Protocole GPG et succès de reproduction - Le Point Vétérinaire n° 238 du 01/08/2003
Le Point Vétérinaire n° 238 du 01/08/2003

GESTION HORMONALE DE LA REPRODUCTION BOVINE

Se former

EN QUESTIONS-RÉPONSES

Auteur(s) : Christian Hanzen

Fonctions : Service d’obstétrique et de pathologie de la reproduction des ruminants, équidés et porcs,
Faculté de médecine vétérinaire,
Université de Liège, B42 Sart
Tilman, B-4000 Liège (Belgique)

La synchronisation de l'ovulation au moyen du protocole GPG permet d’augmenter le pourcentage de vaches gravides, mais s’accompagne d’une augmentation de la mortalité embryonnaire.

L’impact négatif d’une mauvaise détection des chaleurs sur les performances de reproduction n’est plus à démontrer. C’est une des raisons pour lesquelles sont apparues depuis quelques années différentes méthodes de gestion hormonale de la reproduction permettant une insémination systématique suite aux traitements. Deux articles précédents (1) nous ont permis de faire le point sur l’utilisation de la PgF2a associée ou non à la GnRH et sur les effets folliculaires et lutéaux du protocole GPG, associant PgF2a et GnRH.

Le présent article a pour objectif de présenter les effets d’un traitement de synchronisation de l’ovulation sur la fertilité et la fécondité, sur les conséquences sur la cyclicité ultérieure et sur la double ovulation et enfin sur le risque de mortalité embryonnaire précoce et tardive.

Comment le protocole GPG influe-t-il sur les performances de reproduction ?

1. Inventaire des résultats

Un inventaire des résultats obtenus au travers de 26 essais cliniques différents utilisant le protocole GPG a été réalisé (voir le TABLEAU “Caractéristiques et performances de reproduction de vaches laitières traitées au moyen du protocole GPG”). Ces essais ont été conduits principalement en Amérique du Nord. Selon les cas, leurs résultats ont été comparés aux résultats obtenus par d’autres méthodes recourant ou non à des traitements hormonaux (voir le TABLEAU “Caractéristiques et performances de reproduction de vaches laitières traitées ou non au moyen de protocoles hormonaux de synchronisation des chaleurs”). Les études concernent la vache laitière (voir les TABLEAUX “Caractéristiques et performances de reproduction de vaches laitières traitées au moyen du protocole GPG” et “Caractéristiques et performances de reproduction de vaches laitières traitées ou non au moyen de protocoles hormonaux de synchronisation des chaleurs”) ou parfois la génisse (voir le TABLEAU “Caractéristiques et performances de reproduction de génisses de races laitières traitées au moyen de divers protocoles de synchronisation des chaleurs”). Les protocoles utilisés sont de natures diverses et utilisent de manière associée ou non et répétée ou non la GnRH et la PgF2a.

L’intervalle entre le vêlage et la mise en place du traitement est compris entre 42 et 167 jours en ce qui concerne les vaches. L’intervalle entre la naissance et le début du traitement est supérieur à treize mois en ce qui concerne les génisses.

Diverses gonadolibérines et PgF2a ont été utilisées à diverses doses. La seconde injection de GnRH est réalisée dans la majorité des cas 48 heures après la PgF2a. Deux façons d’inséminer sont recommandées : une insémination systématique (IS) ou une insémination sur chaleur détectée (ICD). En cas d’insémination systématique, l’intervalle entre la deuxième injection de GnRH (protocole GPG) et l’insémination est variable mais est dans la majorité des cas de seize à vingt heures. Il en résulte un taux de détection des chaleurs (TDC) de 100 % dans le cas du protocole GPG puisque les animaux sont systématiquement inséminés. Cette situation n’est bien entendu pas rencontrée avec les autres protocoles. Les diagnostics de gestation sont établis par échographie ou par palpation manuelle dans des délais variables après l’insémination, ce qui est de nature à influencer les taux de conception (TC) ou de gestation (TG)(2).

2. Effets sur le taux de gestation

Indépendamment de la méthode de confirmation de la gestation utilisée, l’ensemble des études relatives à l’utilisation du protocole GPG affiche chez la vache laitière primipare ou multipare un taux de gestation moyen de 32 % (n = 4 427) et des valeurs extrêmes comprises selon les études entre 11,1 et 53,7 % (voir le TABLEAU “Caractéristiques et performances de reproduction de vaches laitières traitées au moyen du protocole GPG”). Selon que les diagnostics ont été établis par échographie ou par palpation manuelle avant ou après en moyenne le 35e jour de gestation, les taux de gestation sont respectivement de 36,4 (n = 2132) et de 29,3 % (n = 2 411). Certaines études ont comparé ces résultats à d’autres méthodes d’insémination (voir le TABLEAU “Caractéristiques et performances de reproduction de vaches laitières traitées ou non au moyen de protocoles hormonaux de synchronisation des chaleurs”). Ainsi, après une insémination réalisée sur chaleurs détectées, le taux de gestation moyen observé est de 31,9 % (n = 539) après chaleurs naturelles ; de 22,2 % (n = 553) après l’injection unique d’une PgF2a ; de 28,8 % (n = 350) après une double injection de PgF2a à 14 jours d’intervalle et de 24,1 % (n = 651) après une injection de GnRH suivie sept jours plus tard par celle d’une PgF2a.

Les essais de synchronisation au moyen du protocole GPG sont beaucoup moins nombreux chez la génisse (voir le tableau “Caractéristiques et performances de reproduction de génisses de races laitières traitées au moyen de divers protocoles de synchronisation des chaleurs”). Un taux de gestation moyen de 38,2 % (n = 353) a été observé. Ce pourcentage est de 50,4 % (n = 355) en ce qui concerne les animaux traités par une GnRH suivie sept jours plus tard d’une PgF2a.

3. Effets sur les performances de reproduction du troupeau

Le recours à un traitement de type GPG contribue à augmenter les performances de fécondité d’un troupeau. Ainsi, il augmente significativement le nombre de vaches inséminées au cours d’une période donnée comparativement à une méthode utilisant une insémination réalisée lors de l’œstrus observé après injection d’une PgF2a (100 % [4] contre 58 % [31]). Il réduit l’intervalle moyen entre le vêlage et la première insémination par rapport à une politique de première insémination fondée sur la détection des chaleurs (54 jours contre 83 jours après une période d’attente de 50 jours [31] ; 77 jours contre 86jours après une période d’attente de 60 jours [19]). Il se traduit par une réduction de deux à trois semaines de l’intervalle entre le vêlage et l’insémination fécondante [1, 21 ,31 ,33]. La méthode semble d’autant plus intéressante que la détection des chaleurs est de faible qualité [39]. Elle permettrait selon certains auteurs de se passer complètement de cette activité [31]. La méthode serait également indiquée lorsque les animaux évoluent dans des conditions de stress thermique environnemental.

Jobst n’observe aucune différence dans le pourcentage cumulé d’animaux gravides 120jours post-partum entre des animaux témoins inséminés sur chaleurs naturelles (53%) et trois autres groupes d’animaux soumis à divers traitements de synchronisation dont le protocole GPG (50 à 54 %) [19].

La méthode contribue à réduire l’intervalle entre le vêlage et la première insémination. En effet, elle augmente le pourcentage de vaches gravides au cours des 120 premiers jours du post-partum (27 % contre 16,5 %) et réduit celui du nombre de vaches réformées pour non gravidité (12,9 contre 22 %) [10, 34]. Elle compenserait également l’effet de facteurs de gestion autres que la détection des chaleurs à l’origine de variations de la fertilité entre les saisons [5, 21].

4. Effets à moyen terme sur la fertilité

Divers auteurs ont également décrit des effets à moyen terme du protocole GPG. Ainsi, comparaison faite avec le pourcentage de gestation obtenu après des inséminations réalisées sur chaleurs détectées, naturelles ou induites, le protocole GPG se traduit par une amélioration de la fertilité lors des inséminations ultérieures. Cet effet à moyen terme sur la fertilité a également été observé lors de l’utilisation de la GnRH au moment de l’œstrus ou en diœstrus [16]. Il a été imputé à l’augmentation de la progestéronémie en diœstrus chez les animaux ainsi traités en phase œstrale [24, 25] et à la relation positive établie entre une progestéronémie élevée au cours de la phase diœstrale précédant l’insémination et le taux de gestation obtenu [12, 13]. Cependant, il est possible que pareil effet à moyen terme implique une imprégnation suffisamment longue du tractus génital par la progestérone, situation qui ne serait pas rencontrée systématiquement lors d’un traitement GPG. Des recherches complémentaires semblent donc nécessaires pour affiner le schéma thérapeutique hormonal et l’adapter à la situation progestéronique de l’animal traité. Récemment, une réduction significative du taux de gestation a été observée lors de l’insémination réalisée sur chaleurs naturelles 18 à 24 jours après un protocole de type GPG (29,8 %) par rapport à un protocole dans lequel la seconde GnRH avait été remplacé par une injection d’hCG (57,1 %) ou à un protocole ayant eu recours à une double injection de PgF2a à onze jours d’intervalle (68,9 %) [1]. Cette étude démontre l’intérêt potentiel de l’hCG, hormone dont l’injection est de nature à allonger la durée du cycle [11].

Le protocole GPG influe-t-il sur la cyclicité et sur la double ovulation ?

1. Effets sur la cyclicité

Il ressort d’une expérience réalisée chez la vache laitière que, dans le cadre du protocole GPG, 5 % des vaches présentent un œstrus après la première injection de GnRH et que 9 à 20 % des vaches viennent en chaleurs au cours des 48 heures suivant l’injection de la PgF2a [5, 9]. Ce pourcentage d’œstrus dits prématurés est par ailleurs significativement plus élevé au printemps et en été qu’en automne. Il dépend en outre du troupeau concerné [9]. Cette observation implique que la détection des chaleurs ne doit pas être délaissée si l’on veut optimiser la possibilité d’obtenir une gestation. Semblable expression prématurée des chaleurs a également été observée dans 10 % des cas lors du recours au traitement dit Selectsynch consistant en une injection de GnRH sept jours avant celle de la PgF2a [35]. Cet inconvénient pourrait être réduit par l’administration de progestagènes entre le moment de l’injection de GnRH et celle de PgF2a [39].

Chez la génisse, le protocole GPG serait responsable d’un raccourcissement de la durée du cycle, 20,8 % d’entre elles (5/24) revenant en chaleurs au cours des seize jours qui suivent l’insémination systématique [29]. Ce raccourcissement du cycle serait davantage observé lorsque la deuxième injection de GnRH est effectuée 24 plutôt que 48 heures après la prostaglandine. Ceci peut être causé par une lutéolyse incomplète après l’injection de la prostaglandine, ou par une absence d’effet ovulatoire de la deuxième injection de GnRH, ou encore par une régression prématurée du corps jaune résultant de l’ovulation induite par la deuxième injection de GnRH. Le facteur commun pourrait en être l’importance de la taille du follicule présent lors de la deuxième injection de GnRH, la progestéronémie étant proportionnelle au diamètre du follicule présent [29]. Ce raccourcissement de la durée du cycle n’a pas été observé après l’injection d’hCG 48 heures après l’injection de la prostaglandine [35].

2. Effets sur la fréquence de double ovulation

Des suivis échographiques ont confirmé l’absence d’effet du protocole GPG sur la fréquence de la double ovulation. Le pourcentage observé (14,1 % [14, 15]) est comparable à ceux relevés dans l’espèce bovine et compris entre 5,4 à 13,1 % sur la base de l’identification manuelle de deux corps jaunes sept à treize jours après l’ovulation [22, 23].

Le protocole GPG influe-t-il sur la mortalité embryonnaire et fœtale ?

La comparaison des résultats de diagnostics précoces et tardifs de gestation établis par échographie ou par palpation manuelle a été de fréquences d’interruption de la gestation fort variables selon les études et compris 2 à 30 % entre le premier et le troisième mois de gestation (diagnostics précoces par échographie) et de 1 à 31 % entre le deuxième et le cinquième mois de gestation (diagnostics précoces par palpation manuelle) [17]. Nos propres données, résultant d’un suivi de 13 535 diagnostics précoces par échographie ou par palpation manuelle entre le 25e et le 50e jour de gestation, révèlent une fréquence de 11 % de ce qui, à ce stade de gestation, peut être qualifié de mortalité embryonnaire tardive.

La fréquence de la mortalité embryonnaire tardive apparaît d’une manière générale supérieure après mise en place d’un protocole GPG. Force est de constater également la présence de différences importantes entre les études. Ainsi, elles seraient de 32 % entre le 27e et le 45e jour de gestation [28], à 27 % entre le 27e et le 58e jour de gestation [7], à 50,7 % entre le 30e et le 50e jour de gestation [6], entre 20,8 et 27,2 % entre le 27e et le 45e jour de gestation [30]. Entre le 21e et le 27e jour de gestation, elle serait comprise entre 39,8 et 44,8 % selon que les vaches sont ou non traitées à la somatotropine (bST) [30]. Au-delà de cette période, la fréquence est comprise entre 10,5 et 22 % [32, 39]. Semblables pertes embryonnaires ont été enregistrées en cas de traitement de présynchronisation (25 %) ou après synchronisation des chaleurs au moyen d’une double injection de prostaglandines suivie d’une injection de GnRH au moment des chaleurs (30 %) [7]. Ces pertes sont plus élevées après un protocole GPG (50,7 %) qu’après un protocole Selectsynch recourant à une injection de GnRH suivi sept jours plus tard d’une injection de prostaglandine (29,3 % [6]). La proportion des pertes embryonnaires et fœtales est significativement plus élevée si l’insémination est réalisée 32heures, plutôt que 0 à 24 heures, après la seconde injection de GnRH (32 % contre 9 à 21 % [32]). En cas de traitement de présynchronisation, elles sont plus importantes si l’animal est en anœstrus lors de la mise en place du protocole Ovsynch (32 contre 24 % [7] ; 80 % contre 36,8 % [6]). Cela ne semble pas être le cas en l’absence d’un traitement de présynchronisation au moyen d’une injection de PgF2a (13 contre 28 %) [7].

(1)voir les articles : - “ Induction et synchronisation de l’œstrus par la PgF2a ” Point Vét. 2003 ; 34(236): 22-23. - “ Effets du protocole GPG sur l’activité ovarienne ”, Point Vét. 2003 ; 34(237): 26-30.

(2) L’interprétation des résultats de fertilité fait appel à deux notions utilisées par les auteurs anglosaxons : le taux de conception (TC, ou CR pour Conception Rate) et le taux de gestation (TG, ou PR pour Pregnancy Rate). •  Le taux de conception exprime le pourcentage de gestation par rapport aux animaux inséminés. •  Le taux de gestation exprime le pourcentage de gestation par rapport au nombre d’animaux éligibles pour l’insémination. Il tient donc compte du pourcentage de détection des chaleurs, c’est-à-dire du pourcentage d’animaux inséminés après détection de leurs chaleurs (HDR : Heat Detection Rate ou TDC : taux de détection des chaleurs). Il s’obtient en multipliant le TC par le TDC. Dans le cas d’inséminations systématiques telles que pratiquées lors du protocole GPG, le TC est égal au TG (TDC =100 %).

Points forts

→Le protocole de synchronisation de l’ovulation GPG chez la vache constitue une méthode intéressante pour les éleveurs qui rencontrent des difficultés pratiques de détection des chaleurs.

→Il permet l’obtention d’une fertilité légèrement supérieure à celle d’autres protocoles recourant à la PgF2a uniquement.

→Il offre le principal avantage d’augmenter le pourcentage de vaches gravides dans un délai donné.

→L’amélioration de son efficacité implique une meilleure compréhension des facteurs à l’origine de l’augmentation de la mortalité embryonnaire dont ce protocole s’accompagne.

À lire également

- Drion PV, Beckers JF, Ectors FJ, Hanzen C, Houtain JY, Lonergan P. Régulation de la croissance folliculaire et lutéale : 1. Folliculogenèse et atrésie. Point Vét. 1996 ; 28 (n° spécial “Reproduction des ruminants”): 881-891.

- Drion PV, Ectors FJ, Hanzen C, Houtain JY, Lonergan P, Beckers JF. Régulation de la croissance folliculaire et lutéale : 2. Ovulation, corps jaune et lutéolyse. - Drion PV, Beckers JF, Ectors FJ, Hanzen C, Houtain JY, Lonergan P. Régulation de la croissance folliculaire et lutéale : 1. Folliculogenèse et atrésie. Point Vét. 1996 ; 28 (n° spécial “Reproduction des ruminants”): 881-891.

- Drion PV, Hanzen C, Houtain JY, Ectors F, Beckers JF. Connaissances actualisées des régulations de la croissance folliculaire chez les bovins. Journées nationales des GTV. Tours. 1998 : 15-26.

- Ennuyer M. Les vagues folliculaires chez la vache. Applications pratiques à la maîtrise de la reproduction. Point Vét. 2000 ; 31(209): 377-383.

- Grimard B, Ponter AA, Chastant S, Constant F, Mialot JP, Humblot P. Facteurs d’efficacité des traitements de synchronisation des chaleurs chez les bovins. Journées européennes de la SFB. Paris-La Défense 2002 : 14-35.

- Mialot JP, Constant F, Chastant-Maillard S, Ponter AA, Grimard B. La croissance folliculaire ovarienne chez les bovins : nouveautés et applications. Journées européennes de la SFB. Paris-La Défense 2001 : 163-168.

- Picard-Hagen N, Bergonier D, Berthelot X. Maîtrise médicale du cycle œstral chez la vache. Point Vét. 1996 ; 28(n° spécial “Reproduction des ruminants”): 933-941.

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