La leishmaniose : données actuelles en France - Le Point Vétérinaire n° 236 du 01/06/2003
Le Point Vétérinaire n° 236 du 01/06/2003

ZOONOSES PARASITAIRES

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EN QUESTIONS-RÉPONSES

Auteur(s) : Philippe Denerolle

Fonctions : Clinique vétérinaire
14, bd Stalingrad
83500 La Seyne-sur-Mer

Le nombre de cas diagnostiqués de leishmaniose canine augmente en France et la maladie s'étend depuis le pourtour méditerranéen. Le chien constitue le réservoir de l'infection humaine.

En France, la leishmaniose est une maladie du chien due à un parasite-Leishmania infantum. Elle est transmissible à l'homme par l'insecte vecteur, le phlébotome.

Le chien est-il le seul réservoir ?

En France, Leishmania infantum est surtout un parasite du chien. Le renard n'est qu'un réservoir secondaire. Quelques rares cas de leishmaniose féline ont été décrits.

En Italie et en Espagne [4], des cas tout aussi exceptionnels d'infection du rat ont été observés.

Ces animaux ne sont toutefois que des hôtes accidentels au cours du cycle et le chien constitue le principal réservoir.

Tous les chiens sont-ils sensibles ?

Un travail récent [1] démontre l'existence d'un gène qui détermine la résistance naturelle ou la susceptibilité du chien à l'infection différents organismes pathogènes, dont la leishmanie. Il s'agit du gène NRAMP1 (Natural Resistance-Associated Macrophage Protein) qui code une protéine transporteuse d'ions, impliquée dans le contrôle de la réplication du parasite à l'intérieur du phagocyte et dans l'activation du macrophage.

Cela explique, qu'en zone d'endémie, quelques chiens échappent à la maladie et que certaines lignées semblent plus sensibles à l'infection.

Quels sont les modes de transmission ?

La transmission s'effectue essentiellement par la piqûre du phlébotome femelle. La leishmanie ne résiste pas dans le milieu extérieur et la transmission directe est presque impossible.

Un cas exceptionnel de transmission in utero a été signalé.

La transmission par voie sanguine a été observée lors de transfusion et, chez les toxicomanes, lors d'utilisation de seringues usagées.

La maladie humaine est-elle fréquente en France ?

En France, le nombre de cas autochtones de leishmaniose viscérale humaine a été de vingt-deux en 1999, de trente en 2000 et de trente et un en 2002.

Autrefois maladie infantile, la leishmaniose est devenue une infection opportuniste de l'adulte immunodéprimé. À l'échelle mondiale, la ruralisation du sida et l'urbanisation simultanée de la leishmaniose viscérale augmentent le risque de co-infection à Leishmania et à VIH. L'incidence annuelle mondiale est estimée à environ deux millions de cas humains, dont 500 000 cas de leishmaniose viscérale.

La leishmaniose canine est-elle en extension ?

Le Resfiz a réalisé une enquête instructive en 2000 auprès des confrères qui exercent en zone d'endémie (voir la FIGURE “Zone d'endémie de la leishmaniose canine en France”) [b]. Le nombre de départements pour lesquels des praticiens déclarent plus de cinquante cas annuels est passé de six en 1988 [2] à quinze en 2002. La maladie s'étend, depuis le pourtour méditerranéen,vers l'intérieur de l'Hexagone.

En dehors de cette zone, des foyers erratiques peuvent apparaître partout où existe le vecteur potentiel (Phlebotomus perniciosus et ariasis), contaminé par des chiens qui ont séjourné dans la zone d'endémie. Des foyers ectopiques sont ainsi apparus en région parisienne et dans la vallée de la Loire, en Sologne. Ces foyers restent limités pour l'instant.

Quelles sont les bases du diagnostic ?

Le contexte épidémiologique et les symptômes conduisent au diagnostic clinique. Classiquement, le chien leishmanien présente une altération de l'état général, une polyadénopathie et une insuffisance rénale. Les symptômes cutanés sont également très fréquents :

- état kératoséborrhéique (PHOTO 1) ;

- ulcères (PHOTO 2) ;

- nodules (PHOTO 3).

Des manifestations oculaires peuvent être associées ou évoluer isolément (PHOTO 4).

Le diagnostic de certitude repose sur la mise en évidence du parasite au niveau du ganglion, de la moelle osseuse ou de la peau, d'autant que les formes cliniques atypiques sont trompeuses.

L'examen sérologique est largement utilisé, mais il connaît des faux positifs et des faux négatifs.

La méthode de référence reste l'immunofluorescence indirecte.

Dans les cas difficiles, il est possible de recourir à la mise en culture de moelle osseuse, au Western-blot ou encore à la PCR (technique d'amplification génique).

Que penser de la PCR ?

Plusieurs techniques d'amplification génique détectent le matériel génétique des leishmanies. La plus sensible (méthode KRV) cible l'ADN kinétoplastique.

En épidémiologie, un seuil de positivité faible est privilégié et, lors d'une enquête pratiquée dans les Cévennes [a], 76 % des chiens asymptomatiques se sont révélés positifs.

Cette extrême sensibilité soulève en revanche un problème de spécificité et, chez le chien malade, il convient d'utiliser un seuil plus élevé ou une technique moins sensible (méthode R) qui cible l'ADN génomique. D'où l'intérêt, lors de l'interprétation du résultat, de connaître les limites de la méthode employée.

Quel est le traitement le plus utilisé chez le chien ?

Le traitement le plus souvent préconisé par la majorité des praticiens est l'association antimoniate de méglumine (Glucantime®) et allopurinol(1) (Zyloric®) [5, b]. Le Glucantime® est administré par voie sous-cutanée, à la dose de 100 mg/kg/j pendant un mois ; l'allopurinol(1) est donné par voie orale à la dose de 20 à 30 mg/kg/j.

Certains administrent à vie le Zyloric® pour prévenir les rechutes ; d'autres l'interrompent lors de la négativation sérologique.

Ce protocole n'est malheureusement pas utilisable chez les animaux insuffisants rénaux car l'antimoine aggrave l'insuffisance rénale. Le chien leishmanien insuffisant rénal reste un défi thérapeutique.

Existe-t-il d'autres traitements ?

Des praticiens italiens [c] ont associé le métronidazole à la dose de 25 mg/kg/j à la spiramycine à la dose de 150 000 UI/kg/j, par voie orale pendant quatre-vingt-dix jours, sur un échantillon restreint (treize chiens). L'efficacité de cette association serait comparable à celle du traitement classique, antimoine et allopurinol(1). Les effets secondaires sont nettement moindres et l'administration beaucoup plus facile. Ces résultats prometteurs sont toutefois à confirmer par une étude à plus grande échelle.

Lamothe [6] emploie avec succès l'amphotéricine B(2) (Fungizone®), mais la crainte de voir apparaître des souches de leishmanies résistantes incite à réserver cette molécule à l'usage hospitalier.

Les essais avec des quinolones [3] se sont jusqu'à présent révélés décevants.

La miltéfosine(2) (Miltex®), qui s'est montrée très efficace en Inde dans le traitement du kala-azar chez l'homme, mériterait d'être testée chez le chien [3].

Le chien traité est-il encore contagieux ?

Le chien traité reste contagieux et cette contagiosité persistante constitue la principale pierre d'achoppement du traitement de la leishmaniose canine, car aucune molécule ne permet d'obtenir une stérilisation parasitaire définitive. Ce n'est que pendant les quatre mois suivant la fin de l'administration d'antimoine que les phlébotomes se nourrissent sans s'infecter.

Porteurs asymptomatiques, malades, chiens cliniquement guéris, tous contribuent à l'infection des phlébotomes.

La vaccination reste expérimentale et la seule solution est de lutter contre le vecteur. Le maintien du chien à l'intérieur de la maison, surtout le soir, diminue l'exposition.

Cette mesure peut être complétée par la pose d'un collier à base de deltaméthrine (Scalibor®) ou par la pulvérisation d'un spray qui associe perméthrine et pyriproxifène (Duowin®), tout en sachant que cette protection est imparfaite.

  • (1) Médicament à usage humain.

  • (2) Médicament à usage hospitalier.

Points forts

Chez le chien, un gène de susceptibilité à Leishmania a été découvert récemment ; tous les animaux ne sont pas naturellement sensibles.

Le portage asymptomatique est fréquent chez le chien. Ce dernier constitue un réservoir du parasite et une source de contamination.

La leishmaniose canine est en extension dans le sud de la France : le nombre de départements significativement infestés est passé de six à quinze en moins de quinze ans.

La maladie humaine connaît une évolution depuis quelques années : autrefois affection principalement infantile, elle touche, aujourd'hui, surtout des adultes immunodéprimés (co-infection Leishmania et VIH).

Congrès

a - Bastien P, Lachaud L. Détection par PCR du portage asymptomatique de Leishmania infantum chez le chien. Proceedings 2e Journée d'actualités sur les leishmanioses Resfiz. Nice. 2002 : 15-17.

b - Coulibaly E. Enquête sur les pratiques diagnostiques et thérapeutiques de la leishmaniose . par les vétérinaires praticiens. Proceedings 2e Journée d'actualités sur les leishmanioses. Resfiz. Nice. 2002 : 42-54.

c - Pennisi MG et coll. Efficacy of metronidazole-spiramycin combined therapy in the treatment of canine leishmaniasis. Proceedings du Congrès World Leish II. Heraklion. 2001.

  • 1 - Altet L et coll. Mapping and sequencing of the canine NRAMP1 gene and identification of mutations in leishmaniasis-susceptible dogs. Infection Immunity. 2002 : 2763-2771.
  • 2 - Bourdeau P, Groulade P. Résultats de l'enquête sur la leishmaniose. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 1988 ; 23 : 5-10.
  • 3 - Bourdoiseau G. La leishmaniose. Parasitologie clinique du chien. Ed. NEVA. Créteil. 2000 : 325-362.
  • 4 - Dedet JP. Les leishmanioses. Ellipses. Paris. 1999 : 109-127.
  • 5 - Denerolle P, Bourdoiseau G. Combination allopurinol and antimony treatment versus antimony alone and allopurinol alone in the treatment of canine leishmaniasis (96 cases). J. Vet. Intern. Med. 1999 ; 13 : 413-415.
  • 6 - Lamothe J. Activity of amphotericin B in lipid emulsion in the initial treatment of canine leishmaniasis. J. Small Anim. Pract. 2001 ; 42 : 170-175.
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