Abord du traitement des infections à Str. uberis - Le Point Vétérinaire n° 239 du 01/10/2003
Le Point Vétérinaire n° 239 du 01/10/2003

PATHOLOGIE MAMMAIRE BOVINE

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CONDUITE À TENIR

Auteur(s) : Francis Sérieys

Fonctions : Filière Blanche,
12 quai Dugay Trouin,
35000 Rennes
francis.serieys@wanadoo.fr

Streptococcus uberis répond moins bien à l’antibiothérapie que les autres espèces de streptocoques. Il est souvent difficile de traiter ces infections avec succès.

Globalement, les taux de guérison bactériologique des mammites à streptocoques sont nettement plus élevés que ceux des mammites dues au staphylocoque doré. Toutefois, les résultats obtenus contre Streptococcus uberis ne sont pas aussi favorables que contre Str. agalactiae ou Str. dysgalactiae (voir le TABLEAU “Guérisons bactériologiques obtenues par des traitements intramammaires à la cloxacilline de mammites cliniques et subcliniques en lactation et au tarissement dans trente élevages” ).

Des nouvelles connaissances dans l’épidémiologie et la pathogénie de cette bactérie, décrites dans ce numéro, permettent de préciser certains aspects du traitement des infections mammaires à Str. uberis chez la vache laitière.

Deux points essentiels sont à examiner : la sensibilité des souches aux différents antibiotiques et la capacité de ceux-ci à atteindre les bactéries dans les sites infectieux de la mamelle.

Sensibilité aux antibiotiques

La répartition des CMI des différents antibiotiques vis-à-vis de souches de Str. uberis isolées de cas de mammites cliniques en France (voir le TABLEAU “Distribution des concentrations minimales inhibitrices (CMI) de différents antibiotiques vis-à-vis de 50 souches de ) fait apparaître une excellente activité de la pénicilline G, de la céphapirine (céphalosporine de première génération) et de la cefquinome (céphalosporine de quatrième génération). Parmi les autres â-lactamines, l’amoxicilline présente une bonne activité alors que la cloxacilline apparaît nettement en retrait. Dans les autres familles d’antibiotiques testées, seule la rifaximine présente des CMI intéressantes, bien qu’en retrait des â-lactamines les plus actives.

Dans l’ensemble, les CMI vis-à-vis de Str. uberis sont plus élevées que vis-à-vis des autres espèces de streptocoques, notamment de Str. agalactiae [11]. Ainsi les CMI 90 de la pénicilline G, de la céphapirine et de la cefquinome sont égales à 0,25 mg/l vis-à-vis de Str. uberis, alors qu’elles ne sont que de 0,06 vis-à-vis de Str. agalactiae et qu’elles restent inférieures à 0,015 g/l vis-à-vis de Str. dysgalactiae. Par rapport aux études antérieures réalisées en France dans les années 1980 [10], la sensibilité de Str. uberis vis-à-vis des antibiotiques semble s’être dégradée. Des conclusions équivalentes peuvent être tirées des études récentes conduites en Allemagne, au Danemark, en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis.

Localisation des bactéries

La localisation de Str. uberis a été examinée dans 25 quartiers de douze vaches soumises à des infections expérimentales et abattues entre un et six jours après l’inoculation [36]. Des bactéries ont été trouvées dans la lumière des alvéoles, dans les macrophages, à la surface de l’épithélium des canaux galactophores et de cellules sécrétoires endommagées, dans la zone subépithéliale, dans le parenchyme mammaire, ainsi que dans les vaisseaux et les ganglions lymphatiques. Ainsi, Str. uberis semble présenter, même peu de temps après le début de l’infection, des localisations assez profondes dans le tissu mammaire.

La plasmine que Str. uberis, après avoir activé le plasminogène du lait, fixe à la surface de sa paroi, pourrait non seulement lui permettre d’acquérir des nutriments aminés à partir du lait mais aussi agir sur le tissu mammaire pour favoriser l’invasion bactérienne [23]. Str. uberis produit également une hyaluronidase qui pourrait être impliquée dans la désorganisation des barrières tissulaires. Par ailleurs, certaines souches montrent une aptitude à être internalisées in vitro dans des cellules épithéliales mammaires en culture [26]. L’expression des protéines de surface qui interviennent dans les mécanismes d’internalisation et d’invasion est fortement augmentée in vitro lorsque la bactérie a été cultivée au préalable en présence de cellules épithéliales mammaires [8] ou de protéines de la matrice extracellulaire. Ce phénomène pourrait se traduire in vivo par des localisations plus profondes des bactéries lorsque les infections persistent plus longtemps, entraînant une diminution de leur curabilité avec le temps.

Ainsi, les taux de guérison bactériologique des infections à Str. uberis apparaissent plus élevés lorsque l’antibiotique est administré un peu avant l’apparition des signes cliniques, sur la base des résultats de conductivité électrique du lait [13, 27]. Il y a plus de lait produit, moins de cellules dans le lait et une réduction de l’ordre de 50 % de la quantité totale d’antibiotique utilisée par rapport au traitement classique mis en place après l’apparition des signes cliniques. En outre, un traitement antibiotique dit “agressif” des mammites cliniques à Str. uberis, consistant à administrer deux fois par jour pendant trois à six jours une spécialité intramammaire dont le schéma thérapeutique de l’AMM prévoit une seule injection quotidienne pendant trois jours, a permis d’atteindre 80 % de guérison bactériologique versus 64 % avec le schéma habituel [14].

Conséquences pratiques

Sur un plan pratique, la pénicilline G, la céphapirine, le céphalonium et la cefquinome apparaissent comme les antibiotiques de choix pour le traitement des infections mammaires à Str. uberis. À un moindre degré, l’amoxicilline, les autres céphalosporines et la rifaximine sont des matières actives intéressantes. Une molécule comme le pénéthamate (ester de pénicilline G), qui présente la caractéristique de diffuser largement dans le parenchyme mammaire suite à une administration parentérale, semble particulièrement indiquée pour faire face à d’éventuelles localisations profondes.

En lactation, la précocité du traitement a une forte influence sur les chances de guérison des infections à Str. uberis (PHOTO 1). Les traitements réalisés avant l’apparition des signes cliniques apparaissent plus efficaces, plus économiques en antibiotiques et limitent les pertes zootechniques. L’augmentation de la fréquence et de la durée des administrations intramammaires pourrait améliorer l’efficacité des traitements.

Au tarissement, le traitement systématique par voie intramammaire est efficace à la fois pour la prévention et l’élimination des infections à Str. uberis, avec des taux de guérison bactériologiques généralement supérieurs à 80 %. Si la prévention est assurée par obturation des trayons, un traitement spécifiquement curatif par voie locale ou par voie générale devient envisageable.

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