Traitement et pronostic du shunt hépatique - Le Point Vétérinaire n° 238 du 01/08/2003
Le Point Vétérinaire n° 238 du 01/08/2003

GASTRO-ENTÉROLOGIE DU CHIEN ET DU CHAT

Se former

COURS

Auteur(s) : Stéphane Bureau*, Éric Monnet**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire
Le Bourg
33480 Moulis-en-Médoc
**Colorado State University Veterinary Teaching Hospital
Fort Collins, Co 80523, États-Unis

L’occlusion chirurgicale totale est le traitement de choix d’un shunt congénital. Lorsqu’elle est incomplète des récidives sont à prévoir. Ce type de traitement est à l’inverse contre-indiqué lors de shunt acquis.

Lors de shunt hépatique, le traitement médical ne permet qu’un ralentissement du processus, car il ne modifie pas la cause de l’atrophie hépatique. Il est en outre associé à des taux de survie courts, de l’ordre de deux mois à trois ans [53, 61]. Il prend toute sa valeur en phase préopératoire des shunts congénitaux pour préparer l’animal et limiter le risque anesthésique, ainsi qu’en phase postopératoire, dans l’attente de la régénération hépatique qui peut demander quelques mois [1, 2, 16, 27, 61]. Il constitue également le traitement de choix des shunts acquis [61] et repose sur plusieurs mesures. Le traitement de choix d’un shunt congénital est l’occlusion chirurgicale, car, tant que la déviation du flux sanguin porte existe, le foie est privé des substances hépatotrophiques et sa fonction est réduite [53].

Traitement médical

• Une alimentation appétente permet une croissance normale et/ou un métabolisme d’entretien, sans accroître la production de métabolites toxiques. Elle est distribuée quatre à six fois par jour, car les animaux atteints sont davantage sujets à l’hypoglycémie.

Hautement digestible, elle doit contenir des protéines de forte valeur biologique et un faible apport en méthionine et en acides aminés aromatiques précurseurs de faux neurotransmetteurs. L’apport protéique recommandé est de 1,75 à 2,5g/kg/j chez le chien et de 3 à 3,5g/kg/j chez le chat. Un apport en arginine est essentiel, surtout chez le chat.

Cette alimentation doit avoir une forte teneur en glucides et couvrir les besoins en minéraux et en vitamines. Les besoins des chats en vitamine B sont deux à huit fois plus élevés que ceux des chiens. La vitamine C est apportée à raison de 0,25mg/kg/j [31, 47, 53, 61].

• La réduction de la production de métabolites toxiques au niveau du tube digestif fait appel à des antibiotiques actifs sur les bactéries “uréase-positives” ;. Le chef de file est la néomycine, qui peut être complétée par le métronidazole ou alternée avec l’ampicilline [2, 47, 61, 62, b].

Il convient en outre d’éviter toute constipation qui augmente le temps de contact entre les aliments et les bactéries.

Le lactulose est un disaccharide métabolisé par les bactéries, puis hydrolysé en dioxyde de carbone, acides formique, lactique et acétique, sans être absorbé. Il acidifie le contenu intestinal, ce qui réduit l’absorption de l’ammoniaque, exerce un effet osmotique diminuant le temps de transit, altère les populations bactériennes digestives et accroît l’élimination des produits azotés dans les selles [2, 16, 31, 36, 47]. Il provoque cependant parfois de la diarrhée [62]. Les doses administrées sont variables : 2 à 25 ml chez le chien trois fois par jour, 2 à 5 ml chez le chat trois fois par jour. Dans à peine un tiers des cas, la néomycine inhibe la dégradation du lactulose suite à l’altération des populations bactériennes et l’effet synergique recherché disparaît. Ce dernier existe toutefois dans la majorité des cas, en raison de la résistance des souches de Bacteroides à la néomycine.

• La prévention des facteurs aggravants est essentielle : toute infection entraîne un état catabolique, avec la production de déchets azotés précurseurs d’ammoniaque.

Une affection gastro-intestinale entraîne la libération de sang dans la lumière du tube digestif, qui constitue une source azotée pour les bactéries digestives.

Il convient d’éviter ou d’utiliser avec précaution certaines substances qui agissent en interaction avec le GABA (acide gamma-amino-butyrique, neurotransmetteur), telles que les benzodiazépines et les barbituriques.

• Le traitement de complications spécifiques peut être nécessaire :

- l’ascite est une complication peu fréquente qui demeure le plus souvent modérée. Elle peut parfois nécessiter le recours à un régime hyposodé et à des diurétiques [53] ;

- lors de convulsions, une hypoglycémie doit toujours être suspectée et du glucose est administré en première intention. Le traitement repose sur les thérapies habituelles en considérant la sensibilité hépatique de ces animaux [16, 53].

Traitement chirurgical

L’occlusion est à l’inverse contre-indiquée lors de shunt acquis qui joue un rôle compensateur de l’hypertension [2, 34, b].

L’intervention chirurgicale nécessite une bonne connaissance de l’anatomie locale et surtout vasculaire afin d’optimiser les chances de trouver le vaisseau anormal.

Le risque majeur lors d’occlusion totale est le développement d’une hypertension porte.

Lors d’occlusion partielle, les récidives sont fréquentes : l’évolution initiale est semblable la première année, mais 41 % des cas d’occlusion partielle rechutent et seuls 50 % ont un suivi satisfaisant à quatre ans et plus [17, 58, 66]. Idéalement, il convient d’occlure le shunt progressivement pour permettre au système hépatique porte de s’adapter [40, 66].

Les techniques varient selon le type de shunt et les préférences du chirurgien.

1. Méthode d’exploration de la cavité abdominale

La prémédication est évitée : l’atropine et le glycopyrrolate sont métabolisés par le foie et les benzodiazépines sont déconseillées. L’anesthésique de choix est l’isoflurane, bien qu’il soit parfois hypotenseur [16, 28, 47, c]. L’halothane diminue le flux hépatique de 25 à 40 % et est pour moitié métabolisé au niveau du foie [8, 16, c].

• L’abord de la cavité abdominale s’effectue classiquement par la ligne blanche. Il convient d’être prudent lors de cette ouverture, notamment dans la région du ligament falciforme. Lors d’hypertension porte, des vaisseaux peuvent en effet être fortement dilatés et leur lésion se traduit par des hémorragies marquées [8]. Certains shunts cheminent en outre dans le ligament falciforme ; leur lésion nécessite alors une ligature totale, parfois non viable en cas d’hypertension avérée [6].

• L’exploration de la cavité abdominale commence par la partie droite. Le duodénum est saisi et récliné ventralement et à gauche ; le mésoduodénum récline ainsi physiologiquement les anses intestinales. La veine porte est identifiée dans ce mésentère, ventrale à la veine cave caudale. Leurs composants réciproques sont identifiés. Tout vaisseau qui pénètre la veine cave en aval des veines rénales, à l’exception des veines phrénico-abdominales, est considéré comme anormal [8, 34, 60, c].

• Le deuxième temps de l’exploration abdominale est l’ouverture de la bourse omentale (PHOTO 1). Le duodénum est replacé à droite et l’omentum est déchiré. L’estomac est rétracté en avant, le lobe hépatique gauche en arrière et sur la gauche, le duodénum ventralement et vers la droite. Cette approche permet une excellente visualisation de la veine splénique et de la veine gastrique gauche. La veine porte est ventrale à la veine cave et s’en rapproche au niveau du foramen épiploïque. Les shunts portocaves, qui communiquent avec la veine cave par le foramen épiploïque, sont ainsi identifiés [2, 8, 34].

• Une troisième étape est utile, notamment lors de shunt intrahépatique : elle consiste en l’exploration de la partie avant du foie et des veines hépatiques [28]. Pour cela, les ligaments triangulaires gauche et droit sont rompus afin de permettre la rétraction vers l’arrière de la masse hépatique [34, 64]. Seule la veine hépatique gauche est généralement visible. Un shunt intrahépatique est rarement visible et plus difficile à localiser, notamment s’il est inclus dans le parenchyme. Les lobes sont palpés de façon à rechercher une zone plus souple, compressible [20, 55, 63, 64]. La dilatation marquée d’une veine hépatique et la présence d’un flux sanguin turbulent sont des éléments d’orientation pour le localiser [5]. Selon les cas, il peut être utile de réaliser une sternotomie et/ou d’ouvrir le diaphragme [28].

Lors de shunts acquis, les veines mésentériques et la veine porte sont dilatées et de nombreuses communications existent entre la veine porte et la veine cave, notamment dans la zone périrénale gauche [8, 18]. Lors de fistules artérioveineuses, des vaisseaux tortueux, pulsatiles, peuvent être présents à la surface du lobe [44].

La continuité de la veine porte au-delà du shunt doit être évaluée : une interruption complète est présente dans 6,8 % des cas de shunt congénital et des malformations sérieuses des veines abdominales accompagnent plus de 5 % des cas [14, 21, 46]. Tout animal suspect d’aplasie porte doit subir une portographie peropératoire avec occlusion du shunt afin de confirmer ou d’infirmer l’absence de flux sanguin hépatique, car un vaisseau de petit diamètre peut parfois passer inaperçu à l’exploration visuelle [21].

• La réalisation d’une biopsie hépatique est recommandée dans tous les cas avant de refermer la cavité abdominale [8, 34, 36]. De même, lors de calculs urinaires, et si l’anesthésie le permet, une cystotomie est effectuée [8].

• Il est préférable de refermer la paroi abdominale au moyen de sutures non résorbables, car il s’agit souvent d’animaux atteints d’hypoprotéinémie, d’où des délais de cicatrisation élevés [1, 8].

Les céphalosporines ont un large spectre antibiotique, sont excrétées dans la bile en forte concentration et restent des antibiotiques de choix [8].

2. Mesure de la pression dans le système porte

La pression dans le système porte est normalement de 8 à 13 cm d’eau, soit 7 à 8 cm supérieure à la pression veineuse centrale en raison de la résistance des capillaires sinusoïdes hépatiques [1, 8, 16, 24, 34, 36, 49].

Lors de shunt congénital, les deux valeurs sont souvent proches [34]. L’occlusion chirurgicale du shunt entraîne l’augmentation de la pression porte en raison de la résistance des capillaires hépatiques ; elle doit demeurer inférieure à 19-20 cm d’eau, et ne pas s’accroître de plus de 7 à 10 cm ou ne pas doubler, sous peine d’entraîner une hypertension avec stase veineuse dans les viscères, puis la mort de l’animal [1, 2, 5, 12, 16, 19, 22, 26, 34, 36, 41, 50, c].

Hormis ces règles, la valeur mesurée n’est pas corrélée avec le taux de survie [16]. L’hypertension modérée ainsi induite se résout le plus souvent en deux semaines [5]. Si elle persiste plus de trois semaines, elle entraîne l’ouverture de vaisseaux de délestage [35].

La pression veineuse centrale est une mesure indirecte de la pression atriale droite et de la précharge cardiaque. Elle est corrélée avec le tonus vasomoteur et avec la pression intrathoracique lorsque la fonction ventriculaire droite est normale et que le volume sanguin est stable. Le débit sanguin est proportionnel au rayon du vaisseau exposant 4 (R4) ; la résistance est donc inversement proportionnelle au R4. La plupart des chiens qui présentent un shunt ont une vascularisation intrahépatique sous-développée. Par conséquent, la réduction du shunt se traduit par une augmentation brutale de la résistance au flux sanguin et une diminution du retour veineux et de la pression veineuse centrale. Celle-ci ne doit pas chuter de plus de 1cm d’eau et la pression artérielle de plus de 5 mmHg lors de l’occlusion [19, 52, 55].

La pression porte peut être évaluée de manière qualitative en se fondant sur le blanchiment des viscères, l’apparition d’un hyperpéristaltisme, la modification du pouls des artères jéjunales avec dilatation et sur la congestion du pancréas qui est l’organe le plus sensible [2, 16, 34, 36, 47, c]. Elle peut également être réalisée de manière objective au moyen d’un cathéter et d’une colonne d’eau (PHOTO 2).

L’utilisation de la pression dans le système porte comme critère décisionnel du degré d’occlusion du shunt a toutefois des limites. La pression est influencée en phase peropératoire par les facteurs hémodynamiques cardiovasculaires, l’hypovolémie, l’anesthésie, la modification de la pression abdominale, l’emplacement de la base de la colonne d’eau et du cathéter, la température corporelle, la position de l’intestin [25, 35, 36, 49, 64]. Elle est également influencée en phase postopératoire par le tonus sympathique, la pression systémique, l’inflammation ou la thrombose du shunt ligaturé (qui entraîne une occlusion supplémentaire) et par les modifications de résistance vasculaire hépatique [18, 59].

Ces éléments expliquent que, dans certains cas, le syndrome hypertensif ne se développe qu’après douze à vingt-quatre heures [16, 36, 47]. Le pourcentage de faux négatifs est de 6 à 9 % [65]. La mesure de la pression est en outre une procédure longue et des techniques d’occlusion progressive ont été développées [60].

Il existe une corrélation significative entre la pression porte et la tension de surface en oxygène du jéjunum : il semblerait que cela soit un meilleur indicateur de l’absence de congestion viscérale que la simple mesure de la pression porte [42].

3. Shunt extrahépatique

Le shunt extrahépatique peut être réduit de 60 à 80 % [36, 47] avec une occlusion totale dans 34 à 55 % des cas [17, 22, 33]. Il convient de l’occlure le plus près possible de son entrée dans la circulation systémique afin de réduire le risque qu’une vascularisation collatérale se développe en phase postopératoire [36, 37].

• L’occlusion est obtenue au moyen d’une suture non résorbable serrée en une ou deux étapes chirurgicales : polyéthylène, polyester, polyamide. La décimale choisie est légèrement surévaluée afin de limiter les risques de lésion par striction du vaisseau [2, 34, b].

• L’anneau améroïde a été développé en 1996 afin de diminuer les risques d’hypertension porte postopératoire (PHOTO 3). Sa pose divise par deux le temps chirurgical, abaisse le taux de complications et ne nécessite pas la mesure de la pression porte, ni une seconde intervention pour obtenir une occlusion complète [41, 65]. Il s’agit d’un anneau de caséine comprimée, placée au centre d’un anneau en titane de diamètre 3,5 ; 5 ; 6,5 ; 7 ; 8 ou 9mm ; les diamètres 3,5 et 5 sont les plus utilisés [41]. La caséine, placée en milieu hydrique, se dilate, avec une phase rapide de quatorze jours suivie de deux mois de dilatation lente [59, 60]. L’occlusion progressive obtenue en trente à soixante jours [a] permet à la vascularisation hépatique de se développer en réponse à l’augmentation de flux sanguin, ou à des vaisseaux collatéraux de se développer en cas d’hypertension avérée [59].

Le rétrécissement initial lors de la pose de l’anneau doit être inférieur à 25 % en raison d’une possible occlusion supplémentaire liée à l’œdème de l’intima vasculaire, associé au traumatisme chirurgical et à l’inflammation [59, 60, a]. Une dissection excessive du fascia périvasculaire favorise le glissement de l’anneau en raison de son poids responsable d’une occlusion rapide du shunt et d’une hypertension [41, 59].

• Il est reproché à ce système une occlusion parfois trop rapide du shunt, d’où la préférence de certains auteurs pour des systèmes qui produisent une occlusion plus lente, sur plusieurs semaines, telle la cellophane (PHOTO 4) [41]. Celle-ci est à l’origine d’un phénomène inflammatoire et d’une fibrose qui contribuent à occlure le shunt. Elle se présente sous forme d’une bande de 1,2cm de large stérilisée à l’oxyde d’éthylène, pliée dans le sens de la longueur pour obtenir une bande de 3 à 4mm de large dont les extrémités sont agrafées afin de faciliter le passage sous le shunt. Une bande de 2,5mm ou moins provoque une occlusion plus rapide. L’occlusion initiale est inférieure à 50 % ; elle est posée de manière à ne pas couder le shunt et que les agrafes ne soient pas en contact avec le vaisseau (PHOTO 5) [66]. La mesure peropératoire de la pression porte est inutile puisqu’une occlusion complète n’est pas recherchée. Le pouvoir cancérogène de la cellophane est inconnu ; elle a été utilisée chez l’homme et aucun cas de tumeur n’a été décrit [66].

• Une suture de soie qui a le même effet peut être utilisée d’une manière identique (PHOTO 6) : une obstruction partielle initiale semble suffisante pour obtenir une fermeture complète du vaisseau dans 20 à 60 % des cas [4, 10, 29]. Elle est serrée jusqu’au stade qui précède l’apparition de modifications locales et systémiques hémodynamiques [58]. Il convient de veiller à ne pas serrer davantage le premier nœud lorsque le second est posé ; il est pour cela possible d’introduire dans le nœud un petit morceau de tubulure ou une petite baguette en acier de diamètre variable, ensuite retirés [9, 55, 65].

Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer l’occlusion progressive du shunt : spasme vasculaire avec embolisation, réaction inflammatoire, fibrose liée à la suture, réduction progressive des résistances vasculaires avec une régénération hépatique qui rend le shunt de moins en moins fonctionnel [10, 22, 29, 58]. Bien que la taille de la soie utilisée n’ait pas d’influence sur le devenir du shunt, une suture décimale de 0 est préférable [22].

4. Shunt intrahépatique

Le shunt intrahépatique doit être occlus le plus près possible de son entrée dans la circulation systémique afin de ne pas manquer une éventuelle collatérale, et le plus complètement possible afin de ne pas avoir à réintervenir, ce qui n’est jamais simple en raison des adhérences [5, 28, 25].

L’évaluation de la pression dans le système porte est plus délicate que lors de shunt extrahépatique [64]. Même en respectant les règles établies pour ce dernier, certains chiens meurent d’hypertension porte. Il convient de considérer d’autres éléments, comme la mesure de la pression artérielle : une chute de plus de 25 % traduit une ligature excessive [28]. La ligature est partielle dans 73 à 86 % des cas [19, 30, 55].

Deux types de techniques sont décrits [5, 19, 30, 32, 37, 38, 55, 63, 64, 65, c].

• Les techniques extravasculaires comprennent :

- une dissection préhépatique avec ligature de l’élément porte qui alimente le shunt : cela entraîne une atrophie du lobe avec une diminution de la production de bile. Les lobes conservés compensent par leur hypertrophie ;

- une ligature posthépatique de la veine hépatique : le plus souvent possible à gauche et préférable à une ligature préhépatique, car elle expose à moins de perturbations hémodynamiques [5]. Pour les cas qui intéressent les parties droite et centrale du foie, il est préférable d’utiliser la méthode précédente en raison de leur position profonde dans le parenchyme qui expose à une rupture ;

- une ligature directe posthépatique du shunt expose à des hémorragies. L’utilisation d’une cellophane peut donner de bons résultats si le shunt est suffisamment dissécable [23]. Il est préférable de ne pas prendre de parenchyme dans la suture car il tend à s’écraser et à se nécroser, ce qui entraîne un desserrement de la suture [19] ;

- une dissection intrahépatique avec un aspirateur chirurgical à ultrasons, puis une ligature ;

- un placement sous contrôle échographique d’une ligature.

• Les techniques intravasculaires consistent en :

- une ligature via une vénotomie porte qui nécessite un arrêt circulatoire. Des tourniquets de Rummel sont mis en place autour de l’aorte thoracique et de la veine cave, en positions pré- et posthépatique. Une autre ligature est placée au travers du foramen épiploïque pour occlure temporairement la veine porte et l’artère hépatique, au-delà de la jonction gastroduodénale, mais proximalement à la bifurcation porte/artère. Les vaisseaux sont occlus dans l’ordre suivant : aorte, veine porte et artère hépatique, veine cave caudale, veine cave crâniale. La veine porte est ouverte, ce qui permet de visualiser ses branches et le shunt sous forme d’un vaisseau ou d’un orifice dilaté en communication avec une veine hépatique. Une suture en U non serrée au polypropylène décimale 0 est passée au travers de la lumière du shunt, perpendiculaire à l’incision de vénotomie, puis dans des carrés de téflon. La vénotomie est suturée au moyen d’un surjet au prolène 4/0, puis l’occlusion de la veine cave caudale est relâchée avant serrage, ce qui permet à l’air de s’échapper. Les autres tourniquets sont relâchés, puis la suture autour du shunt est serrée progressivement. La durée d’arrêt circulatoire est ainsi de huit à seize minutes [19, 20] ;

- l’occlusion intraluminale depuis la veine cave thoracique nécessite également l’arrêt circulatoire du foie. Le shunt est occlus au moyen d’une suture en bourse autour de son abouchement sur la veine cave. Cette technique longue et délicate ne permet pas la visualisation des branches portes et n’est pas adaptée pour les shunts qui ne connectent pas la veine cave directement [19] ;

- une embolisation d’une prothèse en acier inoxydable qui prend une forme spiralée dans la veine.

5. Shunts multiples acquis

Les shunts multiples acquis agissent comme des circuits de délestage compensateurs d’une augmentation de pression dans le système porte et leur occlusion n’est donc pas envisageable. La situation clinique de l’animal peut cependant être améliorée par un rétrécissement de la veine cave caudale en arrière du hile hépatique.

L’objectif est l’obtention d’une pression dans la veine cave proche ou légèrement supérieure à celle de la veine porte, afin de permettre une limitation ou une inversion de flux dans les shunts et, ainsi, une amélioration de la perfusion hépatique. Pour cela, une mesure de pression est effectuée simultanément dans le système porte et dans la veine cave. Il est préférable d’utiliser des capteurs électroniques de pression plutôt que des colonnes d’eau qui ont un “temps de retard” ; à l’équilibrage.

La pression dans la veine cave chute légèrement quelques minutes après l’application de la suture de rétrécissement, mais c’est un phénomène de courte durée qui ne nécessite pas d’adaptation.

Les inconvénients sont une aggravation de l’ascite et de l’œdème dans les parties postérieures de l’organisme, qui se résout en quelques jours par la vasodilatation des collatérales (veines vertébrales, épigastrique et azygos) [8, 9]. Une étude rapporte 60 % d’amélioration clinique avec cette méthode [8].

6. Fistule artérioveineuse

Le traitement chirurgical consiste en la résection des lobes atteints et en la ligature de la branche artérielle concernée. Il peut être envisagé de rétrécir la veine cave caudale pour inverser les gradients de pression, mais l’hypoplasie porte entraîne des risques élevés d’hypertension avec mortalité : le pronostic est en fait lié à cette hypoplasie [44, 48]. L’hypertension, qui accompagne les fistules suite à l’artérialisation du système porte, entraîne la formation de vaisseaux de délestage qui persistent même après le traitement de la fistule par hépatectomie, car le sang passe par la voie de moindre résistance [44].

Complications

Il existe un risque anesthésique majoré en raison de la nature de l’affection, ainsi qu’une plus grande sensibilité aux infections [53].

Les complications après une chirurgie destinée à occlure un shunt hépatique s’observent dans 20 à 77 % des cas selon les auteurs [22, 28, 56].

• Des convulsions surviennent dans 10 à 18 % des cas [11, 22, 54]. Leur origine est mal connue : hypoglycémie liée à l’inanition ou aux faibles réserves en glycogène (elle est surtout observée chez le yorkshire et le schnauzer nain [47]) ; hyperammoniémie qui peut induire un fort taux de glucagon responsable d’une protéolyse musculaire, génératrice d’acides aminés aromatiques précurseurs de faux neurotransmetteurs ; présence d’un élément biochimique produit par le métabolisme anormal ; déséquilibre en phase postopératoire du métabolisme cérébral qui s’était adapté au métabolisme anormal [36, 54].

Il semblerait que les chiens plus âgés soient davantage enclins aux convulsions [4, 54].

Elles sont souvent résistantes aux traitements classiques ; le propofol a été utilisé avec succès dans une étude (bolus intraveineux de 1 à 3,5mg/kg puis 0,01 à 0,25 mg/kg/min) [15]. Un traitement prophylactique au phénobarbital ne diminue pas de manière significative le risque de séquelles nerveuses, mais semble faire chuter l’incidence et la sévérité des convulsions. La combinaison propofol/phénobarbital semble prometteuse [54]. Ces convulsions peuvent entraîner des morts ou des séquelles [11, 54].

Une thérapie anticonvulsivante prophylactique, un diagnostic précoce et un traitement rapide des premiers troubles peuvent éviter la progression vers des lésions cérébrales plus sévères. La période la plus critique est celle des soixante-douze heures postopératoires [4, 15, 54].

Les convulsions et les séquelles nerveuses ne sont pas corrélées avec le degré d’occlusion du shunt [54].

• Un syndrome d’hypertension porte se traduit par une forte douleur abdominale, de l’ascite, une diarrhée hémorragique, un syndrome de choc, puis la mort [8, 34, 36, 60]. Il se développe suite à l’augmentation de la pression veineuse centrale après le réveil anesthésique, en raison de la rétention hydrique et sodée liée à la conservation du volume sanguin après réexpansion du territoire splanchnique, lors d’erreur dans la mesure de la pression porte peropératoire ou par une augmentation de la pression abdominale lors des sutures [59]. L’animal meurt le plus souvent, même en cas de nouvelle intervention avec retrait de la ligature [36, 53]. La réalimentation doit être progressive avec de petites quantités afin de limiter l’hyperhémie intestinale [16].

• Une hémorragie peut survenir.

• Une ascite peut se développer dans les dix jours qui suivent la chirurgie en raison d’une hypo-albuminémie, de modifications de circulation lymphatique et de flux sanguin et d’anomalies de perfusion rénale. Elle se résorbe spontanément [9, 47, 49].

• Une congestion hépatique aiguë d’origine inconnue est parfois observée ; il semblerait que l’administration de stéroïdes peropératoires diminue le risque [16, 28].

• Une pancréatite est possible.

• Une hypotension systémique, qui n’est pas en relation avec la longueur de l’intervention, survient chez certains animaux [36].

• Une hypothermie chez les animaux jeunes ou de races de petite taille, ou une hyperthermie lors de traitement de shunt intrahépatique peuvent faire suite à l’intervention [16, 28, 47].

• Une thrombo-embolie, notamment dans la veine porte, est une complication relativement fréquente (12,5 % de cas) [45]. Plusieurs facteurs prédisposants peuvent jouer un rôle : la présence d’une hypertension ; la stase veineuse ; les perturbations du flux sanguin (le cul-de-sac créé en bord de veine cave par la ligature du shunt est un endroit favorable à la formation d’un thrombus) ; une lésion endothéliale ; un état d’hypercoagulabilité en raison d’un déficit en protéines anticoagulantes hépatiques [45]. Certains auteurs recommandent l’administration préventive d’héparine [8].

• La présence d’infection hématogène depuis le tube digestif est fréquemment suspectée. Plusieurs études infirment cette hypothèse : il n’existe pas d’endotoxémie détectable chez un animal dont le shunt extrahépatique a été traité chirurgicalement et après avoir été stabilisé médicalement (qui a reçu notamment une injection intraveineuse d’antibiotique) [43]. Il n’existe pas de différence significative sur le plan de la bactériémie dans la circulation porte et systémique entre des chiens sains et des chiens qui présentent un shunt acquis [18]. Il n’est pas noté de manière significative de leucocytose ou de bactériémie dans la circulation porte, ni d’hypoxie porte chez les chiens qui ont un shunt congénital, ni de corrélation avec la morbidité et la mortalité postopératoires [56].

Pronostic

• Le taux de mortalité péri-opératoire varie de 5 à 29 % [3, 17, 26, 30, 36, 37, 39, 40, 47, 53, 55, 59, 60, 61, 64, 65, a, b]. Le pronostic est plus mauvais pour les animaux de races de grande taille, ainsi que chez ceux qui sont âgés de plus de deux ans, par rapport à ceux qui ont moins d’un an [33, 65].

• Le pronostic n’est pas corrélé à la survenue de convulsions en phase préopératoire [13].

• Les valeurs des temps de coagulation ne peuvent pas être utilisés comme des facteurs prédictifs du taux d’occlusion du shunt [51]. En revanche, 92 % des chiens qui ne présentent pas d’encéphalose hépatique avant la chirurgie peuvent subir une occlusion complète de leur shunt, contre 59 % de ceux qui en sont atteints (la différence est significative) [12]. Ces animaux sont présentés pour des signes urinaires et des calculs [12]. La pression porte et ses variations après ligature, ainsi que la baisse de la pression veineuse centrale sont significativement supérieures chez les chiens qui développent des complications postopératoires [52].

• Le taux de survie moyen d’un animal avec un shunt intrahépatique traité médicalement est de 10,2 mois [30]. Plus l’animal est âgé lors des premiers signes, plus il vit longtemps avec un traitement médical [62].

• Lors de ligature partielle de shunt extrahépatique, le taux de survie est de 65 %. L’espérance de vie moyenne chez les animaux qui n’ont pas développé de complications est de cinq ans. Elle est de 3,6 ans pour les autres [29].

• Chez le chat, le traitement médical est associé généralement à un mauvais pronostic, et, lors d’occlusion chirurgicale partielle, les récidives surviennent dans 75 à 100 % des cas [13, 61].

• Après correction chirurgicale, la masse hépatique augmente : plusieurs mois sont parfois nécessaires pour que la fonction et l’aspect histologique du foie retournent à la normale [4, 25, 30, 36]. 78 % des animaux recouvrent une fonction hépatique normale : 70 à 76 % de ceux qui ont subi une occlusion partielle de leur shunt et 92 % lors d’occlusion complète [22, 64].

Le dosage des acides biliaires tend à se normaliser : il n’est pas corrélé à la clinique [30, 33, 36]. Le non-retour des acides biliaires à la normale après l’occlusion partielle ou totale du shunt peut être dû au développement de shunts acquis, à une réversibilité incomplète de l’atrophie hépatique, à la persistance d’un shunt secondaire non identifié ou à la coexistence d’une autre affection hépatique. La clinique est indépendante des valeurs de suivi en acides biliaires et aucun pronostic ne peut être formulé à partir des valeurs pré-opératoires [17, 33]. Il est noté une différence significative des valeurs postopératoires selon le degré d’occlusion dans l’année qui suit, mais pas au-delà [17, 33].

Les modifications des valeurs de fraction du shunt dépendent à la fois de la résistance vasculaire du shunt et de celle du tissu hépatique [58]. Un chien peut être cliniquement normal malgré la persistance d’un shunt à la scintigraphie [58].

• Le meilleur moment pour confirmer l’occlusion complète du shunt est d’au moins soixante jours après la chirurgie [35, 59].

• Les animaux qui ont bénéficié d’une occlusion complète de leur shunt redeviennent cliniquement normaux et ont une excellente qualité de vie. Lorsqu’elle demeure incomplète, les animaux sont cliniquement normaux à court et à moyen terme en dépit d’analyses rarement dans les normes, mais des récidives à long terme (plus de trois ans) sont observées dans 22 à 50 % des cas [22, 29, 33, 64].

• Les chiens atteints d’un shunt intrahépatique ont 3,47 fois plus de risques de faire des récidives que ceux qu présentent un shunt extrahépatique [51].

Une nouvelle intervention chirurgicale pour occlure le shunt est utile lorsque les signes cliniques persistent et que les analyses demeurent anormales [58, 64]. La pression porte est généralement revenue à ses valeurs initiales : l’augmentation provoquée par l’occlusion partielle lors de la première chirurgie met environ un mois à se résorber [17]. Une occlusion complète peut être obtenue chez tous les animaux la seconde fois sans hausse sévère de la pression porte [17].

Dans 14 à 30 % des cas, la fermeture du shunt n’entraîne pas d’amélioration de la vascularisation hépatique ; la pression porte demeure élevée, ce qui conduit à la formation de shunts multiples secondaires [29, 35, 59, 60, 61]. Généralement, les signes cliniques persistent et résistent plus ou moins aux traitements et les résultats d’analyses sont anormaux. Une nouvelle occlusion n’est pas envisageable en raison de l’hypovascularisation chronique du parenchyme hépatique [57, 64].

Depuis la dernière décennie, les connaissances sur le shunt hépatique sont nombreuses, ce qui permet dans un grand nombre de cas, notamment congénitaux, un traitement dont le pronostic est correct. Il demeure toutefois quelques incertitudes sur le meilleur traitement chirurgical et au degré d’occlusion à apporter. De même, une meilleure compréhension de la physiopathologie des complications, telles que le syndrome convulsif et l’hypertension porte “retardée” ;, devrait permettre de réduire le taux de mortalité.

ATTENTION

L’utilisation de la pression dans le système porte comme critère décisionnel du degré d’occlusion du shunt a des limites. Dans certains cas, le système hypertensif ne se développe qu’après douze ou vingt-quatre heures. Le pourcentagede faux négatifs est de 6 à 9 %. La mesure de la pression est en outre une procédure longue.

Points forts

→ Le risque majeur lors d’occlusion totale est le développement d’une hypertension porte ; lors d’occlusion partielle, ce sont les récidives.

→ Le shunt extrahépatique peut être réduit de 60 à 80 % [36, 47] avec une occlusion totale dans 34 à 55 % des cas

→ Après correction chirurgicale, 78 % des animaux retrouvent une fonction hépatique normale.

→ Le shunt intrahépatique doit être occlus le plus près possible de son entrée dans la circulation systémique et le plus complètement possible.

→ L’occlusion des shunts multiples acquis n’est pas envisageable.

Congrès

a - Bright RM et coll. Gradual occlusion of portosystemic shunts in dogs and cats using an ameroid constrictor. ECVS congress. 1997.

À lire également

b - Verez F, Viguier E. Le shunt portosystémique extrahépatique du chien. Aspects diagnostiques et thérapeutiques. Action Vét. 1997 ; 1415 : 21-30.

c - Witz M., Pelrin F. Traitement chirurgical du shunt porto-systémique chez le chien et le chat. Action Vét. 1999 ; 1488 : 11-18.

  • 19 - Hunt GB, Bellenger CR, Pearson MRB. Transportal approach for attenuating intrahepatic portosystemic shunts in dogs. Vet. Surgery 1996 ; 25 : 300-308.
  • 34 - Martin RA, Freeman LE. Identification and surgical management of portosystemic shunts in the dog and cat. Semin. Vet. Med. Surg. 1987 ; 2(4) : 302-306.
  • 36 - Martin RA. Congenital portosystemic shunts in the dog and cat. Vet. Clin. N. Amer.-Small Anim. Pract. 1993 ; 23(3) : 609-621.
  • 41 - Murphy ST et coll. A comparison of the ameroid constrictor versus ligation in the surgical management of single extrahepatic portosystemic shunts. J. Amer. Anim. Hosp. Assn. 2001 ; 37 : 390-396.
  • 45 - Roy RG and coll. Portal vein thrombosis as a complication of portosystemic shunt ligation in two dogs. J. Amer. Anim. Hosp. Assn. 1992 ; 28 : 53-58.
  • 46 - Scavelli TD et coll. Portosystemic shunts in cats : seven cases (1976-1984) J. Amer. Vet. Med. Assn. 1986 ; 189(3) :317-325.
  • 61 - Watson P. Decision making in the management of portosystemic shunts. In Practice. 1997 : 106-119.
  • 62 - Watson PJ, Herrtage ME. Medical management of congenital portosystemic shunts in 27 dogs A retrospective study. J. Small Anim. Pract. 1998 ; 39 :62-68.
  • 63 - White RN et coll. Method for controlling portal pressure after attenuation of intrahepatic portocaval shunts. Vet. Surgery. 1996 ; 25 : 407-413.
  • 66 - Youmans KR, Hunt GB. Cellophane banding for the gradual attenuation of single extrahepatic portosystemic shunts in eleven dogs. Aust. Vet. J. 1998 ; 76 : 531-537.
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