La maîtrise des mammites est possible en élevage “bio” - Le Point Vétérinaire n° 239 du 01/10/2003
Le Point Vétérinaire n° 239 du 01/10/2003

INFECTIONS MAMMAIRES DES VACHES LAITIÈRES

Éclairer

NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Laurence Echevarria*, Philippe Roussel**

Fonctions :
*Institut de l'élevage,
service lait
9, rue de la Vologne
BP 1047
54522 Laxou Cedex
**Institut de l'élevage,
service lait
9, rue A. Brouard
BP 70510
49105 Angers Cedex 02

En agriculture biologique, le recours aux traitements autorisés est répandu, mais ne s'appuie pas sur des bases solides.

En agriculture biologique (AB), la maîtrise sanitaire du troupeau s'appuie prioritairement sur la prévention et sur l'utilisation de produits dits de “médecine douce” (homéopathie, phytothérapie, etc.). Une partie des pratiques préventives préconisées pour l'élevage conventionnel peut aussi l'être, a priori sans restriction, pour les élevages agrobiologiques. Chez ces derniers cependant, un recours moindre aux antibiotiques, désinfectants, etc., peut entraîner des difficultés de maîtrise des infections mammaires dans les troupeaux. Afin d'apprécier les résultats obtenus dans la maîtrise des infections mammaires par les éleveurs agrobiologistes et d'évaluer les moyens mis en place pour obtenir ces résultats, une étude a été réalisée auprès d'élevages laitiers, certifiés ou en cours de conversion AB, dans les régions Pays-de-la-Loire, Basse-Normandie, Franche-Comté et Lorraine, de 1999 à 2001.

Autant d'élevages avec infections que sans

La situation des élevages agrobiologiques vis-à-vis des infections mammaires a été décrite à partir de l'analyse des résultats mensuels de concentrations en cellules somatiques individuelles (CCSI) dans les élevages adhérents au contrôle laitier. Il y a autant d'élevages confrontés à des difficultés de maîtrise des infections que d'élevages qui les maîtrisent correctement : entre un éleveur sur trois et un sur cinq, selon les critères qui caractérisent la dynamique des infections dans les troupeaux observés (voir la FIGURE “Répartition des élevages…”).

La prévalence des mammites cliniques a en outre été évaluée dans 81 élevages certifiés AB avant 1997, mais n'a pu être quantifiée en raison d'un manque de détection et d'enregistrements exhaustifs des cas. Les enquêtes n'ont toutefois pas fait ressortir de mammites cliniques en début de tarissement, contrairement à ce qu'ont observé d'autres auteurs [2, 3].

Toutes les évolutions possibles

En complément, une étude particulière a été menée dans 36 élevages pour observer l'évolution des résultats avant, pendant et après la conversion d'élevage conventionnel en élevage “bio” (phase souvent jugée critique par certains éleveurs). Les évolutions sont très variées. Pour moins d'un tiers des élevages, la situation reste stable pendant toute la période d'observation. Pour la moitié, elle se dégrade pendant la conversion. Après la conversion, elle reste dégradée dans deux tiers des cas et s'améliore dans un tiers des cas.

Un peu moins d'un élevage sur cinq n'enregistre pas de dégradation pendant et après la conversion, mais, au contraire, une amélioration.

Prédominance de germes à réservoir mammaire

Dans 48 troupeaux AB répartis sur les quatre régions étudiées, les bactéries responsables des infections mammaires ont été identifiées à partir de prélèvements de lait réalisés en conditions aseptiques, chez des vaches atteintes de mammites cliniques ou dont les CCSI étaient supérieures à 300 000 cellules/ml lors de plusieurs contrôles (voir le TABLEAU “Résultats des identifications bactériennes”). Les résultats montrent une prédominance des germes à réservoir mammaire (Staphylococcus aureus, Corynebacterium bovis) par rapport aux germes d'environnement (Streptococcusuberis, Escherichia coli), y compris pour les mammites cliniques.

Les élevages moyens maîtrisent mieux

L'ensemble des 81 élevages enquêtés ont été répartis en deux classes, de niveau de maîtrise apprécié à travers les résultats mensuels de concentration cellulaire dans le lait de tank et les critères d'évolution de la dynamique des infections, pour les élevages adhérents au contrôle laitier. Le classement se traduit en terme de “maîtrise” ou de “non-maîtrise”des infections mammaires (voir le TABLEAU “Modalités des variables…”).

La maîtrise semble plus fréquente dans les élevages de taille modeste que dans ceux de grande dimension. Certains facteurs de risques connus (hygiène de traite défectueuse dans plus de la moitié des élevages, pas de désinfection systématique des trayons dans deux élevages sur trois, etc.) ont été observés dans les élevages étudiés, mais ne ressortent pas dans l'analyse statistique. Le fait que certaines pratiques soient mises en place de façon “curative” dans des élevages qui ne maîtrisent pas les infections mammaires et préventive dans ceux qui les maîtrisent explique probablement en partie ce constat.

Le manque de réforme est parfois un frein

Cette étude montre que les éleveurs agrobiologistes peuvent maîtriser les infections mammaires tout en ayant des pratiques compatibles avec le cahier des charges de l'agriculture biologique, par exemple en s'impliquant dans le suivi et les soins du troupeau, en appliquant des mesures de prévention lors de la traite, etc. Parfois toutefois, les systèmes de conduite du troupeau induits par les contraintes du cahier des charges freinent la maîtrise. Ainsi, lorsque l'élevage des génisses est limité par les ressources fourragères disponibles ou lorsque l'éleveur doit agrandir son troupeau, la réforme des infectées peut être insuffisante.

Mieux informer les éleveurs sur la prévention

Certains éleveurs“bio” méconnaissent les fondements et les objectifs de pratiques prophylactiques comme la désinfection des trayons après la traite, l'observation des premiers jets ou le contrôle régulier de la machine à traire. La détection précoce des mammites par l'observation des premiers jets n'est ainsi réalisée que par 37 % des éleveurs selon cette enquête. Cette pratique est pourtant recommandée en raison des germes en cause, et pour une meilleure efficacité des traitements quelle que soit leur nature. Dès le début de la conversion, il conviendrait de prendre en compte la situation sanitaire initiale et d'aider l'éleveur à envisager les évolutions du système pour ne pas laisser la situation se dégrader de façon irréversible.

Si l'objectif est une maîtrise complète des infections mammaires en AB, il est nécessaire de préciser les modalités du traitement antibiotique sélectif au tarissement. De même, les conditions d'utilisation et l'efficacité des traitements dits de “médecine douce” (homéopathie et aromathérapie essentiellement) mériteraient d'être évaluées. Dans cette étude, des produits de médecine douce ont été utilisés dans 87 % des élevages pour le traitement des animaux malades. Les produits utilisés sont extrêmement variés même si l'homéopathie domine, sous la forme de spécialités prêtes à l'emploi qui combinent plusieurs remèdes. Les éleveurs ont des avis divergents quant à l'efficacité de ces traitements…

Remerciements aux éleveurs et aux techniciens qui ont participé à cette étude : Interbio Franche-Comté, CGA de Lorraine, GRAB Basse-Normandie, CAB Pays-de-la-Loire, Chambres d'agriculture 14-25-39-44-49-53-85-88, Contrôles laitiers 14-25-39-44-50-54-61-85, GDS 14-49-50-53-61, CAL Blâmont, Colarena, ULM/BTPL, ULPL. Cette étude a bénéficié du soutien financier de l'ACTA et de l'ONILAIT.

  • Bareille N, Seegers H, Fourichon C et coll. Renc. Rech. Ruminants. 1998 ; 5 : 297-300.
  • Hovi M, Roderick S. Proceedings 13th IFOAM Scientific Conference. 2000 : 342.
  • Weller RF, Bowlling PJ. Vet. Record. 2000 ; 146 : 80-81.
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