Myélographie : intérêt des incidences particulières - Le Point Vétérinaire n° 237 du 01/07/2003
Le Point Vétérinaire n° 237 du 01/07/2003

MYÉLOGRAPHIE CHEZ LE CHIEN

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Auteur(s) : Éric Yeramian

Fonctions : 96, avenue Carnot
11100 Narbonne

Des incidences particulières de la myélographie permettent la visualisation, la confirmation et la localisation précise d’une lésion non visible sur les incidences classiques de face et de profil.

Plusieurs études ont montré l’utilité de la myélographie et sa supériorité diagnostique sur la radiographie sans préparation [12, 18]. Les incidences radiologiques de profil et de face (incidence ventrodorsale) sont classiquement utilisées lors d’une myélographie. Des incidences particulières, dont la réalisation et l’intérêt diagnostique méritent d’être développés, peuvent également être utilisées, en particulier lors de compressions médullaires extradurales, le plus souvent rencontrées en pratique courante. Après un rappel des grands principes de la myélographie, l’intérêt des incidences particulières dans les affections cervicales, thoracolombaires et lombosacrées est évalué.

Principes de la myélographie

La myélographie est l’examen radiographique de la moelle épinière et de l’émergence des racines nerveuses, après l’injection d’un produit de contraste iodé dans l’espace sous-arachnoïdien, entre l’arachnoïde et la pie-mère [12, 14, 18, 25].

Le produit diffuse de part et d’autre du site d’injection, envahit l’espace sous-arachnoïdien et tapisse le pourtour de la moelle épinière. L’opacification des contours de la moelle épinière souligne celle-ci et permet d’observer des lésions non décelables sur des radiographies sans préparation.

1. Indications

La myélographie permet de confirmer ou d’infirmer l’existence d’une compression de la moelle ou l’oblitération de l’espace sous-arachnoïdien et de localiser une lésion.

Elle permet d’apprécier la localisation extra- ou intramédullaire de la lésion et son étendue (lésion compressive).

La myélographie n’est pas un geste anodin et n’est indiquée que lorsqu’un acte chirurgical est envisagé.

Les contre-indications majeures d’un tel examen sont les maladies inflammatoires du système nerveux central [15].

2. Technique

• Une myélographie nécessite une anesthésie générale. Les produits de contraste utilisés sont des substances iodées, hydrosolubles, non ioniques et de faible osmolarité [14, 25]. Le iopamidol(1) (par exemple, Iopamiron® 350 à la dose de 0,2 à 0,4 ml/kg) ou le iohexol(1) (Omnipaque®) sont prescrits classiquement [6, 7, 14].

• Deux techniques sont utilisables (voir le TABLEAU “ Intérêts et inconvénients des voies de ponction haute et basse ”) [1, 7, 9, 12] :

- une technique par voie haute avec ponction cisternale dans l’espace atlanto-occipital ;

- une technique par voie basse avec ponction lombaire (L5-L6) [9].

3. Principe d’interprétation

• Le produit de contraste apparaît comme une mince colonne radio-opaque qui entoure la moelle épinière et rend visible l’espace sous-arachnoïdien dorsal et ventral sur la vue de profil, et l’espace droit et gauche sur la vue de face [7, 16, 25]. Il convient alors de parler de deux colonnes de produit de contraste, dorsale et ventrale sur l’incidence de profil, ou droite et gauche sur l’incidence de face.

• Les deux colonnes de produit de contraste sont parallèles tout le long de la colonne vertébrale, avec un rétrécissement en zone ventrale au niveau des espaces intervertébraux.

Un élargissement au niveau des plexus lombo-sacré et brachial peut cependant être observé.

Les deux colonnes se rapprochent l’une de l’autre à l’approche du sac dural, qui se termine dans plus de 80 % des cas au niveau du sacrum [1, 6, 25].

La forme du sac dural est en général effilée avec une terminaison pointue, mais il peut prendre la forme d’un cône assez épais. Au-delà, c’est le filum terminal, simple ligne de contraste qu’il est parfois possible d’observer jusqu’à la première ou la deuxième vertèbre caudale (voir la FIGURE “ Myélographie normale ”).

Cependant, de grandes variations anatomiques (forme et longueur) du sac dural existent selon l’animal [2].

• Lors de compression médullaire extradurale, la myélographie permet de visualiser un amincissement de la colonne de contraste, voire une interruption complète (voir la FIGURE “ Schématisation d’une compression extradurale ventrale… ”).

• Aux deux incidences classiques, il est souvent nécessaire d’associer des incidences particulières. Elles permettent la visualisation, la confirmation et la localisation précise d’une lésion non visible sur les radiographies standards. Il s’agit des radiographies réalisées après mise en flexion, extension ou traction du rachis, ainsi que les radiographies obliques par rapport aux incidences latérolatérale et ventrodorsale.

Myélographie cervicale

Les principales affections cervicales explorées lors d’une myélographie cervicale sont les hernies discales, les fractures, les subluxations et instabilités, et la spondylomyélopathie cervicale caudale ou syndrome Wobbler [5, 20, 27].

Lors de telles anomalies, la simple myélographie est souvent insuffisante [3, 5]. Plusieurs vues du rachis cervical sont alors nécessaires, en flexion, extension et traction après l’injection du produit de contraste afin de confirmer, de qualifier et de quantifier la lésion [5, 18bis, 20, 27]. En effet, la compression de la moelle épinière est alors souvent intermittente, en fonction de la position du cou. Les images en position neutre révèlent la compression médullaire, mais les images en position de contrainte peuvent permettre de déterminer la nature dynamique ou statique de cette compression, et permettent donc de préciser le pronostic et de choisir le traitement le plus adapté [29].

Lors de suspicion de fracture et de subluxation cervicales, il convient de manipuler les animaux anesthésiés avec précaution afin d’éviter tout risque d’aggravation des lésions médullaires. Dans les cas douteux, un cliché doit être pris de profil, le rachis cervical mis en ventroflexion [18b, 27, 29].

Lors de subluxation atlanto-axiale, il est possible, si l’animal est placé tête fléchie (menton ramené sur l’encolure), d’apprécier une déviation de la colonne de contraste et une ouverture de l’espace séparant le bord dorso-caudal de l’atlas et le rebord crânial du processus épineux de l’axis. L’instabilité qui existe au niveau de l’articulation atlanto-axiale peut ainsi être confirmée (voir la FIGURE “ Schématisation d’une instabilité atlanto-axiale… ”).

Le recours aux projections obliques, notamment lors de suspicion de fracture de l’atlas ou de l’axis, est utile (PHOTOS 1). Ces fractures s’avèrent en effet généralement difficiles à apprécier. Une absence ou une déviation dorsale de la dent de l’axis (ou processus odontoïde) est plus facile à diagnostiquer sur une radiographie latéro-oblique de l’articulation atlanto-axiale. Cette incidence évite la superposition des processus transverses de C1.

Lors de suspicion de hernie discale cervicale, les images prises en extension et en flexion de l’encolure (tête ramenée entre les deux antérieurs) montrent une modification de la colonne de contraste par rapport aux radiographies prises en position neutre. En effet, les images en flexion peuvent minimiser la compression par étirement des structures vertébrales. En revanche, les images obtenues en extension peuvent accroître le degré de compression médullaire, en augmentant la saillie de ces mêmes structures dans le canal vertébral (voir la FIGURE “ Schématisation de l’effet de la flexion et de l’extension sur le diamètre du canal rachidien… ”). Ces manipulations sont à effectuer avec prudence pour ne pas aggraver le statut neurologique du chien [3, 21] et toujours sur un court laps de temps [10, 19] (PHOTOS 2).

Lors de suspicion du syndrome Wobbler, l’utilisation de positions radiographiques en contrainte pendant la myélographie est d’une grande utilité. Elle permet d’orienter vers un diagnostic étiologique, d’évaluer des lésions légères ou équivoques [17] et de choisir le traitement chirurgical le plus adapté [19]. En effet, ce syndrome réunit les symptômes rencontrés dans d’autres affections : compressions ventrales par extrusion ou protrusion d’un disque intervertébral (voir le TABLEAU “ Classification de Hansen des hernies discales ”), compressions dorsales par hypertrophie du ligament jaune ou lors d’instabilité, de malformation ou de dégénérescence des facettes articulaires [18bis].

Certaines de ces compressions, telles que les hernies par extrusion du noyau pulpeux, les malformations osseuses ou les sténoses, sont accentuées sur les radiographies en hyperextension, minimisées sur les radiographies en hyperflexion et ne sont que très peu modifiées sur les radiographies en traction : il s’agit alors de compressions “ statiques ” [17, 19].

En revanche, d’autres, telles que les instabilités, les hypertrophies ligamentaires ou les hernies par protrusion de l’anneau fibreux, sont fortement atténuées, voire annulées sur les radiographies en traction : ce sont des compressions “ dynamiques ” [10, 17, 19, 22].

Cette distinction est primordiale pour le choix du traitement. En effet, lorsque la compression est diminuée sur les radiographies en traction, la fusion vertébrale en distraction est la meilleure indication du traitement chirurgical. En revanche, lorsqu’elle n’est pas modifiée, la décompression médullaire est privilégiée [8, 10, 17, 19].

L’hyperextension accentue les compressions dorsales [19], ainsi que les compressions ventrales d’origine discale.

L’hyperflexion réduit ou efface les compressions d’origines dorsale et ventrale.

La mise en traction du rachis cervical est préconisée dans tous les cas de suspicion de syndrome Wobbler ; elle permet de distinguer les lésions dynamiques des lésions statiques en exerçant un étirement sur le cou durant la prise du cliché. La zone compressive d’une lésion dynamique est réduite et les signes de compression sont ainsi moins marqués sur la myélographie (PHOTO 3).

Myélographie thoracolombaire

• Comme pour les myélographies cervicales, lors de suspicion de hernie discale, les radiographies classiques en position neutre de face et de profil peuvent ne pas suffire à visualiser et à préciser avec certitude le site d’une hernie [21]. Des clichés sériés de la zone suspecte de la lésion sont indispensables [8, 12]. Plusieurs vues de cette zone sont nécessaires, avec notamment des radiographies obliques en incidence à 45° vers la droite, puis vers la gauche, par rapport à l’incidence ventrodorsale standard [11]. Seuls ces différents clichés permettent parfois de localiser un matériel discal hernié ventrolatéralement ou dorsolatéralement, car les résultats des radiographies standard peuvent être normaux (voir la FIGURE “ Intérêt des clichés pris en oblique… ”).

• Cette précision est d’autant plus importante qu’il est nécessaire d’essayer de latéraliser avec précision le matériel discal hernié [23]. En effet, l’identification d’un espace vertébral qui présente un arrêt ou une déviation de la colonne de contraste permet de décider d’une intervention, alors que la latéralisation permet de choisir la technique chirurgicale la plus adaptée [26]. La réalisation d’une hémilaminectomie, d’une mini-hémilaminectomie ou d’une foraminotomie ne peut se concevoir que si le site exact de compression discale est précisément identifié.

Le site de la lésion vertébrale est identifié dans 94 à 100 % des cas avec latéralisation [13] (PHOTOS 4).

Les radiographies permettent de la même manière de localiser avec précision le site de compression médullaire lors de hernie discale thoracique (PHOTOS 5).

Myélographie lombosacrée

• L’image de la myélographie de la région lombosacrée, avec un rétrécissement caudal qui représente le sac dural terminal, est caractéristique. Cependant, lors d’affection lombosacrée, ces radiographies en incidence standard peuvent ne pas être suffisantes pour diagnostiquer une anomalie du type compression de la queue-de-cheval. Il est alors utile de réaliser des clichés en position de flexion et d’extension par rapport à la position initiale de profil.

• En l’absence de compression, les images obtenues sur la vue latérale de la région lombosacrée sont identiques en flexion et en extension (PHOTO 6). La forme, la largeur et la longueur de la colonne de contraste ne sont modifiées dans aucune des positions.

Lors de lésion, en extension, la colonne de contraste apparaît rétrécie et raccourcie par rapport à l’incidence latérale en flexion, ce qui permet de confirmer une compression de la queue-de-cheval. Il convient cependant d’être vigilant et de considérer également le tableau clinique car il est parfois possible d’obtenir des faux positifs.

• Sur les vues de profil en hyperflexion, un remplissage complet du sac dural est obtenu chez tous les animaux atteints en fléchissant d’abord le rachis pour ensuite le mettre en extension quelques minutes plus tard (PHOTO 7).

• Sur les vues de profil en hyperextension, les signes de compression sont majorés [2, 24, 28]. La mise en extension diminue le diamètre de la colonne de contraste de plus de 20 % du diamètre initial chez les animaux atteints d’un syndrome queue-de-cheval et la colonne de contraste s’arrête plus crânialement à la jonction lombosacrée (PHOTOS 8).

• L’utilisation de la myélographie dans ces différentes positions représente un intérêt certain dans le diagnostic du syndrome de la queue-de-cheval. Elle est cependant inutile si :

- le sac dural se termine crânialement à L7-S1 ;

- le sac dural est surélevé par rapport au plancher vertébral.

Elle ne permet pas de visualiser des lésions compressives latérales qui impliquent le foramen intervertébral ou les récessus latéraux du canal intervertébral au travers duquel passent les racines nerveuses [24].

Une myélographie négative ne permet donc pas toujours d’éliminer un syndrome queue-de-cheval.

La myélographie est un examen indispensable de l’imagerie de la moelle épinière en médecine vétérinaire. Quelle que soit l’affection médullaire suspectée, notamment lors des maladies extradurales, les radiographies en flexion, extension, traction ou rotation sont indispensables et permettent de compenser la faible disponibilité et le coût de la tomodensitométrie et de l’imagerie par résonance magnétique.

Points forts

En région cervicale, les compressions “ statiques ” (malformations osseuses, sténoses) sont très peu modifiées sur les radiographies en traction, tandis que les compressions “ dynamiques ” (instabilités, hypertrophies ligamentaires, hernies par protrusion de l’anneau fibreux) sont fortement atténuées, voire annulées.

Lors d’hernie discale en région thoracolombaire, la latéralisation permet de choisir la technique chirurgicale la mieux adaptée. Les incidences myélographiques obliques à 45° permettent d’identifier le site de la lésion vertébrale dans 94 à 100 % des cas.

Une myélographie négative ne permet donc pas toujours d’éliminer un syndrome queue-de-cheval.

  • 1 - Adams WM. Myelography. Vet. Clin. N. Amer-Small Anim. Pract. 1982 ; 12 : 2.
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  • 27 - Wheeler SJ, Sharp NJH. Atlantoaxial subluxation. In : Small Animal Spinal Disorders. 1994 : 109-121.
  • 29 - Wheeler SJ, Sharp NJH. Caudal cervical spondylomyelopathy. In : Small Animal Spinal Disorders. 1994 : 135-155.
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