La cryptosporidiose affecte aussi les ovins - Le Point Vétérinaire n° 231 du 01/12/2002
Le Point Vétérinaire n° 231 du 01/12/2002

DIARRHÉE DES JEUNES RUMINANTS

Éclairer

NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Muriel Naciri*, Fabien Alleman**, Geneviève Fort***, Olivier Roy****

Fonctions :
*INRA, UR086 Base,
37380 Nouzilly
**CEBIPHAR
route de Pernay,
37230 Fondettes

Les agneaux sont moins sensibles à la cryptosporidiose que les chevreaux. Un traitement a été évalué en prévention.

En France, peu de données épidémiologiques sont disponibles sur la cryptosporidiose de l’agneau. Toutefois, celle-ci a été signalée à plusieurs reprises ces dernières années chez des agneaux du Bassin de Roquefort.

Un agent pathogène majeur

Selon une étude au nord-ouest de l’Espagne publiée en 1996 [3], Cryptosporidium parvum est l’agent le plus fréquent chez les agneaux diarrhéiques : il est incriminé dans 45 % des cas analysés, devant Escherichia coli (30 %) et les rotavirus (2,1 %).

De même, dans la province de Saragosse, au nord-est de l’Espagne, l’an dernier [2], 84,4 % des élevages et 59 % des agneaux ont été contaminés par C. parvum. Dans les 89 élevages étudiés et chez 583 agneaux âgés d’un jour à trois mois qui ont fait l’objet de prélèvements, des oocystes ont été observés avant l’âge d’une semaine et jusqu’à l’âge de trois mois ! Toutefois, les trois-quarts des agneaux les excrètent entre huit et quatorze jours.

Le pouvoir pathogène de ce parasite a été recherché : quel que soit l’âge, la probabilité de présenter de la diarrhée est plus élevée chez les agneaux excréteurs de C. parvum que chez les non-excréteurs (86,3 % contre 32,2 %). De même, les taux d’infection sont plus élevés chez les agneaux qui présentent de la diarrhée que chez les autres (79,4 % contre 22,4 %).

Recherche d’un « traitement »

Suite aux cas mis en évidence autour de Roquefort, nous avons été interrogés sur le traitement à utiliser dans l’espèce ovine.

Halofuginone, paromomycine, décoquinate (à moindre effet) ont montré leur activité contre lacryptosporidiose des ruminants. Notre choix s’est porté sur l’halofuginone. En effet, c’est le seul anticryptosporidien autorisé en France pour la prévention de cette parasitose chez le veau (Halocur, AMM 1999).

Dès 1989, nous avons montré l’efficacité préventive et curative de ce médicament chez l’agneau. Une dose de 0,5 mg/kg/jadministrée pendant un, trois ou cinq jours, s’est révélée efficace, mais un effet négatif (non significatif) a été observé sur la consommation alimentaire, la dose étant sans doute trop forte [4].

Dans une étude de terrain en Espagne [1], l’efficacité de l’halofuginone chez l’agneau à cette même dose, administrée préventivement ou curativement pendant trois jours consécutifs, a été confirmée (réduction significative de la diarrhée et de l’excrétion d’oocystes, nette amélioration des gains de poids).

Par la suite, chez le chevreau et chez le veau, la dose efficace a été fixée à 100 µg/kg/jour (1 ml/5 kg de poids vif avec Halocur(r)) et la durée d’administration à sept jours. L’efficacité de ce protocole restait à vérifier chez l’agneau.

Des symptômes modérés

Seize agneaux (tous sains, élevés avec leurs mères) ont été répartis en deux lots équivalents et inoculés avec C. parvum (5 x 106 oocystes) le lendemain de leur naissance (J1).

Seullelot 2 a été traité (préventivement) avec 100 µg/kg/j d’halofuginone (Halocur(r), dilué dans 20 ml de lait reconstitué), à partir de J1 –  juste avant inoculation – et pendant sept jours.

Des matières fécales ont été prélevées à J1 (avant inoculation), J3, J5, J7, J9, J11, J14, J21 et J28. Les oocystes excrétés ont été comptés par la méthode semi-quantitative de flottation sur lame. Des scores de 0 à 4 ont été attribués pour chaque prélèvement selon le nombre moyen d’oocystes comptés dans 20 champs du microscope : 0 (aucun oocyste vu) ; 1 (< 1oocyste); 2 (1à 10 oocystes); 3 (11 à 20 oocystes) et 4 (> 20 oocys-tes)(1) (voir la FIGURE« Scoresfécaux moyens »).

Chez les agneaux non traités (lot 1), l’inoculation a induit une infection modérée, avec un état général légèrement affecté et de la diarrhée, mais pas de mortalité. Des oocystes ont été excrétés de J5 à J14 (voir la FIGURE « Excrétion d’oocystes »).

La dose choisie pour l’inoculum (5 x 106 oocystes) aurait pu être plus élevée, afin que le modèle soit plus sévère. Toutefois, elle est déjà nettement supérieure à celle utilisée pour infecter des chevreaux (1 à 2 x106 oocystes). Cela confirme la moindre sensibilité à C.parvum des agneaux par rapport aux chevreaux.

La cinétique d’excrétion d’oocystes chez les agneaux non traités est toutefois comparable à celle observée chez le veau ou chez le chevreau. En outre, un ralentissement significatif de la croissance a bien été observé du quatrième au quatorzième jour post-infection.

Un cycle parasitaire décalé

Les agneaux traités (lot 2) ont conservé un bon état général, sans diarrhée. Ils ont excrété moins d’oocystes et pris significativement plus de poids que dans le lot 1, sur la période de maladie (de J4-J7 et J7-J14).

Le traitement a totalement prévenu l’infection chez deux agneaux sur huit. Chez les six autres traités, l’excrétion d’oocystes a été retardée, réduite en intensité et non accompagnée de diarrhée. La multiplication plus tardive du parasite (à l’arrêt du traitement) n’a pas induit de baisse significative du GMQ entre J7 et J14 alors que ce phénomène était observé chez les agneaux non traités (lot 1) dès J4-J7 (voir la FIGURE « Gains moyens quotidiens »).

Ainsi de J7 à J14, malgré le développement parasitaire chez les agneaux traités (lot 2) et un début de reprise de la croissance chez les témoins (lot 1), le GMQ du lot 2 est resté significativement plus élevé que celui du lot 1.

Les gains de poids sur J1-J7, J1-J14 et J1-J21 montrent l’intérêt de l’halofuginone dans le contrôle de la cryptosporidiose.

En revanche, sur toute la période de J1 à J28, la différence n’est plus significative (en fait juste au-dessus de la limite de signification : p = 0,0598), sans doute à cause de la croissance compensatrice observée chez les agneaux du lot 1 de J21 à J28 (guérison). Ce phénomène, bien connu dans les coccidioses, ne suffit pas pour récupérer la perte de gain de poids enregistrée de J4 à J14.

Globalement, chez les agneaux, le traitement préventif à l’halofuginone pendant sept jours à 100 µg/kg/japermis, comme chez le veau et chez le chevreau, de retarder et de diminuer en amplitude et en durée le développement parasitaire. Le cycle parasitaire s’effectue, mais à un âge où l’animal est moins sensible, sans symptôme ni détérioration grave des performances zootechniques.

  • (1) Lors d’une étude de correspondance entre score d’excrétion d’oocystes et nombre d’oocystes par gramme de fèces, nous avons constaté qu’un score 1 correspond à la présence de 104 à 105 oocystes par gramme de matières fécales et un score de 4 à 5 x 106 à 107 oocystes/par gramme.

Bibliographie

  • 1 - Causapé AC, Sanchez-Acedo C, Quilez J. Efficacy of halofuginone lactate against natural Cryptosporidium parvum infections in lambs. Revista Iberica de Parasitologia. 1999 ; 59(1/2): 41-46.
  • 2 - Causapé AC, Quilez J, Sanchez-Acedo C. Prevalence and analysis of potential risk factors for Cryptosporidium parvum infection in lambs in Zaragoza (northeastern Spain). Vet Parasitol. 2002 ; 104(4): 287-298.
  • 3 - Munoz M, Alvarez M, Lanza I. Role of enteric pathogens in the aetiology of diarrhoea in lambs and goat kids in Spain. Epidemiol. Infect. 1996 ; 117 : 203-211.
  • 4 - Naciri M, Yvoré P. Efficacité du lactate d’halofuginone dans le traitement de la cryptosporidiose chez l’agneau. Rec. Méd. Vét. 1989 ; 165(10): 823-826.
Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr