Diagnostic d’un prurit de la tête et du cou chez le chat - Le Point Vétérinaire n° 232 du 01/02/2003
Le Point Vétérinaire n° 232 du 01/02/2003

DERMATOLOGIE FÉLINE

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CONDUITE À TENIR

Auteur(s) : Didier Pin

Fonctions : Cabinet de dermatologie vétérinaire,
Héliopolis B3,
avenue de Magudas,
33 700 Mérignac

Les éléments anamnestiques et cliniques, et les examens complémentaires lors de dermatite prurigineuse féline de la tête et du cou sont indiqués. Une démarche diagnostique est proposée.

En raison du manque de spécificité des lésions des dermatites prurigineuses qui affectent la tête et le cou, les données fournies par l’anamnèse sont primordiales. Il convient d’avoir recours à une démarche diagnostique méthodique afin d’établir un diagnostic étiologique qui, seul, permet un traitement adapté.

Après le recueil de l’anamnèse et l’examen clinique, des hypothèses diagnostiques sont envisagées, qui seront confirmées ou infirmées par les résultats des examens complémentaires (voir la FIGURE “Démarche diagnostique raisonnée lors de dermatite prurigineuse de la tête et du cou chez le chat”).

Première étape : anamnèse

1. Âge à l’apparition des lésions

Les jeunes animaux sont davantage sujets aux ectoparasitoses et aux dermatophytoses ; les dermatites allergiques apparaissent plus volontiers chez les jeunes adultes (six mois à quatre ans) et les néoplasies affectent plutôt les chats âgés.

2. Race

La race persane est prédisposée aux dermatophytoses et à l’intertrigo facial. La dermatite faciale idiopathique n’a été décrite que chez cette race.

3. Lieux de résidence ou de séjour

La gale notoèdrique a une répartition géographique limitée : Lombardie, Andalousie, Slovénie, Croatie et île de la Réunion, et elle serait présente au Portugal et à Madère.

4. Accès à l’extérieur

L’accès à l’extérieur rend possible une trombiculose (biotopes particuliers) ou une poxvirose (contacts avec des petits rongeurs sauvages, réservoirs du virus).

5. Existence d’une contagion

Une contagion animale suggère une dermatophytose ou une ectoparasitose (otacariose, phtiriose, gale notoèdrique). Il peut s’agir d’une contagion de chat à chat, mais aussi de chat à chien (dermatophytose, otacariose). Une contagion humaine est plutôt en faveur d’une dermatophytose.

6. Caractère saisonnier

Un caractère saisonnier suggère une dermatite par allergie aux piqûres de puces (DAPP), une dermatite atopique, une hypersensibilité aux piqûres de moustiques ou une trombiculose. Ce caractère est à interpréter en fonction de la situation géographique et des conditions climatiques.

7. Antériorité du prurit

Un prurit alésionnel initial évoque une dermatite allergique (DAPP, dermatite atopique, allergie alimentaire ou dermatite de contact) ou une dermatite psychogène. Inversement, lors de trombiculose, le prurit peut persister après la chute des larves.

8. Intensité du prurit

L’intensité du prurit permet de distinguer les affections très prurigineuses de celles qui le sont peu (voir l’article “Dermatites prurigineuses de la tête et du cou chez le chat”, dans ce numéro).

Toutefois, ce critère est à interpréter avec prudence. En effet, certaines dermatoses, initialement non prurigineuses, peuvent s’accompagner d’un prurit, parfois violent, dû à une complication bactérienne ou fongique.

9. Autres symptômes associés

Des signes respiratoires font penser à une herpès virose. Des troubles digestifs évoquent une allergie/intolérance alimentaire. Des troubles du comportement alimentaire, de la propreté, du sommeil ou de l’“humeur” sont en faveur d’une dermatite psychogène.

10. Traitements administrés et réponse thérapeutique

• Lors de corticothérapie, la disparition du prurit et des lésions est en faveur d’une allergie ou d’un pemphigus, alors que l’absence d’amélioration, voire une aggravation des lésions suggèrent une dermatite à éléments figurés (dermatophytose, dermatite à Malassezia, virose, démodécie, folliculite bactérienne).

• Il convient toutefois de nuancer cette notion car l’effet anti-inflammatoire d’un corticoïde peut, dans un premier temps, diminuer le caractère enflammé et prurigineux de ces dermatites à éléments figurés. Toutefois, l’amélioration est suivie d’une recrudescence du prurit et des lésions, généralement intense.

11. Traitements antérieurs

Certains médicaments peuvent être à l’origine d’une réaction cutanée iatrogène qui mime une dermatose. Si cette hypothèse est envisagée, tout traitement doit être arrêté.

Deuxième étape : examen clinique

1. Examen clinique général

Il convient de réaliser systématiquement un examen clinique général.

• Un amaigrissement marqué ou une adénomégalie peuvent être la conséquence d’une tumeur maligne (mastocytome, lymphome cutané).

• Des signes généraux (abattement, anorexie, syndrome fébrile) évoquent une infection virale.

2. Examen dermatologique

L’identification des lésions élémentaires est essentielle.

Malheureusement, les lésions primaires, qui sont les plus significatives, sont fugaces car remaniées par le prurit. Il s’agit de l’érythème, des papules, des plaques et nodules (pyodermite, néoplasmes, syndrome du granulome/ pyogranulome stérile), et des pustules (pyodermite, dermatites virales, pemphigus). Des comédons et des manchons pilaires sur le menton évoquent une acné.

Troisième étape : examens complémentaires

1. Les examens complémentaires à résultats immédiats

Les examens complémentaires à résultats immédiats sont à effectuer systématiquement car ils sont simples et permettent souvent d’établir le diagnostic.

• Pour les raclages cutanés, il convient de choisir des lésions récentes pour la mise en évidence des ectoparasites.

• L’examen cytologique s’effectue par calque direct, par impression ou par écouvillonnage, ou par ponction à l’aiguille fine, en prenant soin de récolter du matériel à partir d’une lésion fermée. Le prélèvement est coloré à l’aide d’une méthode rapide.

L’examen microscopique vise à déterminer s’il s’agit d’une lésion inflammatoire ou néoplasique, les différents types cellulaires présents (PHOTO 1) et la présence d’éléments figurés (bactéries, éléments fongiques).

• L’examen direct de poils et de squames, récoltés par épilation ou brossage permet la mise en évidence d’éléments fongiques (spores et filaments) (PHOTO 2) ou parasitaires (œufs, lentes fixées aux poils, larves ou adultes).

• L’examen à la lampe de Wood doit être pratiqué systématiquement chez le chat pour rechercher une fluorescence jaune-verte émise par les filaments de certaines souches de Microsporum canis.

Un examen négatif ne permet pas d’exclure l’hypothèse de dermatophytose.

• Les intradermoréactions sont indiquées pour identifier les allergènes responsables d’une dermatite atopique. Des réactions positives confortent un diagnostic de dermatite atopique ou de dermatite par allergie aux piqûres de puces.

Chez le chat, la pratique et la lecture des intradermoréactions sont plus délicates que chez le chien.

2. Examens complémentaires à résultats différés

• Il convient de réaliser presque systématiquement une culture fongique chez le chat. L’identification du champignon par examen microscopique d’un prélèvement de la culture est indispensable.

• La culture bactérienne et l’antibiogramme sont indiqués lors de pyodermite grave à flore mixte mise en évidence à l’examen cytologique, ou récidivante malgré un traitement bien conduit.

• L’examen de choix est histopathologique lors de suspicion de dermatite virale, auto-immune (PHOTO 3), néoplasique ou idiopathique.

• Le régime d’élimination est la meilleure méthode pour le diagnostic de l’allergie/intolérance alimentaire. Il consiste à nourrir l’animal, pendant six à huit semaines, avec une viande qu’il n’a jamais ingérée auparavant (un légume n’est pas indispensable et est souvent refusé par le chat), à l’exclusion de tout autre aliment.

En cas d’amélioration du prurit, les réintroductions successives des aliments qui composaient la ration antérieure permettent, dans certains cas, d’identifier le produit offensant.

Il convient de souligner l’importance, d’une part, de l’anamnèse et des examens complémentaires, dont la plupart sont simples et à résultats immédiats et, d’autre part, d’adopter une démarche diagnostique rigoureuse et d’envisager le trouble le plus simple et le plus fréquent avant d’évoquer le plus compliqué et le plus rare.

En savoir plus

- Alhaidari Z. Les lésions élémentaires dermatologiques. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 1998;23:101-109.

- Baker R, Lumsden JH. Atlas de cytologie canine et féline. Masson. 2001;288 pages.

- Carlotti DN, Pin D. Diagnostic dermatologique. Approche clinique et examens immédiats. Masson. 2002:99 pages.

- Guaguère E. Les indispensables de l’animal de compagnie - Dermatologie. Techniques diagnostiques en dermatologie des carnivores. PMCAC 1991;192 pages.

  • - Bensignor E. Dermatite féline à Otodectes cynotis. Point Vét. 1996;28(175): 85-87.
  • - Bourdeau P. Quel est votre diagnostic ? Point Vét. 1984;16:102-104.
  • - Carlotti DN. Traitement des teignes chez le chat. Point Vét. 1998;29(193):681-689.
  • - Carlotti DN, Prost C. L’atopie féline. Point Vét. 1988;20(117):777-784.
  • - Maillard R. Quel est votre diagnostic ? Point Vét. 1987;19(108):569-570.
  • - Scott DW, Walton DK, Slater MR. La dermatite miliaire féline : une modalité de réaction cutanée. Point Vét. 1987;19(106):285-294.
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