Le phloroglucinol contre les coliques des vaches laitières - Le Point Vétérinaire n° 232 du 01/02/2003
Le Point Vétérinaire n° 232 du 01/02/2003

CASCADE THÉRAPEUTIQUE

Éclairer

NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Éric Sachot

Fonctions : Unité de pharmacologie
et de toxicologie
ENVN

Plus aucune spécialité n'a pour indication le traitement symptomatique des coliques chez la vache laitière. Le phloroglucinol, sûr d'utilisation, mais peu pratique, constitue une alternative intéressante, selon cet essai de terrain non comparatif.

Le traitement des diarrhées peut faire intervenir différentes familles de molécules afin de lutter contre les facteurs étiologiques (antiparasitaires, antibiotiques…), pour modifier le contenu intestinal, ou encore pour diminuer les contractions spastiques de l’intestin, à l’origine des coliques.

Disparition de spécialités

Le traitement symptomatique des coliques des vaches en lactation s’est compliqué, avec la suppression d’indications de nombreuses spécialités vétérinaires qui contiennent des principes actifs pour lesquels aucune limite maximale en résidus (LMR) n’a été fixée dans le lait.

Actuellement, les molécules à activité parasympatholytique (butylscopolamine, prifinium…) sont réservées, selon les composés, aux animaux de compagnie ou aux animaux de rente, mais toujours hors lactation (voir l’ENCADRÉ « Classement des molécules selon les annexes LMR »). Pourtant, elles offrent l’avantage d’une action puissante en inhibant la motricité gastro-intestinale et en tarissant les sécrétions digestives. Une injection unique permet le plus souvent d’arrêter efficacement les coliques.

En revanche, tout sur dosage s’accompagne d’effets secondaires cardiovasculaires, oculaires ou centraux, particulièrement gênants, et une utilisation prolongée peut avoir pour conséquence un dysfonctionnement de l’intestin, à l'origine de diarrhées paradoxales par stase prolongée.

Phloroglucinol

Le phloroglucinol est un inhibiteur des phosphodiestérases, anciennement « antispasmodiques musculotropes » (voir la FIGURE « Structure chimique du phloroglucinol »). Il est actif en particulier sur les fibres musculaires lisses : il inhibe la phosphodiestérase et perturbe les transferts calciques membranaires. Comme les parasympatholytiques, il diminue l’activité des fibres lisses digestives. Cependant, il n’est qu’un antagoniste non compétitif du système parasympathique et ne supprime donc pas complètement le péristaltisme : son utilisation est donc plus sûre. Les doses létales 50 (DL50) du phloroglucinol chez la souris, par voies orale, sous-cutanée ou intrapéritonéale, sont très élevées, de l’ordre de 4 g/kg.

Limite maximale en résidus

Lephloroglucinolest largement utilisé en médecine humaine (Spasfon®) dans le traitements des troubles digestifs.

La spécialité vétérinaire, Spasmoglucinol®, n’est pas indiquée sur la sphère digestive, mais uniquement contre les spasmes génito-urinaires.

Le phloroglucinol est inscrit en annexe II du règlement 2377/90/CEE, parmi les substances dont les résidus sont jugés inoffensifs sans qu’il soit nécessaire de quantifier la LMR. Aucune restriction pour les femelles laitières n’accompagne cette inscription. Son administration est donc possible chez les vaches laitières, avec un temps d’attente dans le lait nul (conformément au résumé des caractéristiques du produit, ou RCP).

Études de terrain

L’efficacité du phloroglucinol (Spasmoglucinol®) chez les vaches qui présentent de la diarrhée a été évaluée par Vétoquinol dans une étude de terrain non comparative. Trente-cinq vaches, essentiellement de racelaitière (Prim’holstein et Montbéliarde), ont été incluses par quatorze investigateurs.

Les troubles sélectionnés sont des diarrhées d’origine non infectieuse ni parasitaire, des coliques ou des constipations (stases).

Le motif le plus fréquent d’inclusion dans l’étude est la présence de coliques (vingt-cinq cas), associées ou non à de la diarrhée.

Protocole thérapeutique

Le traitement consiste en une injection intraveineuse de 30 ml de Spasmoglucinol® par animal à J0, soit la dose recommandée habituellement pour les troubles génito-urinaires. Cette injection peut être renouvelée huit à douze heures plus tard et/ou le lendemain (J1). Ce protocole est prévu par les recommandations du résumé des caractéristiques du produit lors d’affections génito-urinaires.

Des traitements complémentaires, comme les sachets régulateurs du rumen, des perfusions glucosées et les thérapeutiques hépato-digestives (bétaïne, méthionine, arginine, etc.), sont autorisés.

Tous les traitements antibiotiques (par voie générale et sous forme de pansement) et anti-inflammatoires, ainsi que les autres antispasmodiques, sont en revanche interdits.

Ne sont pas inclus dans l’essai les animaux souffrant d’occlusion qui ont été traités par des antispasmodiques autres, et quiontrechuté dans les quinze jours, ou qui présentent une colique prépartum ou une maladie concomitante.

Paramètres de l’étude

Les bovins sont examinés à J0, à J0 + 12 h, à J1, à J2 et à J7 et les contrôles portent sur :

– des paramètres généraux (température rectale, état général, appétit) ;

– les paramètres locaux qui évaluent l’appareil digestif : consistance et fréquence des fèces, résultats de la palpation transrectale, météorisation, caillette, nombre de contractions du rumen ;

– les signes de douleur abdominale : piétinement, relever/ coucher fréquent, ligne du dos raide, self auscultation, etc. ;

– la tolérance locale et générale est évaluée tout au long du suivi.

L’étude est non comparative et les analyses statistiques sont uniquement descriptives. Les critères principaux regroupent le résultat clinique évalué à J2 (réponse = guérison + nette amélioration + amélioration ; non-réponse= échec) et l’évaluation globale du traitement par l’investigateur à J7 (satisfaction = excellent + bon ; insatisfaction = moyen + mauvais).

Satisfaction dans 84 % des cas

L’évaluation globale du traitement réalisée à J7 donne un taux de satisfaction supérieur à 80 % (82,4 % ; IC 95 % = [71,2 %-90,6 %]).

Cette bonne réponse au traitement (voir la FIGURE « Évolution à 48 heures ») est confirmée par l’évolution des paramètres cliniques tout au long du suivi (plus particulièrement, état général, appétit, relever/coucher fréquent, piétinement, consistance et fréquence des fèces).

Le traitement s’accompagne en outre d’une bonne tolérance locale et générale.

Pas de bonnes pratiques cliniques

La valeur de cette étude est diminuée par le fait qu’elle n’est pas réalisée selon les bonnes pratiques cliniques. L’essai n’est pas comparatif (pas de groupe témoin n’ayant reçu aucun traitement).

De même, l’efficacité des traitements associés autorisés par le protocole aurait dû être évaluée.

Lenombredes investigateurs (quatorze) paraît élevé comparé au nombre de cas (trente-cinq).

Le mode d’action du phloroglucinol permet toutefois d’obtenir de bons résultats sur les coliques des bovins.

Une étude complémentaire, plus large, avec un lot témoin, serait l’occasion de préciser les doses efficaces.

Spasmoglucinol® peut être administré par voies intraveineuse, intramusculaire ou sous-cutanée. La dose recommandée chez une vache laitière est de 30 ml, éventuellement renouvelée toutes les huit à douze heures pendant plusieurs jours. Cette posologie correspond à la totalité d’un flacon.

Cascade

L’administration de phloroglucinol pour le traitement des coliques des bovins « hors RCP » est justifiée par l’absence de spécialité ayant des propriétés pharmacologiques proches et des indications chez la vache laitière. Cette utilisation est prévue par la « cascade » et comble un vide thérapeutique. L’action du phloroglucinol préserve en partie le péristaltisme intestinal et sa toxicité est très faible. Le changement d’indication constitue le premier niveau de pratiques « hors autorisation de mise sur le marché », telles que définies par les autorités. Selon la législation, le praticien qui prescrit dans le cadre de la loi doit réaliser lui-même les administrations des médicaments ou les faire effectuer par l’éleveur « sous sa responsabilité personnelle ».

  • (1) LMR : limite maximale en résidus.

Classement des molécules selon les LMR

Atropine : annexe II (LMR(1) non nécessaires dans toutes les espèces et sans restriction).

• Phloroglucinol : annexe II.

• Butylscopolamine (bromure): annexe II.

• Dipyrone (ou métamizole ou noramidopyrine) : annexe III (LMR provisoires dans les viandes et abats des bovins, porcins ; LMR non fixée pour le lait).

• Prifinium : sans LMR (administration interdite en productions animales).

La retranscription de la cascade en France

La cascade est retranscrite en termes identiques dans le Code rural et le Code de la santé publique. Seuls les articles du Code rural sont ici reproduits.

Art. L. 234-2

[…]

VII .- Un médicament vétérinaire soumis à autorisation de mise sur le marché […] ne peut être administré à un animal que si cette autorisation a été délivrée et dans les conditions prévues par elle ou par la prescription d’un vétérinaire.

VIII .- Comme il est dit aux articles […], L. 5143-4, et […] du Code de la santé publique, ci-après reproduits :

« Art. L. 5143-4 .- Le vétérinaire doit prescrire en priorité un médicament vétérinaire autorisé pour l’animal de l’espèce considérée et pour l’indication thérapeutique visée ou un aliment médicamenteux fabriqué à partir d’un prémélange médicamenteux autorisé répondant aux mêmes conditions.

« Dans le cas où aucun médicament vétérinaire approprié bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché […], le vétérinaire peut prescrire les médicaments suivants :

1° Un médicament vétérinaire autorisé pour des animaux d’une autre espèce dans la même indication thérapeutique, ou pour des animaux de la même espèce dans une indication thérapeutique différente […] ;

2° Si le médicament mentionné au 1° n’existe pas, un médicament vétérinaire autorisé pour des animaux d’une autre espèce dans une indication thérapeutique différente […] ;

3° Si les médicaments mentionnés aux 1° et 2° n’existent pas, un médicament autorisé pour l’usage humain ;

4° A défaut des médicaments mentionnés aux 1°, 2° et 3°, une préparation magistrale vétérinaire.

« Les médicaments mentionnés aux 1°, 2°, 3° et 4° ci-dessus sont administrés soit par le vétérinaire, soit, sous la responsabilité personnelle de ce dernier, par le détenteur des animaux, dans le respect de la prescription du vétérinaire.

« Lorsque le vétérinaire prescrit un médicament destiné à être administré à des animaux dont la chair ou les produits sont destinés à la consommation humaine, les substances à action pharmacologique qu’il contient doivent être au nombre de celles qui figurent dans l’une des annexes I, II et III du règlement (CEE) n° 2377/90 [limites maximales de résidus de médicaments vétérinaires fixés]. Le vétérinaire fixe le temps d’attente applicable qui ne peut être inférieur au minimum fixé pour la denrée animale considérée, par arrêté [28 jours pour la viande, 7 jours pour le lait].

Art. L. 234-3

En cas de non-respect des dispositions de l’article L. 234-2, […] les vétérinaires inspecteurs peuvent ordonner l’exécution de tout ou partie des mesures suivantes :

1° La séquestration, le recensement, le marquage de tout ou partie des animaux de l’exploitation ;

2° Le contrôle sanitaire des produits avant leur mise sur le marché ;

3° L’abattage et la destruction des animaux ou de leurs produits ;

4° La destruction des substances en cause et des aliments dans lesquels elles sont incorporées ;

5° La mise sous surveillance de l’exploitation pendant les douze mois suivant l’abattage des animaux ;

6° Le contrôle des élevages et établissements ayant été en relation avec l’exploitation concernée.

Préalablement à l’exécution de ces mesures, le détenteur ou le propriétaire est mis en mesure de présenter ses observations. L’ensemble des frais induits par ces mesures, prises à la suite de la constatation du non-respect des dispositions susmentionnées, sont à leur charge et ne donnent lieu à aucune indemnité.

Art. L. 237-1

II .- Sont punies de six mois d’emprisonnement et de 200 000 F d’amende les […] infractions aux dispositions de l’article L.  234-2.

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