Désordres endocriniens et métaboliques - Le Point Vétérinaire n° 242 du 01/01/2004
Le Point Vétérinaire n° 242 du 01/01/2004

LES SYNDROMES PARANÉOPLASIQUES

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COURS

Auteur(s) : Thomas Chuzel

Fonctions : La Caravelle
34, avenue de l’hippodrome
69890 la Tour de Salvagny

Les désordres endocriniens et métaboliques sont des syndromes paranéoplasiques fréquents. Les symptômes associés peuvent être sévères et, outre le traitement causal, un traitement spécifique est donc essentiel.

Lors de l’évolution d’un cancer, le processus tumoral peut être responsable de deux types de symptômes : ceux induits par la présence physique de la tumeur, qui altère directement les structures ou les fonctions du corps, et les effets délétères que la tumeur produit indirectement à distance. Ces effets indirects sont appelés “syndromes paranéoplasiques” (SPN) [2, 3, 6, 11].

• L’identification et la caractérisation des SPN sont une aide précieuse à la démarche diagnostique et thérapeutique en cancérologie. Ils peuvent être les seuls signes cliniques observables qui trahissent l’existence d’une tumeur dont la présence reste infraclinique, parfois même avec des techniques modernes d’imagerie médicale, pourtant dites sensibles. La reconnaissance de ces signes d’appel doit donc amener le praticien à suspecter l’existence d’une tumeur sous-jacente non visible, qu’il convient de rechercher par la mise en œuvre d’examens complémentaires appropriés (radiographie, échographie, scanner, IRM, etc.).

• Les SPN peuvent aider le praticien dans le pronostic et le suivi du traitement car ce sont des marqueurs tumoraux très fiables. En effet, lors de chimiothérapie, la disparition de ces manifestations paranéoplasiques est évocatrice d’une rémission clinique et leur réapparition doit faire craindre une récidive locale ou la présence de métastases occultes, et cela bien avant l’apparition des signes cliniques liés à la présence physique de la tumeur.

• Ils peuvent en outre induire des symptômes plus néfastes pour l’animal que ceux qui sont dus à la tumeur primitive et même être responsables, dans certains cas, de sa mort. Outre le traitement causal, le traitement spécifique du SPN est donc essentiel pour la survie de l’animal [1].

• Les SPN ne sont pas liés à un envahissement métastatique ni à la croissance locale de la tumeur, mais ils résultent, dans la plupart des cas, d’une sécrétion tumorale particulière. Les plus communément rencontrés en médecine vétérinaire sont dus à la production d’hormones polypeptidiques [6, 10]. Chez l’homme comme chez l’animal, les tumeurs les plus fréquemment associées aux SPN sont celles du système endocrine et des tissus lymphohématopoïétiques ; mais tous les types de tumeur peuvent être associés à la présence de SPN chez le chien et chez le chat. La majorité des tumeurs associées aux SPN sont malignes, néanmoins quelques tumeurs bénignes peuvent en être responsables (hypoglycémie associée aux léiomyomes gastriques). Les principaux signes cliniques de SPN découlent de la nature des tissus tumoraux mis en jeu : les anomalies endocriniennes et hématologiques sont les plus fréquemment rencontrées chez les chiens et chez les chats comme dans l’espèce humaine [6, 11].

L’hypercalcémie maligne

L’hypercalcémie maligne est définie comme une augmentation permanente et pathogène de la calcémie, supérieure à 12 mg/dl, soit 3 mmol/l (voir l’ENCADRÉ “Calcémie : compartimentation et dosage”).

1. Étiologie

Chez le chien, la première cause d’hypercalcémie est tumorale ; il convient donc de rechercher systématiquement un processus néoplasique sous-jacent (cytoponctions, imagerie, biochimie).

Cette anomalie biologique paranéoplasique est l’une des plus communément rencontrées en médecine humaine et vétérinaire [3, 8] : l’hypercalcémie paranéoplasique est souvent décrite chez le chien, mais reste rare chez le chat (8,3 % d’hypercalcémies paranéoplasiques parmi 363 cas d’hypercalcémie féline décrits dans une étude [13]).

Les tumeurs les plus souvent associées à ce SPN sont les lymphomes malins (en particulier ceux de la lignée T : 20 à 40 % des animaux atteints de lymphome souffrent d’hypercalcémie), les adénocarcinomes des sacs anaux (40 à 80 % des cas selon les études), les myélomes multiples et les adénocarcinomes mammaires, mais tout processus tumoral possède la capacité d’augmenter la calcémie sérique [7, 8, 10].

À l’inverse de ce qui est observé chez l’homme, la découverte d’une hypercalcémie chez un chien atteint de lymphome n’est pas un facteur péjoratif en termes d’espérance de vie [6].

2. Signes cliniques

Chez le chien, l’hypercalcémie se caractérise cliniquement par différents symptômes qui ne sont pas spécifiques lorsqu’ils sont considérés individuellement, mais qui deviennent évocateurs lorsqu’ils sont associés :

- signes digestifs (anorexie, perte de poids, vomissements, constipation) ;

- signes rénaux (polyurie-polydipsie, déshydratation, insuffisance rénale secondaire à une néphrocalcinose) ;

- signes neuromusculaires (faiblesse et tremblements généralisés, stupeur, coma) ;

- signes cardiaques (bradycardie, arythmies cardiaques, raccourcissement du segment QT et BAV de grade 1).

Les altérations de la fonction rénale entraînent les manifestations cliniques les plus fréquentes et les plus précoces de l’hypercalcémie paranéoplasique. Lors du stade débutant, la polyurie est parfois le seul symptôme décrit, avant l’apparition du cortège de signes présents en phase d’état [3, 6].

Chez le chat, de l’anorexie, des vomissements, une déshydratation et une perte de poids peuvent être les seuls signes visibles. La polyurie-polydipsie n’est pas systématiquement retrouvée [6, 7].

3. Pathogénie

Les mécanismes qui conduisent à une hypercalcémie sont nombreux et encore incomplètement compris.

La résorption osseuse est souvent incriminée lors d’hypercalcémie maligne. Elle résulte, d’une part, de l’action destructrice directe des cellules tumorales sur le tissu osseux et, d’autre part, de la libération de substances à activité ostéoclastique par ces mêmes cellules : entre autres, les interleukines 1, 4 et 6 (IL-1, IL-4 et IL-6), le tumor necrosis factor alpha (TNFα) et la prostaglandine E2 (PGE2) [3, 5, 6, 11].

L’autre mécanisme, désormais bien compris, est la synthèse par le tissu tumoral d’un peptide responsable de l’augmentation de la calcémie. Ce facteur tumoral appelé parathormone-like (PTH-like) possède les mêmes effets hypercalcémiants que ceux de la parathormone endogène [2, 5, 6, 10]. La connaissance de la séquence polypeptidique de ce facteur a permis de montrer une analogie structurelle marquée avec la parathormone endogène [7, 10]. Le dosage de ce facteur PTH-like, véritable preuve d’une origine tumorale de cette hypercalcémie paranéoplasique, n’est toutefois pas accessible en routine en France, pour permettre au praticien d’étayer sa suspicion clinique.

4. Diagnostic et traitement

Diagnostic

Le diagnostic d’hypercalcémie repose sur l’observation d’une calcémie totale corrigée augmentée (> 12 mg/dl) ou sur une valeur augmentée du calcium ionisé (> 1,5 mmol/l).

Traitement

• Lorsqu’elle est possible, l’élimination de la tumeur est le traitement de choix de l’hypercalcémie paranéoplasique.

• La palette des signes cliniques associés à l’hypercalcémie varie de symptômes légers à des symptômes marqués qui nécessitent un traitement d’urgence ; l’approche thérapeutique de ce syndrome varie donc selon la gravité des signes cliniques.

• Lors d’hypercalcémie minime avec peu de signes cliniques, la calcémie peut être contrôlée par la perfusion de solutés isotoniques sans calcium, qui favorise la diurèse rénale du calcium.

• Si l’hypercalcémie est modérée, l’administration de diurétiques de l’anse de Henlé (furosémide), associée à une réhydratation adéquate, peut permettre le contrôle de la calcémie jusqu’à ce que la cause sous-jacente soit identifiée et éliminée. L’ajout de corticoïdes, qui permet d’augmenter l’excrétion rénale de calcium, est aussi indiqué dans ce cas. Il convient toutefois de ne pas les administrer lorsque la cause n’a pas été identifiée, car ils peuvent masquer l’extension de la tumeur et retarder ainsi le diagnostic et le traitement étiologiques de l’hypercalcémie [3, 7].

• Lors d’hypercalcémie grave, qui peut mettre en jeu le pronostic vital, une réanimation médicale qui vise à lutter contre les effets cardiaques et rénaux (néphrocalcinose) est nécessaire, en plus des traitements précédents.

• Lors d’hypercalcémie sévère et réfractaire, d’autres modalités thérapeutiques ont été décrites.

La calcitonine de saumon(1), et le nitrate de gallium ou de mithramycine(1) ont été proposés [5, 6, 10], mais leur usage est encore à réserver aux structures spécialisées.

Les diphosphonates, en particulier l’étidronate(1) (Didronel®, comprimés à 200 mg) et le pamidronate(1) (Arédia®, solution injectable à 50 mg/ml), sont utilisés en médecine humaine pour lutter contre l’hypercalcémie maligne en contrant les effets de la résorption osseuse. Leur administration peut être envisagée aux doses respectives de 5 mg/kg/j par voie orale chez le chien et 10 mg/kg/j par voie orale chez le chat pour l’étidronate(1), et de 1,3 à 2 mg/kg/j pendant une semaine par voie intraveineuse pour le pamidronate(1) [7, 13].

Hypoglycémie maligne

L’hypoglycémie paranéoplasique se définit comme une concentration du glucose sanguin inférieure à 0,70 g/l chez l’animal à jeun, secondaire à l’action pathogène de certaines tumeurs [10, 11].

1. Étiologie

Si la cause la plus fréquente d’hypoglycémie paranéoplasique chez les humains et chez les chiens est l’hyperinsulinémie secondaire à une tumeur du pancréas endocrine qui touche les cellules des β îlots de Langerhans (insulinome : PHOTO 1), des tumeurs extrapancréatiques variées peuvent également s’accompagner d’hypoglycémie (carcinomes hépatocellulaires, lymphomes, léïomyosarcomes, hémangiosarcomes) [4, 6, 9].

Chez le chat, l’insulinome reste exceptionnel [6, 11].

2. Signes cliniques

L’apparition aiguë de troubles nerveux constitue le signe clinique majeur, avec des crises convulsives, des syncopes, de l’ataxie, une confusion mentale, une faiblesse marquée et des changements de comportements.

La crise hypoglycémique survient lors de valeurs de glycémie inférieures à 0,45 g/l [4]. Ces symptômes s’expriment habituellement sous la forme de crises de courte durée en raison de mécanismes régulateurs efficaces. D’autres symptômes, qui résultent de la mise en jeu du système adrénergique compensateur, peuvent aussi être observés en fin de crise : tachycardie, mydriase, vomissements, tremblements et nervosité [1].

3. Pathogénie

Lors d’insulinome pancréatique, l’hypoglycémie est due à la synthèse accrue d’insuline, sans rétrocontrôle négatif efficace de la glycémie.

Les tumeurs extrapancréatiques responsables d’hypoglycémie paranéoplasique sont associées à une insulinémie basse ou normale [10, 11]. Des mécanismes pathogéniques multiples sont suspectés [1, 6, 10, 11] :

- la consommation excessive de glucose par la tumeur, en particulier lors de tumeurs hépatiques ;

- l’inhibition de la néoglucogenèse et de la glycogénolyse par des facteurs tumoraux ;

- la destruction du parenchyme hépatique par un envahissement tumoral ou métastatique ;

- la sécrétion d’une substance insulino-mimétique par le tissu tumoral : l’insulin-like growth factor II (IGF II). Ce facteur tumoral a une homologie de structure marquée avec la pro-insuline et possède, de ce fait, des effets hypoglycémiants, en favorisant une utilisation périphérique du glucose sanguin.

4. Diagnostic

L’observation de la triade de Whipple (symptômes nerveux qui évoluent par crises chez l’animal à jeun, glycémie < 0,5 g/l et amendement des signes lors de l’administration de glucose par voie intraveineuse) confirme l’hypothèse d’hypoglycémie [3].

Pour la plupart des tumeurs extrapancréatiques, il n’est pas possible d’identifier avec précision la cause de l’hypoglycémie observée [10].

Une tumeur sécrétrice d’insuline est suspectée grâce aux commémoratifs qui rapportent des troubles compatibles avec des crises d’hypoglycémie. Le diagnostic d’insulinome nécessite la mise en évidence d’une hyperinsulinémie associée à une glycémie faible chez l’animal à jeun.

Une épreuve de jeûne est souvent nécessaire (voir l’ENCADRÉ “Épreuve d’hypoglycémie forcée”).

Bien que controversé, le rapport corrigé insuline/glucose peut être utilisé pour faciliter le diagnostic de tumeurs sécrétrices d’insuline :

Insulinémie (µU/ml) x 100/Glycémie (mg/dl) – 30

Des valeurs supérieures à 30 suggèrent fortement un insulinome ou un autre type de tumeur produisant de l'insuline [10].

5. Traitement

• La résection totale de la tumeur responsable du syndrome paranéoplasique permet une disparition complète des crises et une normalisation de la glycémie. Cependant, lors de tumeur pancréatique, les métastases fréquentes et le caractère souvent macroscopiquement non détectable des insulinomes au sein du tissu pancréatique normal rendent l’exérèse chirurgicale complète difficile [6, 11].

• Le traitement d’urgence de la crise aiguë repose sur l’administration intraveineuse de solutés glucosés, avec un relais par voie orale dès que l’animal a retrouvé son état de vigilance.

• Un traitement médical qui vise à prévenir l’apparition des états d’hypoglycémie peut être mis en place à titre palliatif ou lors de la persistance des crises d’hypoglycémie, synonyme de métastases ou d’exérèse incomplète.

Une alimentation enrichie en glucides complexes et distribuée en plusieurs fois dans la journée permet de maintenir une glycémie constante.

L’administration concomitante de corticoïdes à faible dose (prednisolone, 1 mg/kg/j, par voie orale) prévient les hypoglycémies par la stimulation de la néoglucogénogenèse et en diminuant l’utilisation du glucose par les tissus périphériques.

Le diazoxide(1) (10 à 40 mg/kg/j en deux prises), avec ou sans hydrochlorothiazide(1) (2 à 4 mg/kg/j), peut être efficace pour élever la glycémie en inhibant la sécrétion pancréatique d’insuline et le captage tissulaire du glucose.

L’hydrochlorothiazide(1) augmente les effets hyperglycémiants du diazoxide(1).

Le propranolol(1), un agent adrénergique -bloquant (0,2 à 1 mg/kg, trois fois par jour, par voie orale), peut augmenter la glycémie en bloquant la libération d’insuline par stabilisation membranaire et en modifiant l’affinité des récepteurs périphériques à l’insuline.

Cachexie tumorale

La cachexie néoplasique se définit comme une perte de poids extrême, même lorsque la prise calorique est suffisante. Elle résulte d’altérations graves du métabolisme des lipides, des glucides et des protéines, qui interviennent longtemps avant que les signes cliniques de cachexie ne deviennent visibles [9]. Ces modifications métaboliques ont des effets néfastes sur l’organisme et sont responsables de la réduction de la qualité et de l’espérance de vie [8]. Cette perte de poids est extrêmement fréquente en médecine humaine, où elle touche presque 90 % des patients au cours de leur maladie [12], et bien qu’aucune étude portant sur un grand nombre d’animaux malades n’ait été réalisée, un pourcentage de 25 à 30 % semble être réaliste chez le chien et chez le chat [2].

1. Signes cliniques

Les signes cliniques d’une cachexie néoplasique ne sont pas toujours remarqués lors de la phase d’installation du syndrome, mais ils deviennent patents au cours de l’évolution du processus tumoral associé. Ils consistent en une perte de poids en dépit d’un appétit initial conservé, en une fonte des masses musculaires et en une émaciation associée à une léthargie progressive (PHOTO 2).

Les altérations métaboliques et le mauvais état général secondaire sont responsables d’une augmentation des réactions toxiques en réponse à la chimiothérapie, ce qui diminue la réponse au traitement et l’espérance de vie des animaux cancéreux.

2. Pathogénie

Les mécanismes responsables de cette cachexie sont multiples et encore imparfaitement connus. La sécrétion par la tumeur de facteurs humoraux qui modifient les métabolismes glucidiques, lipidiques et protéiques a été évoquée pour expliquer les profondes modifications métaboliques des animaux cancéreux. Les effets des interleukines (IL-1 et IL-6), du tumor necrosis factor alpha (TNF() et de l’interféron ( sont, entre autres, mis en cause [6, 9, 11, 12] ; ces facteurs sont en effet retrouvés en concentrations élevées chez les animaux porteurs d’un processus tumoral.

Les principales actions pathogènes de ces facteurs résident dans :

- une insulinorésistance ;

- un métabolisme glucidique perturbé responsable de la production de lactates en grande quantité aux dépens d’une utilisation normale du glucose ;

- une utilisation accrue des acides gras libres ;

- un catabolisme protéique augmenté.

Ces mécanismes expliquent les principales anomalies retrouvées chez les animaux qui présentent une cachexie néoplasique, qui consistent en des concentrations sériques en insuline, en lactates et en triglycérides augmentées par rapport aux chiens sains [11].

3. Traitement

Le traitement de la cachexie tumorale consiste, dans un premier temps, en l’élimination de la cause tumorale sous-jacente.

Une alimentation adaptée, si elle n’entraîne pas une rémission totale des signes, permet, dans la majorité des cas, de contrôler la perte de poids. La prise en charge diététique de l’animal cancéreux respecte certains principes généraux :

- la voie entérale est privilégiée si l’animal est capable de manger seul ;

- des aliments spécifiques sont utilisés, caractérisés par une teneur réduite en glucides simples car ces derniers favorisent l’hyperinsulinémie et l’hyperlactatémie, enrichis en lipides (surtout ceux de la série oméga 3) [6, 11] et qui contiennent des protéines de hautes valeurs digestibles ;

- une stimulation chimique de l’appétit par l’utilisation de molécules orexigènes (dérivés des benzodiazépines, cyproheptadine(1)) est préconisée lors d’une anorexie qui évolue depuis plus de soixante-douze heures ;

- des techniques d’alimentation assistée en cas d’anorexie prolongée (sonde nasogastrique, de pharyngostomie, de gastrotomie) sont mises en place rapidement ;

- il convient de s’assurer que l’animal ingère un nombre suffisant de calories : les besoins énergétiques de l’individu cachectique sont doublés [2, 10].

La quantité de nourriture quotidienne nécessaire chez un animal cachectique est déterminée facilement grâce aux nombreuses formules de calcul des besoins qui permettent un suivi diététique efficace [2, 6, 11, 12] (voir l’ENCADRÉ “Besoins énergétiques de l’animal cancéreux”).

Une alimentation adaptée aux besoins de l’animal doit être considérée comme une partie importante du traitement anticancéreux. La diététique est en passe de devenir un traitement adjuvant du cancer, qui permet une amélioration de la qualité et de l’espérance de vie chez le chien et chez le chat [2, 10].

Fièvre

La fièvre est un syndrome paranéoplasique qui peut accompagner tous les types de cancers [9, 10]. Dans de nombreux cas, l’hyperthermie observée est secondaire à une infection, surtout si l’animal reçoit une chimiothérapie ; la leucopénie chimio-induite favorise en effet la survenue d’infections opportunistes.

La fièvre associée à un processus tumoral se définit généralement comme une élévation inexpliquée de la température corporelle, qui coïncide avec la croissance ou l’élimination d’une tumeur. Les mécanismes de cette hyperthermie résident dans l’élaboration de substances pyrogènes (interleukines IL-1 et IL-6, interféron-(, etc.) par les cellules tumorales ou par les leucocytes normaux, qui agissent sur l’hypothalamus et perturbent la régulation de la température [6, 9, 10].

La présence d’un syndrome fiévreux paranéoplasique peut engendrer une anorexie, une faiblesse et une dépression, et diminuer ainsi la qualité de vie et l’espérance de survie [11].

Le traitement de ces hyperthermies nécessite l’élimination de la cause responsable de ce syndrome. Cependant, des traitements symptomatiques à base d’antipyrétiques (anti-inflammatoires non stéroïdiens) peuvent être entrepris pour lutter contre les effets délétères de la fièvre. En revanche, les corticoïdes ne doivent pas être administrés avant l’établissement d’un diagnostic étiologique précis.

Hyperhistaminémie

La sécrétion paranéoplasique d’histamine associée à la présence de tumeurs mastocytaires est bien décrite chez le chien [2, 9]. Ces substances (histamine, héparine, enzymes protéolytiques) contenues dans les granulations des mastocytes peuvent être responsables de symptômes cliniques lors de leur libération dans l’environnement de ces cellules.

Des signes digestifs, qui comprennent des vomissements chroniques avec ou sans hématémèse, du méléna et des ulcères digestifs, ont été rapportés lors de mastocytomes [5]. Ces symptômes sont dus à l’action de l’histamine sur ses récepteurs H-1 et H-2 présents dans la paroi gastrique, avec, comme conséquence, une hyperacidité gastrique qui entraîne des lésions de la muqueuse, des microthrombi et, enfin, l’apparition d’ulcères gastriques avec les signes cliniques associés [6, 9].

Des signes dermatologiques secondaires à la manipulation de tumeurs cutanées ont été rapportés : ils consistent en de l’œdème, du prurit et un érythème.

Beaucoup plus rarement, une atteinte cardiovasculaire sévère, qui résulte des effets systémiques et hypotenseurs de l’histamine, est décrite en association avec des mastocytomes : hypotension sévère, bronchospasme, arythmies cardiaques [5, 6].

Une exérèse chirurgicale large, suivie d’une radiothérapie, est le traitement de choix pour la résolution des signes cliniques liés à l’hyperhistaminémie [6, 9]. L’administration de molécules antihistaminiques (cimétidine(1), ranitidine(1)) ou antisécrétoires (oméprazole(1)) en phase préopératoire permet de lutter contre les effets délétères de l’hyperacidité gastrique et, avec les anti-histaminiques seuls, d’améliorer la cicatrisation en phase postopératoire [5, 6].

Les désordres endocriniens et métaboliques tels que l’hypercalcémie, l’hypoglycémie et la cachexie sont souvent associés à un processus tumoral chez les chiens et chez les chats. La reconnaissance précoce de ces syndromes a un double avantage : d’une part, elle permet l’identification de tumeurs encore infracliniques et l’établissement d’un traitement adapté qui améliore les chances de guérison ; d’autre part, le traitement de ces désordres potentiellement dangereux peut permettre l’augmentation de l’espérance de survie de l’animal tout en maintenant une qualité de vie optimale. Les anomalies hématologiques au sens large (hémogramme et hémostase), puis les désordres paranéoplasiques des divers autres systèmes (osseux, nerveux, rénaux, etc.) seront abordés dans deux prochains articles.

  • (1) Médicament à usage humain.

Calcémie : compartimentation et dosage

Le calcium plasmatique est l’une des constantes les plus stables de l’organisme. Il existe sous différentes formes dans le compartiment sanguin. Différentes méthodes de dosage sont disponibles et mesurent soit le calcium total, soit le calcium ionisé. Cette dernière forme étant la seule fraction active, son dosage doit être préféré à la valeur de la calcémie totale. Le diagnostic d’hypercalcémie nécessite l’observation d’une augmentation du calcium ionisé.

Si le calcium ionisé ne peut être mesuré, la valeur de la calcémie totale doit tenir compte de deux autres paramètres pour être interprétable.

La protéinémie ou l’albuminémie : la calcémie varie dans le même sens que la protidémie, sans modification de la fraction ionisée. Toute hyperprotéinémie ou hyperalbuminémie entraîne une augmentation de la valeur de la calcémie totale sans que le pool ionisé ne soit masqué. Un diagnostic erroné d’hypercalcémie peut alors être établi à partir de la valeur du calcium total. L’inverse est valable lors d’hypoprotéinémie : une élévation du calcium ionisé, définissant véritablement une hypercalcémie, peut ainsi être masquée par la diminution de la forme liée ; la valeur du calcium total reste dans les limites de la normale.

L’état acidobasique : l’alcalose est responsable d’une diminution de la fraction du calcium ionisé, contrairement à l’acidose. Malheureusement, il n’existe aucune formule de correction simple permettant de corriger le calcium total en fonction du pH sanguin.

Si la valeur du calcium ionisé est inconnue, il est donc préférable d’utiliser la valeur du calcium corrigé. Des formules arithmétiques permettent de donner la valeur du calcium corrigé en fonction de la protéinémie ou de l’albuminémie à partir du calcium total.

Ca corrigé (mg/l) = Ca mesuré (mg/l) – albuminémie (g/l) + 35

Ca corrigé (mg/l) = Ca mesuré (mg/l) – [0,4 x protéinémie (g/l)] + 33

D’après [3, 5, 11] modifiés.

Épreuve d’hypoglycémie forcée

Mise à jeun de l’animal.

Mesures de glycémie fréquentes (toutes les 2 à 4heures) jusqu’à obtenir une glycémie < 0,7 g/l.

Un échantillon sanguin est alors prélevé sur un tube hépariné et envoyé au laboratoire pour la détermination de l’insulinémie et de la glycémie. Chez certains individus, une surveillance de la glycémie peut durer jusqu’à 72 heures avant de pouvoir confirmer le diagnostic.

Le diagnostic d’insulinome nécessitel’observation concomitante d’une glycémie basse (inférieure à 0,6 g/l) et d’une insulinémie élevée (supérieure à 30 µU/ml).

D’après [10, 11] modifiés.

Besoins énergétiques de l’animal cancéreux

Chez le chien, les besoins énergétiques sont estimés à (kcal/j)

= 60 x poids (kg) + 70

= 132 x PV0,75/j

Chez le chat, les besoins énergétiques sont estimés à (kcal/j)

= 200 à 300 kcal/animal/j

(kg se rapporte au poids vif de l’animal cancéreux)

Points forts

Les syndromes paranéoplasiques (SPN) sont parfois les seuls signes cliniques qui trahissent l’existence d’une tumeur dont la présence reste infraclinique.

Les SPN sont des marqueurs tumoraux fiables : après une exérèse ou une chimiothérapie, leur disparition est évocatrice d’une rémission clinique et leur réapparition fait craindre une récidive locale ou la présence de métastases occultes.

L’hypercalcémie paranéoplasique est fréquemment décrite chez le chien, mais reste rare chez le chat. La première cause d’hypercalcémie chez le chien est tumorale.

Exceptionnel chez le chat, l’insulinome est la cause la plus fréquente d’hypoglycémie paranéoplasique chez le chien. Des tumeurs extrapancréatiques variées peuvent toutefois engendrer également une hypoglycémie (carcinomes hépatocellulaires, léïomyosarcomes, etc.).

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