Anesthésie pédiatrique du chien et du chat - Le Point Vétérinaire n° 232 du 01/02/2003
Le Point Vétérinaire n° 232 du 01/02/2003

ANESTHÉSIOLOGIE DU CHIEN ET DU CHAT

Se former

COURS

Auteur(s) : Luca Zilberstein*, Dominique Tessier-Vetzel**

Fonctions :
*Unité pédagogique de chirurgie
**Unité pédagogique de médecine ENVA
7, avenue du Général de Gaulle
94 700 Maisons-Alfort Cedex

Avant l’âge de douze semaines, les jeunes chiens ou chats sont particulièrement fragiles, en raison de leur immaturité physiologique. L’anesthésie est par conséquent un exercice encore plus délicat que chez l’adulte.

Le terme “nouveau-nés” désigne les individus âgés de moins de quatre semaines, l’adjectif “pédiatrique” englobe tous les jeunes jusqu’à l’âge de douze semaines.

De nombreux motifs peuvent justifier une anesthésie sur de jeunes animaux : la correction chirurgicale d’éventuelles anomalies congénitales ou de traumatismes accidentels, la réalisation d’examens diagnostiques, etc.

Le fait de se trouver en face d’individus encore “immatures” sous de nombreux aspects (voir le TABLEAU “Particularités physiologiques et métaboliques du jeune”) [1, 3], oblige à analyser attentivement la situation anesthésique.

Il est nécessaire que les choix techniques tiennent compte des nombreuses particularités anatomiques, physiologiques et pharmacologiques du jeune, comparé à l’adulte.

Anatomie, physiologie et pharmacologie du jeune

1. Système cardiovasculaire et neurovégétatif

L’appareil cardiovasculaire d’un nouveau-né est soumis à un fort stress (voir la FIGURE “Circulation fœtale”) : à la naissance, l’animal change complètement de type de circulation sanguine [6]. La circulation pulmonaire, pratiquement inutilisée jusqu’à cet instant, entre en fonction. Le remplissage des poumons par l’air occasionne une chute de la résistance vasculaire pulmonaire, proportionnelle à l’augmentation de la tension d’oxygène au niveau alvéolaire.

Concomitamment, l’arrêt brusque de la circulation sanguine placentaire provoque l’augmentation de la résistance vasculaire systémique. Le sang enrichi en oxygène qui circule dans le canal artériel stimule la contracture musculaire physiologique de celui-ci et induit sa fermeture.

L’augmentation de tension vasculaire se répercute sur l’oreillette gauche et détermine la seconde fermeture indispensable : celle du foramen ovale.

Les capacités contractiles du cœur d’un nouveau-né sont, en outre, très limitées [5]. Le pourcentage de la masse contractile et la capacité ventriculaire sont réduits. La capacité cardiaque est directement proportionnelle à la fréquence et au volume d’éjection systolique :

DC = FC x VES

(DC = débit cardiaque, FC = fréquence cardiaque et VES = volume d’éjection systolique).

Or, les capacités contractiles du nouveau-né sont relativement constantes, donc la capacité cardiaque dépend directement de sa fréquence [5]. C’est pourquoi les augmentations de précharge ou de postcharge sont moins bien tolérées chez le jeune que chez l’adulte.

En outre, l’immaturité du système neurovégétatif rend moins efficaces les réactions aux différentes situations de déséquilibre qui se produisent normalement au cours d’une anesthésie. Chez le nouveau-né, la prédominance du système parasympathique au niveau cardiaque rend son organisme plus sensible à certains principes actifs (par exemple aux opiacés).

De même, les pertes sanguines peuvent avoir des conséquences dramatiques au-delà de 5 ml/kg, d’autant plus que l’hématopoïèse est inefficace jusqu’à l’âge de deux ou trois mois.

2. Système respiratoire

Les nouveau-nés ont des besoins en oxygène élevés. La phase de développement provoque une forte élévation de leur métabolisme basal. La demande en oxygène des tissus périphériques et des principaux organes est plus que doublée [2].

Cette situation, même si elle est partiellement compensée par l’augmentation de la fréquence respiratoire, est rendue critique par les différentes particularités anatomiques de l’animal. Les voies aériennes supérieures (narines et larynx) et inférieures (trachée et bronches) qui ne sont pas encore complètement développées, sont de dimensions inadaptées : elles offrent une résistance importante au passage de l’air. Les capacités réduites d’expansion des poumons et des parois thoraciques limitent l’élévation du volume courant [2, 12].

Or, toutes les molécules utilisées habituellement en anesthésie sont, à des degrés variables, à l’origine d’une dépression respiratoire. Les risques d’hypoxie en cours d’anesthésie sont donc augmentés chez le nouveau-né.

Il est souhaitable, surtout chez les jeunes âgés de moins de huit semaines, d’avoir recours à l’anesthésie gazeuse, qui permet d’administrer de l’oxygène pur dans les situations critiques. Si une ventilation artificielle devient nécessaire, il convient de s’assurer que la pression d’insufflation ne dépasse pas 10 cm H2O pour ne pas risquer d’éventuels barotraumatismes.

3. Le foie et les fonctions hépatiques

Le système microsomial hépatique des chiots, surtout avant l’âge de huit semaines, est fortement immature. Ses capacités métaboliques sont très limitées. Il convient donc de limiter l’usage des molécules à élimination ou métabolisation principalement hépatiques (α-2 agonistes, acépromazine, thiopental, etc.). Lorsqu’elles sont utilisées, il est nécessaire de réduire les doses pour prévenir d’éventuels surdosages [9].

L’immaturité du système microsomial se répercute aussi sur la production d’albumine [9]. L’état d’hypo-albuminémie physiologique dans lequel se trouve le chiot est compatible avec ses principales fonctions biologiques, mais il constitue une difficulté supplémentaire pour l’anesthésiste. Les molécules transportées par l’albumine (comme le thiopental) sont fortement déconseillées ou doivent être, tout du moins, soigneusement dosées. La pharmacocinétique de ces molécules dépend directement du pourcentage de liaison à l’albumine. Le thiopental est actif sous sa forme libre, non liée aux albumines sanguines. Lors d’une induction chez un nouveau-né, il est donc souhaitable d’administrer l’anesthésique “à la demande”, pour ne pas courir le risque de surdoser les produits.

Le débit cardiaque est préférentiellement orienté vers le cerveau et le cœur, ce qui rend le surdosage d’autant plus dramatique.

L’immaturité hépatique concerne également l’équilibre glucidique de l’animal. Ses capacités d’accumulation du glycogène sont réduites. Un chiot est incapable de faire face à de longues périodes de jeûne car il ne possède pas de réserves suffisantes. La situation est aggravée par son métabolisme élevé. C’est pourquoi le jeûne préopératoire est déconseillé ou est réduit au minimum indispensable (trois heures au maximum pour les animaux de plus de six semaines) et il n’est pas nécessaire de supprimer l’eau. Il convient ensuite de réalimenter l’animal le plus rapidement possible après l’intervention, en tenant compte néanmoins de la phase de réveil et du temps de récupération après l’anesthésie (au maximum 12 heures après le réveil). Si une reprise rapide de l’alimentation n’est pas envisageable, lors d’intervention sur l’appareil digestif par exemple, il convient de prévoir une nutrition parentérale appropriée et équilibrée. Une phase prolongée de catabolisme peut en effet avoir de lourdes conséquences.

4. Système rénal et bilan hydro-électrolytique

Chez le jeune, le système rénal ne possède pas encore de grandes capacités de filtration. Il ne peut s’adapter rapidement à des modifications marquées de la volémie. L’administration de grandes quantités de liquides de perfusion provoque une hypervolémie qui ne peut être corrigée rapidement [2]. Il convient de surveiller soigneusement l’administration de liquides par voie intraveineuse. Celle-ci est effectuée, dans la mesure du possible, au moyen d’appareils spécifiques (pousse-seringue ou pompe à infusion). À l’inverse, une hypovolémie peut survenir, car les capacités de concentration des urines sont également très limitées [16].

• Toutes les molécules éliminées activement par ultrafiltration rénale sont dépendantes de ces facteurs (comme la kétamine, en particulier chez les chats). Il convient d’en tenir compte au moment de l’anesthésie, le risque est que l’animal dorme plus longtemps [2, 9].

• Le contenu en eau du corps d’un chiot est de l’ordre de 70 à 75 % (10 à 15 % de plus que chez l’adulte) [1]. L’eau siège principalement dans le secteur extravasculaire. Le volume de redistribution des molécules se trouve, par conséquent, augmenté.

5. Système thermorégulateur

Physiologiquement, les chiots ont une surface corporelle très grande relativement à leur masse corporelle. Cette particularité n’est pas suivie d’un développement équivalent du compartiment adipeux.

Les pertes thermiques sont donc facilitées, surtout lorsque les réflexes de thermorégulation sont supprimés par l’anesthésie. Une éventuelle situation d’hypothermie se répercute directement sur tous les systèmes vitaux de l’animal. Chaque chaîne métabolique a besoin d’une température bien précise, chaque enzyme agit dans un intervalle thermique déterminé. La diminution de la température corporelle au-dessous d’un seuil dit “critique” entraîne la perte de certaines propriétés enzymatiques, ce qui peut entraver l’élimination des produits anesthésiques et entraîner l’installation d’une dépression profonde. Le réveil se trouve également prolongé et toutes les fonctions vitales (hépatique, rénale, etc.) sont temporairement compromises.

Il apparaît donc prioritaire de prévenir la chute thermique au moyen de systèmes chauffants appropriés (tapis d’eau, dispositifs soufflants, lampes à infrarouges, etc.), non seulement au cours de l’anesthésie, mais pendant toute la période de réveil jusqu’au moment où l’animal retrouve une autonomie complète.

Phase préopératoire de l’anesthésie

Comme décrit précédemment, un jeûne prolongé chez les chiots est fortement déconseillé, sauf lors de conditions chirurgicales particulières.

Avant l’intervention, il est conseillé de prémédiquer l’animal au moyen de prétraitements (voir le TABLEAU “Molécules et protocoles anesthésiques chez le chiot”) choisies pour différentes propriétés (sédation, analgésie, réduction du tonus vagal, etc.). Elles conservent néanmoins un objectif commun : augmenter la “stabilité” de l’état d’anesthésie.

Un animal tranquillisé est moins excitable, donc moins sujet au stress. Il produit moins de catécholamines. L’anesthésie estpar conséquent de meilleure qualité. De même, lors d’affections particulièrement douloureuses (fractures, luxations, etc.), une analgésie satisfaisante permet d’éviter le stress lié aux manipulations. Les anticholinergiques réduisent, en outre, les réactions néfastes du système parasympathique, fréquemment exacerbées chez les chiots [5].

1. Sédatifs et tranquillisants

Benzodiazépines

Les benzodiazépines ont été pendant longtemps les molécules les plus utilisées pour le prétraitement de l’anesthésie. Elles présentent l’avantage de ne provoquer qu’une très légère dépression du système cardiovasculaire et de permettre une très bonne relaxation musculaire. Cependant, un excipient contenu dans certaines formules : le propylène-glycol, a une action néfaste sur le fonctionnement cardiaque et rend son absorption, après injection intramusculaire, plus inconstante et surtout plus douloureuse (risque de nécrose).

Les doses de benzodiazépines normalement utilisées (0,2 mg/kg) sont très inférieures aux doses toxiques. Le métabolisme de ces molécules est principalement hépatique et il convient d’en tenir compte, notamment chez les individus âgés de moins de huit semaines [9]. Le risque de surdosage reste faible, mais une dépression respiratoire, même rare, peut survenir, surtout lors d’association avec d’autres molécules. Les fréquents phénomènes d’excitation paradoxale observés chez les chiens adultes, sont très rares chez les jeunes et observés après l’administration par voie intraveineuse.

Les deux benzodiazépines les plus utilisées sont le diazépam(1) (Valium®) et le midazolam(1) (Hypnovel®). Le midazolam(1) a une action plus puissante que le diazépam(1). Les deux molécules ont des effets semblables et sont toutes deux antagonisées par le flumazénil(1) (Anexate®). Le midazolam(1) est présenté sous forme aqueuse et peut être administré par n’importe quelle voie.

Phénothiazine

La phénothiazine la plus utilisée est certainement l’acépromazine. C’est une molécule tranquillisante qui peut être utilisée chez le chiot [2].

Elle provoque toutefois une vasodilatation périphérique qui est à l’origine d’une diminution de la pression systémique et d’une augmentation de pertes caloriques. Ces effets sont doses-dépendants : il est donc fortement conseillé de ne pas dépasser la dose de 0,03 à 0,05 mg/kg, d’autant que sa durée d’action est d’environ six heures, voire plus.

Alpha2-agonistes

C’est à la catégorie des alpha2-agonistes qu’appartiennent les produits sédatifs les plus puissants. Leur action est non seulement sédative, mais également analgésique. Ces principes actifs ont des répercussions marquées sur le système circulatoire. Ils diminuent notablement la pression systémique et ralentissent la fréquence cardiaque.

Leur métabolisme est principalement hépatique, ce qui rend leur élimination difficile chez le chiot et prolonge leur action [1]. En prémédication, ils peuvent être administrés à des doses très réduites par rapport à celles normalement utilisées lorsqu’ils sont associés à d’autres molécules. L’existence d’antagonistes (yohimbine(1) ou atipamézole) rend leur utilisation intéressante pour de petites interventions chirurgicales ; ils restent cependant délicats à utiliser.

Opiacés

L’analgésie est l’un des aspects clé du protocole anesthésique. Il convient d’y porter une attention particulière. Plusieurs molécules présentent des propriétés analgésiques. Bien que le choix soit vaste, les plus efficaces restent les opiacés.

Leurs effets indésirables se limitent à la dépression respiratoire et cardiaque, et ceux-ci sont facilement maîtrisables par les antagonistes et les anticholinergiques (atropine, glycopyrrolate). Chez le chiot, la fonction cardiorespiratoire est déjà presque à la limite de ses capacités et il n’est pas souhaitable de la déprimer [9 à 12]. Une diminution de la fréquence cardiaque se répercuterait directement sur le débit et sur la pression systémique. Les opiacés agonistes/antagonistes (comme le butorphanol(2)) sont souvent choisis pour éviter les effets dépresseurs. Il convient néanmoins de prendre en compte que, si les effets dépresseurs sont limités, les effets analgésiques le sont tout autant.

Lorsque les opiacés sont utilisés, surtout les agonistes purs, il est fondamental d’avoir toujours à disposition un antagoniste comme le naloxone et de travailler “à la demande”.

Anticholinergiques

Ainsi, l’emploi des anticholinergiques ne peut être que bénéfique sur le système cardiorespiratoire chez le chiot. L’action parasympathique étant prédominante chez le chiot, il est presque toujours indispensable d’administrer des anti-cholinergiques, à titre de précaution [5]. L’augmentation de la fréquence cardiaque se répercute directement sur le débit cardiaque et la diminution des sécrétions, pourvu qu’elles ne deviennent pas trop épaisses, facilite probablement la ventilation. Il convient toutefois de considérer que, chez un nouveau-né de deux semaines, l’effet des anticholinergiques est presque nul, en raison de l’immaturité du système neurovégétatif [5].

• Les deux molécules disponibles sur le marché, l’atropine et le glycopyrrolate, diffèrent sur deux points : l’atropine est plus efficace, mais d’action plus courte que le glycopyrrolate ; elle traverse la barrière hémato-méningée et est source potentielle d’excitation et de troubles du rythme cardiaque, plus fréquents qu’avec le glycopyrrolate.

Ces produits sont indispensables. Il est bon de les avoir toujours à disposition en cours d’anesthésie.

Induction de l’anesthésie

• Pour induire l’anesthésie d’un animal, deux voies sont couramment utilisées : la voie gazeuse ou la voie intraveineuse.

La pose d’un cathéter veineux est difficile, surtout chez un animal vigile, en raison de la petite taille de l’animal et, l’anesthésiste est souvent amené à utiliser la technique d’induction gazeuse par application d’un masque facial (PHOTO 1) ou de la “cage” à induction (PHOTO 2), même si disposer d’une voie intraveineuse est indispensable [6].

• L’induction gazeuse, même si elle est très utile dans certains cas, n’est pas toujours conseillée. La période de latence qui s’écoule entre l’induction, souvent longue et laborieuse, et l’intubation de l’animal, est en effet dangereuse. Pendant une période de durée variable, les fonctions respiratoires sont déprimées et l’animal n’est pas encore intubé. Cette phase est particulièrement critique, car les voies aériennes du chiot sont déjà physiologiquement restreintes et ses capacités pulmonaires limitées. En outre, si aucun prémédication n’a été administrée, l’animal est contraint de passer par tous les stades de l’anesthésie, excitation comprise. Si toutefois cette technique est retenue, il est nécessaire d’utiliser un gaz anesthésique à action rapide ou très rapide, comme l’isoflurane ou le sevoflurane, afin de réduire au minimum les temps techniques. Il convient en outre de tenir compte du goût âcre de ces deux gaz, de l’irritation des voies aériennes et du fort réflexe de salivation qu’ils provoquent. Le masque utilisé doit être le plus petit possible pour diminuer au minimum l’espace mort. Pendant l’induction, il convient également de s’assurer que l’animal ne vomit pas.

• L’induction par voie intraveineuse permet de surmonter ces difficultés. Cette voie permet une induction rapide et efficace [9]. Si la veine céphalique (en général la plus utilisée) se révèle trop petite pour être cathétérisée, l’abord veineux est obtenu sur les saphènes ou les fémorales et, en dernier recours, sur la veine jugulaire. Le cathéterisme veineux est relativement aisé sur un animal tranquillisé. L’accès veineux nécessite toutefois parfois une petite dissection chirurgicale [7].

La voie intraveineuse est en outre indispensable, après la phase d’induction, pour l’administration des fluides et des principes actifs [7].

• L’induction par voie intraveineuse s’effectue de préférence avec le propofol ou la kétamine à la demande (PHOTO 3) [14]. Les barbituriques sont à proscrire pour les raisons déjà évoquées d’hypoprotéinémie et d’immaturité enzymatique.

La rapidité d’action du propofol dépend essentiellement de sa redistribution et de sa métabolisation, qui n’est pas exclusivement hépatique. Ainsi, dans le cas d’une simple induction, l’immaturité enzymatique du chiot altère peu la pharmacodynamie de cette molécule. Il convient en revanche d’en exclure l’utilisation pendant la phase de maintien de l’anesthésie, en raison des risques de surdosage et d’allongement inconsidéré du temps de réveil.

La kétamine est métabolisée dans le foie (surtout chez le chien) et éliminée par les reins, deux appareils encore immatures chez le chiot. L’avantage de cette molécule réside dans son indice thérapeutique élevé. Son utilisation est sûre et fiable, même lorsque son élimination est compromise par une fonction rénale déficiente. Il est indispensable de l’associer à une benzodiazépine et à des analgésiques pour compenser son manque d’activité myorelaxante et analgésique.

Lors de l’intubation d’un animal induit à la kétamine, le recours à la lidocaïne en spray(1) est souvent indispensable pour diminuer le réflexe du larynx qui persiste (surtout chez les chats).

Phase peropératoire

1. Anesthésie

Pour le maintien du chiot sous anesthésie, il est préférable de choisir la voie gazeuse. La voie intraveineuse est réservée à de courtes procédures, qui peuvent être exécutées à l’aide d’association de kétamine/Diazépam(1) ou Midazolam(1) et de tilétamine/zolazépam (Zolétil®).

La voie gazeuse permet le contrôle simultané de la profondeur de l’anesthésie et l’oxygénation de l’animal [9]. Au moment de l’intubation, il convient de porter une attention particulière au diamètre et à la longueur de la sonde trachéale, pour ne pas courir le risque d’altérer la respiration du chiot par une restriction iatrogène des voies aériennes (sonde trop petite) ou par l’exclusion d’une partie de l’appareil respiratoire des échanges gazeux (intubation sélective d’une bronche).

Le mélange anesthésique est réalisé avec 100 % d’oxygène pour assurer une oxygénation optimale.

Lorsque l’animal est en respiration spontanée, le circuit anesthésique doit présenter un minimum de résistances inspiratoires et expiratoires et le plus petit espace mort possible, c’est-à-dire un volume intérieur réduit. Les circuits du type Bain, Lack ou Magill répondent à ces critères [16].

Ces circuits ont deux qualités :

- la “charge” respiratoire que subit l’animal est minime ;

- la profondeur de l’anesthésie peut être modifiée très rapidement grâce à la faible inertie interne du circuit et aux débits élevés des gaz (100/150 ml/kg) utilisés.

Lors de ventilation contrôlée, un système rotatoire peut être choisi, puisque le travail respiratoire n’est pas effectué par l’animal, mais par le respirateur. Il convient dans ce cas, d’exclure les circuits de Magill et de Lack, en raison de la ré-inspiration possible des gaz expirés par l’animal [16].

Il convient en outre de ne pas dépasser une pression d’insufflation de 10 à 12 cmH20, afin de ne pas créer de barotraumatisme.

La fluidothérapie est fondamentale. Il convient d’évaluer très précisément les quantités administrées.

Un débit de 10 ml/kg/h pour la première heure permet de conserver des marges de sécurité satisfaisantes. Il est ensuite adapté en fonction des exigences chirurgicales (pertes sanguines) et de l’état de volémie de l’animal (il convient en général de réduire ce rythme pendant les heures suivantes en fonction du traumatisme chirurgical et des pertes du 3e espace engendrées) [5].

La solution est choisie en fonction des besoins (cristalloïdes, macromolécules, sang, etc.). En principe, une solution isotonique de Ringer Lactate ou de NaCl 0,9 % répond aux exigences hydrodynamiques du chiot.

Il convient de porter une grande attention aux pertes thermiques, dues principalement à la vapeur d’eau émise lors de la respiration. Même si l’emploi de filtres spéciaux à économie de vapeur, placés à la sortie de la sonde trachéale, peut aider à diminuer les pertes, leur utilisation est limitée par la taille de l’animal et l’exigence de ne pas augmenter l’espace mort respiratoire.

Tous les autres systèmes de réchauffement du patient sont donc impérativement mis en œuvre (tapis chauffants, soufflants à air chaud, solutions de perfusion préchauffées, champs opératoires imperméables, locaux chauffés, etc.) [14].

2. Monitoring

• En raison de la fragilité des équilibres entre les différents appareils chez le chiot et de ses faibles capacités d’adaptation, un monitoring précis et constant des principaux paramètres vitaux apparaît indispensable pour assurer le succès d’une anesthésie [14].

Grâce à l’évolution de la technologie biomédicale, les systèmes de monitoring actuels permettent de suivre de nombreux paramètres. Néanmoins, même si ces appareils peuvent fournir une aide utile et valable, rien ne remplace le contrôle vigilant d’un anesthésiste.

Les paramètres à suivre en priorité concernent les fonctions cardio-pulmonaires. L’observation régulière et/ou l’enregistrement continu de ces paramètres avertissent d’éventuels déséquilibres et permettent leur anticipation ou leur correction. Chez le chiot, la rapidité d’intervention est fondamentale : de fortes décompensations sont difficilement corrigées, en raison des étroites marges d’adaptation des différents appareils.

La fréquence et les caractéristiques de la respiration (profondeur, rythme, cadence, etc.) permettent de suivre le degré de dépression/ réaction du chiot ou de mettre en évidence certaines erreurs (sonde trop petite ou trop longue). La fonction cardiovasculaire est contrôlée grâce à l’électrocardiogramme et à la pression artérielle systémique, sans oublier l’indispensable temps de recoloration capillaire (TRC). Le TRC est un excellent témoin de l’efficacité de la pompe cardiaque sur la circulation périphérique. Simultanément, un rapide coup d’œil aux muqueuses donne une idée de l’état de perfusion et d’oxygénation de l’animal [14, 16].

La profondeur de l’anesthésie est évaluée en testant régulièrement les principaux réflexes et le tonus musculaire, pris à la mandibule.

La température corporelle thermique est relevée régulièrement. Celle-ci ne doit pas descendre au-dessous de 34 à 35 degrés C°. Au-delà, les répercussions hémodynamiques et neurologiques peuvent être irréversibles et il devient difficile de rétablir une température normale.

Soins postopératoires

Le moment du réveil est aussi critique que celui de l’induction. Pendant ces “passages”, le chiot perd puis retrouve tous ses réflexes et son autonomie. Tant que l’animal n’est pas complètement réveillé, il ne peut être considéré comme hors de danger. Il est donc nécessaire que l’anesthésiste maintienne son attention jusqu’au réveil effectif.

La distribution d’oxygène est poursuivie jusqu’à ce que l’animal respire de manière autonome et régulière. La sonde trachéale est retirée au dernier moment. La distribution d’oxygène peut être prolongée au-delà du retrait, au moyen d’un masque facial [14]. L’animal est réchauffé, même après la fin de la phase de réveil, car la thermorégulation est l’une des fonctions les plus déficientes chez un chiot.

L’analgésie du sujet doit être précise car la vitesse de rétablissement après le traumatisme chirurgical en dépend largement. Une baisse d’appétit due à la persistance de la douleur peut compromettre, non seulement le succès de l’intervention (retard de la cicatrisation, phase catabolique prolongée, etc.), mais parfois même la vie de l’animal. Les réserves énergétiques d’un chiot sont en effet trop faibles pour faire face à un jeûne prolongé [14].

Les opiacés, les anti-inflammatoires non stéroïdiens et les corticostéroïdes peuvent être utilisés pour l’analgésie. Les opiacés sont choisis lorsque l’effet recherché est une analgésie pure. Leurs effets dépressifs sont doses/dépendants et il est donc facile de les éviter en administrant des doses calculées a minima. Des formulations à libération transdermique sont capables de maintenir une analgésie de plusieurs jours.

L’animal nouveau-né, dans la mesure du possible, est remis rapidement en contact avec sa mère. Les soins apportés doivent être les plus discrets possibles pour éviter un refus de celle-ci [14].

Conclusion

L’anesthésie du jeune est différente de celle de l’animal adulte en raison de l’immaturité de ses fonctions organiques. Elle ne constitue pas cependant une difficulté insurmontable. Le choix des principes actifs et de leur voie d’administration dépend surtout des exigences chirurgicales ou diagnostiques et non d’incompatibilités particulières avec le jeune âge. Les précautions à prendre concernent l’adaptation des doses et un monitoring particulièrement rigoureux de l’animal.

Chez le très jeune animal, chez qui “l’élasticité physiologique” est réduite, les anomalies doivent être mises en évidence suffisamment tôt. Un suivi étroit permet de conserver une marge de sécurité suffisante, pour avoir le temps d’évaluer la situation et pour prendre immédiatement les mesures nécessaires.

  • (1) Médicament à usage humain.

Points forts

• Le jeûne préopératoire est déconseillé ou réduit au minimum chez le chiot, car il peut provoquer une hypoglycémie.

• La plupart des molécules employées pour l’anesthésie des adultes peuvent être administrées chez le jeune.

• Les phases d’induction et de réveil de l’anesthésie sont les plus critiques.

• Pendant la période peropératoire, il est préférable d’assurer le maintien de l’anesthésie à l’aide d’anesthésiques volatiles : la voie gazeuse permet de contrôler la profondeur de l’anesthésie et d’apporter de l’oxygène à l’animal.

• La fluidothérapie est fondamentale : il convient de calculer précisément les besoins car chez le jeune, les risques d’hypovolémie, mais aussi d’hypervolémie, sont accrus.

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