réalisée, de préférence à jeun.

La PTH étant très sensible aux protéases, il est nécessaire d’ajouter à l’EDTA une molécule conservatrice (l’aprotinine, Trasylol®). Sans le conservateur, des estimations indiquent que les valeurs détectées sont inférieures de 18 % à la concentration plasmatique réelle [9]. Le tube est envoyé au praticien par le laboratoire sur simple demande.

Il convient de centrifuger le prélèvement rapidement (moins de douze heures), puis de recueillir 1 millilitre environ de plasma, qui est réfrigéré à 4 °C jusqu’à l’expédition postale. Si la réception du tube est différée par rapport au prélèvement sanguin, un tube EDTA est centrifugé rapidement et le sérum est placé au congélateur. Un cycle congélation-décongélation ne diminue pas la concentration en PTH [9].

Les valeurs usuelles du laboratoire sont comprises entre 20 et 80 pg/ml chez le chien et le chat et les résultats deviennent significatifs à partir de 150 pg/ml pour confirmer une hyperparathyroïdie secondaire rénale. Lors d’hyperparathyroïdie primaire, la parathormonémie atteint des valeurs beaucoup plus élevées. Le diagnostic différentiel est établi en corrélant les valeurs de la parathormonémie avec la phosphatémie et la calcémie (voir le TABLEAU “Éléments de diagnostic différentiel des différents types d’hyperparathyroïdie”).

Traitement de l’hyperparathyroïdie secondaire rénale

Si nécessaire, il convient en premier lieu d’instaurer le traitement symptomatique des effets secondaires de l’IRC (réhydratation, rétablissement de l’équilibre acidobasique, traitement des troubles digestifs, etc.).

Après confirmation de l’hyperparathyroïdie secondaire rénale, le traitement spécifique a pour but de contrôler la progression de l’affection rénale et d’interrompre les effets délétères de l’hyperphosphatémie et de l’hypersécrétion de parathormone.

• La première mesure à mettre en œuvre est l’instauration d’un régime hypoprotéique et hypophosphoré.

La réduction protéique ne doit toutefois pas être trop marquée, afin que les apports couvrent les besoins de l’animal car un déficit peut entraîner une hypoprotéinémie, aggraver l’anémie et accentuer une acidose métabolique [5]. Il s’agit donc de proposer des protéines de haute qualité.

La restriction phosphorée permet d’abaisser la phosphatémie en dessous de 60 mg/l en agissant directement sur les cellules parathyroïdiennes pour diminuer la sécrétion de PTH. Cependant, ce seul régime est insuffisant si l’hyperparathyroïdie est déjà installée.

Des aliments diététiques à teneur modérée en phosphates et contenant des protéines de haute valeur biologique sont disponibles dans le commerce. La plupart des aliments destinés aux insuffisants rénaux ont des taux de phosphore compris entre 0,15 et 0,25 g/100 g de matière sèche (MS), tandis que les gammes physiologiques proposent des teneurs proches de 1 g/100 g de MS.

• Les chélateurs du phosphore qui limitent l’absorption intestinale de phosphore ont donc un rôle intéressant. Il s’agit de pansements intestinaux à base d’hydroxyde d’aluminium (Maalox®(1), Lithiagel®(1)), incorporés à la nourriture à raison de 30 à 60 mg/kg/j, en trois prises. Les effets secondaires peuvent être une constipation et une inappétence de la ration. Il convient en revanche de ne pas administrer de phosphates d’aluminium (Phosphaluvet®), qui contiennent des ions phosphores.

De nouveaux chélateurs de phosphore sont disponibles aux États-Unis. Par exemple, le Rénagel®(2) (hydrochloride de sevelamer(2)) est un hypophosphatémiant polymérisé présenté sous forme de capsules (dosées à 403 mg) ou de comprimés (400 et 800 mg). Le mode d’action est le même (complexation du phosphore dans le tube digestif) mais il ne contient pas d’aluminium, ce qui évite les intoxications lors d’administration à doses élevées.

• L’administration de calcitriol permet de réguler la biosynthèse de la PTH. Ce traitement est instauré si possible dans les stades précoces de l’insuffisance rénale chronique, lorsque l’animal est correctement hydraté et qu’il reçoit un régime hypophosphoré, sous peine d’aggraver une hyperphosphatémie pré-existante. La concentration plasmatique en phosphore doit être inférieure à 60 mg/l avant et pendant le traitement et le produit phosphocalcique inférieur à 7 000 mg2/l2.

Le calcitriol(1) est administré par voie orale à raison de 1,5 à 3,5 ng/kg deux fois par semaine. Il existe une spécialité humaine, le Rocaltrol®(1), peu utilisable en pratique pour le traitement des chiens et des chats, car elle est présentée sous forme de capsules de 0,25 et 0,5 mg. En pratique un analogue du calcitriol (l’alfacalcidol(1)) est préféré : sa présentation pédiatrique en gouttes permet d’adapter correctement la dose par dilution (Un-alfa®(1) solution buvable, 0,10 mg/goutte).

L’action est très rapide et se manifeste en quelques jours. Une réponse insuffisante au traitement peut amener à augmenter la dose administrée, en particulier chez les animaux atteints d’hyperparathyroïdie tertiaire (production autonome de parathormone par les glandes parathyroïdes sans rétrocontrôle négatif efficace), mais toujours en contrôlant régulièrement la phophorémie et la calcémie [5].

Un suivi biochimique est donc effectué une semaine et un mois après le début du traitement, puis tous les mois. En cas d’hypercalcémie iatrogène, un arrêt du traitement conduit à une normalisation de la calcémie en quelques jours (en raison de la faible demi-vie plasmatique du calcitriol). En médecine humaine, des analogues de la vitamine D (paricalcitriol(1) et doxercalciférol(1)) sont employés pour leurs effets limités sur la calcémie. En cas d’apparition d’une hyperphosphatémie, une restriction phosphorée plus marquée ou une augmentation de la posologie du chélateur de phosphore est effectuée, voire une combinaison des deux.

Un dosage de la parathormone est de nouveau réalisé un, trois puis six mois après l’instauration du traitement afin de s’assurer de la baisse de sa concentration plasmatique [5].

• La cimétidine(1) pourrait également réguler la sécrétion de parathormone. Cet anti-histaminique anti-H2 diminuerait la sécrétion de PTH selon un mécanisme encore mal connu, en empêchant la synthèse de l’hormone ou en réduisant le volume des glandes parathyroïdes [9]. Outre la baisse de la parathormonémie, la cimétidine(1) offre un traitement symptomatique de l’hyperacidité gastrique associée à l’insuffisance rénale chronique.

• Le recours à la parathyroïdectomie est réservé en médecine humaine aux patients atteints d’hyperparathyroïdie secondaire rénale sévère non contrôlée par le traitement médical.

La parathormone (PTH) est une hormone fondamentale dans le contrôle de l’homéostasie phosphocalcique. Son dosage, désormais accessible, permet de détecter précocement une hyperparathyroïdie secondaire rénale, de suivre son évolution vers une hyperparathyroïdie tertiaire et de diagnostiquer avec certitude d’autres affections telles que les hypoparathyroïdies et les pseudohyperparathyroïdies néoplasiques. Dans le cadre d’une insuffisance rénale détectée assez précocement, la mise en place de mesures diététiques et médicales permet de ralentir la progression de la dégénérescence rénale et de l’hyperparathyroïdie secondaire, avant l’installation irréversible de l’hyperparathyroïdie tertiaire.

  • (1) Médicament à usage humain.

  • (2) Non disponible en France.

ATTENTION

La valeur usuelle du produit phosphocalcique est d’environ 4 500 mg2/l2. Le risque de précipitation dans les tissus mous est accru si cette valeur dépasse 7 000 mg2/l2.

Calcul de la calcémie corrigée

Ca corr = Ca mes - Alb + 35

Ca corr = Ca mes - (0,4 x PT) + 33

Ca corr : calcémie corrigée (mg/l),

Ca mes : calcémie mesurée (mg/l),

PT : protéines totales (g/l), Alb : albumine (g/l)

ATTENTION

Lors de la troisième phase de l’IRC, une acidose métabolique est fréquente, en raison de l’incapacité des reins à excréter les ions hydrogènes et à réabsorber les bicarbonates.

ATTENTION

Les symptômes associés aux calcifications ectopiques varient en fonction du lieu de dépôt :

- nécrose ischémique de certains organes ;

- troubles du rythme cardiaque ;

- dyspnée restrictive ou néphrocalcinose.

ATTENTION

L’examen d’un culot urinaire est conseillé afin de détecter et/ou de confirmer les anomalies de la bandelette réactive. Une hématurie, une pyurie ou une cristallurie peuvent être mises en évidence lors d’infection du tractus urinaire (fréquente chez les insuffisants rénaux).

Remerciements au Pr J.-P. Cotard.

Points forts

Les causes principales de l’hyperparathyroïdie d’origine rénale sont la rétention de phosphore, l’hypocalcémie et la déficience en calcitriol.

Le dosage de la parathormone utilise deux sites antigéniques distincts, ce qui permet de détecter l’hormone intacte active et non les produits de dégradation inactifs qui sont immunogènes, mais sans valeur biologique.

Les signes cliniques de l’hyperparathyroïdisme d’origine rénale sont, outre les signes d’IRC, l’ostéodystrophie, les calcifications des tissus mous et l’anémie.

L’administration de calcitriol(1) permet de réguler la production de PTH, mais peut aggraver une hyperphosphatémie préexistante.

  • Cotard JP. Insuffisance rénale chronique. In : Uro-néphrologie, Encyclopédie Vétérinaire. Elsevier, Paris. 1992 ; 0800(tome5) : 13p.
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