La phénylpropanolamine traite les incompétences sphinctériennes - Le Point Vétérinaire n° 239 du 01/10/2003
Le Point Vétérinaire n° 239 du 01/10/2003

CHIENNES OU CHIENS INCONTINENTS URINAIRES

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NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Éric Vandaële

La phénylpropanolamine traite au moins 85 % des incontinences urinaires par incompétence sphinctérienne chez les chiennes stérilisées.

La phénylpropanolamine (ou noréphédrine) fait partie de ces molécules de la pharmacie humaine qui manquent à l'arsenal thérapeutique vétérinaire. Les prescripteurs de ce sympathomimétique étaient jusqu'à présent dans l'obligation de prescrire des spécialités humaines, de moins en moins nombreuses depuis le classement “sur prescription” le 31 juillet 2001 de la phénylpropanolamine (liste I des substances vénéneuses). Ces spécialités humaines n'étaient toutefois pas satisfaisantes pour les praticiens car, indiquées comme “décongestionnant nasal” destiné au traitement des rhinites ou sinusites, elles associent la phénylpropanolamine pour son effet vasoconstricteur à un anti-inflammatoire non stéroïdien, le paracétamol, ou à un antihistaminique.

L'incompétence sphinctérienne

Le lancement du sirop à 50 mg/ml de chlorhydrate de phénylpropanolamine (Propalin® par Vétoquinol) était donc attendu, d'autant que cette spécialité est déjà commercialisée depuis 1990 au Royaume-Uni. Elle est indiquée comme « traitement de l'incontinence urinaire associée à une insuffisance du sphincter urétral chez la chienne », selon le résumé officiel des caractéristiques du produit (RCP). Chez l'adulte, ces incompétences sphinctériennes (qualifiées aussi d'urétrales) sont de loin la cause la plus fréquente – plus de 80 % des cas – des incontinences urinaires canines, surtout chez la chienne.

80 % des incontinences

Les incontinences dites “de castration” constituent la cause la plus fréquente des incompétences sphinctériennes. Ce type d'incontinence survient chez 10 à 25 % des chiennes stérilisées, voire jusqu'à 30 % chez les chiennes de races de grande taille (plus de 20 kg). Il peut toutefois être retrouvé chez des chiennes non castrées, environ huit fois moins fréquemment. L'incompétence sphinctérienne est aussi la seconde cause d'incontinence urinaire chez les jeunes (derrière l'ectopie urétérale) ou chez des chiens mâles adultes, castrés ou non. L'obésité et l'âge sont deux autres facteurs favorisants.

Un sympathomimétique

La phénylpropanolamine est d'abord classée comme un sympathomimétique indirect. Elle favorise la libération de la noradrénaline et stimule ainsi l'ensembledu système orthosympathique. La phénylpropanolamine possède en outre une action directe sur les seuls récepteurs α1. Elle est donc aussi classée parmi les α1-agonistes ou α1 mimétiques. Cet effet direct est à l'origine de son effet vasoconstricteur local recherché dans les médicaments humains (décongestionnant nasal). Lors d'incompétence sphinctérienne, il participe aussi au renforcement du tonus urétral (voir la FIGURE “Les modes d'action complémentaires de la phénylpropanolamine et des estrogènes”). La phénylpropanolamine permet ainsi de retrouver une pression maximale urétrale normale avant le déclenchement de la miction.

Remplissage vésical

Le fonctionnement de la vessie fait appel au système orthosympathique pour le remplissage et au système parasympathique pour la vidange. Une stimulation orthosympathique conduit ainsi à un relâchement du muscle vésical, le détrusor (effet ß2), et à une augmentation du tonus urétral (effet α1). À l'inverse, le système parasympathique induit la vidange vésicale, notamment en favorisant la contraction du détrusor.

Liposoluble

La phénylpropanolamine est plus liposoluble que la noradrénaline. Sa résorption par voie orale est rapide (Cmax d'environ une heure). Sa biodisponibilité augmente lors d'administration à jeun, mais les essais cliniques effectués ont confirmé l'efficacité du sirop mélangé à l'alimentation. Petite molécule liposoluble, la phénylpropanolamine diffuse rapidement dans les tissus. Elle est cependant moins liposoluble que l'éphédrine, ce qui limite les effets secondaires centraux.

Deux à trois fois par jour

L'élimination urinaire est également rapide, avec des temps de demi-vie d'élimination d'environ trois heures. Cette absence de persistance de la phénylpropanolamine est à l'origine du schéma thérapeutique validé avec trois prises par jour d'1 mg/kg. Pour des raisons pratiques, la dose de 3 mg/kg/j est souvent administrée en deux prises au lieu de trois. L'administration biquotidienne figure d'ailleurs officiellement dans les libellés des AMM irlandaises et néerlandaises.

Un an de suivi

Le dossier clinique de Propalin® compte deux essais sur des chiennes ovariohystérectomisées traitées avec ce protocole (3 mg/kg/j en trois prises). Le premier, réalisé au Royaume-Uni, n'est pas comparatif, mais suit sur une longue période – une année – un grand nombre de chiennes stérilisées. Ces 72 chiennes, âgées d'un an et plus, présentent des pertes urinaires principalement au repos ou la nuit. Après traitement, une chienne sur deux (48,3 %) ne présente plus de miction involontaire. Une nette amélioration est notée dans un tiers des cas (32,8 %) et une amélioration dans 8,6 %. Neuf chiennes sur dix (89,7 %) répondent favorablement au traitement.

85 à 90 % d'efficacité

Un second essai comparatif multicentrique dans trois pays (France, Belgique, Royaume-Uni) confirme l'efficacité de la phénylpropanolamine par rapport à un placebo chez 50 chiennes ovariohystérectomisées devenues incontinentes. La phénylpropanolamine fait disparaître toute perte d'urine involontaire dans 55 % des cas après une semaine de traitement et 86 % après 28 jours. À l'inverse, les pertes d'urines disparaissent chez au mieux un tiers des chiennes traitées par le placebo pendant 28 jours.

Et chez le chien mâle ?

Hormis ces essais démonstratifs, la phénylpropanolamine a déjà fait l'objet de nombreuses expériences avec deux prises par jour, le plus souvent chez la chienne et… plus rarement chez le chien mâle. Une série de 24 chiens mâles (castrés ou non), présentant des incontinences urinaires dues à une incompétence sphinctérienne, a été suivie par Sylvain Prigent (praticien dans le Val d'Oise). Les résultats sont notés comme “excellents” dans 8 cas (43 %) avec la disparition de l'incontinence (contre 84 % chez les 58 chiennes castrées suivies par le même praticien). Ils sont“moyens” dans 8 autres cas (43 %) lorsque l'incontinence est diminuée (8 % chez les chiennes). L'amélioration est alors rapidement constatée dans les 24 à 48 heures. Les cas d'échecs chez les mâles (14 %) sont toutefois un peu plus nombreux que chez les femelles (8 %).

Effets secondaires 10 %

Les effets secondaires sont bénins et transitoires, surtout liés aux effets sympathomimétiques. Les plus fréquents sont les désordres digestifs (selles molles ou vomissements), l'apathie ou l'excitation. Dans les essais cliniques, ils sont observés dans moins de 10 % des cas. Les taux de 8 % chez les chiennes et de 4 % chez le mâle sont aussi rapportés par Sylvain Prigent. Les effets cardiovasculaires – vasoconstriction, hypertension, tachycardie par effet sympathomimétique ou plus souvent bradycardie réactive – sont moins souvent rapportés… Aucun effet secondaire n'a nécessité l'arrêt du traitement lors des essais. « Le traitement peut être poursuivi en tenant compte de l'importance des effets indésirables observés » confirme aussi le RCP.

Attention à l' hypertension

La liste des affections et thérapeutiques concernées par les mises en garde peut paraître longue. Elle est héritée de la médecine humaine et concerne surtout les effets hypertenseurs des sympathomimétiques et leurs interactions possibles avec d'autres médicaments qui interviennent sur le système neurovégétatif. Il convient donc d'“utiliser avec précaution” selon le RCP français, cette molécule chez des animaux présentant aussi un trouble cardiovasculaire notamment une insuffisance cardiaque congestive, ou un glaucome… Chez le chien sain, la tolérance est bonne : « un surdosage de cinq fois la dose thérapeutique pendant trois mois n'a provoqué aucun effet secondaire ».

La phénylpropanolamine devrait aussi être “utilisée avec précaution” avec les autres sympathomimétiques, les anticholinergiques, des antidépresseurs, comme les tricycliques et les inhibiteurs de la recapture ou du catabolismedes mono-amines (noradrénaline, dopamine, sérotonine) qui pourraient augmenter ou prolonger les effets pharmacologiques.

Avant l'anesthésie

De nombreuses molécules peuvent être visées : la xylazine et la médétomididine pour les sédatifs a2 agonistes, la plupart des spasmolytiques atropiniques et antidiarrhéiques, ainsi que la clomipramine et la sélégiline comme traitement des troubles comportementaux (dont la malpropreté). L'expérience britannique de treize années d'utilisation n'a pas mis en évidence ces interactions sur le terrain et le praticien britannique ne bénéficie donc pas des mêmes mises en garde que son confrère français. Une étude montre aussi l'absence d'interaction avec la sélégiline chez le chien sain. En pratique, il est surtout recommandé de stopper le traitement quelques jours avant une anesthésie programmée, dans la mesure où ce traitement n'est pas vital, d'autant que d'autres anesthésiques que les a2 agonistes (barbituriques, halothane) pourraient interagir avec ce traitement.

Une association avec l'estriol en cas d'échec

Le coût du traitement journalier de Propalin® présenté en flacon de 100 ml (0,2 ml/10 kg trois fois par jour ou 0,3 ml/10 kg matin et soir) revient à environ 0,40 e/j pour des chiennes de grande taille (30 kg) (coût public TTC approximatif).

Depuis trois ans, l'arsenal vétérinaire dispose déjà d'un estrogène de courte durée d'action, l'estriol (comprimés Incurin®) pour traiter sur le long terme les “incontinences de castration”. Ces deux traitements de première intention avec des modes d'action complémentaires présentent des rapports bénéfice/coût voisins : 80 à 90 % de réponses positives pour le bénéfice (mais sans essai comparatif permettant de conclure à la supériorité de la phénylpropanolamine) et des coûts journaliers inférieurs 1 e/j. Il est recommandé de les associer en cas d'échec du traitement par l'estriol ou la phénylpropanolamine seuls.

En savoir plus

- Cotard J-P. Incontinence urinaire chez le chien et le chat : démarche diagnostique et actualités thérapeutiques. Point Vét. 2001 ; 32(N° spécial “Urologie et néphrologie clinique du chien et du chat”): 96-102.

- Vandaële E. Incontinence urinaire de castration : L'estriol, une action brève pour moins d'effets secondaires. Point Vét. 2001 ; 32(214): 16-17.

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