Analyse d’un compte rendu anatomopathologique - Le Point Vétérinaire n° 237 du 01/07/2003
Le Point Vétérinaire n° 237 du 01/07/2003

CANCÉROLOGIE DU CHIEN ET DU CHAT

Se former

COURS

Auteur(s) : Pierre Maliver

Fonctions : Laboratoire
d’histocytopathologie
vétérinaire
95, rue Raspail
94703 Maisons-Alfort cedex

Connaître la méthode analytique de l’anatomopathologiste lors de la lecture et de l'interprétation d’une lame permet de comprendre au mieux le compte rendu anatomopathologique.

Si le recours à l’examen anatomopathologique de toute lésion supposée tumorale tend à se généraliser, le praticien ne retire encore que trop peu de renseignements de la lecture du compte rendu d’analyse, faute d’en connaître les clés et souvent les termes (voir l'ENCADRÉ “Exemple de compte rendu anatomopathologique”). Cet article tente, d’une part de décrire les étapes de la démarche analytique qui préside à l’élaboration d’un compte rendu lors de lésion tumorale et d’autre part, d’expliciter les différents termes spécifiques les plus couramment utilisés, dont certains ont un intérêt pronostique.

Introduction

L’introduction vise à récapituler le nombre de prélèvements reçus et détaille les différentes colorations utilisées pour la lecture de(s) lame(s) réalisée(s). Cela permet au praticien de vérifier l’exactitude du nombre de prélèvements identifiés au laboratoire et de connaître les colorations effectuées [1] (voir le TABLEAU “Principales colorations histochimiques utilisées en histopathologie vétérinaire pour le diagnostic des tumeurs”).

La description à faible grossissement

La description à faible grossissement précise en premier lieu la localisation de la lésion : ici dans le plan dermique superficiel et profond.

Elle détaille également le type de croissance (expansif ou infiltrant) et le degré d’encapsulation (régulière, partielle ou nulle) de la tumeur.

Ces constatations ont une grande importance pour l’évaluation du degré de malignité d’une affection tumorale et influent donc sur le pronostic. D’une manière générale, une tumeur bien délimitée à croissance strictement expansive (compression des tissus avoisinants), est de meilleur pronostic, qu’il s’agisse d’une tumeur bénigne ou maligne. Il existe néanmoins des exceptions à cette règle : un histiocytome cutané par exemple, habituellement bénin chez le chien, n’a pas de croissance strictement expansive et n’est pas encapsulé.

La description détaille ensuite la nature tumorale (tumeur épithéliale ou mésenchymateuse) et ses caractéristiques architecturales [a].

Le degré de différenciation tumorale est déterminé en fonction de l’aptitude du tissu tumoral à reproduire l’architecture du tissu d’origine. Ainsi, une tumeur épithéliale (PHOTO 1) d’origine glandulaire a tendance à former des tubes s’il s’agit d’une tumeur maligne bien différenciée, mais s’organise plutôt en cordons si elle est peu différenciée (voir le TABLEAU “Nomenclature générale et principales formes architecturales des tumeurs bénignes et malignes”).

Le faible grossissement permet également de remarquer si les marges de la pièce d’exérèse sont saines (constatation notée dans la synthèse).

La description à fort grossissement

La description à fort grossissement précise l’aspect des cellules qui constituent la lésion. Elle est particulièrement importante lors de lésion tumorale. Elle vise en effet à définir le degré d’atypie cellulaire (cytonucléaire) via la constatation de :

- l’anisocytose, l’anisocaryose, la poïkilocaryose (PHOTOS 2 et 3) ;

- l’euchromatisme, l’hyperchromatisme ;

- la nucléolation (PHOTO 4) ;

- l’index mitotique, etc. (voir le TABLEAU “Définition des termes anatomopathologiques…”).

Parallèlement, d’autres lésions histologiques (comme des foyers de nécrose avec inflammation, des images de métaplasie, des hémorragies) peuvent être notées.

En fonction, notamment du type de croissance, de l’intensité des atypies cellulaires et de l’index mitotique, l’anatomopathologiste classe la tumeur en bénigne (généralement atypies faibles et index mitotique nul ou faible) ou maligne (généralement atypies nettes et index mitotique moyen ou élevé). Le choix peut s’avérer toutefois cornélien dans quelques cas.

Il existe en outre quelques exceptions à cette règle : l’histiocytome cutané du chien, par exemple, présente de nombreuses mitoses ; le plasmocytome canin est parfois nettement atypique bien que d’agressivité locale modérée, etc.).

Lors de tumeur maligne très indifférenciée pour laquelle, ni les critères architecturaux, ni la morphologie cellulaire, ne permettent d’en déterminer la nature, le recours à des examens immunohistochimiques complémentaires peut être envisagé. La principale distinction se fait entre les tumeurs épithéliales (cytokératine +) et les tumeurs mésenchymateuses (vimentine+). D’autres anticorps sont utilisables pour définir la nature tissulaire (cellules gliales positives au Gfap, cellules de Schwann à S100, cellules musculaires à l’actine et desmine, lymphocytes T CD4 + ou CD8+, etc.).

Synthèse

La synthèse précise le type tumoral (épithélial ou mésenchymateux) et son caractère bénin ou malin.

Elle indique également son grading, s’il s’agit d’une tumeur maligne qui bénéficie d’un grading histologique à valeur pronostique reconnue (tumeurs mammaires, mastocytome cutané canin, etc.). Le grading est un système de hiérarchisation de la malignité d’une tumeur qui dépend uniquement des critères histologiques et cytologiques (à différencier du “stade” fondé sur des critères d’extension clinique). Par exemple le grading de Patnaik pour le mastocytome cutané du chien tient compte de plusieurs critères : extension de la tumeur, cellularité, morphologie et différenciation des cellules tumorales, nombre de mitoses, aspect du stroma, etc. Le pourcentage de survie est de 93 % à 4 ans pour le mastocytome de grade I, de 47 % pour le grade II et de 6 % pour le grade III [3].

La synthèse précise également si les marges du prélèvement sont exemptes de tout processus néoplasique.

Elle détaille en outre, en cas de processus tumoral malin, la présence ou non d’emboles tumoraux dans des vaisseaux sanguins ou lymphatiques, de micrométastases ou de métastases dans le nœud lymphatique de drainage. La détermination du potentiel métastatique d’une tumeur épithéliale s’avère nettement plus fiable par l’analyse du ou des nœuds lymphatiques de drainage. La simple visualisation des vaisseaux sanguins ou lymphatiques adjacents ou au sein de la tumeur est en effet moins sensible. Il convient en outre de prendre avec circonspection l’absence apparente d’embolisation lors de tumeur agressive ou réputée très agressive.

La conclusion

La conclusion fait une synthèse des informations essentielles : elle peut être comprise par un lecteur “pressé” qui aurait lu succinctement ce qui précède.

La conclusion nomme la tumeur, ainsi que sa localisation.

Elle précise aussi le degré de différenciation tumorale (ou indique éventuellement son grading histologique) et son type de croissance.

Elle détaille la présence ou l’absence d’emboles vasculaires ou de métastases dans le cas d’une tumeur maligne.

S’il s’agit d’un type tumoral dont l’évolution est documentée, elle indique l’évolution attendue à court, moyen ou long terme, afin d’affiner le pronostic et parfois d'orienter le praticien dans sa démarche thérapeutique (un traitement et/ou une exérèse complémentaire peut être suggéré).

Le pronostic peut dans certains cas être affiné à la demande du praticien par des marquages immunohistochimiques complémentaires (particulièrement le marqueur de prolifération Ki 67 pour le mastocytome canin).

Un compte rendu respecte un plan précis comme décrit ci-dessus et utilise également des termes spécifiques. Sa lecture permet à la fois, de mieux cerner l’analyse de l’anatomopathologiste, l’orientation de sa réflexion, mais aussi les limites inhérentes à tout examen. Un compte rendu est d’autant plus détaillé et précis que le prélèvement a été prélevé et fixé dans de bonnes conditions, dans un volume suffisant de fixateur et accompagné par des commémoratifs complets [2]. La conclusion du compte rendu est toujours à corréler aux données cliniques : elle peut dans certains cas évoquer non pas une, mais plusieurs hypothèses diagnostiques. Elle est aussi parfois en discordance avec les hypothèses du praticien, ce qui illustre l’importance du dialogue entre ce dernier et le pathologiste.

Exemple de compte rendu anatomopathologique

Introduction

L'examen a porté sur la coupe d'un prélèvement, analysé après coloration à l’HES (hématoxyline-érythrosine-safran).

Description à faible grossissement

On note une tumeur polykystique, à localisation dermique superficielle et profonde, à croissance de nature infiltrante. L’épiderme sus-jacent apparaît également hyperplasique et hyperkératosique, avec quelques zones ulcérées. On observe alors une inflammation exsudative aiguë superficielle en regard des zones ulcérées. La tumeur est constituée de multiples cordons et massifs de cellules épithéliales qui présentent une kératinisation éparse, essentiellement lamellaire. Des cellules inflammatoires sont notées autour de massifs tumoraux nécrotiques : il s’agit de polynucléaires neutrophiles, de lymphocytes, de plasmocytes et de macrophages (inflammation pyogranulomateuse).

Description à fort grossissement

Les cellules tumorales présentent une anisocaryose, une anisocytose et une poïkilocaryose nettes qui ont un noyau macronucléolé et hyperchromatique au sein d’un cytoplasme basophile modérément abondant (aspect de cellule basale folliculaire). Quelques foyers à différenciation malpighienne sont notés, en marge de foyers de kératinisation centraux, avec une couche intermédiaire de cellules granuleuses. De nombreuses mitoses sont notées.

Synthèse

Il s’agit d’une tumeur pilaire d’aspect histologique malin. On note une fibrose réactionnelle périphérique qui jugule partiellement la croissance tumorale. Les marges latérales et profondes du prélèvement passent largement en territoire sain. Nous n’observons pas d’embolisation vasculaire, lymphatique ou sanguine sur les sections analysées.

Conclusion

Il s'agit d'une tumeur pilaire de type tricho-épithéliome malin (carcinome matriciel) moyennement différencié, à croissance infiltrante, associée à une inflammation pyogranulomateuse. La tumeur présente ici une franche agressivité locale : le pronostic reste donc réservé. La tumeur, invasive localement, est mal délimitée par une stroma réaction fibreuse. Elle est susceptible de récidiver sans pouvoir exclure une dissémination vasculaire (généralement lymphatique : évolution locale et locorégionale à surveiller périodiquement).

Congrès

a. Williams B. Microscopic descriptive techniques. Fourth Annual European Descriptive Veterinary Pathology, Armed Forces Institute of Pathology. École nationale vétérinaire de Nantes. 3-6 septembre 2001.

Points forts

La pertinence d’un compte rendu dépend grandement de la qualité du prélèvement (notamment de son degré de fixation) et des commémoratifs transmis à l’anatomopathologiste.

L’absence d’emboles vasculaires lors de tumeur réputée très agressive ou histologiquement très agressive n’est pas significative.

L’analyse histologique du nœud lymphatique de drainage lors de tumeur, notamment épithéliale, est nettement plus fiable que la simple analyse des vaisseaux lymphatiques et sanguins intra ou péritumoraux.

  • 1 - Delverdier M, Bourges-Abbella N, Amardeilh M-F et coll. Histochimie. Les Indispensables de l’animal de compagnie. Cancérologie. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 2000 : 149-154.
  • 2 - Delverdier M, Amardeilh M-F, Bleuart C. Prélèvements destinés à l’analyse histologique. Les Indispensables de l’animal de compagnie. Cancérologie. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 2000 : 141-143.
  • 3 - Patnaik AK, Ehler WJ, MacEwen EG. Canine cutaneous mast cell tumor : morphologic grading and survival time in 83 dogs. Vet. Pathol. 1984 ; 21 : 469-474.
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