Streptococcus uberis, l’espèce préoccupante - Le Point Vétérinaire n° 239 du 01/10/2003
Le Point Vétérinaire n° 239 du 01/10/2003

PATHOLOGIE MAMMAIRE BOVINE

Se former

EN QUESTIONS-RÉPONSES

Auteur(s) : Francis Sérieys

Fonctions : Filière Blanche, 12 quai Dugay
Trouin, 35 000 Rennes
francis.serieys@wanadoo.fr

De nouvelles connaissances dans le domaine de l’épidémiologie et de la pathogénie modifient l’approche des infections mammaires à Streptococcus uberis chez la vache laitière.

Streptococcus uberis, dont l’identification a souvent posé des problèmes (voir l’ENCADRÉ “Identification de l’espèce et des souches”), est une cause majeure d’infections mammaires dans des pays aussi variés que l’Australie, les Pays-Bas, le Brésil, le Canada, la Nouvelle-Zélande, les États-Unis ou le Royaume-Uni [44]. En France, cette espèce est en cause dans 30 à 40 % des cas de mammites cliniques et dans 20 à 25 % des mammites subcliniques dues à des pathogènes majeurs [6, 7]. Elle joue un rôle non négligeable dans les infections mammaires des génisses avant le vêlage et elle constitue la première cause des nouvelles infections pendant la période sèche chez la vache.

Partout, les infections mammaires dues à cette espèce apparaissent parmi les plus difficiles à maîtriser et leur importance, relativement aux autres espèces si ce n’est dans l’absolu, ne cesse d’augmenter. L’explication la plus fréquemment avancée est que cette espèce répond mal au plan de lutte anglais en cinq points qui est surtout efficace contre les espèces contagieuses à réservoir mammaire. Il reste que, depuis les années 1970, peu de nouveaux moyens ont été trouvés pour améliorer l’efficacité de la prévention contre cette espèce. En outre, Streptococcus uberis répond moins bien à l’antibiothérapie que les autres espèces de streptocoques et nombreux sont les praticiens qui font état de leur difficulté à traiter ces infections avec succès.

Str. uberis est-il une espèce d’environnement, à réservoir mammaire ou ubiquitaire ?

1. Str. uberis, espèce d’environnement ?

Str. uberis est fréquemment trouvé dans les litières, notamment les litières de paille mal entretenues, où le germe peut atteindre des concentrations élevées, de l’ordre du million de bactéries par gramme. Ainsi, dans une étude portant sur 33 élevages où 129 échantillons de litières de paille ont été prélevés, Bramley [2] a isolé Str. uberis sur 31 échantillons (24 %) issus de 18 élevages (55 %) avec des numérations supérieures à un million de bactéries par gramme dans 10 échantillons (8 %). Dans un troupeau atteint d’une flambée de mammites à Str. uberis, la bactérie était présente à des concentrations dépassant le million de germes par gramme de litière dans 36 % des échantillons prélevés.

Comme pour Escherichia coli, les concentrations élevées résultent d’une phase de multiplication active des bactéries dans la litière à partir d’un petit inoculum. Le mélange de paille, de bouse et d’urine fournit un substrat nutritif, le microclimat de la litière (température, humidité, aération) détermine la vitesse de multiplication des bactéries et la concentration maximale atteinte [37]. Str. uberis a aussi été isolé de pâtures exploitées intensivement par les vaches, à des concentrations similaires à celles observées dans les litières [12]. Sur ces bases, Str. uberis est généralement classé dans les espèces d’environnement, au côté des entérobactéries. Ce modèle épidémiologique est compatible avec les études faisant apparaître le caractère souvent très multiclonal des souches responsables des infections mammaires dans un élevage [17, 38].

2. Str. uberis, espèce à réservoir mammaire ?

Mais contrairement aux infections à E. coli, celles à Str. uberis peuvent avoir une prévalence élevée dans certains élevages, avec un nombre important de quartiers atteints de mammites subcliniques qui excrètent de nombreuses bactéries dans leur lait. Sur cette base, il est donc possible de soutenir qu’il s’agit d’une espèce à réservoir mammaire. Zadocks et coll. [42] ont observé une bonne concordance entre la dynamique réelle des infections à Str. uberis observée dans un élevage et la dynamique prévue selon un modèle de transmission par contagion, faisant dépendre l’incidence instantanée des nouvelles infections à Str. uberis de la prévalence de cette espèce dans le troupeau au cours de la période précédente. Ce modèle de transmission par contagion rendait bien compte des variations observées pendant les périodes où une désinfection des trayons après la traite était appliquée dans l’élevage. Par ailleurs, la présence de Str. uberis sur les manchons trayeurs après la traite des vaches infectées et sa persistance après la traite d’une ou deux vaches supplémentaires non infectées indiquaient un processus de transmission à l’occasion de la traite très comparable à celui qui prévaut pour S. aureus.

3. Str. uberis, espèce ubiquitaire ?

Si l’on examine maintenant l’ensemble des sites d’où Str. uberis est isolé, c’est à l’évidence un germe ubiquitaire. Il est en effet présent, outre sur les litières et sur les mamelles, sur les trayons, sur la peau de la mamelle, sur le pelage, sur les naseaux, sur les lèvres, sur les amygdales, dans la cavité buccale, dans le rumen, dans l’intestin, dans le rectum, dans les fèces, sur la vulve et dans le vagin [18]. Dans ces localisations, sa présence est toutefois beaucoup plus épisodique que dans les litières ou dans la mamelle et le nombre de bactéries isolées est faible. Ainsi, Bramley [2] a isolé Str. uberis de 14 échantillons de fèces sur 41 prélevés, mais dans 5 seulement en culture directe sans enrichissement préalable. Par ailleurs, Kruze et Bramley [20] ont montré que cette excrétion fécale n’était le fait que d’une fraction des vaches d’un troupeau, 15 % d’entre elles étant à l’origine de 80 % des échantillons positifs. Ainsi, quelques individus, qui ne sont pas nécessairement les plus sensibles aux infections mammaires et dont l’identification reste problématique, pourraient être les principales sources de la contamination des litières. La concentration de Str. uberis dans les écoulements vulvaires est généralement faible, tout au moins en l’absence de vaginite et de métrite.

4. Une épidémiologie évolutive

En fait, le classement des espèces bactériennes selon leur réservoir principal, mammaire ou environnemental, s’applique mal à Str. uberis. Les études épidémiologiques les plus récentes, [29, 44] faisant appel à l’identification génotypique des souches (voir l’ENCADRÉ “Str. uberis : deux sous-populations à la pathogénécité distincte”), arrivent à la conclusion que deux sous-populations, correspondant à deux pathotypes différents, peuvent être distinguées dans l’espèce Str. uberis. L’une correspond à des souches qui infectent la mamelle à partir de sources environnementales. Ces infections peuvent intervenir pendant la période de lactation ou la période sèche. Elles sont dues à un grand nombre de souches différentes dans un même troupeau. L’autre sous-population est constituée de souches qui causent principalement des mammites subcliniques de type chronique. Elles se transmettent d’un quartier à l’autre chez la même vache ou d’une vache à l’autre, par contagion à l’occasion de la traite. Ce pathotype, lorsqu’il existe dans un troupeau, correspond généralement à une souche unique.

Cette multiplicité des réservoirs et des modes de transfert de Str. uberis complique considérablement l’épidémiologie. Ces réservoirs communiquent en effet entre eux. On conçoit aisément que des bouses contaminées ou des pertes génitales constituent un inoculum de bactéries dans la litière où elles vont se multiplier. Puis les trayons vont être contaminés par contact lors du couchage et des bactéries vont pénétrer dans des quartiers et se multiplier dans le lait. Les quartiers infectés constituent alors un nouveau réservoir à partir duquel d’autres quartiers de la même ou d’autres vaches du troupeau pourront s’infecter à leur tour, notamment par contagion à l’occasion de la traite.

Mais, à l’inverse, les quartiers infectés peuvent aussi, par le biais des pertes de lait, contaminer la litière et augmenter l’importance de ce réservoir. Puis, par contact lors du couchage, la vulve ou le pelage de l’animal vont pouvoir être contaminés. Les bactéries sont ensuite susceptibles de passer du pelage dans le tube digestif par le biais du léchage.

Dans ce système de vases communicants, l’importance relative des différents réservoirs potentiels peut donc varier avec le temps à l’intérieur d’un même élevage et les voies de contamination et d’infection, s’inverser.

Quels sont les facteurs de risques et les moyens de prévention pendant la lactation ?

1. Recherche de l’origine de la contamination

Dans tout problème de mammite impliquant Str. uberis, il convient d’examiner systématiquement les deux origines possibles : source environnementale avec contamination des trayons en dehors de la traite et source mammaire avec contagion à l’occasion de la traite [33]. Ces deux origines peuvent coexister à un moment donné dans un élevage. Elles peuvent aussi se succéder, par exemple une source environnementale dominante pendant la période de stabulation et une origine essentiellement mammaire lorsque les vaches sont à la pâture. En pratique, savoir que Str. uberis est en cause dans un élevage, suite par exemple à des diagnostics bactériologiques, n’est pas d’un grand secours pour la prévention.

2. Mesures de prévention générales

En fait, s’il y a un réservoir mammaire important dans un troupeau, que les quartiers soient infectés majoritairement par S. aureus ou par Str. uberis, les mesures de prévention à appliquer seront à peu près les mêmes, visant à empêcher la contagion à l’occasion de la traite. S’il y a une importante source environnementale, que les infections soient dues à E. coli ou à Str. uberis, il s’agira prioritairement de veiller aux conditions d’ambiance et à l’hygiène du logement avec une attention particulière pour les aires de couchage, y compris au pâturage.

Cela renvoie donc à l’analyse fonctionnelle générale des infections mammaires, s’appuyant essentiellement sur les résultats de comptages cellulaires individuels et l’enregistrement des cas cliniques, pour déterminer les réservoirs dominants à partir de l’évaluation de la prévalence, de la persistance et de l’incidence des infections [31].

3. Mesures plus spécifiques

Quelques mesures de prévention présentent toutefois un caractère plus spécifique. Les vaches qui perdent leur lait et qui ont des écoulements génitaux pathologiques contribuent sans doute de manière importante à la contamination initiale des litières par Str. uberis. Elles devraient être écartées systématiquement des aires de couchage fréquentées par les autres vaches. Par ailleurs, l’association du pré- et du post-trempage des trayons apparaît particulièrement efficace pour prévenir les infections à Str. uberis de diverses origines [32].

Pourquoi la mamelle sèche est-elle particulièrement sensible aux nouvelles infections par Str. uberis ?

Le risque d’infection pendant la période sèche dépend essentiellement de trois facteurs : le nombre de bactéries présentes sur la peau des trayons à proximité de l’orifice, la pénétrabilité du canal du trayon et l’aptitude de la sécrétion à permettre ou non la multiplication des bactéries.

Contrairement à S. aureus, Str. uberis n’est qu’un contaminant transitoire de la peau des trayons. Vraisemblablement, le nombre de bactéries présentes sur les trayons croît avec l’avancement de la période sèche, du fait d’une accumulation de contaminations lors des couchages successifs à partir des sources environnementales et de la suppression du nettoyage et de la désinfection biquotidienne des trayons en l’absence de traite.

L’aptitude de Str. uberis à franchir le canal du trayon apparaît plus élevée au début de la période sèche, lorsque le sphincter est distendu [4]. Toutefois, le risque de pénétration des bactéries ne se limite pas à cette période. Il est possible de penser que, comme en lactation, les quartiers ayant un canal du trayon court et produisant peu de kératine sont particulièrement sensibles aux infections par cette espèce [21]. On sait que l’obturation du canal du trayon par un bouchon de kératine après l’arrêt de la traite se réalise plus ou moins rapidement selon les individus [39] et qu’elle semble être freinée par une colonisation bactérienne du canal du trayon diminuant sa production de kératine. En outre, comme la plupart des pathogènes d’environnement, Str. uberis est capable de se multiplier sur un milieu de culture constitué de kératine du canal du trayon [28] et sa croissance est peu affectée par les principaux acides gras à longue chaîne présents dans celle-ci [15]. Enfin, le bouchon de kératine protecteur est souvent éliminé dans les jours qui précèdent le vêlage.

L’aptitude de Str. uberis à se développer dans les sécrétions de la mamelle tarie varie à l’inverse de celle d’E. coli : faible en début et en fin de période sèche, élevée dans la mamelle involuée [5], où le système de la lactoperoxydase semble être inhibé [25]. Manifestement, la lactoferrine, en forte concentration dans la sécrétion de la mamelle involuée, n’inhibe pas la multiplication de cette espèce. Elle pourrait au contraire favoriser la colonisation de la mamelle involuée en facilitant l’adhérence de la bactérie sur l’épithélium mammaire [8].

Finalement, Str. uberis semble capable de réaliser des infections mammaires tout au long de la période sèche, différents facteurs de sensibilité étant présents à chaque phase. Cette hypothèse est confirmée par les essais de traitement au tarissement qui font apparaître une meilleure efficacité préventive contre Str. uberis lorsque la persistance de l’antibiotique dans la mamelle est plus longue [30, 41].

Quels sont les moyens de prévention pendant la période sèche ?

Chez les vaches taries, comme chez les génisses avant le vêlage, l’origine des infections à Str. uberis est exclusivement environnementale. Les conditions d’ambiance du logement de ces catégories d’animaux, d’hygiène et d’entretien de leurs aires de couchage sont donc essentielles.

1. Chez les vaches taries

Chez les vaches, le traitement systématique au tarissement est une mesure de prévention efficace : les spécialités, notamment à base de â-lactamines, qui persistent très longtemps dans la sécrétion, sont les plus intéressantes. Le traitement sélectif n’est pas indiqué dans les élevages confrontés à un risque élevé de nouvelles infections à Str. uberis [34]. Les quartiers non traités s’infectent souvent par cette espèce, notamment ceux qui étaient déjà infectés par Corynebacterium bovis au moment du tarissement [1].

L’obturation interne des trayons avec un produit à base de bismuth permet aussi de prévenir très efficacement les nouvelles infections à Str. uberis : les résultats sont équivalents à ceux obtenus avec une spécialité de référence à base de céphalonium persistant dix semaines dans la mamelle tarie [16, 40].

2. Chez les génisses avant le vêlage

Les modalités d’infections des génisses avant le vêlage sont mal connues. Rien ne permet d’exclure que les jeunes femelles puissent s’infecter dans le très jeune âge, notamment pendant la phase d’alimentation lactée, l’infection ne se manifestant qu’après le premier vêlage par une mammite subclinique ou clinique. Outre une infection directe à partir de litières contaminées, la tétée d’une génisse par une autre dont la cavité buccale et les lèvres sont contaminées par Str. uberis est une voie possible d’infection. Il paraît donc prudent de ne pas donner aux veaux le lait de vaches atteintes de mammites à Str. uberis si l’on veut éviter qu’ils ne deviennent des réservoirs primaires dans le troupeau dont les fèces inoculeront les litières ou qui provoqueront directement des infections mammaires s’ils tètent leurs congénères.

Comment aborder le traitement des infections à Str. uberis ?

Les implications de ces données épidémiologiques et pathogéniques sur l’abord du traitement des mammites à Str. uberis font l’objet d’un article spécifique dans ce numéro en p. 36.

Identification de l’espèce et des souches

L’espèce Streptococcus uberis (du latin uber, uberis : mamelle) est identifiée par des caractères communs à l’ensemble du genre Streptococcus (petites colonies bombées sur la gélose au sang, catalase -) et par des caractères plus spécifiques qui permettent de la distinguer des autres espèces de streptocoques : hydrolyse de l’esculine sur la gélose au sang, un ensemble de réactions biochimiques parmi lesquelles la fermentation de l’inuline, l’absence de fermentation du raffinose et l’hydrolyse de l’arginine apparaissent comme les plus discriminantes. Les autres réactions caractéristiques sont les fermentations du sorbitol, du mannitol et du tréhalose. La plupart des souches sont non hémolytiques ou donnent une légère hémolyse á de couleur verte sur la gélose au sang. Certains isolats présentent des profils biochimiques qui s’écartent plus ou moins de la normale. Leur inclusion ou non dans l’espèce uberis a varié dans le temps et selon les auteurs [18].

Le sérogroupage sur la base d’antigènes polyosidiques (18 groupes de Lancefield) permet de caractériser Str. agalactiae (groupe B), Str. dysgalactiae (groupe C) et diverses espèces d’entérocoques (groupe D), mais pas Str. uberis. En l’absence de polyoside spécifique, environ 80 % des isolats de cette espèce sont en effet non groupables et les 20 % restants appartiennent à divers groupes, notamment E, G, P et U [3].

Les techniques de biologie moléculaire ont permis de mieux cerner la diversité de cette bactérie. Les techniques d’hybridation de l’ADN chromosomique et la comparaison des séquences de l’ARN ribosomique 16S ont montré qu’en réalité il fallait distinguer deux espèces qui jusqu’alors étaient confondues : Str. parauberis et Str. uberis proprement dit. Ces deux espèces peuvent aujourd’hui être différenciées en utilisant des sondes nucléiques. Il apparaît que Str. parauberis est très minoritaire par rapport à Str. uberis dans les infections mammaires de la vache, avec une fréquence relative d’isolement allant de 0 à 10 % selon les enquêtes. Ces infections présentent globalement un caractère plus chronique que celles dues à Str. uberis.

L’identification génotypique (empreinte génétique) faisant appel à différentes techniques de biologie moléculaire a permis de mettre en évidence la variabilité des souches et d’accroître nos connaissances sur l’origine, le mode de transmission et la persistance des infections dues à cette espèce.

Str. uberis : deux sous-populations à la pathogénécité distincte

Les études épidémiologiques récentes avec identification génotypique des souches concluent à l’existence de deux pathotypes.

L’étude de Phuettes et coll. [29] réalisée en Australie dans quatre élevages exploitant essentiellement le pâturage d’herbe fait apparaître une grande hétérogénéité : 62 souches différentes parmi 138 isolats avec de 10 à 26 souches différentes par élevage suggérant une origine essentiellement environnementale. Toutefois, chez la plupart des vaches, les infections étaient persistantes avec une même souche isolée lors des deux prélèvements de la lactation. Des souches identiques étaient isolées des différents quartiers des mêmes vaches ou de différentes vaches des mêmes troupeaux, suggérant l’existence de phénomènes de contagion. Dans deux élevages, une souche était nettement prédominante.

Une étude longitudinale réalisée dans deux élevages hollandais sur une durée de 18 mois [44] a montré qu’une souche dominait nettement dans chacun des élevages suivis et qu’elle était à l’origine d’infections significativement plus longues que celles causées par les quinze autres souches identifiées. Dans l’un des élevages, la souche dominante n’avait jamais été trouvée avant de provoquer une flambée de mammites, essentiellement subcliniques, qui a duré une dizaine de mois, infectant jusqu’à 18 quartiers simultanément. Les autres souches étaient seulement présentes de manière sporadique avant, pendant ou après cette flambée, le plus souvent dans un seul quartier. Les infections dues à la souche dominante se sont toutes installées pendant la lactation alors que 6 des 9 infectons dues à d’autres souches ont commencé pendant la période sèche. Lorsque plusieurs quartiers de la même vache étaient infectés, la même souche a été trouvée dans les différents quartiers, la souche dominante de l’élevage le plus souvent. Les quartiers infectés excrétaient une grande quantité de Str. uberis dans le lait, au-delà de 1 000 u.f.c./ml en général, et ces bactéries étaient retrouvées sur les manchons trayeurs après la traite.

conseils

Les vaches qui perdent leur lait et qui ont des écoulements génitaux pathologiques devraient être écartées des aires de couchage fréquentées par les autres vaches.

Où en sont les recherches en matière de vaccination ?

Ces dernières années les recherches en matière de vaccin se sont concentrées sur l’inhibition de la colonisation de la mamelle en agissant sur des cibles de l’appareil biochimique de Str. uberis qui interviennent dans l’acquisition de nutriments. Str. uberis a besoin en effet pour se multiplier de disposer d’une dizaine d’acides aminés qui lui sont indispensables et qu’il ne trouve pas dans le lait à l’état libre ou sous forme de peptides assimilables. En revanche, il synthétise et excrète une enzyme (kinase) qui active le plasminogène du lait et le transforme en plasmine. Celle-ci hydrolyse la caséine et fournit ainsi à la bactérie ses substrats nutritifs aminés. Deux activateurs du plasminogène synthétisés par Str. uberis ont été identifiés : PauA qui est produit par la grande majorité des souches et PauB beaucoup plus rarement exprimé.

La vaccination expérimentale avec la protéine PauA s’est traduite par une réduction comprise entre 37 et 62 % des mammites cliniques par des souches hétérologues de Str. uberis et une réduction de 3 à 4 log du nombre de bactéries excrétées dans le lait des vaches immunisées [22]. Par ailleurs, cette vaccination n’entraîne pas de réaction inflammatoire marquée ni d’augmentation importante du nombre des polynucléaires neutrophiles dans le lait dont la concentration en cellules somatiques se maintient autour de 300 000/ml. C’est un point intéressant si l’on considère que leur passage en grand nombre dans la glande mammaire aurait eu des répercussions néfastes sur la production de lait, sans bénéfice sanitaire pour l’animal puisque la phagocytose de Str. uberis est assurée essentiellement par les macrophages, l’action phagocytaire des neutrophiles étant inhibée par la capsule d’acide hyaluronique qui entoure la bactérie [23]. Les résultats expérimentaux de vaccination avec l’activateur de plasminogène PauA sont prometteurs, mais devront être confirmés par des essais à plus grande échelle en infections naturelles.

D’autres pistes de vaccination, notamment par une hémolysine (CAMP factor) et des protéines de surface (protéines GapC) intervenant dans la virulence de Str. uberis, sont en cours d’exploration [9].

Points forts

Streptococcus uberis est une cause majeure d’infections mammaires dans de nombreux pays.

En France, Str. uberis est en cause dans 30 à 40 % des cas de mammites cliniques et dans 20 à 25 % des mammites subcliniques dues à des pathogènes majeurs.

Str. uberis joue un rôle important dans les infections mammaires des génisses avant le vêlage. Il constitue la première cause des nouvelles infections pendant la période sèche chez la vache.

L’importance relative des différents réservoirs potentiels de Str. uberis dans un élevage peut varier avec le temps et les voies de contamination et d’infection s’inverser.

L’association du pré- et du post-trempage des trayons est efficace pour prévenir les infections à Str. uberis.

L’aptitude de Str. uberis à se développer dans les sécrétions de la mamelle tarie est faible en début et en fin de période sèche, élevée dans la mamelle involuée.

Le traitement systématique au tarissement est une mesure de prévention efficace contre Str. uberis.

Il est déconseillé de donner aux veaux le lait de vaches atteintes de mammites à Str. uberis.

attention

Il existe deux pathotypes différents de Str. uberis : l’un correspond à des souches qui infectent la mamelle à partir de sources environnementales, responsables de mammites pendant la période de lactation ou la période sèche ; l’autre correspond à des souches responsables de mammites subcliniques de type chronique transmises pendant la traite.

En savoir plus

6 -.Fabre JM, Morvan H, Lebreux B, Houffschmitt P, Berthelot X. Estimation de la fréquence des différents germes responsables de mammites en France. 1- Mammites cliniques. Bull. GTV 1997 ; 552(3B) : 17-23.

23 - Leigh JA. Streptococcus uberis : a permanent barrier to the control of bovine mastitis ? The Veterinary Journal 1999 ; 157 ; 225-238.

31 - Seegers H, Sérieys F. L’intervention du vétérinaire face à un problème de mammites : 1- Questions de base et réponses possibles aujourd’hui. Journées nationales des GTV, Tours 2002 : 139-146.

33 - Sérieys F, Seegers H. L’intervention du vétérinaire face à un problème de mammites : 2- Adapter les méthodes à l’évolution de l’épidémiologie. Journées nationales des GTV, Tours 2002 : 147-156.

34 - Sérieys F. Prescrire moins d’antibiotiques au tarissement ? Point Vét. 2003 ; 33(223) :48-52.

44 - Zadoks RN, Gillepsie BE, Barkema HW, Sampinon OC, Oliver SP, Schukken YH. Clinical, epidemiological and molecular characteristics of Streptococcus uberis infections in dairy herds. Epidemiol. Infect. 2003 ; 130 : 335-349.

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